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08/12/2017 | FRANCE | N°16/04617

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 08 décembre 2017, 16/04617


AFFAIRE PRUD'HOMALE



COLLÉGIALE





R.G : 16/04617





[H]



C/

SAS ASTRAL







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 13 Juin 2016

RG : 14/03246

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2017





APPELANT :



[E] [H]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Non comparant, représ

enté par Me François-xavier MATSOUNGA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Silvère IDOURAH, avocat au barreau de LYON



INTIMÉE :



SAS ASTRAL

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Thierry PERON, avocat au barreau de LYON





DÉBATS...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

COLLÉGIALE

R.G : 16/04617

[H]

C/

SAS ASTRAL

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 13 Juin 2016

RG : 14/03246

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2017

APPELANT :

[E] [H]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non comparant, représenté par Me François-xavier MATSOUNGA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Silvère IDOURAH, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS ASTRAL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Thierry PERON, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Octobre 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 Décembre 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SA ASTRAL est une société spécialisée dans la vente au détail d'appareils électroménagers.

La SA ASTRAL a engagé [E] [H] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 janvier 2007, en qualité de livreur installateur. Son contrat de travail prévoyait un temps de travail de 39 heures par semaine et un salaire mensuel brut de 1 480 €.

La convention collective nationale applicable à la relation de travail était celle des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager.

[E] [H] a été élu délégué titulaire du personnel à compter de novembre 2007.

[E] [H] a été victime d'un accident du travail le 06 juin 2008 et a été en arrêt de travail entre le 02 juin 2008 et 19 septembre 2011 .

A l'issue de la seconde visite de reprise du 06 octobre 2011, le médecin du travail a déclaré [E] [H] inapte à son poste de chauffeur-livreur, et a conclu que le salarié

« serait apte à un poste assis-debout et ne comportant que des manutentions occasionnelles sans dépasser 15 kg ».

Par courrier du 20 octobre 2011, la SA ASTRAL a convoqué les délégués du personnel afin de procéder à leur consultation sur les possibilités et les propositions de reclassement concernant [E] [H], notamment sur un poste d'aide vendeur à mi-temps.

La réunion de délégués du personnel s'est déroulée le 26 octobre 2011. La SA ASTRAL a indiqué qu'aucun poste existant n'était actuellement disponible ou à même de le devenir à court ou moyen terme.

Par lettre du 26 octobre 2011, [E] [H], en sa qualité de délégué du personnel, a pris acte de la proposition de poste faite au cours de la réunion des délégués du personnel et précise que

« comme je vous l'ai déclaré ce poste n'étant pas conforme aux aspirations et attente de l'intéressé je doute fort qu'il accepte une telle baisse de salaire. »

[E] [H] a par ailleurs refusé par lettre du 26 octobre 2011, en sa qualité de salarié déclaré inapte à son poste, la proposition de poste ainsi formulée, au motif que le poste était inadapté à ses compétences, que le poste était à mi-temps et qu'il ne lui permettait pas d'assumer son existence.

Par lettre du 20 octobre 2011, la SA ASTRAL a convoqué [E] [H] à un entretien préalable sur une mesure éventuelle de licenciement.

Le 14 novembre 2011, la SA ASTRAL a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier [E] [H] pour inaptitude physique.

Le 02 janvier 2012, l'inspectrice du travail a conclu à l'absence de poste de reclassement disponible, ainsi qu'à l'absence de lien entre le licenciement envisagé et le mandat détenu par le salarié et par conséquent, a accordé l'autorisation sollicitée par la SA ASTRAL de procéder au licenciement de [E] [H].

Par lettre du 10 janvier 2012, la SA ASTRAL a notifié à [E] [H] son licenciement :

« Nous vous avons reçu le Mercredi 9 novembre 2011 à 15 Heures pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.

A la suite des visites des 20 septembre 2011 et 06 octobre 2011, le médecin du travail a constaté votre inaptitude au poste de chauffeur livreur installateur.

Nous avons recherché les possibilités de reclassement, en relation avec notre médecin du travail, qui a confirmé la possibilité de reclassement dans le poste proposé.

Le délégué du personnel a été consulté sur les possibilités et propositions de reclassement.

Vous avez refusé la proposition que nous vous avions faite après consultation du médecin du travail.

(...)

En raison de votre inaptitude déclarée par le médecin du travail et de cette impossibilité de reclassement nous ne pouvions maintenir le Contrat de travail et nous avons donc été contraints d'envisager votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

L'inspecteur du travail a été saisi le 14 novembre 2011 et a autorisé par décision du 2 janvier 2012 votre licenciement.

Compte tenu de l'impossibilité de votre reclassement, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement à compter de la première présentation de cette lettre.

La période de préavis débute à la première présentation de cette lettre R/AR. Non travaillée, en raison de votre inaptitude, il sera cependant rémunéré, en raison de l'origine professionnelle de votre inaptitude. »

[E] [H] a saisi le tribunal administratif de LYON d'une requête en annulation de l'autorisation de licencier délivrée par l'inspectrice du travail en date du 02 janvier 2012.

Par jugement du 13 mai 2014, le tribunal administratif a considéré que :

« la société Astral a recherché, en sollicitant l'avis du médecin du travail, un poste d'aide vendeur à mi-temps, dont il n'est pas contesté qu'il occasionnait une baisse très sensible de rémunération ; que, dès lors, cette proposition, a pu être légitimement refusée par M. [H] ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Astral se soit trouvée dans l'impossibilité de proposer, en recourant à des mutations de personnel ou à des aménagements de postes, un emploi comparable à celui qui était occupé précédemment par l'intéressé et compatible avec son aptitude physique, ni que l'employeur, en se bornant à rechercher un poste vacant manifestement incompatible avec le contrat de travail de M. [H], a sérieusement satisfait à ses obligations de reclassement ; que dans ces conditions, en autorisant le licenciement de M. [H], l'inspectrice du travail a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation. »

Le tribunal administratif a jugé que l'autorisation de licenciement de [E] [H] devait être annulée.

La SA ASTRAL a interjeté appel de cette décision, et la cour administrative d'appel de Lyon, par arrêt du 8 janvier 2015, a annulé l'autorisation litigieuse de licenciement, estimant que cette décision n'était pas suffisamment motivée, eu égard notamment aux compétences de M. [H], et a en conséquence rejeté le recours de la société ASTRAL.

*

[E] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON le 04 août 2014 d'une action en contestation de son licenciement et tendant à obtenir une condamnation de la société ASTRAL au paiement de diverses sommes nées de cette rupture abusive de son contrat de travail.

Par jugement rendu le 13 juin 2016, le conseil de prud'hommes de LYON a :

dit et jugé fondé le licenciement de Monsieur [E] [H] pour inaptitude non contestable, et non entaché d'une quelconque erreur de droit, au regard des éléments fournis par chacune des parties ;

dit et jugé l'autorisation de l'inspection du travail non contestable, puisqu'émanant de l'administration du Ministère du Travail ;

dit et jugé que la proposition de reclassement était bien réelle et satisfaisait à l'exigence du code du travail et à la taille de l'entreprise ;

En conséquence :

débouté Monsieur [E] [H] de ses demandes relatives à la contestation de son licenciement et du préjudice subi ;

débouté Monsieur [E] [H] de ses demandes relatives aux congés payés sur préavis et à l'indemnité légale de licenciement ;

débouté Monsieur [E] [H] de l'ensemble de ses autres demandes ;

condamné Monsieur [E] [H] aux entiers dépens.

[E] [H] a interjeté un appel général de ce jugement, par une déclaration d'appel du 15 juin 2016.

***

Au terme de ses dernières conclusions, [E] [H] demande à la cour de :

dire et juger que le conseil de prud'hommes ne pouvait rejuger les points jugés dans la décision de la CAA du 08 janvier 2015 qui a considéré illégale l'autorisation de licencier en relevant la précipitation de la société ASTRAL en l'absence de réelles recherches de reclassement avant et après la consultation du délégué du personnel, puis l'absence de reprise de recherche après le refus du salarié d'une proposition. Une telle décision ayant autorité de la chose jugée ;

constater l'annulation de l'autorisation de licencier et l'obligation pour la société ASTRAL de réparer le préjudice de [E] [H] sur une période de trente mois ;

constater l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

fixer le salaire moyen à la somme de 1 667,84 € ;

condamner la société ASTRAL à payer à [E] [H] les sommes suivantes :

- 333,56 € au titre des congés payés sur préavis ;

- 1 668,80 € au titre du solde d'indemnité spéciale de licenciement ;

- 23 092,52 € (50 035,20 total indemnité - 28 127,72 allocations pôle emploi), en réparation du préjudice subi par lui depuis son éviction jusqu'au 13 août 2014 ; et ordonner à la même de rembourser à pôle emploi la somme de 28 127,72 € ;

- 20 014,08 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

dire et juger que toutes ces sommes porteront intérêts aux taux légal à compter du 1er mars 2012, et que ces intérêts se capitaliseront par année entière en application des art. 1153 et 1154 du code civil ;

condamner la même à payer à Monsieur [H] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux d'une éventuelle exécution forcée.

A l'occasion de ses écritures en défense, la SA ASTRAL demande à la cour de :

confirmer la décision du conseil de prud'hommes de LYON relative à la demande d'indemnisation d'un préjudice dû à l'annulation postérieure de l'autorisation de licenciement ;

En conséquence :

rejeter la demande de [E] [H] d'ordonner à la société ASTRAL le remboursement à Pôle emploi de la somme de 28 127,72 € ;

rejeter la demande de [E] [H] de condamner la société ASTRAL au paiement de la somme de 23 092,52 € en réparation du préjudice subi par lui depuis son éviction jusqu'au 13 août 2014 ;

A titre subsidiaire,

limiter l'indemnité réparant le préjudice subi par [E] [H], entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois au cours duquel il avait la possibilité de demander la réintégration, aux salaires qu'il aurait dû percevoir pendant cette période, sous déduction de l'ensemble des revenus de remplacement perçus par celui-ci durant la période concernée, et dans la limite maximale de 30 mois, soit 23 572,32 € (51 703,04 - 28 127,72).

rejeter la demande de [E] [H] d'ordonner à la société ASTRAL le remboursement à Pôle emploi de la somme de 28 127,72 €.

confirmer la décision du conseil de prud'hommes de LYON en ce qu'il a jugé le licenciement pourvu d'une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

constater la réalité et le sérieux des recherches de reclassement effectuées par la société ASTRAL ;

dire et juger le licenciement de [E] [H] fondé ;

constater l'absence de tout préjudice de [E] [H] ;

rejeter en conséquence la demande de [E] [H] en allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

confirmer la décision du conseil de prud'hommes de LYON en ce qu'il a débouté [E] [H] de ses demandes relatives à l'indemnité de congés payés sur préavis ainsi que celles relatives à l'indemnité légale de licenciement ;

En conséquence :

dire et juger que l'indemnité équivalente au préavis ne génère pas de droit à congé payé ;

constater que [E] [H] a été rempli de tous ses droits concernant l'indemnité spécifique de licenciement ;

rejeter la demande de [E] [H] en allocation d'une indemnité de congés payés afférente au préavis et d'une indemnité spéciale de licenciement.

En tout état de cause :

rejeter toutes les autres demandes de [E] [H] ;

condamner [E] [H] à payer 2 000 € à la société ASTRAL en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonner le partage des dépens entre les parties.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur l'appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement

1-1. Sur la compétence de la juridiction judiciaire

[E] [H] fait grief au conseil de prud'hommes d'avoir apprécié le caractère réel et sérieux du licenciement intervenu.

Au soutien de ses prétentions, [E] [H] relève :

- que le principe de la séparation des pouvoirs interdit au juge judiciaire de revenir sur l'appréciation faite par l'autorité administrative concernant le bien-fondé du licenciement, la décision prise par la juridiction administrative est pourvue de l'autorité de la chose jugée;

- et que l'inspecteur du travail, au détour de l'autorisation de licenciement est censé avoir regardé et apprécié la réalité de l'inaptitude physique et le respect par l'employeur de son obligation de reclassement.

En l'espèce, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de [E] [H], le 02 janvier 2012, après avoir considéré que le salarié était inapte et qu'il n'y avait pas de possibilité de reclassement.

Toutefois, cette autorisation a été annulée par la cour administrative d'appel.

Il est constant qu'en cas d'annulation de l'autorisation de licenciement, l'absence de cause réelle et sérieuse ne résulte pas, en soi, de la décision d'annulation et il appartient au juge prud'homal de déterminer si la cour administrative d'appel s'est prononcée sur le caractère réel et sérieux du licenciement intervenu pour déterminer l'étendue de la chose jugée.

Se prononçant sur la demande d'annulation de l'autorisation de licenciement rendue par l'inspectrice du travail, la cour administrative d'appel de LYON, a jugé dans une décision du 08 janvier 2015 que :

« Considérant qu'en réponse au courrier de la société Astral du 20 octobre 2011 lui demandant de lui faire connaître ses capacités et aspirations professionnelles, M. [H], par courrier du 22 octobre 2011, lui a transmis un descriptif de son expérience professionnelle des trente dernières années en tant qu'employé pendant 18 ans dans une banque, agent immobilier indépendant pendant plusieurs années et chauffeur-livreur indépendant et salarié ; qu'il a également mentionné les diplômes qu'il détient, soit la capacité en droit, un CAP d'aide-comptable, un CAP de banque et une licence professionnelle de transport et a indiqué pouvoir travailler dans la comptabilité, l'administration, être chauffeur pour des livraisons de moins de 15 kg, effectuer des installations chez les particuliers ne nécessitant pas de manutention importante et lourde ;

que, toutefois, sans attendre sa réponse, par une autre lettre également du 20 octobre 2011, la société Astral a convoqué M. [H], en tant que délégué du personnel, à une réunion le 26 octobre 2011 pour se prononcer, en cette qualité, sur la possibilité de le reclasser dans un emploi d'aide-vendeur à mi-temps avec une rémunération mensuelle de 796,47 euros ;

qu'il n'est pas contesté que ce poste d'aide-vendeur devait se traduire par une très forte baisse de sa rémunération, de 1 480 euros à 796 euros et qu'aucun autre poste ni aucun aménagement de poste ne lui a été proposé par l'entreprise ;

que, alors que l'intéressé avait apporté des précisions sur son expérience professionnelle et ses compétences dans le cadre d'un reclassement, la décision de l'inspecteur du travail du 2 janvier 2012 autorisant son licenciement se borne à mentionner la proposition faite par la société Astral d'un poste d'aide-vendeur à mi-temps et le refus de celui-ci ainsi que l'absence d'autre possibilité de reclassement, sans préciser, alors que l'inspecteur du travail est tenu de vérifier la réalité de l'effort de reclassement par l'employeur, quels éléments permettaient de regarder la société Astral comme ayant sérieusement étudié la mise en oeuvre des mesures de reclassement prévues par les dispositions précitées de l'article L. 1226-10 du code du travail et quelles étaient les circonstances s'opposant à toute possibilité de reclassement et d'aménagement de poste ;

que, par suite, en l'espèce, eu égard notamment aux compétences de M. [H], cette décision ne peut être regardée comme suffisamment motivée au regard des exigences qu'imposent les dispositions précitées du code du travail. »

Il résulte de cette décision que la cour administrative d'appel s'est prononcée sur l'absence de motivation suffisante de l'autorisation de licencier prise par l'inspectrice du travail, estimant que celle-ci aurait dû vérifier la réalité des efforts de reclassement engagés par la société ASTRAL.

Cependant, la cour administrative d'appel ne tranche aucunement la question de l'éventuelle absence de recherche sérieuse de reclassement et ne se prononce pas sur le caractère réel et sérieux du licenciement intervenu.

Le juge judiciaire est donc bien, dans ce contexte, compétent pour apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement et le bien fondé de ce dernier .

1-2. Sur le bien-fondé du licenciement

Il résulte des termes de la lettre de licenciement notifiée à [E] [H] que la société ASTRAL a licencié le salarié aux motifs suivants :

« En raison de votre inaptitude déclarée par le médecin du travail et de cette impossibilité de reclassement nous ne pouvions maintenir le contrat de travail et nous avons donc été contraints d'envisager votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. »

[E] [H] fait grief à la société ASTRAL de ne pas avoir respecté ses obligations en ne consultant pas préalablement les délégués du personnel sur l'offre de reclassement, de ne pas avoir notifié individuellement cette proposition et enfin, de ne pas avoir recherché d'autres possibilités de reclassement ou encore de ne pas justifier d'une impossibilité de lui trouver un autre poste.

[E] [H] a été déclaré inapte à la suite d'un accident du travail, et ni cette inaptitude, ni son origine professionnelle n'est ici contestée.

L'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige dispose que :

«  Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.. »

En vertu de son obligation de reclassement, la société ASTRAL a proposé un poste au salarié d'aide vendeur à mi-temps, avec une rémunération de 796,47 € mensuel . Une telle proposition était conforme aux préconisations du médecin du travail.

Il convient de mentionner qu'en l'absence de poste disponible dans l'entreprise, la société envisageait de créer ce poste dans l'unique souci de reclasser [E] [H].

Il résulte des pièces versées aux débats que la société ASTRAL a adressé le 20 octobre 2011 à [E] [H] en sa seule qualité de délégué du personnel titulaire de cette entreprise une convocation pour le 26 octobre 2011 en vue de sa consultation ès-qualités sur les propositions de reclassement le concernant en sa qualité de salarié déclaré inapte à son poste. (Pièce 3 de l'employeur)

À la suite de la réunion du 26 octobre 2011, [E] [H] a adressé le jour même à l'employeur deux courriers distincts, l'un émettant un avis en sa qualité de délégué du personnel sur la proposition de ainsi formulée, et l'autre rejetant, en sa qualité de salarié concerné par cette procédure de reclassement, cette proposition de poste qui lui avait été faite par l'employeur ( pièces7 et 8 de l'employeur) .

Il résulte de ces éléments que l'employeur a satisfait à sa double obligation de consulter les délégués du personnel et d'informer le salarié concerné sur le résultat de sa recherche de reclassement.

Cette proposition était suffisamment précise et a permis au salarié de se prononcer de manière éclairée, au vu notamment de l'avis du délégué du personnel dont il avait nécessairement connaissance, en refusant le poste ainsi proposé, au motif que le poste était à mi-temps et qu'il le considérait inadapté à ses compétences.

En suite de ce refus, il appartenait à la société, qui n'appartient à aucun groupe d'entreprise au sein duquel il existerait une possibilité de permutation des salariés, de procéder en son sein à une recherche complémentaire d'un poste de reclassement

Au regard du registre unique du personnel, la cour relève que l'effectif de la société au moment du licenciement de [E] [H] était de 18 salariés et que les postes existants étaient les suivants :

- responsable de magasin

- PDG

- commercial

- livreur installateur

- vendeur démonstrateur

- vendeur agenceur cuisine

- technicien

- employé de bureau

- secrétaire commerciale

- dépanneur

- assistant SAV

- coordinateur de chantier

Compte tenu des préconisations du médecin du travail, l'employeur était dans l'obligation de rechercher un poste qui ne nécessitait pas de manutentions pouvant excéder 15 kg. Au vu des postes existant dans l'entreprise, certains postes auraient éventuellement pu convenir à [E] [H].

Toutefois, la cour relève que tous les postes précités étaient à ce moment là déjà pourvus et qu'aucun poste n'a été créé à la suite du licenciement de [E] [H], mis à part des postes d'aide livreur, qui n'étaient pas compatibles avec son état de santé.

Certes un poste de vendeur agenceur cuisine a été pourvu à compter du 22 octobre 2010, soit après que [E] [H] a été déclaré inapte à son poste. La cour relève toutefois qu'un tel poste nécessitait des compétences dont [E] [H] ne disposait pas et aurait imposé qu'il suive une formation qualifiante que la société ASTRAL n'était aucunement tenue de lui assurer, si bien qu'il ne saurait lui être sérieusement fait grief de ne pas avoir proposé ce poste à l'intéressé.

Il en découle que la société ASTRAL démontre qu'aucun poste n'était disponible au moment du licenciement de [E] [H] et qu'elle se trouvait bien alors dans l'impossibilité de reclasser ce salarié au sein de l'entreprise.

Il y a donc lieu de retenir que la société ASTRAL a recherché de manière loyale et sérieuse un reclassement pour ce salarié et que dès lors le licenciement litigieux prononcé pour inaptitude au poste et impossibilité de reclassement est bien pourvu d'une cause réelle et sérieuse.

La cour confirme le jugement déféré et déboute [E] [H] de ses demandes tirées d'une prétendue absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, et en particulier de sa demande en paiement de dommages intérêts pour licenciement abusif.

De même, la demande de [E] [H] tendant à l'application de l'article L 1235' 4 du code du travail au bénéfice de PÔLE EMPLOI doit être rejetée dès lors que le licenciement litigieux repose sur une cause réelle et sérieuse.

2- Sur l'indemnité pour annulation de la décision d'autorisation

[E] [H] sollicite la condamnation de son employeur à lui payer, sur le fondement de l'article L 2422 '4 du code du travail , la somme de de 23'092,52 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice par lui subi depuis son éviction et jusqu'au 13 août 2014, date à laquelle l'annulation de l'autorisation administrative de la licencier est devenue définitive.

Il est toutefois constant que l'octroi de l'indemnité prévue par ce texte est subordonnée à une atteinte portée au statut protecteur du salarié élu délégué du personnel et à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.

Or il résulte en l'espèce des motifs qui précèdent que l'employeur a respecté le statut protecteur dont bénéficie [E] [H] en sollicitant l'autorisation administrative requise, peu important que celle-ci ait ensuite été annulée pour des motifs qui ne concernent pas la cause réelle et sérieuse de ce licenciement, qui s'avère en l'occurrence parfaitement justifié.

Cette demande indemnitaire sera donc rejetée comme mal fondée.

3- Sur la demande en paiement de congés payés sur préavis et d'un solde sur indemnité spéciale de licenciement

[E] [H] demande à la cour de condamner la SA ASTRAL au paiement de la somme de 333,56 € de congés payés sur préavis et de la somme de 1 667,80 € au titre d'un solde d'indemnité spéciale de licenciement.

Concernant cette dernière somme, la cour ne peut que constater que [D] [H] ne lui fournit aucune explication sur l'origine de cette créance, et que l'employeur fait à juste titre valoir qu'il à payer à l'intéressé avec sa paie de janvier 2012 une somme de 3 335,68 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement qui figure sur son bulletin de paye et dont rien ne permet de douter qu'elle est bien été réglée.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de cette prétention.

Concernant la demande au titre des congés payés sur préavis, il convient de rappeler que l'article L. 1226-14 alinéa 1 du code du travail dispose que :

« La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9. »

Il est constant que l'indemnité compensatrice spécifique prévu par ce texte à un caractère indemnitaire qui n'ouvre pas droit au règlement d'une indemnité compensatrice de congés payés, à la différence de l'indemnité compensatrice de préavis prévu par l'article L1234 ' 5.

Il y a donc ici encore lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté [E] [H] de ce chef de demande.

4- Sur les demandes accessoires

Partie perdante, [E] [H] supportera l'intégralité des dépens de première instance et d'appel.

Vu les données du litige, il ne parait pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge intégrale des frais de procédure et honoraires qu'elle a dû exposer pour la présente instance.

Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE [E] [H] aux dépens de la procédure d'appel ;

DIT qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 16/04617
Date de la décision : 08/12/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°16/04617 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-08;16.04617 ?
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