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14/06/2016 | FRANCE | N°14/05517

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 14 juin 2016, 14/05517


R.G : 14/05517









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 19 juin 2014



RG : 10/09559

ch n°1





[L]



C/



[Z]

[A]

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE

SCP [T]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 14 Juin 2016







APPELANT :



M.

[E] [F] [L]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (Côte d'Ivoire)

6 Avenue des Prairies de Mozas

[Adresse 1]



Représenté par la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON

Assisté de Me Bernard GALLETY, avocat au barreau de CHAMBERY









INTIMES :



Me [P...

R.G : 14/05517

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 19 juin 2014

RG : 10/09559

ch n°1

[L]

C/

[Z]

[A]

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE

SCP [T]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 14 Juin 2016

APPELANT :

M. [E] [F] [L]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (Côte d'Ivoire)

6 Avenue des Prairies de Mozas

[Adresse 1]

Représenté par la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON

Assisté de Me Bernard GALLETY, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMES :

Me [P] [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Représenté par la SCP TACHET, AVOCAT, avocat au barreau de LYON

M. [S] [A] Notaire associé de la SCP '[A] & ASSOCIES'

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représenté par la SELARL COLBERT LYON, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT venant aux droits de la SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE, elle-même venant aux droits de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN

[Adresse 6]

[Adresse 7]

Représentée par la SELARL ADK, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SCP BILLY BOISSIER BAUDON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

SCP [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la sté RESIDENCES PASTEUR.

[Adresse 8]

[Adresse 5]

Représentée par la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SCP DELPLANCHE-LAGACHE-MARTY-POZZO- di BORGO-ROMETTI-ROTGE-SANSEVERINO-KOULMANN-KARAGOZIAN LAUZE POZZO di BORGO, avocats au barreau de NICE

******

Date de clôture de l'instruction : 08 Avril 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Mai 2016

Date de mise à disposition : 14 Juin 2016

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Emanuela MAUREL, greffier

A l'audience, Marie-Pierre GUIGUE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Sylvie BOURRAT, greffier en chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

Le 7 mai 2007, Monsieur [E] [F] [L] a accepté, dans le cadre d'une opération de défiscalisation, l'offre d'achat de la société RESIDENCES PASTEUR d'un studio dans une résidence service pour seniors située à [Localité 2].

Dans cet acte, monsieur [E] [F] [L] a pris l'engagement de conclure un bail commercial d'une durée de neuf ans avec la société d'exploitation désignée par le vendeur concomitamment à la signature de l'acte authentique de vente.

L'acte de vente entre la société RÉSIDENCES PASTEUR et Monsieur [E] [F] [L] a été régularisé par acte authentique reçu à Nice le 16 octobre 2007 par Maître [S] [A], notaire de la venderesse, avec le concours de Maître [P] [Z], notaire de monsieur [L]. Cette acquisition a été financée par un prêt consenti par le CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE ALPES AIN.

Le même jour, Monsieur [E] [F] [L] a signé un bail commercial de biens immobiliers loués en meublé avec la société MGI.

La société M.G.I a été déclarée en redressement judiciaire le 11 Juin 2009 puis en liquidation judiciaire le 9 Juillet 2009.

La société RÉSIDENCES PASTEUR a été déclarée en redressement judiciaire le 6 août 2009 puis en liquidation judiciaire le 6 Mai 2010.

Par acte délivré les 25 mai et 1er juin 2010, monsieur [L] a, sur le fondement des articles 1108, 1110, 1184 1382 et 1383 du code civil, assigné devant le tribunal de grande instance de Lyon Maître [P] [Z], Maître [S] [A], la SCP [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société RÉSIDENCES PASTEUR et le CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE en nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles, résiliation du prêt immobilier et indemnisation du préjudice causé par la faute des notaires.

Par jugement du 19 juin 2014, le tribunal a:

-déclaré recevables les demandes de Monsieur [L] à l'encontre de la SCP [T], es qualité de liquidateur judiciaire de la société RÉSIDENCES PASTEUR,

-déclaré irrecevable la demande en annulation de la vente formée par la SCP [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société RÉSIDENCES PASTEUR,

-débouté monsieur [L] de ses demandes,

-débouté la SCP [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société RÉSIDENCES PASTEUR de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné monsieur [L] à payer à Maître [P] [Z] , Maître [S] [A] et au CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE chacun la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Monsieur [L] a relevé appel et demande à la cour de :

-réformer le jugement,

-dire et juger que la vente du studio par la société RÉSIDENCES PASTEUR est entachée de nullité pour erreur sur les qualités substantielles et prononcer la résolution de cette vente,

-fixer la créance de Monsieur [E] [F] [L] au passif de la liquidation de la société RÉSIDENCES PASTEUR à concurrence du prix de vente et des frais annexes dont le coût de publication à la conservation des hypothèques,

-prononcer la résiliation du prêt immobilier et dire et juger que le CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE ne peut prétendre aux intérêts afférents au capital, à une indemnité de résiliation anticipée et à des frais et commissions divers,

-condamner solidairement ou in solidum entre eux Maître [P] [Z] et Maître [S] [A] à lui verser la somme de 117421, 39 euros correspondant au capital du prêt,

-lui donner acte de ce qu'il se réserve la possibilité d'introduire éventuellement une action indemnitaire complémentaire en fonction des possibles conséquences fiscales de la résolution de la vente,

-condamner solidairement ou in solidum entre eux Maître [P] [Z] et Maître [S] [A] à lui verser la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Monsieur [L] fait valoir que son consentement a été vicié par une erreur sur les qualités substantielles, à savoir sur l'exécution des travaux de rénovation et d'aménagement qui étaient réputés achevés au jour de l'acte à l'exception de la piscine en construction, alors qu'ils étaient loin d'être achevés.

Il estime que l'achèvement des travaux est une qualité substantielle dès lors que cet achèvement conditionnait la mise en service de la résidence dont les acquéreurs pouvaient tirer des ressources assorties d'avantages fiscaux.

Il fait valoir que l'offre d'achat préétablie régularisée le 14 mai 2007 ne comportait aucune mention relative à des travaux de rénovation restant à exécuter, l'acte ne mentionnant qu'une piscine en cours de construction, pas davantage que la nécessité d'un permis de construire alors que la date butoir fixée la signature de l'acte authentique le 30 juillet 2007 était proche; que dans l'avant-contrat, il s'est engagé à signer un bail commercial avec la société d'exploitation désignée par le vendeur, la prise d'effet du bail commercial étant fixée la date d'entrée en jouissance au jour de la vente; qu'en réalité, les travaux n'étaient pas achevés et se sont poursuivis pendant dix-huis mois après la vente; que le 23 mars 2009, la commission de sécurité avait refusé de donner un avis favorable d'autorisation administrative en raison du risque d'incendie résultant des défauts de conformité de l'installation électrique de l'immeuble, cette circonstance n'ayant été découverte que bien plus tard; que des travaux supplémentaires d'un montant de 300000 euros ont du être votés en 2010 et 2011 pour permettre l'exploitation de le résidence; que le versement prolongé par la société RÉSIDENCES PASTEUR à la société M.G.I d'indemnités correspondant au montant des loyers versés aux acquéreurs par cette dernière prouve que le vendeur considérait que la mise en service immédiate de la résidence constituait pour les acquéreurs une qualité substantielle et que les travaux n'étaient pas achevés au jour de la vente ; qu'aucun projet d'acte ne lui a été soumis alors qu'il était représenté lors de la signature de l'acte authentique par un clerc du notaire niçois de sorte que la mention d'une annexion à l'acte authentique du descriptif des travaux lui était inconnue.

Il critique la motivation du jugement en ce que l'existence de la notice descriptive annexée à l'acte de vente est sujette à caution à la lecture de l'expédition de l'acte notarié et que son contenu ne permettait pas de connaître l'avancement des travaux.

Il rappelle que l'interdépendance des contrats de vente et de prêt doit conduire ensuite à la résiliation du contrat de prêt, le CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE disposant d'une créance de restitution limitée au capital versé, déduction faite des échéances d'ores et déjà remboursées ne pouvant prétendre ni aux intérêts ni à l'indemnité de remboursement anticipée.

Monsieur [L] soutient que la responsabilité des Notaires est engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil et leur reproche de n'avoir pas attiré son attention sur les risques encourus dans le cadre d'une vente d'immeuble existant en l'absence de garantie suffisante sur l'achèvement des travaux nécessaires pour la mise en service de la résidence.

Il estime que si le régime spécifique de la vente d'immeuble à rénover issu de la loi du 13 juillet 2006 n'est entré en vigueur qu'à la publication du décret d'application, postérieurement à l'acte de vente, la connaissance du régime légal et l'attente de la publication du décret d'application devaient imposer une vigilance accrue à des professionnels du droit immobilier,au regard du but poursuivi par le législateur dans le cadre d'une réforme appelée de ses voeux par la profession notariale à l'occasion de plusieurs congrès annuels; que Maître [P] [Z] et Maître [S] [A] auraient du faire preuve d'une vigilance accrue concernant l'achèvement des travaux de rénovation dont la mention apparaissait dans l'acte authentique alors qu'elle était absente de l'avant-contrat du 7 mai 2007, dont les notaires avaient nécessairement connaissance puisqu'il était expressément visé; qu'il n'aurait pas contracté s'il avait été suffisamment renseigné par les notaires sur les risques de l'opération en l'absence de garanties du régime de la vente d'immeubles, en l'absence de garantie d'achèvement des travaux de rénovation et d'aménagement incombant au vendeur.

Il fait valoir que le manquement au devoir d'information et de conseil reproché aux notaires est en relation de causalité avec le dommage subi résultant de l'obligation de remboursement du prêt sans pouvoir bénéficier de la restitution du prix de vente alors que l'obligation d'information et de conseil pesait sur les notaires, au même titre, dans le cadre de l'établissement du contrat de prêt accessoire à la vente, dont ils ne pouvaient ignorer le lien avec le contrat principal.

La SCP [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Résidences Pasteur soulève l'irrecevabilité de la demande non chiffrées en fixation de créance. Subsidiairement, elle s'en rapporte à la sagesse de la cour, faisant observer que l'absence d'annulation de l'acte de vente entraînera le rejet de toute demande de fixation au passif. Elle sollicite la condamnation de tout succombant au paiement d'une indemnité de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [P] [Z] demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner monsieur [L] au paiement d'une indemnité de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir qu'à la date de la vente, les dispositions de la loi du 13 juillet 2006 relatives à la vente d'immeuble à rénover, entrées en vigueur le 18 décembre 2008 suite au décret d'application du 16 décembre 2008, n'étaient pas applicables et que la vente portant sur une rénovation légère d'un ancien bâtiment à usage d'hôtel a été placée sous le régime adéquat de vente ordinaire d'immeuble et non de vente en l'état futur d'achèvement, l'immeuble ne relevant pas du secteur protégé applicable aux seuls locaux d'habitation et n'étant pas destiné à l'habitation mais à usage de location commerciale à un exploitant de résidence.

Il précise que le devoir de conseil doit ainsi s'apprécier au regard d'une vente en l'état de locaux à finalité commerciale et portant sur des biens existants et non en mettant à la charge du notaire, comme l'y invite l'appelant, l'obligation de suppléer par une construction sui generis au silence de la loi.

Il souligne que la défaillance de l'installation électrique et les charges invoquées résultant de l'évolution de l'immeuble après la défaillance de la société MGI ne caractérisent pas une défaillance de l'acte notarié et des notaires rédacteurs qui ne sont pas garants des engagements de travaux pris par le vendeur.

Il exclut que le notaire puisse être tenu d'un contrôle a priori des déclarations faites à l'acte comme d'une obligation de visiter les immeubles pour la vente desquels il est requis.

Il rappelle enfin que l'acte ne contient pas de mentions inexactes puisque le vendeur ne déclare pas que les travaux seraient achevés et qu'au contraire, l'annexion à l'acte d'une notice descriptive des travaux conduit à considérer qu'ils étaient en cours de réalisation.

Il soutient enfin que monsieur [L] ne prouve pas le préjudice allégué à savoir le remboursement du prêt et le lien de causalité alors que la décision d'achat a été prise pour des raisons économiques et fiscales et celle de se défaire du bien pour des raisons liées aux difficultés rencontrées avec le gestionnaire et aux nécessités d'entretien de l'immeuble et que le remboursement des sommes perçues du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE n'est pas un préjudice indemnisable, l'obligation de procéder à cette restitution n'étant pas le conséquence de la faute des Notaires.

Maître [S] [A] demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la SCP [T] de ses demandes et de condamner l'appelant au paiement d'une indemnité de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose qu'avant la vente il s'est déplacé sur les lieux et a constaté que les travaux à réaliser consistaient en un rafraîchissement et que la résidence était exploitée; que le retard pris dans les travaux a donné lieu à une compensation financière de la part de la société RESIDENCE PASTEUR; que les travaux ont été achevés en avril 2009; que la société a donné en garantie de la construction de la piscine une hypothèque conventionnelle sur les lots restant lui appartenir.

Il soutient que l'action a pour but de se défaire d'un bien immobilier dont la rentabilité escomptée n'est pas celle obtenue; que l'obligation de conseil et de mise en garde du Notaire ne s'étend pas à l'opportunité économique de l'opération; que c'est la défaillance de la société exploitante mais également la perte d'emploi de monsieur [L] qui a poussé ce dernier à remettre l'opération en cause; que le vice du consentement doit s'apprécier au jour de la vente, et non au regard de l'inexécution de ses obligations contractuelles par le cocontractant.

Il ajoute que les dispositions sur la vente à rénover n'étaient pas encore applicables; que la vente a été soumise au régime de la vente en l'état s'agissant de travaux de faible importance; que le bien vendu était destiné à un usage commercial de sorte que la vente relevait bien de la vente ordinaire d'immeubles sans garantie d'achèvement et qu'il ne disposait d'aucun élément objectif permettant de remettre en cause les déclarations de la venderesse.

Il conteste avoir commis la moindre faute, les travaux ayant été effectués et la construction de la piscine est garantie par une hypothèque conventionnelles sur les lots restant appartenir au vendeur.

La société Crédit immobilier de France Développement venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne elle-même venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Financière Rhône Ain demande à la cour de confirmer le jugement, à titre subsidiaire, d'ordonner la remise en état des parties, de condamner monsieur [L] à lui payer la somme de 117421,39 euros avec intérêts au taux légal et maintien des privilèges de prêteur de deniers et d'hypothèques conventionnelles, de condamner les responsables de la nullité sur le fondement de l'article 1382 du code civil d'avoir à payer le montant des intérêts échus et à échoir soit la somme de 68385, 09 euros et de condamner la partie succombante aux dépens et au paiement d'une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande de fixation au passif

La créance de Monsieur [E] [F] [L] en restitution du prix et des frais de vente, bien que non chiffrée, est déterminable en ce qu'elle résulte de l'acte authentique et permet au juge d'évaluer son montant.

La demande de monsieur [L] à l'encontre de la SCP [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société RÉSIDENCES PASTEUR est recevable au regard des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Sur la demande en nullité de la vente et résolution du prêt

En application des articles 1109 et 1315 du code civil, monsieur [L] a la charge de la preuve de l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue.

La validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat. Cependant pour se prononcer sur l'existence d'un vice du consentement au moment de la formation du contrat, le juge peut prendre en considération des éléments d'appréciation postérieurs à l'acte.

Le 7 mai 2007, monsieur [L] a régularisé une offre d'achat lui précisant que l'objet de la vente était défini comme un studio vendu par la société Résidences Pasteur destiné à faire l'objet d'un bail commercial au bénéfice d'un commerçant exploitant une résidence avec services pour personnes âgées et que l'acquéreur aurait la jouissance du bien à compter de la date de la réalisation de l'acte de vente authentique.

L'acte authentique de vente du 16 octobre 2007 stipule que le bien immobilier vendu est à usage de résidence senior en vue de la location en meublé avec services et qu'à cette fin, l'acquéreur s'oblige à signer concomitament un bail commercial en meublé au profit de la société M.G.I signé le même jour.

Ces actes prévoient que monsieur [L] entrera en jouissance immédiate du bien et le point de départ de l'obligation de payer les loyers à la charge de la société MGI, preneur à bail commercial, est la date d'effet du bail sans période de différé.

Le bien était ainsi vendu en état de permettre la location immédiate du studio selon le statut du loueur professionnel en meublé qui constituait le but de l'acquisition de monsieur [L].

Le premier juge a retenu que monsieur [L] ne justifiait pas qu'en dépit des indications claires et précises de l'acte de vente, il ait pu lors de la signature de l'acte, moment auquel doit être appréciée l'erreur invoquée, être induit en erreur et croire que les travaux à la charge du vendeur étaient achevés.

S'il était effectivement prévu dans l'acte de vente avec l'emploi d'une conjugaison au futur que « le vendeur supportera seul le coût des dits travaux de rénovation de sorte que l'acquéreur ne supportera aucune charge financière », cette clause concerne explicitement la charge financière des travaux de rénovation devant être supportés exclusivement par la venderesse, ce qui résulte de la mention précédente de l'acte de vente selon laquelle : « le vendeur déclare et l'acquéreur reconnaît que les conditions financières des présentes ont été arrêtées notamment compte tenu de l'exécution par le vendeur de divers travaux de rénovation sur les biens sus-désignés».

Le vendeur déclarait par cette mention que le prix avait été fixé en considération des travaux exécutés mais ne déclarait pas s'engager à réaliser des travaux de rénovation restant à exécuter.

L'annexion à l'acte de vente d'un « descriptif sommaire », qui n'était pas joint à l'avant-contrat, ne permet pas d'en déduire que l'acquéreur était informé de travaux restant à exécuter en l'absence de toute mention expresse dans l'acte de vente concernant des travaux à prévoir, hormis celle concernant la piscine en cours de construction mentionnée en caractère gras, s'agissant d'un équipement extérieur ne faisant pas obstacle au début d'exploitation de la résidence. Ce descriptif sommaire ne fait d'ailleurs aucune distinction entre les travaux exécutés et ceux restant à exécuter.

Il en résulte que monsieur [L] a pu légitimement croire au moment de la signature de l'acte, dans le cadre de la vente d'un immeuble existant, qu'il faisait l'acquisition d'un bien rénové pour le louer immédiatement à usage de résidence de services et non d'un immeuble dont l'entrée en jouissance dépendait de travaux à réaliser.

Or il ressort sans conteste des productions qu'à la date de la vente, les travaux à la charge de la société Résidences Pasteur n'étaient pas achevés de sorte que l'exploitation commerciale de la résidence de services pour personnes âgées n'a pu commencer immédiatement, contrairement aux clauses de l'acte de vente et du bail commercial, ce qui explique que la venderesse ait pris l'engagement prolongé, en l'absence de possibilité de sous-locations, de régler le montant des loyers commerciaux à l'exploitante MGI jusqu'à leurs liquidations judiciaires respectives.

L'exploitation de la résidence de services supposait une autorisation administrative qui a été refusée par la commission de sécurité et d'accessibilité notifiée par le Préfet le 23 mars 2009 en raison du risque d'incendie résultant des défauts de conformité de l'installation électrique de l'immeuble alors que des travaux supplémentaires d'un montant de 300000 euros ont été votés en 2011 à l'initiative du syndicat des copropriétaires.

Malgré cet avis, la société Résidences Pasteur a établi le 10 avril 2009 une attestation selon laquelle les travaux de réhabilitation étaient terminés alors que le 14 mai 2009, la société MGI mettait en demeure la société Résidences Pasteur de procéder à la livraison des appartements.

Il y a donc bien erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue par la croyance erronée de monsieur [L] sur l'état de rénovation du bien au jour de la vente par rapport à l'usage en vue duquel cet acquéreur avait décidé de s'engager qui dépendait de l'exploitation commerciale du bien dès l'entrée en jouissance.

Il convient, en conséquence, de prononcer la nullité de la vente, d'ordonner la restitution du bien au liquidateur judiciaire par monsieur [L], qui déclare ne pas souhaiter le conserver, et de fixer le montant de la créance de monsieur [L] au passif de la liquidation judiciaire de la société Résidences Pasteur à hauteur du prix de vente de 110 627 euros et des frais mentionnés dans l'acte de vente de 5326 euros soit une créance totale de 115 953 euros.

Compte tenu de l'interdépendance entre le contrat principal de vente et le contrat accessoire de prêt, la nullité du premier entraîne l'anéantissement rétroactif du second.

Dans ces conditions, monsieur [L] sera condamné à rembourser à la société Crédit Immobilier De France Développement la somme de 117421,39 euros.

Cette société ne peut prétendre ni aux intérêts contractuels ni à l'indemnité de remboursement anticipé puisque par l'effet de la résolution, le prêt, dans ses stipulations contractuelles, est censé n'avoir jamais existé.

Les sûretés prises perdureront pour garantir la créance de remise en état des parties.

S'agissant d'une restitution de prix consécutive à la résolution d'un contrat, les intérêts sont dus du jour de la demande en justice équivalant à la sommation de payer, soit à compter de la date des conclusions de première instance contenant la demande en paiement du prêteur.

Sur les demandes en réparation à l'encontre des notaires

S'agissant de faits antérieurs à 2008, date d'entrée en vigueur de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 créant la vente d'immeuble à rénover, les notaire avaient le choix de placer la vente sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement ou de la vente d'immeubles existants associée à un louage d'ouvrage.

Il n'appartenait certes pas aux notaires de contrôler sur place l'état de l'immeuble, bien que maître [A] prétende y avoir procédé en se rendant de Nice à la région de Perpignan.

Cependant, l'avant-contrat constitué d'une seule offre d'achat de monsieur [L], dont les notaires avaient connaissance puisqu'il est visé à l'acte, ne comportait aucune mention relative à des travaux restant à réaliser à la charge de la venderesse. Les notaires déclarent cependant avoir annexé à l'acte le descriptif sommaire des travaux de rénovation bien qu'aucune mention de cette annexion ne figure à l'acte intrumenté et ont mentionné que la piscine était en cours de construction sans s'interroger sur la discordance entre les deux actes ni insérer une déclaration ou attestation du vendeur ou d'un homme de l'art concernant l'état de rénovation du bien hormis la piscine.

Dans ces conditions, alors que monsieur [L] destinait le bien à un usage particulier, ici l'usage commercial avec entrée en jouissance immédiate du preneur dépendant de l'exécution des travaux de rénovation visés à l'acte, maîtres [A] et [Z], tenus d'un devoir de conseil à l'égard de leur client, auraient dû mettre en garde monsieur [L] sur la nécessité de s'assurer de l'achèvement des travaux de rénovation du bien, compte tenu des risques de l'opération dépourvue de garantie particulière, sans se satisfaire d'une absence de déclaration de la venderesse sur l'état de rénovation du bien en annexant à l'acte instrumenté un descriptif de travaux non visé à l'avant-contrat, éléments de nature à éveiller leurs soupçons sur l'achèvement des travaux.

Maître [A] et [Z] ne prouvent pas y avoir procédé, ce qui engage leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Si les restitutions consécutives à l'annulation de la vente ne constituent pas, en principe, un préjudice indemnisable, il en va différemment en cas d'impossibilité du cocontractant, notamment du vendeur, de restituer le prix au titre du contrat annulé en raison de son insolvabilité ou de l'impossibilité de restituer de la liquidation judiciaire.

Il ressort de la pièce 4 du liquidateur judiciaire de la société Résidences Pasteur que sa situation financière exclut toute possibilité de paiement au bénéfice des créanciers chirographaires avec un état de créance antérieures au jugement d'ouverture de 31 591 303 euros, de 7906, 92 euros au titre des créances superprivilégiées et de 2 463 438,98 euros au titre des créances privilégiées.

Compte tenu de ces éléments, Maître [A] et [Z] doivent être condamnés in solidum à payer à monsieur [L] la somme de 117421,39 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt fixant la créance indemnitaire.

La cour constate que la société Crédit immobilier de France Développement ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions ainsi que le prévoit l'article 954 du code de procédure civile la condamnation de maître [A] et [Z] au paiement d'une indemnité et ne peut que rejeter la demande.

La cour n'a pas à donner acte à monsieur [L] de ses réserves d'une éventuelle action indemnitaire fondées sur les conséquences fiscales de la résolution de la vente.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Crédit immobilier de France Développement et de la Scp [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Résidences Pasteur.

Maître [A] et [Z] supportent les dépens de première instance et d'appel et doivent verser à monsieur [L] une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à la société

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande de monsieur [L] de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Résidences Pasteur et a rejeté la demande de la Scp [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Résidences Pasteur,

Infirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité de la vente reçue par acte de Maîtres [S] [A], notaire à Nice (Alpes Maritimes), et [P] [Z], notaire à Villeurbanne (Rhône), en date du 16 octobre 2007 avec la désignation suivante:

local à usage d'appartement de type studio accessible aux personnes handicapées, situé au rez-de-chaussée, comprenant un hall d'entrée avec un placard, une salle de douche avec des wc, un séjour avec kitchenette, le tout constituant le lot privatif n° 20 et les 11/1000° de la propriété du sol et des parties communes générales d'un ensemble immobilier dénommé « [Établissement 1] » soumis au régime de la copropriété, sis [Adresse 9], figurant au cadastre de ladite commune sous les références suivantes:

' section [Cadastre 1] lieu-dit « [Adresse 10] » : 00ha 08a 50ca,

' section [Cadastre 2] lieu dit « [Adresse 10] »: 00ha 08a 67ca,

' section [Cadastre 3] lieu-dit « [Adresse 10] »: 00ha 02a 19ca,

' section [Cadastre 4] lieu-dit « [Adresse 10] »: 00ha 02a 28ca,

' section [Cadastre 5] lieu-dit « [Adresse 10] »: 00ha 04a 10ca,

' section [Cadastre 6] lieu-dit « [Adresse 10] »: 00ha 08a 74ca,

' section [Cadastre 7] lieu-dit « [Adresse 10] »: 00ha 48a 77ca,

ayant fait l'objet d'un état descriptif de division et règlement de copropriété aux termes d'un acte reçu par maître [A], notaire, le 31 août 2007, publié le 11 octobre 2007 sous la référence volume 2007 P 8513

Entre :

la société RÉSIDENCES PASTEUR, société par action simplifiée au capital de 151 500 euros,

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nice (Alpes Maritimes) sous le n° 483 911

665, dont le siège est [Adresse 11], en qualité de vendeur,

Et:

Monsieur [E] [F] [L], né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (Côte d'Ivoire), de nationalité française, auto-entrepreneur, demeurant [Adresse 12], en qualité d'acquéreur,

publiée à la conservation des hypothèques de Perpignan 2ème bureau le 6 novembre 2007 volume 2007 n° 8880,

Fixe la créance de monsieur [L] au passif de la liquidation judiciaire de la société Résidences Pasteur à la somme de 115 953 euros,

Ordonne la restitution du bien par monsieur [E] [F] [L] à la Scp [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Résidences Pasteur,

Prononce la résolution du prêt immobilier consenti par la société Crédit immobilier de France Financière Rhône Ain par acte authentique reçu par maître [P] [Z], notaire à Villeurbanne Rhône,

Condamne monsieur [E] [F] [L] à payer à la société Crédit immobilier de France Développement la somme de 117421,39 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date des conclusions de première instance contenant la demande en paiement du prêteur,

Dit que les sûretés prises par la société Crédit immobilier de France Développement perdureront pour garantir la créance de remise en état des parties,

Condamne in solidum maître [A] et [Z] à payer à monsieur [L] la somme de 117 421, 39 euros en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes de la société Crédit immobilier de France Développement et de la Scp [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Résidences Pasteur en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum maître [A] et [Z] aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la Scp Levy Roche & Lebel, de la Scp Tudela & associés et de la SCP Deschodt Kuntz et associés, avocats.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 14/05517
Date de la décision : 14/06/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°14/05517 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-14;14.05517 ?
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