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29/11/2017 | FRANCE | N°14/09116

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 29 novembre 2017, 14/09116


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/09116





[B]



C/

société JOHNSON CONTROLS FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 13 Novembre 2014

RG : F 12/04876











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2017













APPELANT :



[Q] [B]

né le [Date naissance 1] 1

968 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



comparant en personne, assisté de Me Thérèse CHIRCOP de la SELARL CHIRCOP - CHARTIER ASSOCIES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



société JOHNSON CONTROLS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/09116

[B]

C/

société JOHNSON CONTROLS FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 13 Novembre 2014

RG : F 12/04876

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2017

APPELANT :

[Q] [B]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Thérèse CHIRCOP de la SELARL CHIRCOP - CHARTIER ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

société JOHNSON CONTROLS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Bertrand SALMON de la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL, avocat au barreau de NANTES

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Octobre 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Président

Didier PODEVIN, Conseiller

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 Novembre 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE:

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 12 juin 1998, Monsieur [B] a été embauché à compter du 15 juillet 1998 en qualité de 'attaché technico-commercial' par la société JOHNSON CONTROLS FRANCE.

Aux termes d'avenants en date des 24 avril 2001 et 10 octobre 2003, il a occupé successivement les postes de directeur d'agence à [Localité 1] du 1er avril 2001 au 30 novembre 2003 puis de chef des ventes 'division produits' à [Localité 2] du 1er décembre 2003 au 31 décembre 2005.

Par avenant du 1er janvier 2006, il a été nommé en dernier lieu au poste de manager grands comptes OEM France, avec une clause de bonus convenue au titre de sa rémunération.

Le contrat de travail est soumis à la convention collective nationale des ingénieurs et des cadres de la métallurgie.

Le 29 septembre 2008, il a été élu comme délégué du personnel titulaire dans le collège 'cadres et assimilés' puis réélu le 29 novembre 2011 aux mêmes fonctions.

Puis par lettre recommandée du 10 août 2012, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Il a ensuite saisi le conseil de prud'hommes de LYON le 17 décembre 2012 aux fins de voir dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat produisait les effets d'un licenciement nul, condamner la société JOHNSON CONTROLS FRANCE à lui payer différentes sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés, de dommages et intérêts, d'indemnités ainsi qu'à lui remettre divers documents sous astreinte, avec exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement en date du 13 novembre 2014, le conseil de prud'hommes a :

-dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [B] emportait les effets d'une démission.

-dit que les demandes de Monsieur [B] au titre de l'exécution de son contrat de travail étaient infondées,

-débouté Monsieur [B] de l'ensemble de ses demandes.

-condamné, avec capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, Monsieur [B] à verser à la société JOHNSON CONTROLS FRANCE les sommes suivantes :

14.793,23 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

15.000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-ordonné l'exécution provisoire du jugement.

-condamné Monsieur [B] aux dépens.

Par lettre recommandée en date du 20 novembre 2014, Monsieur [B] a interjeté appel de la décision, dont l'exécution provisoire a été suspendue par ordonnance de référé de la juridiction du premier président en date du 23 février 2015.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, Monsieur [B] demande à la Cour de condamner la société JOHNSON CONTROLS FRANCE à lui payer les sommes suivantes :

36.591,75 € au titre de rappel de primes sur bonus (2008 à 2012) et 3.659,17 € au titre des congés payés afférents,

50.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

sur la base d'un salaire mensuel de 6.219,45 €, après réintégration des primes de bonus,

18.658,20 € au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis et 1.865,82 € au titre des congés payés afférents,

34.828,92 € au titre de l'indemnité de licenciement,

74.633,40 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

205.241,85 € à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, de la date de la rupture jusqu'au 29 mai 2015, fin de la période de protection,

outre intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-ordonner la rectification du dernier bulletin de salaire, de l'attestation ASSEDIC et du certificat de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte.

A titre subsidiaire, dans le cas où les primes de bonus ne seraient pas réintégrées, il précise qu'il réclame, sur la base d'un salaire mensuel de 4.945,73€, les sommes suivantes:

14.837,19 € au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis et 1.483,71 € au titre des congés payés afférents,

27.696,08 € au titre de l'indemnité de licenciement,

59.348,76 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

163.209,09 € à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur de la date de la rupture jusqu'au 29 mai 2015, fin de la période de protection,

outre intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

A l'appui de ses prétentions, Monsieur [B] explique que bien qu'ayant alerté à plusieurs reprises son employeur sur la dégradation de ses conditions de travail au cours des dernières années, celui-ci n'a rien fait pour y remédier, de telle sorte que la rupture du contrat de travail lui est imputable.

Il soutient que :

-la société JOHNSON CONTROLS FRANCE a commis plusieurs manquements fautifs à son égard :

elle a opéré des modifications successives de la structure de sa rémunération sans son accord à partir de l'année fiscale 2009 (octobre 2008 à septembre 2009), ce qui caractérise une voie de fait, aggravée par sa qualité de salarié protégé,

elle lui a transmis chaque année avec retard ses objectifs, l'empêchant ainsi de percevoir l'intégralité de la part variable de sa rémunération,

elle lui a fixé des objectifs irréalisables, du fait des tâches qui lui étaient confiées et des dysfonctionnements majeurs d'organisation de la société ne lui permettant pas d'atteindre les résultats escomptés,

enfin, elle n'a jamais pris en compte sa forte implication professionnelle, n'ayant notamment pas validé une demande de formation qui lui était nécessaire et sur laquelle elle avait donné son accord de principe.

-la société JOHNSON CONTROLS FRANCE a exécuté de manière déloyale le contrat, en fixant de manière irrégulière sa rémunération et en refusant de tenir compte de ses légitimes observations; par ailleurs, il est bien fondé à réclamer le paiement de l'intégralité de la rémunération variable qu'il n'a pas pu percevoir du fait des manquements de l'employeur,

-les manquements susvisés sont suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de la société JOHNSON CONTROLS FRANCE; compte tenu de sa qualité de salarié protégé, sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul, de telle sorte que ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnités sont bien fondées

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, la société JOHNSON CONTROLS FRANCE demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, réclamant la somme de 4.000 euros de ce chef.

A l'appui de ses prétentions, la société JOHNSON CONTROLS FRANCE fait valoir que :

-Monsieur [B] est de mauvaise foi, n'ayant contesté le système d'application du bonus que le 27 avril 2012, soit très peu de temps avant sa prise d'acte,

-les clauses contractuelles afférentes à la rémunération variable de Monsieur [B] sont claires et elle n'a fait qu'appliquer celles-ci lors du règlement des bonus litigieux,

-Monsieur [B] avait connaissance des objectifs en début d'exercice, ceux-ci faisant l'objet d'une discussion et d'une négociation lors d'une réunion préalable à laquelle il participait, avant d'être confirmés par écrit, étant rappelé qu'ils n'étaient pas soumis à l'accord préalable du salarié;

-les objectifs considérés étaient réalisables au regard de l'expérience de Monsieur [B], des tâches qui lui étaient confiées et de la capacité organisationnelle de la société.

A titre subsidiaire, la société JOHNSON CONTROLS FRANCE considère que:

-le grief qui lui est fait de ne pas avoir appliqué le système de rémunération variable tel que prévu par l'avenant de 2006 est trop ancien pour justifier la prise d'acte,

-qu'en tout état de cause, le rappel de salaire auquel Monsieur [B] peut prétendre au titre des bonus s'élève à un montant maximal de 159 euros bruts.

Enfin, elle soutient qu'elle est bien fondée à réclamer des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la rupture du contrat, laquelle est manifestement abusive et résulte de ce que Monsieur [B] souhaitait changer immédiatement d'emploi sans avoir à respecter un délai de préavis.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION:

-sur les effets de la prise d'acte du 10 août 2012:

La prise d'acte produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse si les faits invoqués par le salarié à l'encontre de son employeur sont justifiés et suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de l'employeur, soit à l'inverse ceux d'une démission.

La preuve des faits qui fondent la prise d'acte incombe au salarié.

Une stipulation du contrat de travail ne peut permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération contractuelle du salarié. Cependant, une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu'elle n'est pas interdite par des dispositions légales ou conventionnelles, qu'elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, ne fait pas porter sur le salarié le risque de l'entreprise et n'a pas pour effet de réduire la rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels.

Les faits invoqués par Monsieur [B] à l'encontre de son employeur portent essentiellement sur les bonus qui lui sont attribués annuellement et constituent la part variable de sa rémunération.

La clause de bonus insérée dans l'avenant du 1er janvier 2006 au contrat de travail de Monsieur [B] est rédigée dans les termes suivants:

'Il sera constitué par une incentive de résultats dont les conditions sont fixées annuellement en début d'année fiscale (octobre de l'année en cours-septembre de l'année suivante) en fonction de la politique de bonus établie par le groupe.

Les règles de calcul et de versement de cet incentive ne sont pas figées et sont donc susceptibles d'être modifiées chaque année en fonction des objectifs de l'entreprise.

La règle d'incentive actuelle est calculée sur la base de 20 % du forfait de référence fixé à 38,4 KE annuel, à 100 % des objectifs atteints.

Pour l'année fiscale 2006, 50 % de cet incentive vous est garanti.'

Les plans de bonus produits par Monsieur [B] pour la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2012 font apparaître qu'en application de cette clause, l'employeur a fixé le bonus de Monsieur [B] à 25 % de sa rémunération annuelle au lieu de 20 %. Par ailleurs, il lui a été demandé d'atteindre des objectifs différents chaque année, à savoir:

-pour la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008:

revenu produit: 2.120 K€-gross margin secured produit:20 %,

-pour la période du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009:

marge brute exécutée: 345.668 €,

-pour la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010:

totale marge brute enregistrée (80%): 280,8 K€,

marge brute enregistrée new business (20 %): 14,04 K€,

-pour la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011:

marge brute enregistrée (100 %):303,847 K€,

-pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012:

marge brute enregistrée (100 %): 304 K€

Monsieur [B] considère que son employeur a modifié de manière unilatérale sa rémunération, en changeant l'assiette de sa part variable de rémunération. Toutefois, il résulte du calcul fait par Monsieur [B] quant aux bonus auxquels il pouvait prétendre à 100 % des objectifs de 2008 à 2012 ainsi que des écritures de l'employeur que les parties étaient d'accord pour que le bonus à 100 % des objectifs s'élève à 25 % de la rémunération annuelle de Monsieur [B] à compter de 2008. Aussi, l'assiette du bonus de Monsieur [B] était sa rémunération annuelle et non le chiffre d'affaire ou la marge, lesquels servaient seulement à la fixation des objectifs à atteindre.

Monsieur [B] n'établit donc pas la modification unilatérale du contrat de travail qu'il impute à son employeur.

Il ressort de la clause de bonus que les conditions de celui-ci sont fixées annuellement en début d'année fiscale (du 1er octobre de l'année en cours au 30 septembre de l'année suivante ) par l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, sans accord préalable de Monsieur [B].

Ce bonus étant basé sur l'atteinte d'objectifs, ceux- ci devaient être portés à la connaissance du salarié en début d'exercice afin de le mettre en mesure de pouvoir remplir pleinement ses nouveaux objectifs et être réalisables, ce que conteste Monsieur [B].

Les lettres produites par celui-ci font apparaître que la société JOHNSON CONTROLS FRANCE l'a informé des règles et modalités de calcul du bonus de la manière suivante :

-par courrier de mars 2008, pour la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008,

-par courrier du 27 février 2009, pour la période du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009:

-par courrier du 1er octobre 2009, adressé le 11 mars 2010, pour la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010,

-par courrier du 18 février 2011, adressé le 3 mai 2011, pour la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011:

-par courrier du 13 décembre 2011, pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012,

soit trop tardivement par rapport à chaque exercice considéré.

Si la société JOHNSON CONTROLS FRANCE fait valoir que Monsieur [B] présentait lui-même son business plan pour chaque année fiscale lors d'une réunion tenue avant le 1er octobre de ladite année, elle ne démontre pas qu'elle portait à sa connaissance lors de cette réunion les objectifs qu'il devait atteindre et notamment les critères pris en compte pour la réalisation de ces objectifs. En outre, il convient d'observer que certaines de ces réunions ont eu lieu après la date prévue du 1er octobre:les 8 et 9 octobre 2008 pour le plan Fiscal Year 2009 (FY 2009), les 20 et 21 octobre 2009 pour le plan FY 2010, les 9 et 10 décembre 2010 pour le plan FY 2011.

Par ailleurs, la société JOHNSON CONTROLS FRANCE produit un courrier adressé le 10 janvier 2008 à Monsieur [B] faisant état en pièce jointe de son objectif annuel pour l'année FY 2008. La pièce jointe produite étant relative à l'objectif d'une autre personne que Monsieur [B], elle n'est pas probante. En revanche, la société JOHNSON CONTROLS FRANCE établit avoir informé Monsieur [B] de ses objectifs par courriel du 6 janvier 2010 pour le plan FY 2010 et par courriel du 29 novembre 2010 pour le plan FY 2011, en l'absence de contestation par Monsieur [B] de la bonne réception de ces courriels. Toutefois, il convient d'observer que si ces courriels sont antérieurs aux courriers dont fait état Monsieur [B], ils sont encore postérieurs au 1er octobre des exercices concernés.

Au vu de ces éléments, il apparaît que la société JOHNSON CONTROLS FRANCE a fixé trop tardivement à Monsieur [B] ses objectifs pour les années fiscales 2008 à 2012.

Le tableau récapitulatif des modifications des règles de calcul du bonus de 2008 à 2012, non contesté par la société JOHNSON CONTROLS FRANCE, met en évidence que celle-ci a revu à la hausse le seuil déclencheur de ce bonus au fil des années.

Par ailleurs, si l'employeur justifie que Monsieur [B] avait exprimé son accord par courriel du 2 septembre 2008 sur les objectifs pour l'année FY 08, elle ne prouve pas l'existence d'un tel accord pour les années suivantes.

Les courriels anciens de Monsieur [B] et les attestations trop imprécises de Messieurs [O] et [A], datées respectivement des 31 juillet 2015 et 11 décembre 2015, ne sont pas suffisants pour démontrer que c'est en raison des dysfonctionnements qu'il impute à la société JOHNSON CONTROLS FRANCE que l'appelant ne pouvait atteindre ses objectifs.

En revanche, Monsieur [B] établit que:

-il a assuré les fonctions de délégué du personnel au sein de la société à compter du 29 septembre 2008,

-il lui a été demandé à partir d'octobre 2011 de développer un nouveau réseau de partenaires installateurs dénommé ABCS devant générer 1M € supplémentaire, sans rémunération supplémentaire; cette tâche représentait un travail important, au regard de ses missions habituelles et nonobstant son expérience professionnelle.

Or, les objectifs fixés à Monsieur [B] ne prenant pas compte les tâches supplémentaires susvisées, ces éléments permettent de démontrer qu'ils n'étaient pas réalisables à 100 %. Le tableau établi par Monsieur [B] entre les bonus qu'il a perçus et ceux auxquels il pouvait prétendre révèle d'ailleurs qu'aucune somme ne lui a été versée à ce titre pour le plan FY2011 et qu'il n'a reçu que 39 % du bonus possible pour le plan FY2012, alors qu'il ne restait plus qu'un mois et demi de ce plan à exécuter lors de la prise d'acte.

La communication tardive à Monsieur [B] de ses objectifs ainsi que leur caractère non réalisable affectant de manière très importante la part variable de la rémunération de celui-ci, il incombait à l'employeur de remédier à ces difficultés, ce qu'il n'a pas fait malgré deux courriers de Monsieur [B] en date des 27 avril et 21 mai 2012 à cette fin. L'ensemble de ces faits imputables à l'employeur est suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de celui-ci, peu important que Monsieur [B] ait accepté longtemps cette situation ou qu'il ait retrouvé un emploi très rapidement.

Compte tenu de la qualité de délégué du personnel de Monsieur [B], la prise d'acte de celui-ci produit les effets d'un licenciement nul.

Les demandes reconventionnelles en paiement fondées sur la démission de Monsieur [B] formées par société JOHNSON CONTROLS FRANCE deviennent donc sans objet.

-sur les demandes en paiement de Monsieur [B]:

Monsieur [B] sollicite tout d'abord :

- un rappel de salaire correspondant au différentiel existant entre les bonus qu'il a perçus de 2008 à 2012 et les bonus auquel il aurait pu prétendre à 100 % des objectifs,

-des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par l'employeur du fait des manquements de celui-ci dans le cadre de la fixation des objectifs.

Toutefois, en l'absence de connaissance de la part de rémunération variable que Monsieur [B] aurait perçue si la clause d'objectifs avait été adaptée à sa situation, il n'a subi en l'espèce qu'une perte de chance d'obtenir le bonus à 100 % des objectifs, étant rappelé qu'il avait donné son accord sur les objectifs qui lui avaient donnés en 2008. Il sera donc débouté de sa demande de rappel de salaires et de congés payés de ce chef et la société JOHNSON CONTROLS FRANCE sera condamnée à lui payer la somme de 25.000 euros en réparation du préjudice financier qu'il a subi en raison de cette perte de chance.

La prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul, Monsieur [B] est en droit de solliciter les indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement illicite ainsi que des dommages et intérêts pour violation de son statut protecteur sur la base d'un salaire brut de 4.945,73 €.

La société JOHNSON CONTROLS FRANCE sera donc condamnée à payer à Monsieur [B] en application de la convention collective applicable la somme de 14.837,19 € au titre de l'indemnité de préavis, celle de 1.483,71 € au titre des congés payés afférents ainsi que celle de 27.696,08 € au titre de l'indemnité de licenciement, outre intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2012, date de l'avis de réception de sa lettre de convocation.

Si Monsieur [B] a retrouvé un emploi immédiatement après sa prise d'acte, il justifie avoir été au chômage de mars 2013 au début de l'année 2015. En revanche, il ne produit aucune pièce justificative de ses revenus actuels. La société JOHNSON CONTROLS FRANCE sera condamnée à payer à Monsieur [B],qui avait 44 ans et 14 ans d'ancienneté lors de la rupture du contrat de travail, la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Enfin, Monsieur [B] ayant été réélu délégué du personnel le 29 novembre 2011, il a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis sa prise d'acte jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de deux ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de 6 mois.

La période de protection de Monsieur [B] expirant le 29 novembre 2013, il a droit à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir du 10 août 2012, date de la prise d'acte au 29 mai 2014. La société JOHNSON CONTROLS FRANCE sera donc condamnée à lui payer la somme de 107.051,12 euros.

Les dommages et intérêts alloués étant évalués à la date de la décision qui les fixe, ils porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

-sur la remise des documents de travail :

Compte tenu de la demande de Monsieur [B] à cette fin, il convient d'ordonner la remise du dernier bulletin de salaire, de l'attestation POLE EMPLOI et du certificat de travail, rectifiés conformément aux condamnations susvisées dans le délai maximum de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Toutefois, il n'y a pas lieu pour la présente juridiction de se réserver la liquidation de l'astreinte.

-sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:

La société JOHNSON CONTROLS FRANCE, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Monsieur [B] la somme de 1.500 euros pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que la prise d'acte du 10 août 2012 produit les effets d'un licenciement nul;

CONDAMNE la société JOHNSON CONTROLS FRANCE à payer à Monsieur [B] les sommes suivantes:

-14.837,19 € au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis outre 1.483,71 € au titre de l'indemnité de congés payés afférents,

-27.696,08 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

outre intérêts au taux légal sur les sommes susvisées à compter du 20 décembre 2012,

-25.000 euros pour exécution déloyale du contrat,

-50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

-107.051,12 euros pour violation du statut protecteur,

CONDAMNE la société JOHNSON CONTROLS FRANCE à remettre à Monsieur [B], dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision, le dernier bulletin de salaire, l'attestation POLE EMPLOI et le certificat de travail, rectifiés en fonction des condamnations prononcées, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé ce délai ;

DIT n'y avoir lieu à réserver à la Cour la liquidation de l'astreinte ;

CONSTATE que les demandes reconventionnelles de la société JOHNSON CONTROLS FRANCE sont devenues sans objet ;

CONDAMNE la société JOHNSON CONTROLS FRANCE à payer à Monsieur [B] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel

CONDAMNE la société JOHNSON CONTROLS FRANCE aux dépens de première instance et d'appel

Le greffierLe Président

Sophie MASCRIERJoëlle DOAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/09116
Date de la décision : 29/11/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°14/09116 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-29;14.09116 ?
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