AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 16/00429
SARL CLR VILLEURBANNE
C/
[V]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 07 Janvier 2016
RG : F 13/03711
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2017
APPELANTE :
SARL CLR VILLEURBANNE
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représentée par Me [P] DUFRANC, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me DAUNIS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
[P] [V]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1] (69)
[Adresse 3]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Christine FAUCONNET de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Juin 2017
Présidée par Laurence BERTHIER, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Laurence BERTHIER, Conseiller le plus ancien faisant fonction de président
- Didier PODEVIN, conseiller
- Hervé LEMOINE, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 27 Septembre 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Laurence BERTHIER, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
Monsieur [P] [V] a été embauché le 1er juin 1986 par la société Fimotel SGHF, en contrat à durée indéterminée, en qualité d'assistant.
Il était nommé directeur délégué d'exploitation chargé de l'hôtel de [Localité 1]/[Localité 3] à compter du 1er décembre 1991.
La Convention collective applicable est celle des hôtels, cafés restaurants.
Le 8 octobre 2012, dans le cadre du rachat du fonds de commerce de l'hôtel Alliance de Lyon /Villeurbanne par la société CLR, le contrat de travail de Monsieur [V] a fait l'objet d'un transfert.
Le 25 avril 2013, Monsieur [V] sollicitait une visite auprès du médecin du travail suite à des troubles qu'il considérait être en lien avec la situation de « mal-être » qu'il ressentait au travail.
Le 22 mai 2013, il était placé en arrêt de travail jusqu'au 30 juin 2013, prolongé jusqu'au 1er septembre 2013.
Par courrier du 22 mai 2013, il exprimait à son employeur son ressenti quant à son évolution professionnelle et son sentiment de rétrogradation depuis le transfert.
Le 10 juin 2013, la société réfutait par écrit les allégations du salarié.
Par courrier du 26 juin 2013, Monsieur [V] répliquait, réitérant l'expression de son mal-être professionnel et de ses craintes pour son avenir.
Le 2 juillet 2013, Monsieur [V] se voyait convoquer pour un entretien prévu pour le 22 juillet 2013 en vue de faire le point sur sa situation.
Le 17 juillet 2013, le salarié saisissait le Conseil de Prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 6 septembre 2013, lors de sa visite de reprise, le médecin du travail déclarait Monsieur [V] inapte temporairement à son poste de directeur d'hôtel.
Le 23 septembre 2013, la seconde visite de reprise du médecin du travail a confirmé l'inaptitude définitive du salarié dans les termes suivants 'Inapte au poste de directeur d'hôtel occupé. Je ne vois pas d'autre poste pouvant être occupé au sein de l'établissement de [Localité 3]'.
Le 11 octobre suivant, après avoir été interrogé à nouveau le 9 octobre, le médecin du travail précisait 'je ne vois pas de reclassement et/ou aménagement de poste au sein de votre entreprise pour Monsieur [V], compte tenu de l'état de santé du salarié'.
Le 18 octobre 2013, la société CLR proposait au salarié quatre postes de reclassement disponibles au sein du groupe CLR.
Le 24 octobre 2013, Monsieur [V] se déclarait intéressé par le poste d'adjoint de direction au sein de l'hôtel IBIS de Mulhouse.
Le 4 novembre 2013, la société invoquant l'avis du médecin du travail et l'impossibilité de reclassement et informait le salarié qu'une procédure de licenciement était engagée à son encontre.
Le 13 novembre 2013, l'entretien préalable avait lieu.
Le 19 novembre 2013, Monsieur [V] était licencié pour inaptitude dans les termes suivants :
'Conformément aux dispositions du code du travail, nous vous avons convoqué par courrier du 4 novembre 2013 à un entretien préalable ayant pour objet d'envisager la rupture de votre contrat de travail pour inaptitude médicale constatée par le Médecin du Travail.
Au cours de cet entretien du 13 novembre 2013, les éléments constituant l'impossibilité de reclassement ainsi que ceux portant sur la rupture envisagée de votre contrat de travail ont été évoqués.
Suite à deux examens médicaux effectués par le Docteur [J] [Q] - médecin du travail de l'AST Grand Lyon, service de santé au travail, en date du 6 septembre 2013 et du 23 septembre 2013, vous avez été déclaré inapte définitivement à une reprise d'activité à votre poste de Directeur de l'Hôtel [Établissement 1] de [Localité 1].
Cet avis d'inaptitude précise également que « Je ne vois pas d'autre poste pouvant être occupé par le salarié au sein de rétablissement de [Localité 3] ».
Bien que l'avis du médecin du travail conclu à votre inaptitude à tout emploi dans l'entreprise, nous avons recherché une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise notamment par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail.
Ainsi, par courrier du 9 octobre 2013, nous vous avons transmis le courrier adressé au médecin du travail proposant l'étude de solutions d'aménagements de poste susceptible de lui permettre de modifier son appréciation de votre inaptitude.
En réponse, le médecin du travail nous a indiqué par courrier du 11 octobre 2013, que : « je ne vois pas de reclassement et/ou aménagement de poste au sein de votre entreprise pour Monsieur [P] [V], compte-tenu de l'état de santé du salarié ».
En dépit de notre volonté de privilégier un poste de reclassement disponible sur le site de l'hôtel Ibis Styles de Villeurbanne, les hypothèses d'aménagements de postes existants au sein de notre hôtel [Établissement 2], ne permettent pas une appréciation différente de votre aptitude selon les conclusions précitées du médecin du travail en date du 11 octobre 2013.
En dépit de l'avis du médecin du travail concluant à votre impossibilité de reclassement et/ou aménagement de poste au sein de l'entreprise nous avons engagé une recherche de reclassement d'un poste disponible dans l'entreprise, mais également dans l'ensemble des sociétés du groupe CLR HÔTELS conformément à la réglementation.
Par courrier du 18 octobre 2013, nous vous avons informé que cette recherche d'un poste de reclassement aussi comparable que possible à votre emploi de Directeur d'hôtel [Établissement 3] 3) et adapté à vos capacités n'a pu aboutir en l'absence de poste de Directeur ou assimilés disponible dans le Groupe CLR Hôtels.
Toutefois, conformément à la réglementation, nous avons procédé à une recherche d'un poste de reclassement dans l'ensemble des sociétés du Groupe CLR Hôtels en l'élargissant à des postes de catégorie inférieure à votre précédent emploi susceptibles d'emporter une modification de votre contrat de travail.
Ainsi, par courrier du 18 octobre 2013, nous vous avons informé avoir identifié les quatre seuls postes de reclassement disponibles au sein Groupe CLR Hôtels, et susceptibles de pouvoir vous être proposé.
Par courrier du 24 octobre 2013, vous preniez acte de notre recherche d'un poste de reclassement comparable à votre dernier emploi et de nos propositions de reclassement. Vous nous informiez que le poste d'Adjoint de Direction au sein de l'hôtel [Adresse 4] avait retenu votre attention mais que vous ne pourriez accepter ce poste qu'après accord du corps médical compte tenu de votre état de santé dégradé.
Par courrier du 18 octobre 2013, nous avons soumis ces propositions de poste au médecin du travail en lui demandant de se prononcer sur votre aptitude médicale à tenir ces postes et de nous faire part d'éventuels aménagements qui s'avéreraient nécessaires au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail.
Par courrier du 21 octobre 2013, le médecin du travail a indiqué que «d'un point de vue strictement médical, donc sans préjuger de ses compétences professionnelles, je maintiens l'avis je ne vois pas de reclassement et/ou d'aménagement de poste au sein de votre entreprise».
Compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et après un examen et des recherches approfondis menées par l'entreprise au sein de l'ensemble des entreprises du Groupe CLR Hôtels, aucun aménagement de votre poste de travail et aucune autre possibilité de reclassement ne sont envisageables.
En raison de cette impossibilité de reclassement telle qu'indiquée par le médecin du travail, nous ne pouvons maintenir votre contrat de travail et nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le délai légal de réflexion prévu par le Code du Travail étant écoulé, nous vous notifions votre licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans l'entreprise sur un poste disponible correspondant à vos restrictions médicales et à vos compétences professionnelles.
Vous cesserez donc de faire partie de notre personnel à dater du jour de la première présentation de cette lettre.
Votre préavis ne sera pas effectué et il ne sera donc pas rémunéré (...)'
* * *
Sur la saisine le 17 juillet 2013, de Monsieur [P] [V], le Conseil des Prud'hommes de LYON, le 7 janvier 2016, a rendu la décision suivante :
- Prononce la résiliation judiciaire à la date du 19 novembre 2013,
- Dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- Condamne la société CLR Hôtel à payer à Monsieur [V] les sommes suivantes :
- 20.848,89 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 2.084,88 euros au titre des congés payés afférents,
- 45.000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail,
- 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Ordonne à la société SARL CLR Hôtel de remettre à Monsieur [V] toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer, conformément au présent jugement,
- Dit n'y avoir lieu qu'à exécution provisoire de droit conformément aux dispositions de l'article R.1454-28 du Code du travail et fixe le salaire mensuel moyen de Monsieur [V] au cours des trois derniers mois de son exercice professionnel à la somme de 4.603,58 euros,
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- Condamne la société SARL CLR Hôtel aux entiers dépens de l'instance, y compris les éventuels frais d'exécution forcée de la présente décision.
* * *
Le 18 janvier 2016, la SARL CLR VILLEURBANNE a interjeté appel du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de LYON, en date du 7 janvier 2016, notifié le 11 janvier 2016.
Aux termes de ses dernières conclusions d'appel, déposées le 19 juin 2017, telles qu'exposées oralement le jour de l'audience, soit le même jour, la SARL CLR VILLEURBANNE a formé les demandes suivantes :
- Réformer la décision entreprise en ce sens qu'elle a fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [V],
- Confirmer la décision du Conseil de Prud'hommes en ce sens qu'il a jugé que l'employeur a respecté son obligation de reclassement et a exécuté loyalement le contrat de travail,
- Débouter Monsieur [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Le condamner à verser à la société CLR VILLEURBANNE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures en réplique, déposées le 9 juin 2017, telles qu'exposées oralement le jour de l'audience, soit le même jour, Monsieur [P] [V] a formé les demandes suivantes :
A titre principal,
- Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [V],
- L'infirmer quant au quantum des sommes allouées,
- Condamner la société CLR HÔTEL à Monsieur [V], les sommes suivantes :
- 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du
fait de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- 20.848,89 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 2.084,88 euros au titre des congés payés afférents,
- 120.000 euros nets de CSG de CRDS et de toutes charges sociales à titre de
dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et du fait de la rupture,
A titre subsidiaire,
- Confirmer le jugement dans son intégralité,
En toute hypothèse,
- Condamner la société CLR HÔTEL à verser à Monsieur [V] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
* * *
Lors de l'audience les parties ont convenu que la dénomination de la société appelante était bien devenue 'CLR VILLEURBANNE'.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de résiliation du contrat de travail
Il est constant que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée et que c'est seulement s'il l'estime non fondée qu'il doit statuer sur le licenciement.
Il incombe au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail de démontrer le caractère réel et suffisamment grave des faits reprochés à son employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Si la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la date de la rupture devant être fixée au jour de la notification du licenciement intervenu en cours de procédure judiciaire
Suivant l'article L.1224-1 du contrat de travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
L'article L.1224-2 précise que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf procédure de sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire ou substitution d'employeurs sans convention entre ceux-ci.
La mesure qui affecte un ou plusieurs éléments essentiels ou déterminants du contrat de travail d'un salarié correspond à une modification du contrat de travail nécessitant l'accord de l'intéressé. Le caractère contractuel d'un élément de la relation de travail peut résulter de la volonté des parties exprimée en ce sens dans le contrat de travail, lors de sa conclusion, à charge pour le juge, en cas de litige, d'apprécier cette intention. La modification décidée par l'employeur portant sur un élément non déterminant du contrat relève de son pouvoir de direction. Elle constitue un simple changement des conditions de travail, et non une modification du contrat.
***
Monsieur [V] soutient que ses responsabilités n'ont pas cessé d'évoluer depuis son embauche en 1991, puisqu'indépendamment de son poste de directeur délégué d'exploitation, il avait la mission de 'référent groupe' pour six autres hôtels de la région Rhône Alpes, qu'il participait à ce titre à divers comités, commissions ou encore clubs, qu'il pouvait aussi engagé des dépenses de près de 30 KE, qu'il disposait d'une importante autonomie et qu'il était doté du statut de cadre dirigeant, et ce jusqu'au transfert de son contrat de travail en 2012.
Il prétend qu'à partir de celui-ci, il a subi une modification de son contrat puisque la SARL CLR HÔTEL devenue CLR VILLEURBANNE a supprimé unilatéralement la plupart de ses responsabilités telles que la gestion de budget, le renouvellement des contrats de travail, le pouvoir disciplinaire, la participation aux réunions et la responsabilité dans les travaux.
La SARL CLR VILLEURBANNE réplique que les missions de Monsieur [V] n'ont pas été amoindries, bien au contraire, puisqu'un projet d'une envergure considérable lui a été confié (suivi et coordination des travaux de rénovation de l'hôtel durant quatre mois), que Monsieur [V] ne justifie pas qu'il exerçait les fonctions de gestion de 6 hôtels de la région et que l'employeur n'avait pris aucun engagement sur le nombre d'hôtels placés sous sa direction. Elle prétend ainsi qu'aucune modification d'un élément contractuel n'est intervenue et que notamment, la rémunération a été maintenue, que Monsieur [V] était placé sous l'autorité du directeur d'exploitation, qu'il disposait d'une latitude absolue dans son travail et d'un pouvoir directionnel sans entrave, qu'il a pu participer à un séminaire en mars 2013 avec l'ensemble des directeurs du groupe et à de nombreuses réunions internes en vue de favoriser son intégration et qu'il disposait de missions de pilotage.
***
Il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur [V] occupait les fonctions de directeur d'exploitation délégué chargé de l'hôtel de [Localité 1]/[Localité 3] (cf son contrat de travail), qu'il s'engageait notamment, aux termes de ce contrat, à exercer toutes les diligences nécessaires au bon fonctionnement de l'hôtel qu'il dirigeait ainsi que des hôtels placés sous sa délégation dont le nombre, la localisation et la capacité pouvaient varier en fonction des nécessités (contrat de travail article 1).
Il n'est pas contestable que Monsieur [V] avait la charge de six autres établissements en région Rhône Alpes Auvergne ([Localité 4], [Localité 5], [Localité 6], [Localité 7], [Localité 8], [Localité 9]). Sa mission était alors de d'assurer :
- le suivi commercial et marketing
- le suivi et la gestion de l'établissement
- le processus budgétaire et réalisation de celui-ci
- le suivi administratif, législation, sécurité de l'établissement et des personnes
- la tenue de l'établissement,
ainsi qu'il ressort des pièces 56-1 à 56-3.
Monsieur [V] justifie qu'il était investi, à la demande de sa direction, au sein d'un grand nombre d'associations, clubs hôteliers, institutions, etc..., et ce afin d'être reconnu 'comme un acteur économique oeuvrant pour le développement' et renforcer la notoriété des établissements (pièces 54, 56 et 39 à 46).
Il animait par ailleurs diverses commissions au sein du groupe à [Localité 10] (standards de qualité et procédure gestion et d'exploitation et commercial, nouvelles cartes restauration, mise en place des nouveaux logiciels...) participant ainsi à la mise en oeuvre de nouveaux outils et supports indispensables au développement du groupe (pièce 48 attestation de M.[O]).
Il disposait en outre de la possibilité d'engager seul des dépenses importantes (ex : pièce 49 : devis de 27.800 euros).
Ainsi, Monsieur [V] disposait d'une grande autonomie.
Monsieur [V] démontre qu'après le transfert de son contrat de travail il n'était plus associé aux décisions importantes concernant l'établissement, ne pouvait plus engager de dépenses, procéder à des recrutements en contrat de travail à durée déterminée, en intérim et extras, contacter directement des fournisseurs, ou encore disposer du pouvoir disciplinaire en délivrant ne serait-ce que de simples avertissements.
Il est démontré qu'il a au demeurant été contraint de faire du service en salle et en cuisine par suite d'un manque de personnel, et qu'il ne disposait plus du temps nécessaire à la participation aux réunions extérieurs concernant les relations publiques de l'établissement (pièces 42, 50 à 54, 62, 66).
Monsieur [V] dénonçait cette 'rétrogradation' par laquelle il était désormais cantonné à de la 'gestion administrative de base' et à des tâches ne relevant pas de sa qualification (travail en cuisine et service en salle) (pièce 10 courrier du 22 mai 2013).
La SARL CLR VILLEURBANNE répliquait le 10 juin 2013 (pièce 11) qu'elle n'avait aucune obligation de dupliquer et/ou maintenir l'organisation interne passée s'agissant des missions transversales confiées jusqu'alors à Monsieur [V] et elle prétendait que celui-ci bénéficiait d'une autonomie suffisante à l'instar des autres membres de la direction du Groupe CLR, confirmait que les recrutements de tous ordres devaient recevoir 'validation des services dédiés comme dans la plupart des sociétés du groupe' et qu'il ne lui incombait pas de choisir décoration ou matériaux. Elle ne contestait pas plus les éléments repris par Monsieur [V], telle sa participation à des tâches subalternes, hormis l'absence de temps pour participer à des réunions qu'elle imputait au libre choix de Monsieur [V].
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que c'est à juste titre que Monsieur [V] a invoqué une modification de son contrat de travail puisqu'alors que celui-ci disposait d'une grande autonomie dans la gestion de son établissement outre d'un ensemble de missions transversales à d'autres établissements lui conférant une position valorisante et d'impulsion de certaines politiques du groupe, il s'est trouvé astreint à gérer sans autonomie son seul établissement, devant même y exercer des fonctions moins qualifiées ne relevant pas de ses compétences.
Le fait qu'il ait conservé son salaire et sa position et qu'il se soit vu confier la surveillance des travaux de rénovation de l'hôtel qui changeait d'enseigne ne peut suffire à permettre de considérer qu'aucune modification de son contrat de travail n'est intervenue.
C'est donc par une exacte analyse des éléments de la cause que les premiers juges ont considéré que la situation justifiait la demande de résiliation du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents.
Aucune des parties ne remet en cause les bases sur lesquelles le conseil de prud'hommes a liquidé les droits de Monsieur [V]. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL CLR HÔTEL devenue CLR VILLEURBANNE à payer à Monsieur [V] la somme de 20.848,89 euros outre les congés payés afférents.
En application des articles L 1235-3 du code du travail, Monsieur [V] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [V] âgé de 49 ans lors de la rupture, de son ancienneté de plus de 26 années, des conditions dans lesquelles il a retrouvé un emploi en janvier 2015, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 60.000 euros.
En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement doit être infirmé.
En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de deux mois d'indemnisation. Il sera ajouté au jugement de ce chef qui a omis de statuer bien qu'ayant retenu l'application de ce texte dans les motifs de son jugement.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Monsieur [V] forme dans le dispositif de ses écritures une demande de dommages et intérêts qu'il ne fonde ni en droit, ni en fait.
A cet égard, il ne justifie, ni n'allègue au demeurant d'aucun préjudice distinct de celui causé par la rupture du contrat de travail et déjà réparé par ailleurs.
Il sera débouté de sa demande.
Sur les dépens et l'indemnité procédurale
Le jugement sera confirmé du chef des dépens et de l'indemnité procédurale.
La SARL CLR VILLEURBANNE qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et au versement d'une indemnité procédurale de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Constate que la société CLR HÔTEL a pris la dénomination CLR VILLEURBANNE.
Confirme le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Condamne la SARL CLR VILLEURBANNE à verser à Monsieur [P] [V] la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Dit que la somme allouée supportera s'il y a lieu les cotisations ou contributions sociales.
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par la SARL CLR VILLEURBANNE aux organismes concernés des indemnités de chômage payées à Monsieur [V] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent arrêt dans la limite de 2 mois d'indemnité de chômage, en application de l'article L 1235-4 du Code du travail.
Déboute Monsieur [V] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Condamne la SARL CLR VILLEURBANNE à verser à Monsieur [V] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamne aux dépens d'appel.
Le greffierLe Président
Sophie MascrierLaurence BERTHIER