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14/11/2017 | FRANCE | N°15/09721

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 14 novembre 2017, 15/09721


R.G : 15/09721









Décisions :



- Tribunal de Grande Instance de NÎMES

Au fond du 01 juillet 2013



RG : 2011/05920

ch n°1



- Cour d'Appel de NÎMES

du 30 janvier 2014

RG : 13/03447

1ère chambre A



- Cour de cassation Civ. 1

du 25 novembre 2015

Pourvoi n°C 14-21.287

Arrêt n° 1321 FS-P+B+I









[M]



C/



[L]

[H]

[H]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

A

U NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 14 Novembre 2017



statuant sur renvoi après cassation







APPELANTE :



Mme [X] [A] [S] [F] [M]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représe...

R.G : 15/09721

Décisions :

- Tribunal de Grande Instance de NÎMES

Au fond du 01 juillet 2013

RG : 2011/05920

ch n°1

- Cour d'Appel de NÎMES

du 30 janvier 2014

RG : 13/03447

1ère chambre A

- Cour de cassation Civ. 1

du 25 novembre 2015

Pourvoi n°C 14-21.287

Arrêt n° 1321 FS-P+B+I

[M]

C/

[L]

[H]

[H]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 14 Novembre 2017

statuant sur renvoi après cassation

APPELANTE :

Mme [X] [A] [S] [F] [M]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SCP SVA, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉS :

Me [P] [L]

Notaire - [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocats au barreau de NÎMES

M. [Q] [H], époux séparé de biens de Mme [W] [E]

né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 2] (30)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Jérôme COMBE, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SCP TRIAS VERINE VIDAL GARDIER-LEONIL ROYER, avocats au barreau de MONTPELLIER

Melle [J] [H]

née le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 2] (30)

[Adresse 4]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jérôme COMBE, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SCP TRIAS VERINE VIDAL GARDIER-LEONIL ROYER, avocats au barreau de MONTPELLIER

******

Date de clôture de l'instruction : 06 Avril 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Octobre 2017

Date de mise à disposition : 14 Novembre 2017

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

M. [M] [H] est décédé le [Date décès 1] 2011 à [Localité 2] en laissant pour lui succéder ses deux enfants, [Q] et [J]. Aux termes d'un acte reçu le 6 juin 2011 par Me [L], notaire, il a institué Mme [X] [M], sa compagne, légataire universelle de la quotité disponible de tous ses biens.

Contestant la validité du testament, M. [Q] [H] et Mme [J] [H] se sont, par déclaration au greffe en date du 14 octobre 2011, inscrits en faux contre l'acte authentique reçu par Me [L].

Par acte en date du 20 octobre 2011, ils ont fait assigner Mme [X] [M] devant le tribunal de grande instance de NIMES aux fins qu'elle déclare si elle entendait faire usage de ce testament et, dans l'affirmative, de le déclarer faux et par voie de conséquence nul.

Par acte en date du 20 février 2012, Mme [X] [M] a appelé en la cause Me [L] notaire, aux fins de voir reconnue sa responsabilité professionnelle.

Par jugement en date du 1er juillet 2013, le tribunal a :

- dit que le testament authentique reçu par Me [L] le 6 juin 2011 était faux et que si un tel écrit pouvait constituer malgré tout un testament international, celui-ci n'était pas valide en la forme en tant que testament international tel que réglementé par la convention de WASHINGTON en date du 26 octobre 1973, entrée en vigueur le 1er décembre pour la France,

En conséquence,

- prononcé la nullité de l'acte établi le 6 juin 2011 par Me [L] notaire à SAINT CHAPTES (30),

- débouté Mme [X] [M] de ses demandes à l'encontre de Me [L],

- condamné Me [L] à verser à M. [Q] [H] et Mme [J] [H] la somme de 4 500 € à titre de dommages et intérêts,

- condamné Mme [X] [M] et Me [L] in solidum à payer à M. [Q] [H] et Mme [J] [H] la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter solidairement les dépens,

- dit que le jugement serait publié en marge de l'acte du 6 juin 2011.

Mme [X] [M] et Me [L] ont interjeté appel de ce jugement qui a été confirmé en toutes ses dispositions par arrêt de la cour d'appel de NIMES en date du 30 janvier 2014. Cet arrêt a, en outre, débouté M. [Q] [H] et Mme [J] [H] de leurs demandes de dommages et intérêts pour appel abusif, condamné Mme [X] [M] et Me [L] aux dépens et condamné Me [L] à payer à M. [Q] [H] et Mme [J] [H] ensemble la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 25 novembre 2015, la 1ère chambre de la cour de cassation a cassé cet arrêt sauf en ce qu'il prononçait la nullité de l'acte du 6 juin 2011 pour non respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil.

La cour de cassation a retenu au visa des articles 1er et 6 § 2 de la loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973, que l'annulation d'un testament authentique pour non respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil ne fait pas obstacle à la validité de l'acte en tant que testament international, dès lors que les formalités prescrites par la Convention ont été accomplies ; que l'obligation faite au testateur, en application du second de ces textes, de signer chaque feuillet que comporte le testament est satisfaite par l'apposition du paraphe visé par l'article 14, quatrième alinéa du décret n°71-941 du 26 novembre 1971, relatif aux actes établis par les notaires ; que pour juger que le testament nul ne pouvait constituer un testament international, l'arrêt avait retenu que les dispositions de la loi uniforme relatives aux modalités de la signature n'avaient pas été respectées par les testateur, qui a seulement signé la dernières page de l'acte, les autres pages ne comportant que ses initiales 'MA' ; qu'en statuant ainsi la cour avait violé les textes susvisés.

Mme [X] [M] a saisi la cour d'appel de LYON, désignée comme cour de renvoi, par acte du 21 décembre 2015.

Au terme de conclusions notifiées le 30 janvier 2017, elle demande à la cour de :

- constater qu'en l'état de la cassation et annulation partielle, le testament du 6 juin 2011 est déclaré valable en ce qu'il constitue un testament international conforme à la Convention de Washington du 26 octobre 1973,

- dire, par voie de conséquence, que ledit testament doit recevoir plein et entier effet et qu'il convient de permettre l'entrée en possession de ses droits correspondant à la quotité disponible.

- fixer la quotité disponible lui revenant à la somme de 789 804,69 €,

- déclarer régulier et valable le testament du 6 novembre 2011 en tant que testament international par application de l'application de Washington du 26 octobre 2013,

- lui donner plein effet,

- condamner en conséquence M. [Q] [H] et Mme [J] [H] à lui verser la somme de 789 804,69 € correspondant à la quotité disponible, outre les intérêts au taux légal à compter du mois de mars 2012,

- condamner en outre solidairement M. [Q] [H] et Mme [J] [H] à lui verser la somme de 40 000 € à titre de dommages-intérêts en raison, d'une part, de leurs agissements ayant eu pour effet d'empêcher l'envoi en possession depuis le mois d'octobre 2012 et, d'autre part, en ce qu'elle a été privée, par suite de la sommation déguerpir, de la faculté d'occuper la maison sise à [Adresse 5], au titre de l'usufruit à vie accordé par voie de testament,

- dire que l'ensemble des condamnations prononcées contre les consorts [H] porteront intérêt au taux légal à compter du 1er mars 2013, date de signification des ses dernières conclusions devant le tribunal de grande instance de NÎMES,

- condamner solidairement M. [Q] [H] et Mme [J] [H] à lui verser la somme 15 000 € HT au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SCP DUCROT «DPA»,

- dire que Me [P] [L], notaire, en raison des fautes commises dans la rédaction du testament ayant privé Mme [X] [M] de ses droits légitimes, doit être condamnée à garantir la restitution, par les consorts [H], de la somme de 789 804,69€ au titre de la quotité disponible, ainsi que de la somme de 40 000 € au titre des dommages-intérêts précités, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter du 1er mars 2013 et, enfin, la somme de 15 000 € HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement, et dans l'hypothèse où la cour ne reconnaîtrait pas le testament du 6 novembre 2011 valable en tant que testament international et le priverait de tout effet,

Subsidiairement,

- dire que Me [P] [L] a commis une faute en ce que le testament authentique rédigé par ses soins serait privé d'effet au regard des dispositions nationales issues des articles 971 et 975 du code civil et des dispositions de la Convention internationale de Washington du 26 octobre 1973,

- dire que les fautes commises par le notaire l'obligent à réparer son entier préjudice s'élevant, conformément aux dispositions de l'article 913 du code civil, au tiers du montant de la succession,

- condamner en conséquence Me [P] [L] à lui verser la somme de 789 804,69 € au titre de la quotité disponible sauf à parfaire en fonction de l'état de liquidation-partage, outre la somme de 40 000 € à titre de dommages-intérêts, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2013,

- dire n'y avoir lieu à déduire de la somme lui revenant les droits de succession susceptibles de devoir être acquittés,

- condamner Madame [P] [L] à lui verser la somme 15 000 € HT en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SCP DUCROT «DPA».

Elle fait valoir :

- que le caractère faux de l'acte n'est pas de nature à en empêcher la conversion par réduction du testament authentique en testament international, la cour de cassation appliquant le mécanisme nonobstant une telle considération, que la Cour de cassation, dans son arrêt du 25 novembre 2015, admet de toute évidence la possibilité d'une validité du testament comme testament international alors qu'elle a pertinemment connaissance du caractère faux de l'acte, qu'il s'agit d'une position qui n'est pas nouvelle,

- que la jurisprudence s'attache clairement au travers de ses arrêts à promouvoir un formalisme testamentaire intelligemment éclairé, en ce qu'il est donné primauté au respect des dernières volontés du testateur, que la seule considération qui importe est celle de l'expression de la volonté certaine du testateur, qui ne peut être de toute évidence remise en cause par le non-respect de la formalité de dictée du testament,

- que l'examen des conditions posées par la convention de Washington révèle que le testament répond parfaitement à ces conditions relativement à la forme du testament international, à savoir qu'il a été fait par une seule personne, en présence de deux témoins et d'une personne habilitée à instrumenter ; qu'il ressort de l'attestation du témoin [N] [W] ainsi que du PV d'audition de témoins devant le juge de la mise en état que M. [M] [H] avait conscience, et de ce que représentait le document lu par le notaire, et de son contenu qu'il approuvait, qu'ainsi, le testateur a bien exprimé sa parfaite volonté au travers de l'acte litigieux, bien que le notaire soit un faussaire,

- que l'acte n'avait pas à être lu en son entier aux témoins, la convention ne faisant pas de la lecture de l'acte en son entier une condition de validité du testament international,

- que l'acte a été régulièrement signé par le testateur et que celui-ci a apposé son paraphe sur chaque page ; que la Cour de cassation assimile, en matière de testament international, la signature et le paraphe, en retenant que l'obligation faite au testateur dans la convention de Washington de signer chaque feuillet du testament est satisfaite par l'apposition du paraphe visé par l'article 14, quatrième alinéa, du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, relatif aux actes établis par les notaires ; que l'exigence de signature des feuillets obéissant à des impératifs d'identification de l'auteur de l'acte et d'approbation de la page d'un acte qui en comporte plusieurs, ces fonctions sont suffisamment remplies par la signature du testateur à la fin du testament international, alors que l'addition ou la substitution d'un feuillet est évitée par le paraphe apposé sur les autres pages de l'acte,

- qu'en outre, l'identité du signataire ne fait en l'espèce aucun doute et n'est pas contestée de manière sérieuse,

- que le moyen tiré d'un prétendu état d'incapacité mentale de M. [M] [H] est irrecevable faute d'avoir fait l'objet d'une requête en omission de statuer, que l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES a force de chose jugée sur ce point,

- qu'aucun élément objectif et sérieux n'est produit par les consorts [H] au soutien de leurs allégations concernant l'état mental de [M] [H] ; que la grave maladie dont celui-ci était atteint et la diminution consécutive de ses capacités physiques ne suffisent pas à établir qu'il était atteint d'incapacité mentale ; qu'il était au contraire en possession de tous ses moyens mentaux ainsi qu'en atteste un certificat médical du 8 juin 2011 établi par le docteur [Y] et que le testament reflète sa volonté de sorte qu'il ne saurait être annulé pour insanité d'esprit,

- que l'abus de faiblesse invoqué n'est pas plus démontré,

- qu'elle a été privée de l'usufruit viager de la maison de [Adresse 5], ainsi que d'un véhicule de marque «Jeep Cherokee» préjudice dont la réparation justifie l'allocation de la somme de 40 000 € réclamée à titre de dommages et intérêts,

- qu'elle est fondée à demander la réparation de son préjudice au notaire dont la responsabilité est engagée, que le testament soit reconnu ou non comme testament international valide au regard de la convention de Washington, sa faute ayant consisté à indiquer dans l'acte que le testateur, 'sain d'esprit, ainsi qu'il est apparu au notaire et aux témoins, a dicté son testament de la manière suivante au notaire soussigné, en présence des deux témoins ci-dessus nommés' alors qu'il a simplement lu le testament préalablement dactylographié en l'absence des témoins,

- qu'il n'est pas acquis qu'elle puisse recouvrer ses droits légitimes contre les héritiers, qu'elle est dès lors fondée à voir condamner Me [L] à garantir une telle restitution,

- qu'en outre par la faute du notaire, elle a été privée de l'usufruit à vie de la maison d'habitation de sorte qu'il convient de condamner solidairement Me [L], avec les consorts [H], à l'indemniser de ce chef de préjudice,

- qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération la fiscalité ou les droits de succession auxquels elle se trouvera par la suite assujettie,

- que si le testament litigieux ne pouvait valoir comme testament international, dès lors qu'il exprime la volonté de M. [M] [H] de l'instituer en qualité de légataire universelle de la quotité disponible, il constitue une preuve de sa volonté de la gratifier et de l'instituer légataire universelle de la quotité disponible ;

- que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes auquel il prête son concours au titre de son devoir de conseil ; qu'en l'espèce, la faute du notaire est bien à l'origine de l'inefficacité de l'acte ce qui l'oblige à réparer l'entier préjudice correspondant à la perte de ses droits à la succession de [M] [H] et non pas une simple perte de chance,

- qu'en application des articles 1147 et suivants du code civil, elle a droit à réparation intégrale de son préjudice sans que ne puissent être pris en considération la fiscalité ou les droits de succession auxquels elle se trouvera par la suite assujettie, que les consorts [H] doivent faire leur affaire personnelle auprès de l'administration fiscale de la restitution des sommes indûment acquittées à la suite du versement de la quotité disponible.

Au terme de conclusions notifiées le 20 mars 2017, M. [Q] et Mme [J] [H] demandent à la cour de :

- dire que l'acte faux et nul du 6 juin 2011 est privé de toute force probatoire et qu'il ne peut valoir comme testament international,

- subsidiairement, qu'il ne peut valoir comme testament international dès lors que tous les feuillets ne sont pas signés, qu'il ne contient pas la déclaration que le document est le testament de la personne signataire et qu'elle en connaît le contenu, que la personne habilitée a commis un faux dans la rédaction du document, que la date n'est pas apposée à la fin du testament,

- plus subsidiairement, prononcer la nullité de l'acte du 6 juin 2011 au visa de l'article 901 du code civil,

- débouter Mme [X] [M] de toutes ses demandes et la condamner solidairement avec Me [L] à leur payer la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 50 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Ils font valoir :

- que l'acte faux et nul du 6 juin 2011 ne peut dégénérer en testament international dès lors qu'il est privé de validité et de force probante en toutes ses dispositions,

- que le paraphe apposé sur chacun des feuillets de l'acte ne saurait suppléer une signature,

- que l'acte ne comporte pas la déclaration du testateur que le document est son testament et qu'il en connaît le contenu exigée par l'article 4 de la loi uniforme,

- que le testament n'a pas été établi en présence d'une personne habilitée mais en présence d'un faussaire,

- qu'il ressort du dossier médical de leur père qu'il était atteint d'une métastase cérébrale, qu'il était en état d'extrême faiblesse et ralenti au niveau moteur cérébral, qu'il ne pouvait plus répondre à une question simple ni signer,

- que le certificat médical invoqué par Mme [X] [M], non circonstancié et émanant d'un médecin qui n'était pas le médecin traitant de [M] [H], est dépourvu de valeur probante, qu'en tout état de cause, postérieur de deux jours à l'acte litigieux, il ne démontre pas que leur père était exceptionnellement dans un intervalle de lucidité au moment de la confection de l'acte,

- que la signature au bas d'un document pré-rédigé est insuffisante à faire la preuve de la volonté de l'auteur prétendu du document, que les témoins ont attesté de ce que l'acte n'avait pas été lu et que le fait que [M] [H] ait indiqué 'je suis content' ne saurait démontrer qu'il connaissait la teneur du document qu'on lui avait fait signer ; qu'en tout état de cause, son consentement a été vicié par erreur et violence,

- que le préjudice de Mme [X] [M] ne peut excéder 323 600 € compte tenu des droits de succession entre étrangers d'un taux de 60%.

Au terme de conclusions notifiées le 30 décembre 2016, Me [P] [L] demande à la cour de :

- déclarer le testament du 6 juin 2011 valide en tant que testament international,

- débouter les consorts [H] de leurs demandes,

- dire que Mme [X] [M] ne justifie pas de l'insolvabilité de l'accipiens et la débouter de sa demande de garantie,

- débouter les consorts [H] de leurs demandes, fins et conclusions,

- subsidiairement, constater l'absence de préjudice indemnisable en relation de causalité et débouter Mme [X] [M] et les consorts [H] de leurs demandes fins et conclusions,

- condamner tout succombant aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SCP TUDELA & Associés.

Elle fait valoir :

- que la cour de cassation a validé l'acte en tant que testament international,

- que l'acte remplit les conditions prévues par la Convention de Washington,

- que les déclarations des témoins confirment les intentions de M [M] [H],

- que préalablement à la signature de l'acte, elle avait sollicité du Dr [Y] un certificat médical permettant de s'assurer que M [M] [H] disposait de ses facultés mentales pour pouvoir tester, que les pièces produites par les consorts [H] ne contredisent pas cette pièce médicale,

- que si l'état mental de leur ami leur était apparu déficient, les témoins auraient refusé de signer le testament,

- qu'il n'existe pas de droit absolu à l'héritage,

- que Mme [X] [M] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice ni même la perte d'une chance en lien de causalité direct et certain avec la nullité de l'acte,

- qu'en outre, au regard de l'actif net de la succession tel qu'il résulte de la déclaration de succession déposée le 19 novembre 2014, la quotité disponible s'établit à 789 804,69 € et la part nette à laquelle pourrait prétendre Mme [M], compte tenu des droits de succession de 60%, ne pourrait excéder 315 921,88 €,

- que l'insolvabilité des consorts [H] n'est pas établie, qu'au contraire, la consistance des biens exclut l'impossibilité de percevoir la quotité disponible attendue ; qu'en outre le patrimoine n'a pas pu être diverti compte tenu de l'hypothèque sur les immeuble de [Localité 2] et d'[Localité 3], consentie en garantie du paiement échelonné des droits de succession par les héritiers,

- que dans l'hypothèse où le testament ne serait pas reconnu valable, Mme [M] ne saurait prétendre avoir perdu une quelconque chance d'être instituée légataire universelle de la quotité disponible de l'ensemble des biens, que cette argumentation, formulée à titre subsidiaire, ne contrevient pas au principe de l'estoppel,

- qu'elle ne peut être considérée comme fautive d'avoir reçu le testament, qu'en tout état de cause, étant un tiers à la succession, elle ne saurait être redevable des fonds de la succession dont Mme [M] aura été privée en cas d'invalidation du testament.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité du testament comme testament international

L'article 1er de la loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973, ratifiée par la France par la loi du 25 avril 1994 et publiée par décret du 8 novembre 1994, édicte qu'un testament est valable, en ce qui concerne la forme, quels que soient notamment le lieu où il a été fait, la situation des biens, la nationalité, le domicile ou la résidence du testateur, s'il est fait dans les formes du testament international, conformément aux dispositions des articles 2 à 5.

Les conditions du testament international sont plus souples que celles du testament authentique et notamment il n'est pas exigé que le testament soit dicté par le testateur et rédigé devant les témoins.

La validité du testament international se cantonne donc exclusivement aux conditions de forme posées par les articles 2 à 5, dont le non-respect est sanctionné par la nullité.

Ces dispositions donnent primauté à la certitude de la volonté exprimée par le testateur de sorte que le non respect de la formalité de dictée du testament au notaire exigée pour la qualification d'acte authentique ne saurait remettre en cause la volonté exprimée par le testateur dans les formes exigées par la convention de Washington.

Il en résulte que l'annulation d'un testament authentique pour non respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil ne fait pas obstacle à la validité de l'acte en tant que testament international, dès lors que les formalités prescrites par la Convention de Washington ont été accomplies.

En l'espèce, le testament a bien été fait par une seule personne, M. [M] [H], en présence de deux témoins, M. [W] et M. [D], et d'une personne habilitée à instrumenter, Me [L], notaire.

L'article 6 §2 de l'annexe à la convention de Washington impose au testateur de signer chaque feuillet que comporte le testament.

L'article 14 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971 relatif à aux actes établis par les notaires précise en son alinéa 4 que chaque feuille est paraphée par le notaire et les signataires de l'acte sous peine de nullité des feuilles non paraphées.

Il en résulte que l'obligation faite au testateur, en application de l'article 6 §2 de l'annexe à la convention de Washington, est satisfaite, s'agissant d'un acte reçu par un notaire, par l'apposition du paraphe visé par cette disposition et qu'en l'espèce, l'acte litigieux n'encourt pas la nullité de ce chef.

L'article 4 de l'annexe à la Convention de Washington exige également que le testateur déclare en présence de deux témoins et d'une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu'il en connaît le contenu.

Le fait que le notaire ait faussement mentionné que le testament lui avait été dicté n'est pas de nature à remettre en cause la satisfaction de cette condition, dans la mesure où ce qui importe est la certitude de la volonté exprimée par le testateur.

Si la convention de Washington n'érige pas la lecture de l'acte en son entier en condition de validité du testament international, la signature de l'acte par le testateur et les témoins après lecture de l'acte en son entier suffit à établir que le testateur a bien exprimé son exacte volonté.

En l'espèce, l'acte du 6 juin 2011 mentionne que le notaire a lu le testament au testateur qui a déclaré bien le comprendre et reconnaître qu'il exprimait exactement ses volontés, le tout en la présence simultanée non interrompue des deux témoins.

M. [M] [H] et les deux témoins ont signé l'acte après qu'il ait été lu par le notaire, approuvant ainsi cette mention de sorte que l'ensemble des formalités prescrites par la Convention de Washington ont été accomplies. Il convient de relever que les deux témoins étaient des amis proches et de longue date de M. [M] [H], et non pas de Mme [M], ce qui ne permet pas de soupçonner une quelconque connivence avec cette dernière pour amener M. [H] à acquiescer à l'acte.

En outre, il ressort des attestations établies par les intéressés et de leur audition par le juge de la mise en état que des questions avaient été posées au cours de la lecture de l'acte, que Me [L] avait expliqué 'de quoi il retournait', que M. [M] [H], qui avait des difficultés à parler, avait à la fin de la lecture dit 'oui' et 'je suis content' ce qui démontre que l'acte litigieux exprimait sa volonté.

Toutefois, selon l'article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

Selon l'article 1351 (devenu 1355) du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement.

En l'espèce, ni le jugement du 1er juillet 2013 ni l'arrêt du 30 janvier 2014 ne se sont prononcés sur l'éventuelle insanité d'esprit de M. [M] [H] de sorte qu'ils n'ont aucune autorité de chose jugée sur ce point.

Selon l'article 625 du code de procédure civile, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.

Selon l'article 632, les parties peuvent invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions.

Selon l'article 633, la recevabilité des prétentions nouvelles est soumise au règles applicables devant la juridiction dont la décision a été cassée.

Selon l'article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

S'agissant d'une prétention destinée à écarter la validité de l'acte du 6 juin 2011 comme testament international, les consorts [H] sont recevables à invoquer l'insanité mentale et l'abus de faiblesse dont aurait été victime leur père.

Ils versent aux débats les fiches de liaison établies du 4 au 16 mai, période pendant laquelle M. [M] [H], alors en phase terminale de cancer, a été hospitalisé. S'il en ressort que M. [M] [H] était alors dans un état de grande faiblesse physique, elles ne démontrent aucunement que sa conscience était altérée et que l'acte du 6 juin 2011 n'aurait pas reflété l'expression de sa volonté.

Il ne saurait y avoir abus de faiblesse dès lors que le fait de tester au profit de sa compagne n'a pu avoir de conséquences préjudiciables pour le testateur.

Le jugement déféré sera en conséquence réformé en ce qu'il a déclaré nul l'acte du 6 juin 2011.

Sur les droits de Mme [X] [M]

Selon l'article 1147 (devenu 1217 et 1231-1 du code civil), la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, peut demander la réparation des conséquences de l'inexécution sauf à prouver que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Mme [M] ne saurait prétendre agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l'encontre les consorts [H], n'étant d'une part dans un lien contractuel ni avec eux ni avec leur auteur et son action tendant d'autre part à la délivrance et à l'attribution de son legs en valeur.

Il ressort de la déclaration de succession à l'administration fiscale que l'actif net s'établissait à 2 427 000 €. En application de l'article 913 du code civile, M. [M] [H] laissant deux héritiers réservataires, la quotité disponible est d'un tiers.

Mme [X] [M] est fondée à obtenir la part de la succession qui lui a été léguée dans les limites de sa demande soit la somme de 789 804,69 €. Il convient de faire courir les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 1er mars 2013 conformément à la demande.

Il appartiendra à la légataire de s'acquitter des droits de succession correspondants comme il appartiendra aux consorts [H] de faire les démarches nécessaires auprès de l'administration fiscale à l'effet d'obtenir restitution des droits éventuellement acquittés en trop, la présente décision faisant courir les délais de déclaration rectificative.

Mme [X] [M] est remplie de ses droits par l'attribution de l'intégralité de la quotité disponible. Le legs ne pouvant excéder la quotité disponible, elle n'est pas fondée à obtenir des dommages et intérêts pour la perte de l'usufruit de la maison et de la voiture qui sont compensés par l'attribution du capital correspondant à cette quotité.

L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalente au dol.

En l'espèce, aucun abus de droit des consorts [H] n'est caractérisé, leurs prétentions ayant, au surplus, été reconnues fondées par les juridictions du fond précédemment saisies.

Mme [M] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts dirigées contre ces derniers.

Les consorts [H] qui succombent ne sont pas fondés en leur demande de dommages et intérêts.

Sur la responsabilité du notaire

Selon l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En vertu de cette disposition, la responsabilité civile d'un notaire ne peut être engagée que si la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre la faute et le préjudice est rapportée.

Le notaire doit veiller à l'utilité et à l'efficacité de l'acte à l'établissement duquel il prête son concours.

Le testament étant jugé valable, Mme [M] n'a subi aucun préjudice présentant un lien de causalité avec la faute imputée au notaire. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de 'garantie des restitutions' dirigée contre Me [L].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu l'arrêt de cassation partielle du 25 novembre 2015,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [Q] [H] et Mme [J] [H] de l'intégralité de leurs demandes ;

Déclare valable l'acte du 6 juin 2011 comme testament international ;

Ordonnance la délivrance du legs de la quotité disponible consenti par M. [M] [H] à Mme [X] [M] ;

Fixe la quotité disponible revenant à Mme [X] [M] à la somme de 789 804,69 € ;

Condamne en conséquence M. [Q] [H] et Mme [J] [H] à verser à Mme [X] [M] la somme de 789 804,69 € outre intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2013 ;

Déboute Mme [X] [M] de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande de garantie des restitutions dirigée contre Me [P] [L] ;

Condamne solidairement M. [Q] [H] et Mme [J] [H] à verser à Mme [X] [M] la somme 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne solidairement aux dépens ;

Autorise la SCP DUCROT « DPA » et la SCP TUDELA & Associés, avocats, à recouvrer à leur encontre les dépens dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 15/09721
Date de la décision : 14/11/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°15/09721 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-14;15.09721 ?
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