R.G : 13/03847
Décision du tribunal de grande instance de Saint-etienne
- loyers commerciaux -
Au fond du 02 avril 2013
RG : 12/03023
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 17 Décembre 2015
APPELANTE :
SAS EURODIF
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Maître Isabelle LAPEYRE, avocat au barreau de Lyon
assistée de la SCP FORESTIER & HINFRAY, avocat au barreau de Paris
INTIMEE :
SAS STEPHANOISE DES IMMEUBLES DU CENTRE (S.S.I.C.)
ayant pour régisseur la SAS IMMO DE FRANCE REDURON ayant son siège [Adresse 1]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER, avocat au barreau de Lyon
assistée de Maître Anthony SUC, avocat au barreau de Saint-Etienne, substitué par Maître Louis CORNILLON, avocat au barreau de Saint-Etienne
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Date de clôture de l'instruction : 13 janvier 2015
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 octobre 2015
Date de mise à disposition : 17 décembre 2015
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Michel GAGET, président
- Catherine ROSNEL, conseiller
- Françoise CLEMENT, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement en date du 02 avril 2013 du tribunal de grande instance de Saint Etienne qui dit qu'il existe une modification notable des facteurs locaux de commercialité en raison des travaux d'amélioration constants de l'hyper-centre stéphanois justifiant un déplafonnement du bail renouvelé à compter du premier avril 2011;
Vu l'appel régulièrement formé par la société Eurodif le 07 mai 2013 ;
Vu les conclusions en date du 10 octobre 2014 par lesquelles la société Eurodif tend à la réformation du jugement entrepris et à la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 41 057,59 euros HT et hors charges au motif que la Société Stéphanoise des Immeubles du Centre ne rapporte pas la preuve d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant eu une incidence favorable sur l'activité exercée par la société Eurodif ;
Vu les mêmes conclusions par lesquelles la société Eurodif demande à la Cour, à titre subsidiaire, de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 54 648 euros par an HT et hors charges, conformément aux conclusions de l'expert judiciaire ;
Vu les conclusions en date du 18 novembre 2014 par lesquelles la Société Stéphanoise des Immeubles du Centre tend à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il dit qu'il existe une modification notable des facteurs locaux de commercialité justifiant un déplafonnement du bail renouvelé à compter du premier avril 2011, et à sa réformation au motif qu'il existe également d'autres motifs de déplafonnement ;
Vu les mêmes conclusions par lesquelles la Société Stéphanoise des Immeubles du Centre demande à la Cour :
1) de condamner la société Eurodif à payer un loyer un loyer annuel de 54 648 euros HT et hors charges à partir du premier avril 2011 ;
2) de condamner la société Eurodif à payer un loyer prévisionnel de 54 648 euros HT et hors charges selon les modalités fixées par l'article L.145-11 du code de commerce, dans l'hypothèse où la Cour renvoie la fixation du prix du bail à renouveler devant le premier juge ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 janvier 2015.
DECISION
1. Par acte sous-seing privé en date du 10 janvier 1966, la Société Stéphanoise des Immeubles du Centre (ci-après nommée SSIC) a donné à bail pour une durée de neuf ans des locaux à une société aux droits de laquelle se trouve la société Eurodif. Ce bail a été renouvelé à plusieurs reprises, notamment par un avenant en date du 23 juillet 2004 avec effet rétroactif pour la durée de neuf ans du premier avril 2001 au premier avril 2011, moyennant un loyer annuel de 30 928,25 euros HT. Par avenant en date du 14 avril 2008, le loyer a été porté à 38 977,68 euros HT HC, compte tenu de l'indexation INSEE du coût de la construction.
2. Par acte extrajudiciaire délivré le premier avril 2011, la société Eurodif a demandé le renouvellement du bail pour la durée de neuf ans à compter de cette même date, ce que la SSIC a accepté en sollicitant une augmentation de loyer de 123 172,68 HT HC.
3. Début 2012, la société Eurodif a sollicité amiablement l'opinion de [O] [L], un expert près la Cour d'Appel de Lyon, dont le rapport établi le 20 avril 2012 et régulièrement communiqué conclut qu'il n'y a pas matière à déplafonnement.
Un constat de non-conciliation a été dressé le 26 avril 2012 par la Commission départementale de conciliation.
4. Le 18 septembre 2012, la SSIC a fait assigner la société Eurodif aux fins de fixation judiciaire du loyer et fait valoir que le loyer doit être déplafonné en raison des travaux importants qu'elle a financés, de la modification notable des facteurs locaux de commercialité résultant notamment de l'aménagement piétonnier, de l'augmentation important de l'impôt foncier mis à sa charge et des prix pratiqués dans le voisinage.
Sur les motifs du déplafonnement :
5. La société Eurodif soutient qu'il n'existe pas de modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable à l'activité exercée par la société Eurodif. Elle soutient également qu'il incombe au bailleur de démontrer qu'il existe des motifs de déplafonnement et que cette preuve n'est pas rapportée par la SSIC. Elle expose encore que lesprix pratiqués dans le voisinage, les travaux d'embellissement de l'immeuble, l'augmentation de l'impôt foncier ne sont pas des éléments permettant le déplafonnement du loyer.
6. La SSIC de son côté soutient que les nombreux travaux effectués dans la rue où est situé l'immeuble, notamment la création d'un secteur piétonnier ont notablement augmenté la commercialité des lieux, justifiant un déplafonnement. Elle estime encore que les travaux qu'elle a effectués, ont amélioré les locaux et les prix pratiqués dans le voisinage ainsi que l'augmentation des impôts fonciers à sa charge justifient un tel déplafonnement.
7. La règle du plafonnement du loyer en renouvellement ne peut être écartée qu'en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° et 4° de l'article L145-33 du code de commerce. La modification doit être intervenue au cours du bail expiré, être notable et avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur. Il appartient au bailleur de rapporter la preuve de ces éléments.
8. En l'espèce, la SSIC ne rapporte aucun élément de preuve tangible, permettant d'affirmer avec certitude que les facteurs locaux de commercialité ont évolué de façon notable et ce favorablement au preneur. En effet, si elle explique que de nombreux travaux de voirie ont eu lieu, elle ne verse aux débats aucun élément de preuve concret ou chiffré justifiant le déplafonnement. Le rapport d'expertise judiciaire donne un montant de loyer annuel certes supérieur au loyer actuel mais ne contient pas de considérations permettant de conclure péremptoirement à modification notable des facteurs locaux de commercialité.
9. La Cour constate même que le rapport amiable de Monsieur [L] conclut que l'évolution des facteurs locaux de commerciabilité ne peut être retenue dans le cadre du déplafonnement d'espèce.
10. Il découle de ce qui précède que la SSIC ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable au preneur.
11. La Cour constate encore que les autres éléments avancés par la SSIC, à savoir les travaux d'amélioration des locaux, les pris pratiqués par les voisins et l'augmentation des impôts fonciers, ne sont pas des éléments compris par les dispositions des articles L145-33 et L145-34 du code de commerce et ne peuvent donc avoir aucune influence sur la possibilité d'écarter le déplafonnement lors du renouvellement du bail.
12. En conséquence, la Cour dit qu'il n'y a lieu à déplafonnement du loyer du bail renouvelé à compter du premier avril 2011. La demande de la SSIC est rejetée comme mal fondée. Le jugement est réformé en toutes ses dispositions.
13. En l'absence de ce déplafonnement, le loyer doit être renouvelé avec ce plafonnement, conformément aux dispositions de l'article L145-34 du Code de commerce et fixé à la somme de 41 057,59 euros hors taxes et hors charges ;
14. Le nouveau loyer est dû par la société Eurodif à la SSIC à partir du 27 octobre 2011, date de la réponse à demande de renouvellement signifiée par la SSIC avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2012, date de l'assignation.
15. L'équité commande d'allouer la somme de 5 000 euros à la société Eurodif au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
16. La SSIC qui perd en appel, est condamnée aux dépens de cette procédure et de la première instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- réforme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Saint Etienne en date du 02 avril 2013 ;
- statuant à nouveau :
- dit qu'il n'y a lieu à déplafonnement du loyer du bail renouvelé à compter du premier avril 2011 ;
- déboute la Société Stéphanoise des Immeubles du Centre de l'ensemble de ses prétentions ;
- fixe le loyer du bail commercial à la somme annuelle de 41 057,59 euros hors taxes et hors charges ;
- dit que le nouveau loyer est dû par la société Eurodif à la Société Stéphanoise des Immeubles du Centre à partir du 27 octobre 2011, date de la réponse à demande de renouvellement signifiée par la Société Stéphanoise des Immeubles du Centre avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2012, date de l'assignation.
- condamne la Société Stéphanoise des Immeubles du Centre à verser la somme de 5 000 euros à la société Eurodif au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamne la Société Stéphanoise des Immeubles du Centre aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- autorise les mandataires des parties qui en ont fait la demande à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET