AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 14/08826
SYNDICAT SUD SOLIDAIRES PREVENTION ET SECURITE
C/
[P]
société BSL SECURITE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 29 Octobre 2014
RG : R 14/00887
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2015
APPELANTE :
SYNDICAT SUD SOLIDAIRES PREVENTION ET SECURITE
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par M. [A] [A] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMÉS :
[H] [P]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 2] (ALGERIE)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par M. [A] [A] (Délégué syndical ouvrier)
société BSL SECURITE
Mme [N] [Y], juriste
[Adresse 3]
[Adresse 4]
[Localité 4]
comparante en personne, assistée de Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Septembre 2015
Présidée par Vincent NICOLAS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Michel BUSSIERE, président
- Agnès THAUNAT, conseiller
- Vincent NICOLAS, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Novembre 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel BUSSIERE, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
[H] [P] a été engagé par la société SFIP le 4 décembre 2007 en qualité d'agent de sécurité.
Son contrat de travail a été transféré à la société BSL SECURITE à compter du 1er décembre 2013.
Par lettre du 13 février 2014, la société BSL SECURITE l'a convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, entretien fixé au 24 février 2014.
Par lettre du 23 février 2014 le syndicat SUD SOLIDAIRES PREVENTION ET SECURITE, (le syndicat SUD) l'a désigné représentant de section syndicale au sein de l'agence de la société BSL SECURITE.
Par lettre du 3 mars 2014, la société BSL SECURITE a notifié à [H] [P] un rappel à l'ordre.
Par lettre du 20 mars suivant, le même syndicat a annulé la désignation du 23 février et a désigné [H] [P] représentant de section syndicale au sein de l'unité économique et sociale formée par les sociétés BSL PARIS et BSL ENTREPRISE PRIVEE DE GARDIENNAGE ET DE SECURITE.
Les 10 mars et 17 avril 2014, ces dernières ont saisi le tribunal de Marseille aux fins d'annulation de ces deux désignations.
Par lettre du 14 juin 2014, la société BSL SECURITE a notifié à [H] [P] une mise à pied conservatoire.
Par lettre du 16 juin suivant, elle l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien fixé initialement au 27 juin 2014, puis reporté au 9 juillet 2014.
Par jugement du 3 juillet 2014, notifié à [H] [P] le 7 juillet suivant, le tribunal d'instance de Marseille a annulé les désignations des 23 février et 20 mars 2014.
Par lettre du 7 juillet 2014, le syndicat SUD a désigné à nouveau [H] [P] en qualité de représentant de section syndicale au sein de l'unité économique et sociale formée par les sociétés BSL PARIS et BSL ENTREPRISE PRIVEE DE GARDIENNAGE ET DE SECURITE.
Par lettre du 15 juillet 2014, la société BSL SECURITE l'a licencié pour faute grave.
Sur contestation de cette dernière et de la société BSL PARIS formée le 21 juillet 2014, cette désignation a été annulée par un jugement du tribunal d'instance de Marseille en date du 12 novembre 2014.
Le 3 septembre suivant, [H] [P] a saisi la formation des référés du conseil de prud'homme de Lyon en lui demandant d'ordonner sous astreinte sa réintégration dans la société BSL SECURITE, de condamner cette dernière à lui payer la totalité des salaires non perçus entre son éviction le 15 juillet 2014 jusqu'à sa réintégration effective, de la condamner aussi à lui payer un rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire, outre une provision à valoir sur sa créance de salaire et sur l'indemnisation de son préjudice lié à la violation de son statut protecteur.
Le syndicat SUD est intervenu volontairement à cette instance et a sollicité la condamnation de la société BSL SECURITE au paiement d'une provision à valoir sur des dommages-intérêts.
Par ordonnance du 29 octobre 2014, la formation des référés a :
- dit qu'il ne peut être fait droit à la demande de réintégration de [H] [P], celui-ci n'étant pas salarié protégé ;
- débouté [H] [P] de toutes ses demandes ;
- débouté le syndicat SUD de ses demandes ;
- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration envoyée au greffe le 10 novembre 2014, le syndicat SUD a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 3 novembre 2014.
Vu les conclusions écrites du syndicat SUD et de [H] [P] remises au greffe le 21 septembre 2014 et reprises oralement à l'audience, par lesquelles ils demandent à la cour de :
- déclarer recevable l'appel principal du syndicat SUD ;
- déclarer recevable l'appel incident de [H] [P] ;
- prononcer l'annulation de l'ordonnance de référé du 29 octobre 2014 ;
- en tout état de cause, infirmer cette ordonnance ;
- ordonner la réintégration de [H] [P] dans ses fonctions d'agent de sécurité au sein de la société BSL SECURITE, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 3.000 € par jour de retard ;
- condamner la société BSL SECURITE à lui verser :
* la totalité des salaires non perçus depuis le 14 juin 2014, jusqu'à sa réintégration effective dans l'entreprise, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 € par jour de retard ;
* 1.462,15 € bruts à titre de rappel de salaire afférent à la période de mise à pied ;
- condamner la société BSL SECURITE à payer au syndicat SUD la somme de 3.000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession représentée par ce syndicat ;
- dire que la cour se réservera la liquidation des astreintes prononcées ;
- faire produire aux créances salariales des intérêts au taux légal à compter de la notification à la société BSL SECURITE de sa convocation devant la formation des référés, ;
- condamner cette dernière à payer au syndicat SUD la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à [H] [P] celle de 500 € sur le fondement du même article.
Vu les conclusions écrites de la société BSL SECURITE remises au greffe le 21 septembre 2015 et reprises oralement à l'audience, par lesquelles elle demande à la cour de confirmer l'ordonnance de référé, subsidiairement, de débouter [H] [P] et le syndicat SUD de leurs demandes, en tout état de cause de condamner [H] [P] à lui payer 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour de plus amples relations des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, visées par le greffier, oralement reprises.
SUR QUOI, LA COUR :
Sur la demande d'annulation de l'ordonnance de référé :
Attendu que pour en justifier, le syndicat SUD et [H] [P] soutiennent que :
- la formation de référé a statué sans mentionner les moyens par lesquels ils revendiquaient l'application du statut protecteur, et sans viser leurs conclusions ;
- elle a manqué à son obligation de motiver sa décision, ou à tout le moins, s'est contentée d'une apparence de motivation en se bornant à reprendre l'argumentation de la société BSL SECURITE, sans prendre en considération leur propre argumentation ;
Attendu en effet que la décision du 29 octobre 2014 se contente d'exposer les prétentions des parties, à l'exclusion de leurs moyens ; que les énonciations de cette décision ne permettent pas, même implicitement, de connaître le contenu de ces moyens ; qu'il en résulte que cette ordonnance doit être annulée, en application des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Sur les demandes de [H] [P] et du syndicat SUD :
Attendu qu'ils soutiennent, à l'appui de leurs prétentions, que :
- la désignation de [H] [P] en qualité de représentant de section syndicale, faite par lettre du 20 mars 2014, a été annulée par un jugement du tribunal d'instance du 3 juillet 2014, dépourvu d'effet rétroactif ;
- il bénéficiait donc du statut protecteur lié à son mandat syndical lors de sa convocation du 16 juin 2014 à l'entretien préalable à son licenciement ;
- ainsi, celui-ci ayant été prononcé sans observation des formalités légales prévues à l'article L.2411-3 du code du travail, est nul, en raison de la violation de son statut de salarié protégé
- l'ensemble des faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement se situe durant la période de protection dont il a bénéficié à compter de sa désignation le 20 mars 2014 en qualité de représentant de section syndicale, jusqu'à la fin de ce mandat ;
- il en découle que son licenciement sans autorisation administrative constitue un trouble manifestement illicite ;
- la société BSL SECURITE, en méconnaissance des articles L.2142-1.2 et L.2421-1 du code du travail n'a pas notifié à l'inspecteur du travail la mise à pied conservatoire qui a été prononcée à son encontre, ce dont il résulte que cette mesure est nulle ;
- les intérêts collectifs des salariés représentés par le syndicat SUD ont été lésés par la méconnaissances des règles légales de protection dont bénéficiait [H] [P] ;
Mais attendu que lors de l'envoi de la lettre de licenciement en date du 15 juillet 2014, la désignation du 20 mars 2014 se trouvait rétroactivement anéantie par l'effet de l'annulation prononcée par le tribunal d'instance de Marseille ; que la désignation du 7 juillet 2012 ne pouvait permettre à [H] [P] de bénéficier de la procédure spéciale de licenciement, prévu par les articles L.2411-3 et L.2421-1 du code du travail, dès lors qu'elle a été notifiée à la société BSL SECURITE après la convocation du salarié à l'entretien préalable au licenciement ; que dans ces conditions, les demandes de [H] [P], qui ne peut se prévaloir d'aucun trouble manifestement illicite, faute de justifier du statut de salarié protégé, se heurtent à une contestation sérieuse ;
que les demandes du syndicat SUD se heurtent aussi à une contestation sérieuse, en l'absence de méconnaissance établie des dispositions relatives à la protection des délégués syndicaux ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, en matière de référé, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme, déclare recevables l'appel principal du syndicat SUD SOLIDAIRES PREVENTION ET SECURITE et l'appel incident de [H] [P] ;
Annule l'ordonnance de référé en date du 29 octobre 2014 ;
Au fond, statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes du syndicat SUD SOLIDAIRES PREVENTION ET SECURITE et sur celles de [H] [P] ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Condamne in solidum le syndicat SUD et [H] [P] aux dépens de première instance et d'appel ;
Le greffierLe président
Sophie MascrierMichel Bussière