R.G : 13/03724
décision du
Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE
Au fond
du 11 février 2013
RG : 11/02438
ch n°
S.A.R.L. BUGEY COMBUSTIBLES
C/
[Z]
[Z]
[Z]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 13 Octobre 2015
APPELANTE :
S.A.R.L. BUGEY COMBUSTIBLES représentée par son gérant
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON
Assistée de la SELARL SOREL - HUET, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
M. [F] [Z]
né le [Date naissance 2] 1958 à[Localité 1]
Hôtel du centre,
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Sylvain BRILLAULT, avocat au barreau de LYON
Melle [U] [Z]
née le [Date naissance 1] 1987 à[Localité 1]
Hôtel [Établissement 1],
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Sylvain BRILLAULT, avocat au barreau de LYON
M. [Q] [Z]
né le [Date naissance 3] 1991 à[Localité 1]
[Adresse 2]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Sylvain BRILLAULT, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 22 Janvier 2015
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Septembre 2015
Date de mise à disposition : 13 Octobre 2015
Audience tenue par Marie-Pierre GUIGUE, conseiller et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier
A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Jean-Jacques BAIZET, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DE L'AFFAIRE
Par arrêt mixte du 29 octobre 2013, la présente cour a réformé le jugement déféré et statuant de nouveau a ':
- Constaté que le bail du 1er mars 1993 entre M. [F] [Z] et la société Bugey combustibles est régulier,
- Dit que les 3 cuves enterrées qui se trouvaient sur le site loué au jour de la prise de possession des lieux par la société Bugey combustibles sont la propriété des consorts [Z],
- Débouté les consorts [Z] de leur demande tendant à enjoindre à la société Bugey combustibles d'avoir à enlever ces cuves,
- Débouté la société Bugey combustibles de sa demande en paiement des travaux de mise aux normes réalisés sur les cuves,
- Débouté la société Bugey Combustibles de sa demande en paiement des conséquences du sinistre du 9'novembre 2009,
- Prononcé la résiliation du bail aux torts du bailleur, pour défaut d'entretien de la chose louée et en particulier de mise aux normes des cuves et du site lui appartenant,
- Dit que les consorts [Z] sont tenus d'une indemnité d'éviction au profit de la société Bugey Combustibles,
Avant dire droit sur son montant,
- Ordonné une expertise,
- Désigné en qualité d'expert M. [N] [D], [Adresse 3],
avec mission de :
-se faire communiquer par les parties ou les tiers susceptibles de les détenir, toutes les pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
- chiffrer l'indemnité d'éviction due par les consorts [Z] à la société Bugey combustibles, conformément aux principes de l'article L 145-14 du code de commerce, qui comprendra notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre,
(...)
- Dit que la dépollution du site incombe à la société Bugey combustibles,
- Dit que cette société sera redevable d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer mensuel payé jusqu'à justification aux consorts [Z] de l'accomplissement à l'égard de l'administration des obligations lui incombant à ce titre,
- Débouté les consorts [Z] de leur demande d'astreinte et de désignation d'un expert avec mission de bonne fin,
- Débouté les consorts [Z] de leur demande de dommages et intérêts,
- Débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Réservé les dépens.
L'expert à adressé son rapport le 23 juillet 2014 aux termes duquel il a conclu que l'indemnité d'éviction se limitait à la perte sur immobilisation déduction faite de l'incidence fiscale, soit 130 000 € .
Au vu de ce rapport, la société Bugey Combustibes demande à la cour :
- de condamner les consorts [Z] à lui payer la somme de 473 993, 41 € au titre de l'indemnité d'éviction, outre la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise pour un montant de 2 653, 90 € TTC.
Elle soutient :
- qu'en ce qui concerne la perte sur immobilisation, il n'y a pas lieu, lors de la détermination d'un préjudice, de tenir compte de l'incidence fiscale,
- que son préjudice est donc bien de 151 806, 41 €,
- qu'en ce qui concerne les frais de réinstallation, il appartient au bailleur de régler des frais d'aménagement d'un nouveau site,
- qu'elle a supporté des surcoûts d'exploitation : location d'une cuve provisoire en 2009 pour un montant de 12 617 € et frais de transports supplémentaires à hauteur de 78 800 € .
Les consorts [Z] demandent à la cour :
- de débouter la société Bugey Combustibles de l'ensemble de ses demandes,
subsidiairement,
- de dire et juger que cette indemnité ne saurait dépasser une somme de 25 800 € au regard de l'amortissement des travaux de rénovation des cuves,
En tout état de cause,
- de débouter la société Bugey Combustibles de ses plus amples demandes visant notamment à se faire allouer une indemnité au titre de frais de réinstallation, de location de cuves provisoires ou de surcoût de transport,
- de condamner la société Bugey combustibles à leur payer au titre des frais irrépétibles devant la Cour une somme de 20.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel et pour les seconds dont distraction au profit de Maître Sylvain Brillaut sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils soutiennent :
- que l'indemnité d'éviction de la société Bugey Combustibles ne pourrait se concevoir que dans le cadre du transfert de son activité,
- que l'indemnisation sollicitée à hauteur de 151 806,41 € ou 129 000 € se heurte à l'autorité de la chose jugée, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 29/10/2013 ayant rejeté toute indemnité au titre des travaux de remise aux normes des cuves,
- que cette indemnité ne saurait dépasser une somme de 25 800 € au regard de l'amortissement des travaux de rénovation des cuves,
- que la société Bugey Combustibles n'a pas choisi de se fournir auprès de son fournisseur et associé dans l'attente d'une autre solution mais bien parce que ce choix était économiquement judicieux pour elle.
MOTIFS
Aux termes de l''article L145-14 du code de commerce :
« [l'indemnité d'éviction] comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. ».
En l'espèce, les locaux loués à usage de simple dépôt de carburant ne constituaient pas le siège de la société Bugey Combustibles.
La clientèle ayant été conservée, c'est à juste titre que l'expert a retenu une évaluation du préjudice sur la base d'un transfert d'activité.
Sur la perte sur immobilisation
La cour a rejeté la demande de la société Bugey Combustibes aux fins de remboursement de frais engagés sur des immobilisations appartenant au bailleur sans l'autorisation de ce dernier, ni autorisation judiciaire.
La société Bugey Combustibes sollicite à ce stade de l'instance, une indemnité d'éviction.
Cette demande d'indemnité d'éviction n'a pas le même objet que celle qui a déjà été jugée.
En conséquence, la demande est recevable.
La société Bugey Combustibles a pris en charge des dépenses de mise aux normes qui incombaient au propriétaire bailleur des lieux.
Ces frais ont été engagés peu de temps avant la cessation de l'exploitation des lieux.
Il convient donc de prendre en compte cette perte, pour le montant réellement déboursé, soit 151 806,41 €, l'incidence fiscale ou l'amortissement comptable n'ayant pas à être pris en compte au bénéfice des consorts [Z] responsables du préjudice subi.
Sur les frais de réinstallation
L'expert écarte toute demande à ce titre en indiquant :
« Certains aménagements sont par nature intransférables. Ils doivent donc être laissés sur place, obligeant ainsi le preneur à réengager, dans des locaux de remplacement, des frais de reconstitution de ces aménagements.
La société Bugey Combustibles a transmis un devis établi par la Sarl Société Installation Maintenance Industrielle et Pétrolière en date du 10 février 2014 et portant sur la réalisation d'un dépôt pétrolier deuxième catégorie. Ce document fait état d'un montant de 230 770 € hors taxes.
Le preneur peut obtenir le remboursement des frais d'aménagement du nouveau site, à condition selon la Jurisprudence qu'ils soient normaux, c'est-à-dire pour des conditions d'exploitation identiques ( voir en ce sens Cour de Cassation troisième chambre civile 6 novembre 1969, JCP 1969-4-296).
La société Bugey Combustibles n'étant pas propriétaire des cuves, il n'est pas possible de l'indemniser d'installations ne lui appartenant pas.»
Il convient de constater que la société Bugey Combustibles suite à la perte des installations de stockages louées auprès des consorts [Z] ne s'est pas réinstallée dans des locaux équivalents à proximité.
La société Bugey Combustibles poursuit son activité sans disposer d'unité de stockage de proximité.
Désormais, ses chauffeurs-livreurs se rendent à [Localité 5] pour remplir les citernes de leurs camions.
Selon l'expert ce changement d'organisation n'a généré aucune perte de clientèle.
En conséquence, il convient de rejeter la demande au titre des frais de réinstallation.
Surcoûts supportés
1 - location d'une cuve de stockage en 2009
Il est justifié que la société Bugey Combustibles a loué provisoirement une cuve pour un montant de 12 617 € HT ainsi que cela a été vérifié par l'expert dans les comptes 2009.
Cette dépense destinée à faire face provisoirement à l'impossibilité d'exploiter le site des consorts [Z] doit être prise en compte.
2 - surcoût lié au changement de mode d'exploitation
L'absence d'aire de stockage de proximité génère un risque logistique.
En effet, les stocks sur place représentaient 20 jours de livraison ce qui assurait une certaine sécurité en termes d'approvisionnement.
Ils permettaient également une plus grande souplesse pour la livraison des petits clients.
Les chauffeurs sont désormais contraints de se rendre à [Localité 5] pour charger leur citerne, ce qui représente un surcoût en carburant mais également en ressources humaines.
Cependant, il convient de déduire l'économie résultant de la disparition des frais de livraison des produits stockés dans les cuves à [Localité 4], lesquels frais de livraison se compensent partiellement avec les frais de transport générés par le changement de mode d'exploitation.
Au vu des éléments produits, notamment du nombre de voyages effectués par les chauffeurs-livreurs, le surcoût lié au changement de mode d'exploitation doit être évalué à 10 000 € .
Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande de ne pas faire droit aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens
La partie perdante, en l'occurrence, les consorts [Z] condamnés à indemniser leur locataire, seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel,
PAR CES MOTIFS
- La cour,
Vu l'arrêt du 29 octobre 2013,
- Condamne solidairement M. [F] [Z], Mme [U] [Z] et M. [Q] [Z] à payer à la société Bugey Combustibles la somme de 174 423,41 € en réparation de son éviction des locaux donnés à bail le 1er mars 1993,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne solidairement M. [F] [Z], Mme [U] [Z] et M. [Q] [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprennent les frais de l'expertise.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT