R.G : 13/06206
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 27 mai 2013
RG : 11/06534
ch n°4
[L]
[T]
C/
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE-ALPES AUVERGNE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 29 Septembre 2015
APPELANTS :
M. [W] [L]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
Assisté de Me Pascale BERTHET, avocat au barreau de LYON
Mme [M] [T] épouse [L]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
Assistée de Me Pascale BERTHET, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE-ALPES AUVERGNE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Charles-henri BARRIQUAND, avocat au barreau de LYON
Assistée de la SCP BILLY BOISSIER BAUDON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
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Date de clôture de l'instruction : 22 Janvier 2015
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Septembre 2015
Date de mise à disposition : 29 Septembre 2015
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier
A l'audience, [N] [P] a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DE L'AFFAIRE
Par acte sous seing privé en date du 6 août 2007, le Crédit immobilier de France a consenti aux époux [L] le rachat global de leurs prêts d'un montant total de 194 025 euros dans le but de regrouper l'intégralité de leurs emprunts de nature immobilière et de consommation.
Le prêt a été consenti au taux contractuel variable de 5,05% sur 360 mois, avec des mensualités (assurance comprise), d'un montant de 1156,65 euros.
A la demande des époux [L], et notamment en raison de la mise en invalidité de Mme [L] après une période de longue maladie, les modalités du prêt ont été réaménagées dans un premier temps par avenant de novembre 2008, avec un taux d'intérêt nominal fixe de 5,30% l'indexe de référence Euribor porté à 12 mois au lieu de 3 mois et, dans un second temps, par un avenant en août 2009 avec diminution de la mensualité à 1.061,75 euros et allongement corrélatif du prêt.
Par acte d'huissier délivré le 20 mai 2011, M [W] [L] et Mme [M] [T] épouse [L] ont assigné le Crédit immobilier de France sur le fondement de l'article 1147 du code civile et des articles 312-7 et 312-8 du code de la consommation, en paiement des sommes de 48 058,93 euros et 430 054,67 euros, et en annulation du crédit, de 2012 jusqu'à son terme en 2042 compte tenu des manquements de l'organisme bancaire à son devoir de mise en garde lors du prêt initial en 2007, et à son devoir de mise en garde renforcé au moment de la souscription des deux avenants.
Par jugement en date du 27 mai 2013, le tribunal de grande instance de Lyon a débouté les époux [L] de l'ensemble de leurs demandes aux motifs que le prêt consenti n'apparaît pas excessif par rapport à leurs facultés contributives et que le banque a bien pris en compte leur situation en cours d'exécution du contrat, a débouté le Crédit immobilier de France de sa demande reconventionnelle, et a condamné les époux [L] aux entiers dépens.
Les époux [L] ont formé un appel total. Ils sollicitent la réformation du jugement, la nullité de la disposition du prêt concernant le taux effectif global d'intérêt comme étant erroné, le remplacement du taux conventionnel par le taux légal et la condamnation du Crédit immobilier de France à leur restituer les intérêts perçus indûment. Ils concluent que le taux d'intérêts fixé dépasse le seuil de l'usure du second trimestre 2007 et que les intérêts perçus au-delà doivent s'imputer sur les intérêts au taux légal échus. Subsidiairement, ils demandent la désignation d'un expert pour se prononcer sur le taux effectif global.
Ils concluent également à la condamnation du Crédit immobilier de France à leur payer la somme de 212 734,34 euros correspondant aux intérêts échus et à échoir et la somme de 201 833 euros à titre de dommages et intérêts financier au titre de dommages et intérêts pour manquement au devoir de mise en garde étant donné le caractère disproportionné du prêt.
Ils soutiennent que l'offre de prêt et les avenants ne contiennent pas les mentions exigées par la loi pour les prêts à taux variable, notamment la notice présentant les conditions et modalités de variation du taux et une simulation permettant de faire comprendre l'impact d'une modification du taux, que la banque n'a fourni aucun exemple chiffré si ce n'est un tableau d'amortissement avec un taux fixe, qu'elle ne leur a pas fait signer de nouvelles offres préalables conformes à ces dispositions, et que cette carence emporte perte du droit aux intérêts.
Ils mettent en avant le caractère erroné du taux effectif global, et demandent son remplacement par le taux légal en arguant qu'il s'agit d'une demande recevable car tendant aux mêmes fins que celles présentées en première instance et dont ils n'ont pu avoir connaissance que suite au rapport d'un expert en 2014. Ils contestent la prescription de l'action dès lors que le délai ne court qu'à compter de la découverte de l'erreur à l'égard de l'emprunteur non averti et non du jour de conclusion du contrat. Ils précisent que le taux global d'intérêts affiché au prêt n'intégrait pas la totalité des coûts relatifs à la couverture d'assurance décès invalidité alors qu'elle était obligatoire, ni les frais de recherche de capitaux et ne mentionne pas la durée de la période pour les taux afférents.
Ils se prévalent des dispositions de l'article L. 313-3 du code de la consommation qui définissent le prêt usuraire, dont le taux a été fixé pour le 2e trimestre 2007 à 6.53%, soit un taux inférieur au montant réel du prêt, évalué à 6,70%, ce qui entraîne la restitution des sommes perçues indûment par le créancier.
Ils allèguent une faute de la banque pour non-respect de son devoir de mise en garde au regard du caractère disproportionné du crédit. Ils estiment, en effet, que leur taux d'endettement était, une fois le prêt accordé, de 80% en moyenne soit un taux largement supérieur à celui autorisé par les usages bancaires, que les allocations familiales qu'ils percevaient ne devaient pas être incluses dans le calcul de leurs capacités contributives, que la banque s'est basée sur une garantie plutôt que sur leurs revenus et leur situation future prévisible après mise à la retraite, et que le choix d'un taux variable était inadapté à leur situation.
Ils se qualifient d'emprunteurs profanes et non avertis, et indiquent que la banque ne rapporte pas la preuve contraire comme il lui incombe, qu'ils avaient emprunté les fonds pour acquérir leur résidence et qu'ils n'étaient pas en mesure d'évaluer le coût d'un prêt à taux variable alors qu'ils étaient dans une situation de surendettement caractérisé, de sorte que la banque était tenue à leur égard d'un devoir de mise en garde. Ils considèrent qu'ils n'ont pas été alertés de l'existence de l'endettement né de l'octroi du prêt ni informés des conséquences de la souscription du prêt litigieux.
Selon eux, la faute alléguée est à l'origine de leur incapacité à poursuivre les remboursements car ils auraient pu éviter de conclure le contrat litigieux dans ces conditions, et d'un préjudice constitué par le montant des intérêts échus et à venir du concours consenti, soit la somme de 212 734,34 euros, le montant de la trésorerie supplémentaire de 15 000 euros, et le montant du principal restant à rembourser, soit 186 833,20 euros.
La société Crédit immobilier de France, intimée, demande la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et sollicite, que la demande de contestation du TEG et du taux usuraire soit déclarée irrecevable ou prescrite. Subsidiairement, elle conclut au caractère infondé des allégations portées à son encontre, au débouté des époux [L] de toutes leurs demandes, fins et conclusion et à leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle estime que l'argumentation relative à l'absence de simulation permettant de comprendre l'impact de la modification du taux d'intérêt est d'une part, nouvelle en cause d'appel et doit donc être rejetée, et d'autre part, fondée sur de dispositions de la loi du 3 janvier 2008 postérieure à la régularisation du prêt, tandis que les avenants régularisés en 2008 et 2009 répondent à ces exigences. Selon elle, il ressort de l'offre de prêt et de sa réitération par acte authentique que les époux [L] ont été parfaitement informés des modalités de révision du taux contractuel, aucune disposition légale n'imposant de régulariser à chaque révision du taux d'intérêts une nouvelle offre préalable, et le tableau d'amortissement ne pouvait être calculé que sur le taux nominal initial car les taux d'intérêts révisés n'étaient pas connus.
Concernant le taux effectif global, elle soutient que les demandes sont nouvelles en appel et, en tout état de cause, prescrites puisqu'elles n'ont pas été exercées dans les 5 ans à compter de l'acte litigieux alors que l'examen de sa teneur permettait de constater que les coûts de recherche des capitaux n'avaient pas été intégrés puisque le prêt reprend le détail de l'ensemble des coûts de l'emprunt.
Subsidiairement, elle expose que les coûts des assurances obligatoires ont bien été intégrés à hauteur de 0,45% tandis que le coût de l'assurance l'assurance portant sur le capital n'a pas été intégré puisqu'elle n'était pas obligatoire et que la Cour de cassation considère que le TEG n'a pas à intégrer le coût de cette assurance facultative. Elle précise qu' en ajoutant les frais de recherche de capitaux, le taux effectif global s'élevait à 6,376% et donc était inférieur au taux de l'usure.
Elle écarte toute faute de sa part sur le fondement des articles L 312-7 et L 312-8 du code de la consommation ainsi que sur le fondement de l'article 1147 du code civil. Elle rappelle qu'elle n'est tenue d'une obligation de mise en garde qu'à l'égard des emprunteurs non avertis lorsque le crédit consenti risque d'entraîner un endettement excessif au regard de leurs capacités financières et qu'en l'espèce, la situation des époux [L] était déjà totalement obérée lors de la souscription du prêt, que celui-ci, ainsi que les deux avenants, avaient pour objet de réduire leur endettement, les faire bénéficier de taux plus avantageux, et leur permettre de conserver leur résidence principale, et qu'elle a pu vérifier leurs capacités financières par la communication de nombreuses pièces et donc fixer des échéances de prêt en adéquation avec leurs revenus au moment de l'octroi du prêt. Elle ajoute que les époux [L] ne peuvent se prévaloir de la qualité d'emprunteur non averti puisqu'ils étaient rompus à la conclusions de prêts immobiliers et contrats à la consommation pour en avoir souscrit plusieurs.
Elle constate, enfin, qu'ils ne rapportent pas la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité et qu'ils sollicitent des sommes correspondants aux sommes empruntées alors qu'elles sont sans rapport avec l'obligation de mise en garde qui n'aurait pas été respectée.
MOTIFS
Attendu que dans leurs dernières conclusions devant le tribunal M et Mme [L] ont invoqué le manquement du prêteur à son devoir de mise en garde contre le risque de surendettement et ont sollicité, à titre de réparation, l'annulation du prêt à titre principal, la déchéance des intérêts à titre subsidiaire ; qu'ils n'ont pas invoqué un manquement du Crédit Immobilier aux obligations fixées par l'article L312-8 du code de la consommation pour n'avoir pas annexé à l'offre de prêt une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit ; que la demande nouvelle qu'il présente à ce titre à hauteur d'appel est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il en va de même des demandes nouvelles relatives au caractère erroné du taux effectif global et à l'existence d'un taux insulaire ; qu'en ce qui concerne le taux effectif global, M et Mme [L] ne peuvent se prévaloir de la révélation d'un fait constitué par un rapport établi à leur demande par un expert le 6 mars 2014 ; qu'en effet, l'examen de la teneur de l'offre de prêt leur permettait de constater l'erreur qu'ils invoquent, puisque l'offre comportait le détail de l'ensemble des coûts de l'emprunt intégrés au TEG, et indiquait que le coût de la recherche des capitaux n'avait pas été intégré dans le calcul du TEG ;
Attendu que l'établissement de crédit est tenu à l'égard des emprunteurs non avertis d'un devoir de mise en garde en cas de risque d'endettement ;
Attendu que si M et Mme [L] avaient précédemment souscrit divers emprunts, ils n'en avaient pas pour autant acquis la qualité d'emprunteur averti ;
Attendu que le prêt accordé le18 août 2013 avait pour but de réduite leur endettement dès lors les échéances des onze prêts qu'ils avaient contractés entraînaient un taux d'endettement de 99.39%,puisqu'elles s'élevaient à 2922,19 euros ; que le prêt accordé par le Crédit Immobiliers permettait également aux emprunteurs de conserver leur résidence principale ; que comte tenu du nouveau prêt, les mensualités fixées à 1150,23 euros ne représentaient plus qu'un taux d'endettement de 39%, qui ne pouvait paraître excessif compte tenu de leur situation d'endettement antérieure, leurs ressources et charges leur permettant de faire face aux mensualités, puisqu'ils disposaient d'un revenu mensuel de 1764 euros pour M [L], de 1180 euros pour Mme [L], outre des allocations familiales de 409,08 mois ; que le premier avenant du 15 décembre 2008 avait pour but de réduire le taux d'intérêt de 6.80% à 5.30% et de substituer le taux Euribor de trois mois à celui de douze mois, ce qui entraînait une diminution du montant des échéances ; que le second avenant d'août 2009, justifié par la mise en invalidité de Mme [L], correspondant au souhait des emprunteurs d'opter pour un taux fixe et de réduite les échéances mensuelles ; que si les avenants ont nécessairement entraîné un allongement du crédit, ils ont permis de prendre en compte la situation de M et Mme [L], par une réduction des échéances ; que si en 2009, leurs revenus ont diminué du fait de l'incapacité de Mme [L], les échéances ont été prises en charge à concurrence de 50% par l'assurance CNP ; que le crédit Immobilier souligne avec pertinence que M et Mme [L] ont toujours pu honorer le prêt et qu'ils sont à jour de leurs échéances qui ne s'élèvent plus qu'à 530,88 euros ; qu'ils n'ont donc subi aucun préjudice du fait de l'octroi du prêt et de ses avenants, qui leur ont permis de sauvegarder leur résidence principale ; qu'ils ne sont pas fondés à reprocher au Crédit Immobilier un manquement à son obligation de mise en garde ;
Attendu que M et Mme [L] qui succombent doivent supporter les dépens et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables les demandes nouvelles de M et Mme [L] relatives à la déchéance des intérêts, à l'irrégularité du taux effectif global et à l'existence d'un taux usuraire,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne M et Mme [L] à payer à la société Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de M et Mme [L] présentée sur ce fondement,
Condamne M et Mme [L] aux dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT