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27/09/2017 | FRANCE | N°16/06345

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 27 septembre 2017, 16/06345


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 16/06345





société BOCCARD



C/

[O]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 17 Août 2016

RG : 16/00506











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2017













APPELANTE :



société BOCCARD

[Adresse 1]

[Adresse 1]
r>

ayant pour avocat postulant Me LIGIER, avocat au barreau de LYON,



représentée par Me COLY substituant Me AGUERA, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant





INTIMÉ :



[P] [O]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Myriam ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 16/06345

société BOCCARD

C/

[O]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 17 Août 2016

RG : 16/00506

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2017

APPELANTE :

société BOCCARD

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ayant pour avocat postulant Me LIGIER, avocat au barreau de LYON,

représentée par Me COLY substituant Me AGUERA, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

INTIMÉ :

[P] [O]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Myriam PLET de la SCP MYRIAM PLET, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Juin 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Laurence BERTHIER, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président

Didier PODEVIN, Conseiller

Hervé LEMOINE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Septembre 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Laurence BERTHIER, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

La société BOCCARD a embauché Monsieur [P] [O] en qualité de dessinateur-projeteur à domicile statut agent de maîtrise, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 4 mars 1997.

Le contrat de travail stipulait en son article 15 que la convention collective des mensuels des industries métallurgiques du Rhône s'appliquerait pour tout ce qui n'était pas prévu par le contrat lui-même.

Par avenant daté du 1er janvier 2001 et prenant effet le jour même, les parties ont convenu que Monsieur [P] [O] était promu 'cadre dessinateur', position I, indice 86. Cet avenant au contrat de travail prévoyait en son article 4, que pour tout ce qui n'est pas prévu par l'avenant lui-même, la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie est applicable.

Contestant l'évolution de sa rémunération non conforme selon lui à la convention collective, Monsieur [O] a adressé à partir de janvier 2016 divers courriers à son employeur, pour obtenir les rémunérations qu'il estimait dues.

* * *

Sur requête du 13 juin 2016, le Conseil de Prud'hommes de LYON, le 17 août 2016, en sa formation de référé, a rendu l'ordonnance suivante :

- Ordonne à la société BOCCARD d'appliquer à Monsieur [P] [O] l'évolution automatique de sa classification, telle que prévue par les articles 21 et 22 de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie,

- Ordonne à la société BOCCARD d'attribuer à Monsieur [P] [O] les classifications suivantes :

- Position II coefficient 114 depuis le 1er juin 2011 et jusqu'au 31 décembre 2012,

- Position II coefficient 120 entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015,

- Position II coefficient 125 à partir du 1er janvier 2016,

- Condamne la société BOCCARD à verser à Monsieur [P] [O], sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de la présente ordonnance, les sommes suivantes :

- 10.833,49 euros à titre de rappel de salaire,

- 1.083,35 euros au titre des congés payés afférents,

- Dit que le Conseil des Prud'hommes de Lyon se réserve l'éventuelle liquidation de la dite astreinte,

- Condamne la société BOCCARD à verser à Monsieur [P] [O] les sommes suivantes :

- 200 euros à titre de provision sur dommages et intérêts,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Dit que les sommes correspondant à un rappel de salaire ou d'indemnité de congés payés, porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine de la juridiction, et que la somme représentative de dommages et intérêts portera intérêt au même taux à compter de la notification de la présente ordonnance,

- Rappelle l'exécution provisoire de droit de la présente décision conformément aux articles R 1455-10 du Code du travail et 489 du Code de procédure civile,

- Déboute la société BOCCARD de la demande qu'elle avait formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamne la société BOCCARD aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution forcée.

* * *

Le 24 août 2016, la SA BOCCARD a interjeté appel de l'ordonnance rendue par le Conseil de Prud'hommes de LYON, en date du 17 août 2016.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appel, déposées le 1er juin 2017, telles qu'exposées oralement le jour de l'audience, soit le 13 juin 2017, la SA BOCCARD a formé les demandes suivantes :

Infirmant l'ordonnance entreprise

À titre principal,

- Dire et Juger que Monsieur [O] a bénéficié d'une évolution conforme aux dispositions conventionnelles,

- Dire et Juger qu'aucune indemnité d'occupation n'est due à Monsieur [O],

- Débouter Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- Constater que les demandes de Monsieur [O] se heurtent à une contestation sérieuse ;

- Constater que Monsieur [O] ne justifie d'aucune urgence ;

Partant,

- Dire et Juger qu'il n'y a pas lieu à référé.

En tout état de cause,

- Constater que les demandes de Monsieur [O] afférentes à un rappel de salaire antérieures au 13 juin 2013 sont prescrites,

- Le débouter, à tout le moins, de ses demandes prescrites et représentant un montant de 2 203,68 euros outre les congés payés afférents,

- Constater que Monsieur [O] ne rapporte pas la preuve de l'exécution déloyale de son contrat de travail,

- Ordonner le remboursement des sommes servies à Monsieur [O] en application de l'ordonnance entreprise,

- Condamner Monsieur [O] à verser à la société BOCCARD la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Le condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures en réplique, déposées le 30 mai 2017 telles qu'exposées oralement lors de l'audience de la cour, soit le 13 juin 2017, Monsieur [P] [O] a formé les demandes suivantes :

Vu l'article 1134 du Code civil,

Vu les articles L1222-1, L.1471-I, L.1222-9, et suivants du Code du Travail,

Vu l'article 515 et l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Vu la loi n° 2013-504 dite de sécurisation de l'emploi (LSE) du 14 juin 2013 et en particulier son article 26,

Vu les dispositions de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars1972,

Vu l'Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail

1/ Confirmer l'ordonnance rendue par le Conseil de prud'hommes, en ce qu'elle a :

-Ordonné à la Société BOCCARD d'appliquer à Monsieur [O] l'évolution automatique de classification prévue par les articles 21 et 22 de la Convention Collective des cadres de la Métallurgie ;

-Ordonné à la Société BOCCARD d'attribuer à Monsieur [O] les positions et coefficients suivants :

-Position II coefficient 100 entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2006

-Position II coefficient 108 entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009

-Position II coefficient 114 entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012

-Position II coefficient 120 entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015 Position II coefficient 125 à partir du 1er janvier 2016.

-Condamné la Société BOCCARD à délivrer à Monsieur [O] les bulletins de salaire et à lui payer, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, les sommes suivantes :

a/ A titre de rappels de salaires,

De mai 2011 à novembre 2016 inclus12.840,99 €

Congés payés afférents 1.284,10 €

outre intérêts à compter de la demande, en deniers ou quittance

b/ Chaque mois, à compter de décembre 2016, le salaire correspondant au coefficient 125 position II

2/ Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la société BOCCARD au paiement

d'une provision sur dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail mais la porter à 2.000 €

Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la société BOCCARD au paiement

de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance

3/ Condamner la société BOCCARD à payer :

a/ A titre d'indemnité d'occupation pour utilisation à titre professionnel du domicile privé

1.360,80 €

- puis chaque mois, à compter de janvier 2017, la somme de 32,40 € à ce titre

b/ Au titre de l'indemnité prévue par l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure devant la Cour d'appel : 3.000,00 €

- Condamner la Société BOCCARD aux entiers dépens.

* * *

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappels de salaire

Monsieur [O] soutient qu'en application de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, les cadres bénéficient d'une évolution automatique de position et de coefficient tous les trois ans de sorte qu'il aurait dû être placé, au 1er janvier 2004, en position II, coefficient 100. Or, la société BOCCARD n'a jamais appliqué cette évolution automatique de classification et de salaire.

Il sollicite des rappels de salaires depuis le 1er janvier 2004 correspondant à la position II et des coefficients évoluant de 100 à 125 depuis cette date.

Sur la prescription

La société BOCCARD prétend en premier lieu, invoquant les dispositions des articles 2222 et 2224 du Code civil et L1471-1 et L.3245-1 du Code du travail, que les demandes de rappels de salaire ainsi formées par Monsieur [O] sont pour partie prescrites dès lors que celui-ci a saisi le conseil de prud'hommes le 13 juin 2016 et que le point de départ de la prescription est le moment où il aurait dû avoir connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit, soit depuis le 1er janvier 2004 et qu'ainsi ses demandes antérieures au 13 juin 2013, sont nécessairement prescrites.

Elle soutient, en second lieu, que la demande ainsi formulée est accessoire à celle afférente à la revendication d'un droit à une évolution automatique de sa classification, action portant dès lors sur l'exécution de son contrat de travail, laquelle se prescrivait par cinq ans auparavant et par deux ans depuis le 17 juin 2013. Dès lors l'action de Monsieur [O] est prescrite selon elle depuis le 1er janvier 2009, soit cinq ans après le 1er janvier 2004 et l'ensemble des demandes doivent être 'rejetées'.

Monsieur [O] soutient quant à lui qu'il est recevable à formuler des demandes de rappels de salaire depuis le 13 juin 2011 puisqu'il a déposé sa demande le 13 juin 2016, en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 26 de la loi du 14 juin 2013.

***

Aux termes de l'article L3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 (art. 21): 'L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.'.

Auparavant, et sous l'empire de la loi n°2008- 561 du 17 juin 2008, cette action était soumise à la prescription de cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.

Selon les dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail, issues de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 promulguée le 17 juin suivant, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Suivant les dispositions de l'article 21 de la loi précitée, les dispositions précitées s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Le délai de prescription de l'action en paiement d'un rappel de salaire ne court qu'à compter de la date d'exigibilité de la créance salariale, laquelle correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

En l'espèce, Monsieur [O] exerce une action en paiement d'un rappel de salaire dont la fraction la plus ancienne est, suivant son décompte (pièce 6-1) en date du mois de mai de l'année 2011. A la date d'exigibilité de la créance, il disposait, pour exercer son action, d'un délai de cinq ans, réduit à trois ans à compter du 17 juin 2013, mais ne pouvant excéder le 31 mai 2016.

Il s'en déduit que l'action en paiement du rappel de salaire est prescrite pour la demande concernant le mois de mai 2011 en ce qu'elle a été exercée par la saisine du Conseil de Prud'hommes de Lyon, en date du 16 juin 2016, mais recevable pour le surplus (de juin 2011 à novembre 2016).

Il sera ajouté au jugement qui a omis de statuer de ce chef dans son dispositif.

Sur la demande de rappels de salaire

Monsieur [O] soutient que la société BOCCARD a omis de procéder à l'évolution automatique de classification prévue par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, ce qui a directement impacté son salaire.

Il sollicite les rappels suivants :

- année 2011 : 180,50 euros

- année 2012 : 554,40 euros

- année 2013 : 3.245,04 euros

- année 2014 : 3.106,80 euros

- année 2015 : 3.240 euros

- année 2016 : 2.514,25 euros (janvier à novembre)

soit 12.840,99 euros outre 1.284,10 euros de congés payés afférents.

Il fait valoir que par avenant du 1er janvier 2001, il a été promu 'cadre dessinateur' avec référence claire et non équivoque à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Il revendique donc l'application des articles 21A et 22 de cette convention qui prévoient une évolution automatique de position et de coefficient tous les trois ans et il considère ainsi qu'il aurait dû être placé au 1er janvier 2004, en position II coefficient 100, pour relever au jour de ses écritures, de la position II coefficient 125. Or, l'employeur lui a fait une application aléatoire et discrétionnaire de la classification et non automatique comme il aurait dû le faire.

Il fait valoir en substance que la question de l'application du mécanisme d'avancement automatique triennal aux nouveaux salariés cadres issus de la reclassification intervenue par l'accord national de transposition du 29 janvier 2000, est sans portée dès lors que son statut de cadre est indiscutable et qu'il ne peut être considéré comme un cadre 'transposé' ou 'maîtrise'.

La société BOCCARD réplique que c'est en application de l'accord national du 29 janvier 2000, qu'il a été proposé à Monsieur [O] de devenir cadre et d'être soumis à la convention de forfait jour et qu'un avenant a été régularisé le 1er janvier 2001, le classant à l'emploi de 'cadre-maîtrise' indice 86, sans que ses fonctions ne soient changées.

Elle soutient que les règles de promotion automatique prévues à l'article 21 de la convention collective sont réservées aux jeunes diplômés et non aux 'cadres maîtrise' tel Monsieur [O] qui ne dispose pas des diplômes conditionnant l'application de l'article 21A et, qu'en outre, l'évolution automatique à la position II est réservée par ailleurs (article 21B) aux ingénieurs et cadres confirmés, par 'promotion pour les non-diplômés'. Dès lors Monsieur [O] ne pouvait prétendre à une évolution automatique puisque ne satisfaisant pas aux dispositions conventionnelles. Elle ajoute que l'accord du 29 janvier 2000 avait pour objet de créer une catégorie nouvelle de cadres permettant la promotion d'agents de maîtrise au statut cadre sans que ceux-ci soit nécessairement intégrés à la position II comme le prévoit la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie. L'article 3 de cet accord exclut toute référence à l'âge ou à l'ancienneté, contrairement à ce que revendique Monsieur [O], mais une promotion selon le seul pouvoir de direction de l'employeur.

Elle prétend qu'ainsi, l'application de l'accord du 29 janvier 2000 a soulevé de véritables difficultés, comme en témoigne la jurisprudence qui jusqu'à un arrêt du 6 juillet 2016 de la Cour de Cassation, présentait des divergences d'interprétation. Ainsi, les premiers juges auraient dû constater l'existence d'une contestation sérieuse. Aucune situation d'urgence n'est établie par ailleurs par Monsieur [O] et il n'y a donc pas lieu à référé selon elle, à titre subsidiaire.

***

Suivant l'article R 1455-5 du Code du travail : 'Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.'

L'article R 1455-7 énonce que : 'Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.

Il est constant que l'absence de contestation sérieuse implique l'évidence de la solution qu'appelle le point contesté.

Aux termes de l'article 21 de la convention collective, il est prévu que :

'-Classification

A - ANNÉES DE DÉBUT

Position I

Les titulaires des diplômes actuellement définis à l'article 1 de la présente convention, qui débutent comme ingénieurs ou cadres administratifs ou commerciaux, bénéficient à leur entrée dans l'entreprise d'un taux minimum garanti.

Le coefficient qui résulte de l'article 22 ci-après est majoré pour chaque année d'expérience acquise par les intéressés au-delà de 23 ans jusqu'au moment où ils accèdent aux fonctions de la position II et de la position III où sont classés les ingénieurs et cadres confirmés.

Le calcul des années d'expérience se fait sur les bases suivantes :

- toute année de travail effectuée comme ingénieur ou cadre dans l'entreprise liée par le présent accord ou dans une activité en rapport avec la fonction envisagée est comptée comme une année d'expérience.

- les études à plein temps postérieures au premier diplôme et ayant conduit à l'obtention d'un deuxième diplôme parmi ceux actuellement définis à l'article 1 de la présente convention, et utilisable éventuellement par l'entreprise à la condition que ces études aient une durée supérieure ou égale à un an, sont comptées comme une année d'expérience.

Dans le cas où les titulaires de diplômes ainsi définis à l'article 1 de la présente convention débutent comme ingénieurs ou cadres administratifs ou commerciaux avant 23 ans, ils bénéficient d'un taux d'engagement minimum fonction de leur âge ; leurs appointements minima doivent être augmentés par la suite de façon que ces appointements correspondent, lorsque les intéressés atteignent 23 ans, au taux minimum garanti d'embauche des ingénieurs et cadres âgés de 23 ans.

Les ingénieurs et cadres débutants accèdent au classement de la position II et de la position III prévues pour les ingénieurs et cadres confirmés dès que leurs fonctions le justifient. Ce passage a un caractère obligatoire lorsqu'ils ont accompli une période de trois ans en position I, dont une année au moins de travail effectif dans l'entreprise, et atteint l'âge de 27 ans. Les études à plein temps, telles que définies à l'alinéa 3 ci-dessus, équivalent à une période d'un an d'ancienneté en position I.

Les taux minima d'engagement dans l'entreprise et la majoration de coefficient par année d'expérience sont fixés dans le barème annexé.

B. - INGÉNIEURS ET CADRES CONFIRMÉS (indépendamment de la possession d'un diplôme)

Les ingénieurs et cadres confirmés soit par leur période probatoire en position I, soit par promotion pour les non-diplômés, sont classés dans la position II et la position III (...).

Position II

(...)

Les salariés classés au troisième échelon du niveau V de la classification instituée par l'accord national du 21 juillet 1975 (...) Seront placés en position II au sens du présent article à la condition que leur délégation de responsabilité implique une autonomie suffisante. Ils auront la garantie de l'indice hiérarchique 108 déterminé par l'article 22 ci-dessous.

(...)

L'article 22 est ainsi rédigé :

'- Indices hiérarchiques

La situation relative des différentes positions, compte tenu éventuellement pour certaines d'entre elles de l'âge ou de l'ancienneté, est déterminée comme suit :

Position I (années de début) :

- 21 ans : ............................................................. 60

- 22 ans :.............................................................. 68

- 23 ans et au-delà :............................................. 76

- Majoration par année d'expérience acquise au-delà de 23 ans dans les conditions prévues

à l'article 20 :............................................................. 8

Position II :............................................................ 100

- Après 3 ans en position II dans l'entreprise :...... 108

- Après une nouvelle période de 3 ans :................114

- Après une nouvelle période de 3 ans :............... 120

- Après une nouvelle période de 3 ans :............... 125

- Après une nouvelle période de 3 ans :............... 130

- Après une nouvelle période de 3 ans :............... 135

Position repère III A : ............................................135

Position repère III B :............................................ 180

Position repère III C :............................................ 240

Et l'article 6 alinéa 4 de la convention collective prévoit qu'en cas de promotion d'un

membre du personnel à une situation d'ingénieur ou cadre dans l'entreprise,

'il lui est adressé une lettre de notification de ses nouvelles conditions d'emploi établie conformément aux dispositions de l'article 4 (...) et de l'article 21-B de la présente convention collective'.

Suivant l'Article 3 de l'accord du 29 janvier 2000 :

'Classification

Aux articles 1er, 21 et 22 de la Convention Collective Nationale des Ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 modifiée, il est ajouté, parallèlement à la position I et sans condition d'âge ou d'ancienneté, les six coefficients de classements suivants : 60, 68, 76, 80, 86, 92.

Article 4 ' Grille de transposition

Il est institué, à partir de l'an 2000 et à titre transitoire, une grille de transposition permettant, pour les salariés qui remplissent les conditions définies à l'article 2 (conditions pour conclure une convention de forfait en heures ou en jours sur l'année), de bénéficier de la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche de la métallurgie, et de déterminer le coefficient de classement résultant de la Convention Collective Nationale des Ingénieurs et Cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 modifiée, correspondant au coefficient de même niveau résultant de l'accord national du 21 juillet 1975 modifié sur la classification.

Cet article est suivi d'une 'grille transitoire (qui) permet une translation directe et

immédiate des anciens niveaux de classification aux nouveaux', à partir de quatre colonnes reprenant :

- la 'classification de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de 1972" faisant apparaître l'ensemble des coefficients de classement (de 60 à 240), y compris les nouveaux coefficients (de 60 à 92) résultant de l'article 3 de l'Accord ;

- la 'classification résultant de l'Accord National du 21 juillet 1975" (de 140 à 395) ;

- les indices de 'classification actuelle' ;

- les niveaux dans la 'grille de transposition'.

Il ressort de ces dispositions qu'aucun renvoi n'est fait de la disposition sur le passage automatique à la Position II dont se prévaut le salarié, à la condition de diplôme de l'alinéa 1 de l'article 21 A.

Si l'alinéa 1, comme d'autres alinéas de l'article 21 A, évoquent 'les titulaires de diplômes', l'alinéa sur le passage automatique à la Position II évoque 'les ingénieurs et cadres débutants (')' qui ont occupé la position I, et cet alinéa ne comprend aucun renvoi à la condition de diplômé de l'alinéa 1.

L'alinéa 1 ne vise qu'à faire bénéficier ces titulaires de diplômes à leur entrée dans l'entreprise d'un taux minimum garanti.

Dès lors, à supposer même que la disposition de la convention collective dont se prévaut le

salarié pour obtenir son passage automatique en Position II, renvoie à l'alinéa 1 du même article 21 A en ce qu'il vise les titulaires de diplômes, celui-ci est en droit d'obtenir son passage automatique en position II, dès lors que son contrat de travail tel qu'il a été modifié par un avenant du 20 décembre 2000 stipule qu' 'A effet du 1er janvier 2001", Monsieur [O] dispose du statut de 'cadre position I, coefficient 86".

Il ressort donc de cette clause claire et précise, que le salarié s'est vu reconnaître le statut de cadre position I, alors même qu'il n'était pas titulaire des diplômes exigés.

Dès lors il pouvait, sur le fondement de cette clause en ce qu'elle visait le statut de 'cadre Position I', se prévaloir de l'ensemble de l'article 21A de la convention collective 'Année de début' qui concernait précisément la Position I et autrement dit, il pouvait également revendiquer l'application les dispositions de cet article 21 A de la convention collective qui étaient réservées aux diplômés, dès lors que l'avenant à son contrat, en visant le statut de cadre position I, avait eu précisément pour objet et pour effet de l'assimiler à ces diplômés.

Il est constant au surplus qu'il est loisible à un employeur de 'surclasser' ou 'surqualifier' un salarié par rapport aux fonctions effectivement exercées, en lui attribuant une qualification professionnelle conventionnellement supérieure à sa qualification personnelle, et que par conséquent il ne peut refuser de tirer les conséquences du 'surclassement contractuel' qu'il a consenti. Le salarié doit donc bénéficier de la qualification qu'il lui a volontairement reconnue et est donc fondé à prétendre à la rémunération correspondant à cette qualification par la seule application de son contrat de travail.

Il importe peu alors que le salarié ne remplisse pas les conditions prévues par la convention collective pour l'exercice de cet emploi.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit au moyen fondé sur la contestation sérieuse et la condition de l'urgence n'est pas exigée comme condition de l'application de l'article R 1455-7 du Code du travail précité. Il sera alloué à Monsieur [O] la somme de 12.817,99 euros à titre de provision sur les rappels de salaire du 1er juin 2011 au 30 novembre 2016 outre la somme de 1.281,79 euros au titre des congés payés afférents.

L'ordonnance sera infirmée sur le montant retenu.

Il n'y a pas lieu d'ordonner sous astreinte le paiement du rappel de salaire et des congés payés afférents étant observé qu'en vertu des dispositions des articles 500 et 539 du Code de procédure civile, la décision de la cour d'appel n'étant susceptible que d'une voie de recours extraordinaire, dont l'une des caractéristiques est de n'être point suspensive hormis les cas limitativement énumérés par la loi, le présent arrêt est exécutoire de droit et peut être mis à exécution dès sa notification.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Monsieur [O] fait valoir que la société BOCCARD aurait dû lui appliquer les dispositions conventionnelles dont relèvent les cadres dans la branche de la métallurgie.

Il sollicite l'octroi d'une provision sur dommages et intérêts d'un montant de 2.000 euros.

La société BOCCARD soutient qu'elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles et que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa prétendue déloyauté créerait nécessairement un préjudice à Monsieur [O].

***

Il ressort des motifs qui précèdent que la société BOCCARD a failli à ses obligations quant à l'application de la convention collective.

Toutefois, Monsieur [O] ne justifie pas d'un préjudice indépendant du retard de règlement. Or, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal suivant les dispositions de l'article 1153 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de condamnation à une provision de 2.000 euros mais plutôt de dire que la condamnation reprise ci-dessus sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2016, date de réception de la convocation devant la formation de référés du conseil de prud'hommes, et ce à titre de provision sur dommages et intérêts.

Sur la demande d'indemnité d'occupation pour utilisation du domicile privé

Monsieur [O] fait valoir pour la première fois en cause d'appel qu'il travaille à son domicile comme convenu à son contrat de travail durant près de 80 % de son temps mais qu'aucune disposition spécifique pour assurer sa protection de télétravailleur n'a été prévue hormis la prise en charge de ses instruments de travail.

Il sollicite l'octroi d'une indemnité d'occupation calculée pour la période de juin 2013 à décembre 2016, comme suit :

(4m² x 8,10 €) x 42 mois = 1.360,80 euros puis mensuellement à compter du mois de janvier 2017 la somme de 32,40 euros.

La société BOCCARD s'oppose à la demande arguant que celle-ci qui concerne une indemnité à titre définitif ne relève pas du pouvoir d'appréciation de la juridiction des référés. Elle ajoute que le travail à domicile a été mis en place dès 1997 et que par conséquent les demandes antérieures au 13 juin 2014 sont prescrites. Elle soutient encore qu'elle respecte ses obligations légales en mettant à disposition du salarié l'ensemble du matériel nécessaire à l'exercice de ses missions et qu'elle a mis des locaux à disposition de Monsieur [O].

***

L'article R 1455-7 énonce que : 'Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.

En l'espèce, Monsieur [O] demande à la cour, statuant en référé de lui accorder une indemnité d'occupation outre des sommes à venir dont il sollicite la fixation à titre mensuel.

Or, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d'accorder des dommages et intérêts ou des indemnités relevant de l'appréciation du juge du fond.

Il convient de dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de Monsieur [O] à ce titre, en ajoutant au jugement sur ce point.

Sur les dépens et l'indemnité procédurale

L'ordonnance sera confirmée du chef des dépens et de l'indemnité procédurale.

La société BOCCARD qui succombe à titre principal sera condamnée aux dépens d'appel et au versement d'une indemnité procédurale de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance sauf sur le montant du rappel de salaire et des congés payés afférents, sur la provision sur dommages et intérêts et sur l'astreinte.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne la société BOCCARD à verser à Monsieur [P] [O] les sommes suivantes :

- 12.817,99 euros à titre de provision sur les rappels de salaire du 1er juin 2011 au 30 novembre 2016 outre la somme de 1.281,79 euros à titre de provision sur congés payés afférents.

Condamne la société BOCCARD à verser à Monsieur [P] [O] à titre de provision sur dommages et intérêts, pour exécution déloyale du contrat de travail, les intérêts au taux légal sur la somme de 14.099,78 euros, à compter du 14 juin 2016.

Dit n'y avoir lieu à fixation d'une astreinte.

Y ajoutant,

Dit que l'action en paiement du rappel de salaire de Monsieur [O] est prescrite pour la demande concernant le mois de mai 2011.

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription pour le surplus.

Dit n'y avoir lieu à référé concernant la demande de Monsieur [O] au titre de l'indemnité d'occupation.

Condamne la société BOCCARD à verser à Monsieur [O] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

La condamne aux dépens d'appel.

Le greffierLe Président

Sophie MASCRIERLaurence BERTHIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 16/06345
Date de la décision : 27/09/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°16/06345 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-27;16.06345 ?
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