AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 14/07596
[W] [T]
C/
Me [F] [B] - Liquidateur judiciaire de l'ASSOCIATION VIVRE CHEZ SOI
AGS CGEA [Localité 1]
SARL VIVRE & DOMICILE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 05 Septembre 2014
RG : F 12/01888
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2015
APPELANTE :
[S] [W] [T]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 2] (63)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Florent JOUBERT, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
Me [B] [F] - Liquidateur judiciaire de l'ASSOCIATION VIVRE CHEZ SOI
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Alexis MARCHAL, avocat au barreau de LYON substitué par Me Cécile LAMBERT-FOUËT, avocat au barreau de LYON
AGS CGEA [Localité 1]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté par Me Jean-claude DESSEIGNE de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON substituée par Me Françoise VILLARET, avocat au barreau de LYON
SARL VIVRE & DOMICILE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Frédéric RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Septembre 2015
Présidée par Agnès THAUNAT, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Michel BUSSIERE, président
- Agnès THAUNAT, conseiller
- Vincent NICOLAS, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Décembre 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel BUSSIERE, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
Mme [S] [W] [T] a été embauchée par l'association VIVRE CHEZ SOI, selon contrat à durée déterminée du 1er février 2005 au 30 juin 2005 puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2005, à temps partiel de 150 heures mensuelles, en qualité d'auxiliaire de vie, affectée dans les structures HABITAT+.
La convention collective nationale aide à domicile du 11 mai 1983 était applicable.
Suite à un nouvel appel d'offre pour les structures HABITAT+, la SARL VIVRE ET DOMICILE a pris en charge les résidents dans ces structures à compter du 1er février 2012.
Par courrier du 17 janvier 2012, la société VIVRE ET DOMICILE a informé les salariés de l'association concernés par ce marché, de la reprise de leur contrat de travail, conformément à l'article L.1224-1 du code du travail avec effet au 1er février 2012.
Par courrier du 27 janvier 2012, la salariée a mis en demeure la SARL VIVRE ET DOMICILE de lui soumettre un avenant au contrat de travail.
Par courrier du 3 février 2012, la SARL VIVRE ET DOMICILE a indiqué à la salariée que son contrat de travail serait maintenu ; que ses fonctions demeuraient identiques même si elles donnaient lieu à un changement d'appellation en « domicilienne » selon la nouvelle convention collective applicable ; que la période de maintien pendant un délai de trois mois de la convention collective était en cours depuis le 1er février, pouvant être prolongée de douze mois dans l'attente de la convention collective du SAP ou de l'accord d'entreprise Vivre &Domicile .
Mme [W] [T] a pris des congés payés du 4 au 12 février 2012.
Par lettre recommandée du 13 février 2012, l'employeur a dénoncé l'usage à compter du 1er mars 2012, du paiement majoré du samedi et du versement d'une prime de transport, et a modifié la majoration du travail du dimanche de 25 à 30% et la participation aux frais de transport, pour utilisation des transports en commun, à hauteur de 50% sur justificatifs. Ce même courrier rappelle qu'en ce qui concerne le respect de la convention collective dont la salariée bénéficiait, une période de maintien de trois mois était désormais en cours depuis le 1er février , dans l'attente de la convention collective du SAP ou d'un accord d'entreprise qui serait conclu au sein de Vivre & Domicile.
Par lettre recommandée du 15 février 2012, Mme [W] [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail avec effet immédiat.
C'est en l'état que le Conseil de Prud'hommes de Lyon a été saisi, le 10 mai 2012, par Mme [S] [W] [T] .
Par jugement rendu le 5 septembre 2014, le conseil de prud'hommes de LYON, section activités diverses, a :
- dit que l'article L.1224-1 du code du travail s'applique pour le transfert des salariés affectés aux résidences HABITAT+, entre l'association VIVRE CHEZ SOI et l'association VIVRE A DOMICILE,
- dit que l'association VIVRE CHEZ SOI, et par complément, les AGS / CGEA sont mis hors de cause,
- dit qu'il n'y a pas eu de manquement grave de la part de l'association VIVRE A DOMICILE dans l'exécution du contrat, surtout que les modifications annoncés supportaient un préavis de 3 mois, et que Mme [W] [T] a pris la décision après seulement deux jours de travail effectif dans l'entreprise,
- débouté Mme [W] [T] [S] de la totalité de ses demandes,
- condamné Mme [W] [T] [S] aux entiers dépens,
- débouté l'association VIVRE A DOMICILE de sa demande reconventionnelle.
Le 23 septembre 2014, Mme [S] [W] [T] a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la SARL Vivre & Domicile.
Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 28 septembre 2015, par Mme [S] [W] [T] qui demande principalement à la cour de :
- dire et juger l'appel formé par Mme [W] [T] régulier justifié et bien fondé,
- infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Lyon en toutes ses dispositions,
- dire et juger que la société VIVRE ET DOMICILE a violé les dispositions de l'article L.1224-1 du Code du travail en raison des modifications contractuelles imposées suite au transfert du contrat de travail,
- dire et juger que la société VIVRE ET DOMICILE a modifié unilatéralement le contrat de travail de Mme [W] [T],
- dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail intervenue le 15 février 2012 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamner la société VIVRE ET DOMICILE à payer à Mme [W] [T] les sommes suivantes :
* 6.276 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 627,60 € à titre de congés payés afférents,
* 4.497,80 € au titre de l'indemnité de licenciement,
* 37.656 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture du contrat de travail,
- condamner la société VIVRE ET DOMICILE à payer à Mme [W] [T] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 28 septembre 2015, par la SARL VIVRE ET DOMICILE qui demande principalement à la cour de :
- confirmer la décision du Conseil de prud'hommes de Lyon en date du 5 septembre 2014,
Statuant à nouveau :
A titre principal,
constater que Mme [W] [T] n'a subi aucune modification unilatérale inacceptable de son contrat de travail,
- dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d'une démission,
- débouter Mme [W] [T] de l'intégralité de ses demandes,
- à titre reconventionnel, condamner Mme [W] [T] à payer la somme de 6.276 € à la société VIVRE ET DOMICILE à titre de dommages et intérêts pour inexécution du préavis,
A titre subsidiaire,
- réduire le montant des sommes attribuées à Mme [W] [T] à de plus justes proportions,
- limiter l'indemnité de licenciement à la somme de 2.957,32 €,
- limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 4.126,50 € bruts,
A titre reconventionnel,
- condamner Mme [W] [T] à la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [W] [T] aux entiers dépens de l'instance.
Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 28 septembre 2015, par Me [F] [B], ès qualités de liquidateur de l'association VIVRE CHEZ SOI, qui demande principalement à la cour de :
- Rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,
- ordonner la mise hors de cause de maître [B] ès qualités dans le cadre de ce litige.
Vu les conclusions développées oralement à l'audience du 28 septembre 2015, par l'AGS et le CGEA [Localité 1] qui demandent à la cour de :
- dire et juger recevable mais non fondé l'appel formé par Mme [W] [T],
- constater que le contrat de travail de Mme [W] [T] a été transféré à la société VIVRE ET DOMICILE,
- mettre purement et simplement hors de cause l'AGS et le CGEA,
En tout état de cause,
- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux article L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du nouveau Code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des article L.3253-19, L.3253-20, L.3253-21 et L.3253-15 du nouveau Code du travail et L.3253-17 du nouveau Code du travail,
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- mettre les concluants hors dépens.
MOTIFS
Sur le périmètre de saisine de la cour,
La cour constate que l'appel n'a été interjeté qu'à l'encontre de la société Vivre & Domicile. Dans ces conditions, la décision entreprise est devenue définitive à l'encontre de l'association Vivre chez soi , représentée par Me [B] et de l'AGS de [Localité 1] .
Sur le transfert du contrat de travail
Mme [S] [W] [T] ne conteste pas l'application en l'espèce de l'article L1224-1 du contrat de travail et reconnaît que son contrat a été transféré à l'association Vivre & Domicile à compter du 1er février 2012 en application de ce texte .
Sur la prise d'acte de la rupture
Mme [S] [W] [T] a pris acte de la rupture de son contrat par courrier du 15 février 2012 , en raison des modifications de son contrat de travail , imposées par le cessionnaire.
La cour rappelle que pour qu'une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur produise les effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les manquements reprochés par le salarié à son employeur doivent être de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail de la salariée.
Mme [S] [W] [T] reproche à la société Vivre et Domicile d'avoir modifié , sans son accord, son contrat de la manière suivante :
-perte de la majoration de salaire du samedi
-réduction à 50 % au lieu de 100 % de la prise en charge des frais de transport,
-modification de la durée du travail de 150 heures à 151 heures 67, correspondant au passage d'un temps partiel à un temps complet.
Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges l'effet de ces modifications n'était pas différé à trois mois, ce délai ne concernait que la mise en cause de la convention collective.
En ce qui concerne la perte de la majoration du samedi et la diminution de la prise en charge des frais de transport, celles-ci relevaient selon la société Vivre et Domicile d'un usage, qu'elle a dénoncé alors que la salariée soutient qu'il s'agissait d'éléments contractuels qui ne pouvaient être modifiés qu'avec son accord.
Le contrat de travail intervenu le 1er juillet 2005 entre l'association Vivre chez Soi et Mme [S] [W] [T] stipule au paragraphe « rémunération du salarié : salaire brut horaire semaine 8,58€.. week end...10,74€ (') avantages sociaux : frais de transport abonnement TCL ». Le contrat ne fait pas référence à un usage sur ces deux points. Dans ces conditions, la cour constate qu'il ne s'agit pas d'un usage qui pouvait être dénoncé par la société cessionnaire mais bien d'éléments contractuels de rémunération qui ne pouvaient être modifiés qu'avec l'accord de la salariée.
Cependant la cour observe que la perte de ces avantages était compensée par l'octroi d'autres avantages, comme l'augmentation du taux de la rémunération des dimanches travaillés ainsi que la mise en place à partir du 1er avril d'une prime qualitative trimestrielle de 5 %.
A propos de la modification de la durée du travail de 150 heures à 151 heures 67 proposée à la salariée, la cour relève que celle-ci ne pouvait intervenir qu'avec son accord puisque le contrat à temps partiel devenait ainsi à temps complet. Cependant, la salariée indique que l'employeur ayant annoncé une modification du contrat de travail, elle a réclamé par courrier du 27 janvier 2012, un avenant écrit audit contrat, sans l'obtenir. Dans ces conditions, lorsqu'elle a pris acte de la rupture le 15 février 2012, il n'était pas établi que son contrat de travail à temps partiel avait été transformé en contrat à temps plein, le planning qui lui avait été communiqué pour la période 1er au 29 février 2012 et qu'elle verse aux débats mentionnant de surcroît en ce qui la concerne un nombre d'heures de travail inférieur à 151 heures 67. Le fait que son bulletin de salaire du mois de février 2012, indique que son salaire de base brut mensuel était calculé sur 151 heures 67, ne saurait suffire à établir à lui seul qu'une telle modification était déjà intervenue lorsqu'elle a quitté l'entreprise, puisqu'il n'a été établi qu'après son départ. Dans ces conditions, la cour retient que le contrat à temps partiel de 150 heures était toujours en cours d'application lorsque la salariée a quitté l'entreprise le 15 février 2012.
La salariée se plaint également d'une modification de ses horaires de travail par la production du planning qui lui a été remis pour le mois de février 2012. Celui-ci définit les plages horaires suivantes : matin de :7 heures à 14 heures, après midi de 14 heures à 21 heures, nocturne de 21 heures à 7 heures, alors que le contrat de travail la liant à l'association cédante stipulait selon planning les plages d'interventions suivantes : matin de 8 heures à 14 heures , après midi de 14 heures à 18 heures, nuit de 20 heures à 8 heures. Elle soutient que ces modifications n'étant pas prévues dans son contrat à temps partiel, son accord était requis pour y procéder.
La cour relève que l'article L3123-14 1° du code du travail, prévoit une exception, dont se prévaut à juste titre la société Vivre et Domicile et sur laquelle ne s'explique pas la salariée, pour les contrats de travail conclus comme en l'espèce avec les associations et entreprises d'aide à domicile, s'agissant de l'obligation d'indiquer dans le contrat la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il suffit pour que le contrat à temps partiel soit régulièrement conclu que comme en l'espèce la salariée soit prévenue en début de mois de ses horaires de travail par la remise d'un planning, la durée de travail devant être accomplie dans le mois étant stipulée au contrat . Dans ces conditions, la salariée n'est pas fondée à se plaindre d'une modification de ses horaires de travail, les plages horaires figurant au contrat n'ayant qu'une valeur indicative et non contractuelle et leur modification relevant du pouvoir de direction de l'employeur.
Dès lors, la cour, si elle reconnaît que la société Vivre et Domicile a commis certains manquements, relève qu'à la date où la salariée a pris acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur, ceux-ci n'étaient pas d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation salariale. En conséquence, la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission. La salariée en démissionnant aurait dû respecter un préavis d'une durée de deux mois et la société Vivre et Domicile est en conséquence bien fondée à solliciter la condamnation de Mme [S] [W] [T] à lui régler une somme de 4.126,50€ brut au titre de l'indemnité de compensatrice du préavis non effectué.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement, et en dernier ressort,
CONSTATE que la cour n'est pas saisie d'un recours à l'encontre de l'association vivre chez soi représentée par Me [B] son liquidateur judiciaire, ni de l'AGS,
CONFIRME le jugement entrepris,
y ajoutant,
CONDAMNE Mme [S] [W] [T] à verser à la société Vivre et Domicile une somme de 4126,50€ au titre de l'indemnité de préavis non effectué,
DIT n'y avoir lieu l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [S] [W] [T] aux entiers dépens.
Le greffierLe président
Sophie MascrierMichel Bussière