R.G : 15/02297
Décision du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône
Au fond du 05 février 2015
RG : 14/01043
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 22 octobre 2015
APPELANTES :
SCEA DOMAINE DU PENLOIS
[Adresse 7]
[Adresse 2]
[Adresse 5]
représentée par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de Lyon
assistée de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de Villefranche-sur-Saône
CUMA ORIGINEL
[Adresse 9]
[Adresse 6]
représentée par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de Lyon
assistée de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de Villefranche-sur-Saône
INTIMEES :
SAS BERTHOUD AGRICOLE
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Adresse 3]
représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de Lyon
assistée de la SCP DBG, avocat au barreau de Paris
SARL GIRARD LECLERC
[Adresse 8]
[Adresse 4]
représentée par Maître Laurence CELERIEN, avocat au barreau de Lyon
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Date de clôture de l'instruction : 25 juin 2015
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 juin 2015
Date de mise à disposition : 22 octobre 2015
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Michel GAGET, président
- François MARTIN, conseiller
- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône en date du 05 février 2015 qui annule le rapport d'expertise déposé par l'expert [G] [J] en date du 28 mai 2014 et qui déboute la Cuma originel et la SCEA Domaine du Penlois de l'ensemble de ses prétentions à l'égard sur la SAS Berthoud Agricole ;
Vu la déclaration d'appel formée le 12 mars 2015 par l'EARL Domaine du Penlois-Bessson père et fils et la Cuma originel ;
Vu les conclusions n°4 en date du 23 juin 2015 de la SCEA Domaine du Penlois et de la Cuma originel qui soutiennent la réformation du jugement entrepris et qui, en appel, réclament ceci :
1/ l'homologation du rapport de l'expert [J] ;
2/ la déclaration que la société Girard Leclerc et la société Berthoud Agricole sont responsables des désordres rencontrés sur le pulvérisateur fourni par la société Berthoud et vendu par la société Girard Leclerc ;
2°/ la résolution de la vente passé entre de société Girard Leclerc et la Cuma originel ;
3/ le remboursement par la société Girard Leclerc du prix de vente soit la somme de 43 654 € à la Cuma originel ;
4/ le paiement solidaire par la société Girard Leclerc et la société Berthoud Agricole à la SCEA Domaine du Penlois Besson père et fils des sommes de :
a/ réparation de la pompe hydraulique de la prise de force du tracteur = 4 265,40€
b/ préjudices 2012 et 2013 = 32 032,00 €
c/ provision sur le préjudice 2014 = 7 500,00 €
d/ intervention de la société MTF = 3 620,65 € HT
5/ le remboursement des frais d'expertise ;
Vu les mêmes conclusions, dans lesquelles il est sollicité, à titre subsidiaire, un complément d'expertise ;
Vu les conclusions en date du 23 juin 2015 de la société Berthoud Agricole qui fait valoir la confirmation de la décision attaquée en ce qu'elle annule le rapport d'expertise, et en ce qu'elle déboute la Cuma originel et L'EARL Domaine du Penlois,
Réclamant en outre 5 000 € pour procédure abusive et 15 000 € en vertu de l'art 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 27 avril 2015 de la SARL Girard Leclerc qui soutient la confirmation de la décision attaquée en ce qu'elle déclare nul le rapport d'expertise, l'irrecevabilité de la demande en complément d'expertise considérée comme une demande nouvelle en appel ; et qui, à titre subsidiaire, fait valoir que l'action de la Cuma originel fondée sur l'action en garantie des vices cachés est prescrite, donc irrecevable alors qu'au fond les conditions en l'action ne sont pas remplies, d'autant que la SCEA Domaine du Penlois a engagé sa responsabilité en tant qu'utilisateur du matériel et du mauvais fonctionnement de la pompe du tracteur sur lequel le pulvérisateur a été installé ;
Vu l'ordonnance de clôture du 25 juin 2015 ;
DÉCISION
1/ Il ressort des productions en appel que la Cuma originel qui a pour objet la location et la location bail de machines et d'équipements agricole a fait l'acquisition, selon un bon de commande du 25 février 2010 d'un pulvérisateur fourni et installé par la société Girard Leclerc qui a aussi acheté la pompe hydraulique des pulvérisateurs et qui l'a assemblé pour l'installer sur le tracteur enjambeur de la SCEA Domaine du Penlois Besson père et fils.
2/ Il est certain que ce matériel a été mis à disposition de la Cuma au printemps 2010 et que la SCEA l'a utilisé immédiatement.
3/ Dès les premières utilisations de ce matériel, la SCEA n'a pas été satisfaite de celui-ci, en se plaignant dès le printemps 2010 et au cours de l'été 2010, notamment en août 2010 d'un défaut de puissance, perturbant l'utilisation normale, selon elle, de cet engin, notamment par temps chaud, en été.
4/ Il ressort, de manière incontestable des éléments de fait allégués par les deux sociétés appelantes que dès les premières utilisations, l'engin a perdu de la puissance en pulvérisation.
5/ Contrairement à ce que soutiennent la Cuma originel et la SCEA, les défectuosités et les vices dont elles se plaignent sont bien apparus au plus tard en août 2010 et non au jour du dépôt du rapport d'expertise de l'expert [J] qui en a recherché les causes.
6/ En appel, la SCEA Domaine du Penlois et la Cuma originel sollicitent, dans leurs conclusions, les dernières en date, celles des 23 juin 2015, la résolution de la vente passée entre la société Girard Leclerc et la Cuma originel aux motifs que les sociétés Girard Leclerc et Berthoud Agricole sont responsables des désordres rencontrés sur le pulvérisateur fourni par la société Berthoud Agricole et vendu par la société Girard Leclerc, matériel qui a été mis à la disposition de la SCEA Domaine du Penlois, et que la société Girard Leclerc doit donc rembourser le prix de vente et supporter avec la société Berthoud Agricole le coût des préjudices de la SCEA Domaine du Penlois Besson père et fils.
7/ Cette demande de résolution de la vente, suggérée en l'espèce par l'expert [J], en page 29 de son rapport a été faite par une assignation initiale du 22 septembre 2014, ne peut s'analyser comme le fait la SARL Girard Leclerc qu'en une prétention fondée sur l'existence d'un vice caché, et sur l'application de l'article 1641 du code civil puisque la Cuma originel sollicite le remboursement du prix payé.
8/ Et cette demande se trouve bien prescrite, en l'espèce, par ce que la découverte du vice et des désordres a en lieu en août 2010, comme en témoignent les termes de l'assignation en référé de délivrée le 21 septembre 2012, soit après l'expiration du délai des deux ans de l'article 1648 du code civil.
9/ En conséquence la résolution de la vente pour vices cachés et ses conséquences sont atteintes par la prescription. Et la Cuma originel est privée du droit d'agir en justice pour réclamer .
10/ Au surplus, les opérations de l'expert [J] dont le rapport a été, à juste titre annulé, par le premier juge qui a exactement constaté les imperfections graves du travail de l'expert qui ne répond pas aux questions posées par le juge, qui ne procède pas contradictoirement à l'égard de toutes les parties mises en cause devant lui, qui confie à un sapiteur une mission de vérification faite en dehors de tout contradictoire et qui ne retient les constations et observations faites par ce sapiteur pour proposer une solution technique.
11/ Et il est certain qu'en état des éléments du dossier la preuve d'aucun vice caché imputable au vendeur du pulvérisateur et à son fabriquant n'est rapportée : le pulvérisateur fonctionne et se trouve conforme à sa détermination, l'expert dont le rapport est annulé ayant lui même constaté que le fonctionnement normal du pulvérisateur était perturbé par deux facteurs qui lui sont extérieurs, à savoir une baisse de débit de 15 % de la pompe à huile du tracteur et un diamètre des tuyaux de retour d'huile du pulvérisateur beaucoup trop petit.
12/ Dans la mesure où les conclusions du 23 juin 2015 visent aussi l'art 1382 du code civil, il doit être envisagé si la SCEA Domaine du Penlois peut solliciter réparation des préjudices dont elle est plaint et qui seraient en rapport avec une faute civile commise par la société Berthoud Agricole qui a fabriqué le pulvérisateur ou par la société Girard Leclerc qui l'a vendu et qui l'a installé sur le tracteur et adapté sur le tracteur de la SCEA Domaine du Penlois.
13/ Dans la mesure où les opérations d'expertise faites par l'expert [J] ne peuvent être retenues par la Cour puisque l'expert a gravement manqué aux obligations essentielles qui doivent présider à une expertise judiciaire, il est, en l'état , impossible, d'établir une faute imputable à la SARL Girard Leclerc dans la réalisation des travaux qu'elle a exécutés en adaptant le pulvérisateur sur le tracteur.
14/ S'il est soutenu par les deux appelantes que l'expert impute à la SARL Girad Leclerc une installation qui n'est pas faite dans les règles de l'art, aucune constatation sérieuse faite contradictoirement au cours d'une vérification effective et loyale, n'existe dans le corps du rapport et dans les conclusions de l'expert.
15/ Et ce d'autant plus que l'expert a commis en opérant son travail d'expertise judiciaire des irrégularités et des manquements graves faisant grief aux sociétés Girard Leclerc et Berthoud qui n'ont pas été mises à même de pouvoir défendre loyalement et de manière contradictoire devant l'expert [J] leur argumentation.
16/ En effet la décision du premier juge qui a prononcé la nullité du rapport d'expertise doit être confirmée par ce que les motifs qu'il retient sont exacts et justes : il n'a pas répondu aux questions posées par la mission ; il s'est fondé sur des constatations non contradictoires faites par un sapiteur qu'il a lui même choisi, sans l'accord du juge et sans l'accord express des parties ; il a eu une attitude au cours de l'expertise qui permet de douter de son impartialité.
17/ Toutes ces raisons qui sont des irrégularités de forme graves, portent atteinte aux droits des sociétés mises en cause et leur font nécessairement grief de sorte que l'expertise judiciaire ne peut qu'être privée d'effet en ce qu'elle porte sur l'existence d'un vice ou d'une faute, et sur la recherche des causes qui en seraient à l'origine.
18/ L'expertise judiciaire devant être écarté des débats, et les deux sociétés appelantes n'apportant pas au débat judiciaire d'autres éléments de preuve, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire de complément d'expertise qui ne peut qu'être rejetée comme mal fondée.
19/ En conséquence la confirmation de la décision attaquée s'impose en toutes ses dispositions.
20/L'appel des sociétés Cuma originel et SCEA Domaine du Penlois n'a pas les caractères d'un recours, abusif et n'a pas généré de réel préjudice outre que celui de se défendre devant la cour .
21/ L'expert commande d'allouer à chacune des intimés la somme de 5 000 € à chacune, et en appel à payer par la Cuma originel et la SCEA solidairement.
22/ Ces deux dernières supportent la charge des dépens d'appel
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- confirme la décision du 05 février 2015 en ce qu'elle annule le rapport de l'expert [J] dont les irrégularités font grief aux sociétés Girard Leclerc et Berthoud agricole ;
- confirme la décision la décision du 05 février 2015 en ce qu'elle condamne la Cuma originel et la SCEA au paiement d'une somme en vertu de l'art 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
- confirme la décision du 05 février 2015 en ce qu'elle déboute de la demande de dommages intérêts pour abus ;
- Réformant pour le surplus ;
- déclare la Cuma originel préscrite en son action en résolution fondée sur l'article 1648 du code civil, à l'encontre de la SARL Girard Leclerc ;
- déboute la Cuma originel et la SCEA Domaine du Penlois de leur demande de complément d'expertise et de toutes leurs prétentions à l'égard de la société Berthoud Agricole et à l'égard de la SARL Girard Leclerc contre lesquelles il n'est pas prouvé l'existence d'une faute à l'origine des préjudices dont la SCEA se plaint et qui auraient un lieu ce causalité certain avec une faute, ou vice quelconque de l'engin acquis et utilisé ;
- dit que l'appel n'a pas de caractère abusif ;
- condamne la Cuma originel et la SCEA Domaine du Penlois à verser solidairement la somme de 5 000 € à chacune des sociétés intimées, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne solidairement les intimés aux dépens d'appel ;
- autorise les mandataires des parties qui en ont fait la demande à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET