R.G : 14/07614
Décision du
Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE
Au fond
du 10 septembre 2014
RG : 06/02841
1ère chambre civile
SA AXA FRANCE IARD
C/
SARL ACROPOLE HOTEL RESTAURANT
SA ALLIANZ IARD Anciennement dénommée AGF IART
Compagnie d'assurances AREAS DOMMAGES
SCI ESPACES CRET DE MARS
SARL HYDRO CLEAN
MONSIEUR LE PREFET DE LA LOIRE - D.D.A.S.S.
Commune VILLE DE LA RICAMARIE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 16 Janvier 2018
APPELANTE :
SA AXA FRANCE IARD, Assureur de la Commune de la Ricamarie, représentée par ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON
Assistée de la SCP RIVA & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
INTIMÉS :
La Société ACROPOLE, SARL, Hôtel Restaurant, à l'enseigne LES BALLADINS, représentée par son gérant en exercice M. [P] [K] [N] es qualité de mandataire ad'hoc, ordonnance du président du tribunal de commerce d'AVIGNON en date du 7 octobre 2016.
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-christophe BESSY, avocat au barreau de LYON
La Société ALLIANZ IARD, anciennement dénommée AGF IART, SA, représentée par son représentant légal en exercice (assureur de la société ROWAFIL)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par la SELARL PERRIER & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
La Société AREAS DOMMAGES (ex CMA), société d'assurance mutuelle
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par la SCP D'AVOCATS CHAVRIER-MOUISSET- THOURET-TOURNE, avocats au barreau de LYON
La Société HYDRO CLEAN, SARL, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON
Assistée de Me Françoise CORNUT, avocat au barreau de LYON
La Ville de la Ricamarie, représentée par son Maire en exercice, M. [X] [T] siègeant en l'Hôtel de Ville, dûment habilité par délibération du conseil municipal
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 5]
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON
Assistée de la Sté CJA PUBLIC CHAVENT-MOUSEGHIAN-CAVROIS, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE
INTERVENANT FORCÉ :
M. [P] [N], pris en sa qualité de mandataire ad'hoc de la SARL ACROPOLE HOTEL RESTAURANT, ordonnance du président du tribunal de commerce d'AVIGNON en date du 7 octobre 2016.
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représenté par Me Jean-christophe BESSY, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 01 Juin 2017
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Novembre 2017
Date de mise à disposition : 16 Janvier 2018
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
La SARL ACROPOLE exploitait, à l'enseigne "Les Baladins", un hôtel- restaurant situé dans la zone d'activités du CRÊT DE MARS sur la commune de LA RICAMARIE.
Le 23 juin 2006, des prélèvements réalisés par la DDASS sur le réseau intérieur d'eau de l'établissement ont relevé une contamination bactériologique et une importante turbidité de l'eau.
L'utilisation de l'eau distribuée par le réseau public a été interdite le 16 juin 2006. Les mesures prises par les services de la DDASS ont permis de supprimer la pollution de l'eau distribuée sur le réseau public et la distribution a pu être rétablie le 12 juillet 2006 pour les douches et les toilettes de l'hôtel et le 31 août 2006 pour l'alimentation.
Par acte des 4 et 6 septembre 2006, la SARL ACROPOLE a assigné la ville de LA RICAMARIE et son assureur, la société AXA, devant le tribunal de grande instance de SAINT ETIENNE en responsabilité et aux fins d'expertise à l'effet de déterminer le montant de son préjudice.
Par jugement du 22 novembre 2006, le tribunal a retenu la responsabilité de la ville de LA RICAMARIE, a condamné celle-ci in solidum avec la société AXA à payer à la SARL ACROPOLE la somme provisionnelle de 10 000 € et ordonné, avant dire droit, une expertise comptable confiée à M. [F] à l'effet de chiffrer le préjudice économique et financier résultant de l'impossibilité d'utiliser l'eau du réseau public au cours de la période considérée.
L'expert a déposé sont rapport le 20 avril 2007.
La société ACROPOLE ayant vendu son fonds, elle a obtenu, suivant ordonnance du juge de la mise en état du 24 avril 2008, la condamnation de la ville de LA RICAMARIE et de son assureur AXA à lui verser une provision complémentaire de 50 000 €. Cette même décision a ordonné un complément d'expertise confié à M. [F] à l'effet de déterminer la cohérence de ses premières conclusions avec les résultats de la société L'ACROPOLE au 31 mars 2008.
Au terme de son rapport complémentaire déposé le 4 mars 2009, l'expert [F] a estimé le préjudice de la SARL ACROPOLE à la somme de 833 000 € se décomposant en une perte d'exploitation pour la période de juin 2006 à fin mars 2008 estimée à 443 000 € et d'une perte de valeur du fonds de commerce lors de sa cession intervenue en avril 2008 estimée à 390 000 €.
Par ordonnance du 23 juillet 2009, confirmée par un arrêt du 27 avril 2010, le juge de la mise en état a condamné solidairement la ville de la RICAMARIE et la société AXA à payer à la SARL ACROPOLE une provision complémentaire de 772 600 €.
Parallèlement, la ville de LA RICAMARIE et la société AXA avaient, par actes des 16 et 18 octobre 2006, fait assigner en responsabilité et garantie la SCI DU CRÊT DE MARS, propriétaire de locaux dans la zone d'activité concernée, ainsi que la DDASS, devant le tribunal de grande instance de SAINT-ETIENNE.
Par jugement du 20 décembre 2006 rendu dans cette instance parallèle, le tribunal a, avant dire droit sur la responsabilité de la SCI DU CRÊT DE MARS, ordonné une expertise technique confiée à M. [A] à l'effet de rechercher les causes et l'origine de la pollution.
L'expert ayant, au cours de ses opérations, constaté une forte pollution de la station de lavage exploitée par la SARL HYDRO CLEAN, proche de l'hôtel "Les Baladins", la ville de LA RICAMARIE et son assureur AXA ont fait assigner la SARL HYDRO CLEAN et son assureur, la société AREAS, aux fins de leur voir étendre les opérations d'expertise confiées à M. [A].
Par jugement du 24 juin 2008, il a été fait droit à cette demande.
Par ordonnance du 27 juillet 2008, le juge de la mise en état a demandé à l'expert de procéder à l'examen des installations de la SARL HYDRO CLEAN.
Le 18 juin 2009, l'expert [A] a déposé un rapport dans lequel il conclut que les eaux de lavage de la SARL HYDRO CLEAN, issues du recyclage, sont fortement chargées en germes pathogènes des mêmes familles de germes que celles constatées en 2006 et que, dans le secteur concerné, la seule installation à risque de reflux est celle de cette société qui n'était pas équipée de système adapté de protection du réseau de distribution d'eau au moment de l'incident.
Par acte d'huissier du 7 mars 2011, la SARL HYDRO CLEAN a fait assigner en garantie Me [R] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ROWAFIL, installateur de la station de lavage, ainsi que l'assureur de cette dernière, la société ALLIANZ, devant le tribunal de grande instance de SAINT-ETIENNE.
Les instances introduites en septembre 2006 par la SARL L'ACROPOLE, en octobre 2006 par la Ville de LA RICAMARIE et la société AXA et en mars 2011 par la société HYDROCLEAN ont fait l'objet d'une jonction.
Par jugement du 10 septembre 2014, le tribunal de grande instance de SAINT- ETIENNE a :
- condamné in solidum la ville de LA RICAMARIE, la société AXA et la SARL HYDRO CLEAN à payer à la SARL ACROPOLE la somme de 833 000 € en réparation du préjudice résultant de la perte d'exploitation et de la perte de la valeur du fonds de commerce lors de sa cession,
- dit qu'il serait déduit de cette somme les provisions versées d'une montant respectif de 10 000 €, 50 000 € et 772 600 €,
- déclaré le rapport d'expertise de M. [A] inopposable à la société ALLIANZ,
- déclaré les rapports de M. [F] inopposables à la société AREAS,
- débouté la SARL ACROPOLE et la société AXA de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société AREAS et de la société ALLIANZ,
- dit que la SARL HYDRO CLEAN devait relever et garantir la ville de LA RICAMARIE et la société AXA des condamnations prononcées à leur encontre,
- dit que la société AXA devrait garantir la ville de LA RICAMARIE sans pouvoir opposer de plafond,
- débouté la SARL HYDRO CLEAN de sa demande de garantie dirigée contre la société AREAS et contre la société ALLIANZ,
- débouté la ville de LA RICAMARIE de son appel en garantie dirigé contre la société AREAS,
- constaté que les appels en garantie de la société AREAS à l'encontre de la SARL ACROPOLE ROWAFIL et de la société ALLIANZ étaient devenus sans objet,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné in solidum la ville de LA RICAMARIE, la société AXA et la SARL HYDRO CLEAN à payer à la SARL ACROPOLE la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens y compris le coût des deux expertises,
- dit que la SARL HYDRO CLEAN relèverait et garantirait la ville de LA RICAMARIE et la société AXA de ces condamnations.
Par déclaration du 25 septembre 2014, la société AXA a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de toutes les parties à l'exception de la société ROWAFIL en liquidation judiciaire.
Par déclaration du 13 octobre 2014, la SARL HYDRO CLEAN en a également interjeté appel à l'encontre de la SARL ACROPOLE, de la Ville de LA RICAMARIE, de la société ALLIANZ, de la société AXA et de la compagnie AREAS.
Ces appels ont été joints.
Par ordonnance du 22 octobre 2014, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de la société AXA à l'encontre de la SCI ESPACES CRET DE MARS et du PREFET DE LA LOIRE représentant la DDASS.
Par acte du 8 novembre 2016, la société AXA FRANCE IARD a fait appeler en intervention forcée M. [P] [N], désigné en qualité de mandataire ad hoc de la société ACROPOLE HOTEL par ordonnance du président du tribunal de commerce d'AVIGNON en date du 7 octobre 2016.
Au terme de conclusions notifiées le 13 février 2017, la société AXA demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré le rapport d'expertise inopposable aux sociétés AREAS et ALLIANZ, en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec la ville de LA RICAMARIE à payer à la SARL ACROPOLE la somme de 833 000 € et réduire le préjudice de la SARL L'ACROPOLE à la somme de 105 300 €,
- condamner la SARL ACROPOLE à lui restituer la somme de 740 869,41 €, le cas échéant ordonner une nouvelle expertise comptable,
- subsidiairement, dire que le montant des sommes mises à sa charge ne saurait être supérieur au plafond de garantie soit 244 121 € et condamner la SARL ACROPOLE à lui restituer le surplus soit 599 808,52 € outre 2 259,89 €,
- plus subsidiairement, infirmer le jugement en ce qu'il a estimé qu'elle avait renoncé à se prévaloir du plafond de garantie et condamner la ville de LA RICAMARIE à lui rembourser la somme de 599 808,52 € outre 2 259,89 €,
- condamner la SARL HYDRO CLEAN "conjointement" avec son assureur AREAS et la société ALLIANZ à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- condamner la SARL ACROPOLE aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SELARL LAFFLY & Associés-LEXAVOUE LYON.
Elle fait valoir :
- que l'installation de la société HYDRO CLEAN n'était pas équipée d'un système antireflux, que l'expert a relevé une similitude des germes pathogènes et que dans le secteur concerné par la pollution, elle était la seule installation à risque de reflux, qu'elle a été enfin régulièrement appelée aux opérations d'expertise,
- que les opérations d'expertise régulières à l'égard de l'assuré sont opposables à l'assureur,
- que s'agissant des opérations non contradictoires, il appartenait aux parties qui n'y avaient pas été appelées d'en soulever la nullité à charge de prouver le grief causé par l'irrégularité, et que les deux expertises sont par conséquent opposables à la SARL HYDRO CLEAN et à son assureur ainsi qu'à l'assureur de la société ROWAFIL qui n'ont pas soulevé l'exception de nullité in limine litis,
- qu'AREAS a d'abord conclu sur le fond de sorte qu'elle est irrecevable à invoquer la nullité de l'expertise [A], qu'il en va de même pour la société ALLIANZ,
- qu'AREAS doit sa garantie à la SARL HYDRO CLEAN, le sinistre s'analysant en une atteinte accidentelle à l'environnement, que la preuve que la pollution se serait réalisée de façon lente et progressive n'est pas rapportée,
- qu'ALLIANZ doit également sa garantie compte tenu de ce que le manquement de la société ROWAFIL a été démontré, son intervention étant établie par la facture du 5 juillet 2005, que le contrat souscrit auprès des AGF devenue ALLIANZ, ne comporte aucune exclusion formelle et limitée et ne précise pas d'activité professionnelle particulière de sorte que l'ensemble de l'activité exercée par l'assurée est garanti,
- que l'expert [F] a retenu une perte d'exploitation entre juin 2006 et fin mars 2008 de 443 000 € et une perte de valeur du fonds lors de la cession de 390 000 € et que ce préjudice a été surévalué au regard des bilans 2005/2006 et 2006/2007,
- qu'en outre l'expert a utilisé une courbe mathématique sans rapport avec la réalité de sorte que la perte de marge comptabilisée pour une période postérieure au 31 août 2006 n'est pas probante, qu'il n'y a lieu de retenir que la perte de résultat du 19 juin au 31 août 2006 soit 36 300 €,
- que l'expert a également utilisé un barème inapproprié s'agissant de la perte de valeur du fonds de commerce qui aurait dû être évalué sur un an de chiffre d'affaires hors taxes soit 504 000 € de sorte que ce poste de préjudice s'établirait à 138 000 €,
- que l'expert n'a pas non plus pris en compte la carence du dirigeant à maintenir et remettre en état son entreprise en difficulté ni la réalité économique et financière de l'exploitation de l'hôtel de sorte que seulement 50% de la perte de valeur du fonds est imputable au sinistre soit 69 000 €,
- que cette analyse est confirmée par l'étude de M. [M], expert comptable, produite par la Ville de LA RICAMARIE, qu'elle ne saurait être tenue à garantie au delà de la somme de 36 300 € + 69 000 € soit 105 300 € de sorte qu'elle est fondée à demander le remboursement du trop perçu,
- que sa police limite la garantie des dommages immatériels à 244 121 € et que celle-ci est applicable en l'espèce, les atteintes portées à un réseau de distribution constituant bien des atteintes à l'environnement, que sa franchise est opposable, qu'elle n'a jamais renoncé au plafond de garantie nonobstant l'offre indemnitaire supérieure au plafond formulée à titre provisionnel au profit de la victime dans le cadre d'un incident de mise en état du 18 juin 2009 et qu'elle est fondée à demander à son assurée le remboursement du trop versé à la victime dans les droits de laquelle elle est subrogée, le jugement du 22 novembre 2006 n'ayant pas autorité de la chose jugée sur ce point ni les ordonnances ordonnant le versement des provisions.
Au terme de conclusions notifiées le 23 septembre 2015, la SARL HYDRO CLEAN demande à la cour de :
- réformer le jugement,
- constater que les rapports [F] et [A] ne lui sont pas opposables,
- débouter l'ensemble des parties des demandes dirigées à son encontre,
- condamner la société ALLIANZ, subsidiairement la société AREAS, à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,
- condamner solidairement les sociétés AXA, ALLIANZ et AREAS à lui payer la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me CORNUT.
Elle fait valoir :
- que l'expert [A] n'a émis qu'une hypothèse s'agissant de l'origine de la pollution et qu'il n'a pas prouvé la causalité entre la contamination et le non respect de la norme,
- que la norme éditée en 2002 n'a pas été publiée, qu'elle devait être respectée par la société ROWAFIL,
- que les reflux sont très rares, que l'hypothèse d'un reflux est de surcroît peu plausible, son installation étant située en amont de l'hôtel,
- que la contamination a cessé dès juin 2006 alors que de 2006 à 2009, le système litigieux était toujours en place,
- qu'une contamination bactérienne n'entre pas dans la définition des atteintes à l'environnement exclues de la garantie responsabilité civile souscrite auprès d'AREAS, qu'il n'y a jamais eu ni émission ou dispersion de substance solide, liquide ou gazeuse, ni de production d'odeurs, de bruits ou de vibrations,
- que les dommages concernés par la procédure ne sont pas des atteintes à l'environnement, également exclus de la garantie, mais des pertes d'exploitation et des moins values dans le cadre de la vente d'un fonds de commerce et que l'assureur doit donc garantir le sinistre,
- que la société ALLIANZ doit garantir le sinistre, son assurée la société ROWAFIL étant responsable de la mise en place d'un système de traitement inadapté comme ne comportant pas de système de déconnexion,
- qu'elle a été mise en cause après le dépôt du rapport [F] et qu'elle a été appelée à l'expertise [A] tardivement alors que l'expert avait déjà pris sa décision et rendu ses conclusions, que ces expertises lui sont inopposables dès lors que, si les parties ont été à même d'en débattre, elles ne peuvent seules fonder la décision,
- que si les expertises devaient lui être déclarées opposables, elles devraient être déclarées opposables à la société ALLIANZ,
- qu'elle a été appelée tardivement aux opérations de M. [A] alors que cet expert avait déjà prix sa décision après avoir cherché pendant deux ans l'origine du problème,
- que la pollution n'a pas duré plus de 8 jours et que le préjudice allégué est exorbitant,
- qu'elle a fait diligence pour appeler en cause la société ROWAFIL mais que celle-ci, après avoir sollicité un renvoi avait 'disparu',
- que le non respect de la norme est imputable à la société ROWAFIL de sorte que son assureur, la société ALLIANZ, doit sa garantie.
Au terme de conclusions notifiées le 5 novembre 2015, la ville de LA RICAMARIE demande à la cour de :
- dire que les préjudices de la SARL ACROPOLE n'excèdent pas 105 000 €,
- rejeter l'appel incident et les demandes de la SARL ACROPOLE en ce qu'ils excèdent lesdits montants et en tout état de cause, modérer son préjudice,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société AXA devait la garantir, en ce qu'il a écarté le plafond de garantie et rejeté toute demande de cette dernière à son encontre,
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré le rapport d'expertise de M. [A] inopposable à la société ALLIANZ,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL HYDRO CLEAN à indemniser le préjudice de la SARL ACROPOLE et condamner en outre la SARL HYDRO CLEAN et la société AREAS à la relever et garantir ainsi qu'AXA des condamnations prononcées à leur encontre,
- condamner la société ALLIANZ à relever et garantir HYDRO CLEAN des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle,
- rejeter toute autre demande dirigée à son encontre,
- condamner AXA, HYDRO CLEAN, AREAS, ALLIANZ et la SARL ACROPOLE in solidum ou qui d'entre elles le devra au mieux à lui payer la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux dépens y compris les frais des expertises avec faculté de distraction au profit de la société CJA PUBLIC CHAVENT MOUSEGHIAN CAVROIS en ce qui concerne les dépens de première instance et AGUIRAUD NOUVELLET en ce qui concerne les dépens d'appel.
Elle fait valoir :
- que la seule installation à risque de reflux est celle de la société HYDRO CLEAN, que cette dernière a méconnu les dispositions de l'article 4 alinéa 8 du règlement du service d'eau potable du 13 février 1968, imposant l'installation de barrières antipollution adaptées à ce type d'installation, et du règlement saniraire départemental de la Loire qui prescrit l'installation de disconnecteurs à zone de pression réduite agréés par le CSTB et veant faire l'objet de la part d'un propriétaire de l'installation d'une déclaration préalable àl'autorité sanitaire et d'essais périodiques au moins annuels,
- que l'expertise [A] est opposable à la société HYDRO CLEAN qui y a été régulièrement appelée et qui n'invoque aucun vice de forme lui causant grief,
- que le préjudice invoqué par l'ACROPOLE constitue un dommage immatériel consécutif à la pollution accidentelle de l'eau de sorte garanti par le contrat 'responsabilité civile entreprise' souscrit auprs de la société AREAS, que le plafond allégué ne s'applique qu'aux dommages immatériels non consécutifs,
- que l'expertise [A] doit être déclarée opposable à la société ALLIANZ, assureur de ROWAFIL, dès lors que le rapport a été régulièrement versé aux débats et qu'aucune nullité pour vice de forme causant grief n'est caractérisé par l'assureur,
- que l'appel incident de la SARL L'ACROPOLE se fonde sur une conclusion intermédiaire de l'expert que ce dernier a de lui-même écartée par la suite,
- que la société AXA n'a formulé aucune observation ni aucun dire sur les pré-conclusions de l'expert,
- que l'utilisation de la courbe de 'tendance polynomiale' n'est pas pertinente dès lors qu'un chiffre d'affaires n'est pas extensible à l'infini s'agissant d'un établissement disposant d'un nombre limité de chambres, et que l'expert n'a effectué aucune comparaison avec les capacités de l'hôtel et le chiffre d'affaires réel,
- que de même, la perte sur le prix de cession de l'hôtel sur la base de 150% du chiffre d'affaires annuel est largement surévaluée, la valeur d'un fonds de commerce d'hôtellerie se situant entre 70% et 120% du chiffre d'affaires annuel réalisé, que l'expert ne fait aucune référence à des termes de comparaison du marché,
- que l'exploitant n'a fait aucune diligence en vue de l'amélioration de son chiffre d'affaires,
- que l'expert [M] conclut que la réalité des pertes financières alléguées par la société L'ACROPOLE sont difficilement démontrables de même que leur lien de causalité direct et certain avec le sinistre,
- que le dispositif du jugement du 22 novembre 2006 a autorité de la chose jugée en ce qu'il la condamne solidairement avec la société AXA à indemniser la SARL l'ACROPOLE de l'intégralité de son préjudice, de sorte que celle-ci est irrecevable à opposer un plafond de garantie, qu'en outre, elle a, en cours de procédure, formulé une offre d'indemnité supérieure au plafond alors qu'elle avait, par une lettre antérieure, en date du 18 mars 2009, soulevé cette limitation de garantie,
- que le sinistre a été confiné au réseau de distribution d'eau desservant la zone du Crêt de Mars et qu'il n'y a eu aucun débordement ni aucune fuite vers le milieu naturel, de sorte qu'il n'y a pas d'atteinte à l'environnement, celle-ci se définissant comme un dommage instantané ou durable au milieu naturel,
- que le jugement du 22 novembre 2006 indique que la société AXA a reconnu devoir sa pleine et entière garantie, qu'elle avait l'entière direction du procès de sorte qu'elle doit être réputée avoir renoncé à invoquer une quelconque exception relative au plafond, que dans ses conclusions de première instance, elle avait reonnu que le plafond était inopposable à l'assurée, de sorte qu'il n'y a pas de paiement indu ; qu'en outre, les conditions de la subrogation conventionnelle ou légale ne sont pas réunies.
Au terme de conclusions notifiées le 13 février 2015, la SARL ACROPOLE demande à la cour de :
- fixer son préjudice à la somme de 854 000 €,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la ville de LA RICAMARIE, la société AXA et la SARL HYDRO CLEAN à réparer son préjudice,
- les condamner à lui payer la somme de 27 400 € après déduction des provisions précédemment allouées,
- dire n'y avoir lieu à application de plafond de garantie évoqué par AXA, subsidiairement, dire que l'excédent de plafond devra être restitué par la ville de LA RICAMARIE,
- rejeter toutes les demandes dirigées à son encontre,
- condamner la Ville de LA RICAMARIE, la société AXA, la société HYDRO CLEAN, la société AREAS et la société ALLIANZ à lui payer la somme de 12 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de ses conseils de première instance et d'appel
Elle fait valoir :
- que la question de la responsabilité de la Ville de LA RICAMARIE est définitivement tranchée par le jugement du 22 novembre 2006,
- que les conclusions de M. [A] permettent de retenir l'entière responsabilité de la société HYDRO CLEAN,
- que la Ville de LA RICAMARIE et la compagnie AXA étaient présentes aux opérations d'expertise assistées de leur avocat et de leur expert, qu'elles n'ont jamais fait valoir les observations présentées dans la suite de l'instance, que dans son arrêt de 2010, statuant sur l'ordonnance du juge de la mise en état du 23 juillet 2009, la cour avait retenu l'insuffisance des éléments apportés pour démontrer la surévaluation du préjudice qu'elles invoquaient,
- que ni l'étude de M. [M] produite par la Ville de LA RICAMARIE ni les observations du cabinet SARETEC produites par la société AREAS ne sont pertinents,
- que dans son rapport d'étape M. [F] avait chiffré son préjudice à 854 000 €, qu'il l'a minoré par la suite au motif qu'elle avait entrepris peu d'efforts pour retrouver son chiffre d'affaires normal après le sinistre, qu'elle justifie des mesures prises pour tenir sa clientèle informée et des actions commerciales entreprises qui démentent cette analyse,
- que l'article 2-12 des conditions particulières de la police AXA garantissant la Ville de LA RICAMARIE ne prévoit un plafond de garantie que pour les dommages immatériels du fait des atteintes à l'environnement accidentelles alors que la pollution est demeurée confinée au réseau qui ne constitue pas un environnement naturel,
- qu'elle fait siennesles conclusions de la Ville de LA RICAMARIE sur l'inopposabilité du plafond par l'effet de la renonciation de la société AXA à s'en prévaloir,
- qu'il convient dans l'hypothèse d'une restitution de dire que les provisions précédemment allouées seraient à restituer à la société AXA non par elle mais par la Ville de LA RICAMARIE, par l'effet de la subrogation.
Au terme de conclusions notifiées le 18 novembre 2015, la société AREAS DOMMAGES demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes principales et en garantie dirigées à son encontre,
- dire que la responsabilité de la société HYDRO CLEAN n'est pas engagée,
- dire en tout état de cause qu'elle n'est pas tenue à garantie,
- subsidiairement, accueillir son appel incident et condamner la société ROWAFIL à la garantir ainsi que la société HYDRO CLEAN de toutes condamnations prononcées à leur encontre,
- déclarer inopposable le rapport d'expertise de M. [F] et nul ou subsidiairement non probant le rapport de M. [A] en ce qu'il traite du préjudice de la société ACROPOLE,
- subsidiairement, limiter ce préjudice à la somme de 36 300 €,
- le cas échéant, ordonner une nouvelle expertise,
- dire qu'elle est fondée à opposer son plafond de garantie de 80 000 € et la franchise contractuelle de 10% avec un minimum de 900 €,
- condamner tous contestants à lui payer la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SCP CHAVRIER MOUSSET THOURET.
Elle fait valoir :
- que l'existence d'un lien de causalité entre le vice de l'installation de la société HYDRO CLEAN et la pollution n'est pas prouvé, les conclusions de l'expert étant dubitatives, et que le constat de la présence de germes de même nature dans les prélèvement analysés et dans les eaux de lavage de la société HYDRO CLEAN ne saurait constituer une preuve suffisante,
- que la responsabilité de la société ROWAFIL doit être retenue dès lors qu'il est établi par une facture du 5 juillet 2005 qu'elle a mis en place le système de traitement et de recyclage de l'eau, qu'en sa qualité de professionnelle, elle était censée connaître les exigences de la réglementation de sorte qu'elle est contractuellement tenue des conséquences du vice de l'installation,
- que le rapport [A] a été soumis à la discussion contradictoire de sorte qu'il est opposable à la société ALLIANZ,
- que la facture démontre que la société ROWAFIL a procédé à l'installation du système, que la photo 13 de l'expert l'identifie de façon incontestable,
- que la police ALLIANZ est un contrat d'assurance des activités de services et des professions libérales, qu'aucune activité n'est mentionnée à la rubrique ad hoc, que la police garantit la responsabilité civile exploitation, de sorte que l'assureur doit sa garantie en l'absence de clause d'exclusion formelle et limitée contenue dans la police,
- que la société HYDRO CLEAN et la compagnie AREAS fondent leur action en garantie exclusivement sur le rapport [F] qui ne saurait seul faire la preuve de son bien fondé,
- que l'expertise [F] ne lui est pas opposable dès lors qu'elle n'a pas été appelée ni représentée aux opérations et que le rapport de M. [A] est nul subsidiairement non probant au motif que celui-ci n'a pas personnellement rempli sa mission en se contentant de joindre à son rapport les six premières pages du rapport [F] du 28 février 2009 ; que si le pré-rapport du 17 janvier 2009 qui faisait état d'une note de synthèse établie par M. [F], ni cette note ni les documents analysés par M. [F] n'étaient joints ; qu'elle a soulevé dès ses premières conclusions devant le tribunal la nullité partielle de l'expertise [A],
- que le calcul du préjudice effectué par M. [F] est incohérent au regard de l'historique de l'exploitation de l'hôtel et du fait que les chiffres d'affaires réels révèelent une augmentation postérieurement au sinistre, que la valorisation du fonds par l'expert n'est pas conforme aux usages, que le préjudice ne saurait être évalué à plus de 36 300 € correspondant à la perte d'exploitation sur la période du 19 juin au 31 août 2006,
- que, si la police la liant à la société HYDRO CLEAN comporte une garantie accessoire RC atteintes à l'environnement, celle-ci ne saurait être mobilisée dès lors que l'atteinte dont serait responsable l'assurée ne serait pas accidentelle au sens de la police ; que l'assuré qui a la charge de la preuve, s'agissant d'une condition de la garanie, ne démontre pas l'existence d'un événement générateur soudain alors qu'il résulte des prélèvements effectués que la pollution s'est effectuée de manière lente et progressive et qu'elle s'est étendue dans le temps ; qu'en outre sont exclus de la garantie les dommages subis par les éléments naturels tels que l'eau et le sol ; qu'en tout état de cause, la garantie est limitée au plafond de 80 000€ avec une franchise de 10%.
Au terme de conclusions notifiées le 17 février 2015, la société ALLIANZ demande à la cour de :
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté les sociétés HYDRO CLEAN et AXA de leurs demandes et déclaré sans objet l'appel en garantie de la société AREAS dirigé à son encontre,
- dire que les opérations d'expertise judiciaire confiées à M. [A] lui sont inopposables,
- dire que la preuve d'un manquement de la société ROWAFIL n'est pas rapportée,
- dire que ses garanties ne sont pas mobilisables,
- rejeter toute demande dirigée à son encontre,
- condamner in solidum les sociétés appelantes ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 4 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec distraction au profit de la SELARL PERRIER & ASSOCIES.
Elle fait valoir :
- que ni son assurée ni elle-même n'ont été appelées aux opérations d'expertise de sorte que celles-ci lui sont inopposables,
- que la facture ROWAFIL du 5 juillet 2005 ne saurait faire la preuve de l'étendue de sa prestation, que l'expert n'a relevé aucun manquement de sa part,
- qu'en tout état de cause, sa police ne saurait être mobilisée s'agissant d'un contrat souscrit pour une activité professionnelle de bureau, dont la lecture fait apparaître qu'il s'agit d'un contrat multirisques, que la garantie RC est limitée à une garantie locataire ou propriétaire et non pas une RC professionnelle susceptible de garantir les conséquences de prestations défectueuses,
- qu'en outre l'activité déclarée par ROWAFIL était une activité de commerce de gros de sorte que la police ne peut garantir une activité d'installateur,
- que la garantie RC exploitation n'a pas pour objet de garantir les conséquences dommageables résultant d'une prestation défectueuse qui relèvent d'une police RC professionnelle, ainsi que le rappelle l'avertissement rappelé en caractères gras aux conditions générales, garantie que la société ROWAFIL n'a pas souscrite.
La clôture a été prononcée le 1er juin 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'opposabilité des expertises aux sociétés AREAS, ALLIANZ et HYDRO CLEAN
Une expertise n'est opposable à une partie que si elle a été appelée ou représentée aux opérations de l'expert.
Les parties à une instance au cours de laquelle une expertise judiciaire a été ordonnée ne peuvent invoquer l'inopposabilité du rapport d'expertise en raison d'irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise, lesquelles sont sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile.
Selon l'article 233 du code de procédure civile, l'expert doit remplir personnellement sa mission.
En l'espèce, l'expertise comptable confiée à M. [F] n'a été ordonnée qu'au contradictoire de la ville de LA RICAMARIE et de la société AXA.
L'expertise [A] a été régulièrement étendue à la société HYDRO CLEAN et à son assureur la société AREAS et la mission de l'expert a été étendue à l'évaluation du préjudice de la société L'ACROPOLE.
L'expert [A] a annexé à son rapport définitif celui de M. [F]. Au cours des opérations, il a fait état d'une note de synthèse de M. [F]. Il en résulte que, s'agissant de l'évaluation du préjudice consécutif au sinistre, il n'a pas rempli personnellement sa mission, en infraction à l'article 233 du code de procédure civile.
Toutefois, s'agissant d'une irrégularité dans le déroulement des opérations d'expertise, elle n'est pas sanctionnée d'une inopposabilité, l'article 175 prévoyant la nullité des actes d'exécution des mesures d'instruction et renvoyant aux règles régissant les nullités des actes de procédure, de sorte que la société AREAS et la société HYDRO CLEAN sont irrecevables à soulever l'inopposabilité de l'expertise [A].
Selon l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond.
Il ressort de ses premières conclusions déposées le 15 avril 2010 que la société AREAS, si elle a effectivement soulevé la nullité partielle de l'expertise [A] en ce qu'elle se contentait, s'agissant de l'évaluation du préjudice, d'annexer le rapport de M. [F], elle avait préalablement soulevé des défenses au fond en concluant au débouté de l'action en responsabilité de la ville de LA RICAMARIE et de la société AXA et en sollicitant à titre subsidiaire la garantie de la société ROWAFIL de sorte que sa demande de nullité de l'expertise est irrecevable.
Les sociétés ROWAFIL et ALLIANZ ont, quant à elles, été appelées en cause après le dépôt de l'expertise [A] de sorte que cette expertise leur est inopposable.
En effet, si par acte d'huissier du 23 mars 2009, la SARL HYDRO CLEAN avait fait assigner la SARL ROWAFIL, installateur de la station de lavage, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de SAINT-ETIENNE aux fins de lui voir étendre les opérations d'expertise de M. [A], cette instance est restée sans suite, M. [A] ayant déposé son rapport avant toute décision.
Une expertise non contradictoire constitue toutefois un élément de preuve dès lors qu'elle a été régulièrement versée aux débats et soumise à un débat contradictoire mais ne peut se suffire à elle-même et doit être corroborée par d'autres éléments de preuve.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré le rapport d'expertise [A] inopposable à la société ALLIANZ et réformé en ce qu'il a déclaré les rapports [F] inopposables à la société AREAS.
En application de l'article 246 du code civil, le juge n'est pas lié par les constatations ou conclusions du technicien de sorte que la valeur probante des expertises litigieuses sera examinée avec le fond du litige.
Sur la responsabilité de la société HYDRO CLEAN
L'expert a constaté que les analyses des prélèvements effectués montraient que les eaux de lavage de la société HYDRO CLEAN étaient fortement chargées en germes pathogènes qui étaient des mêmes familles que les germes constatés lors de la pollution de 2006.
La visite des lieux et les informations communiquées lui ont permis d'affirmer qu'il n'y avait pas d'erreur de conception du réseau public.
Il a analysé le sinistre comme causé par une eau chargée en polluants chimiques et bactériologiques qui a été injectée dans le réseau et qui a pu se propager dans la veine d'écoulement du réseau vers les zones à moindre pression par un phénomène de reflux.
Il constaté qu'il existait sur l'installation HYDRO CLEAN un circuit de recyclage des eaux en pression, en bouclage avec la distribution publique, de sorte qu'il s'agissait de la seule installation de la zone à risque de reflux, installation non équipée d'un système adapté de protection contre le reflux.
Il a enfin constaté que l'hôtel, plus haut que la station de lavage d'environ 20 mètres, bénéficiait d'une pression beaucoup plus faible que la station, situation propice à la survenance d'un phénomène de reflux.
L'ensemble de ces éléments, précis et logiques, établissent suffisamment la causalité entre l'absence de système anti-reflux de l'installation de la société HYDRO CLEAN et la pollution ayant affecté le réseau d'eau potable alimentant l'hôtel [Établissement 1], ainsi que l'a justement retenu le premier juge de sorte que le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur le préjudice
La société l'ACROPOLE a exploité l'hôtel restaurant à compter du mois d'avril 2004. Après une première année déficitaire, son compte de résultat au 31 mars 2006 était bénéficiaire.
La perte de résultat de 36 300 € pour la période sinistrée du 19 juin au 31 août 2006 n'est pas discutée.
L'expert a retenu qu'il fallait deux années d'exploitation pour que l'entreprise se remette à niveau après la rupture de sa dynamique de croissance consécutive au sinistre et a chiffré sa perte d'exploitation à 443 000 € en appliquant une 'courbe de tendance polynomiale' provenant d'un tableur intégré dans le logiciel Excel permettant à partir de l'évolution du chiffre d'affaires au cours de la période antérieure au sinistre de pronostiquer le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé pour la période postérieure si le sinistre n'avait pas eu lieu et la perte d'exploitation subséquente à partir d'un taux de marge de 78,76%.
D'après le schéma de progression issu de la courbe de tendance polynomiale, la perte serait maximale au 31 décembre 2006 pour ensuite se réduire jusqu'à disparaître au mois d'août 2008, l'effet du sinistre étant alors résorbé, le chiffre d'affaires extrapolé pour l'exercice 2007/2008 étant alors de 813 700 € ce qui correspond à une moyenne de 67 000 € par mois.
L'expert a ainsi déterminé :
- que, sur la période du 1er septembre 2006 au 31 mars 2007, la perte de chiffre d'affaires était de 131,3 K€, le chiffre d'affaire effectivement réalisé n'étant que de 165,1 K€ alors que selon la courbe de tendance, il aurait dû atteindre 396,4 K€ ; qu'après application du taux de marge de 78,76%, la perte pour cette période s'établissait à 103,40 K€ ;
- que, sur la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2008, dernier exercice avant la vente du fonds, la perte de chiffre d'affaires était de 384,6 K€, le chiffre d'affaire effectivement réalisé n'étant que de 429,10 K€ alors que selon la courbe de tendance, il aurait dû atteindre 813,70 K€ ; qu'après application du taux de marge de 78,76%, la perte pour cette période s'établissait à 302,90 K€ ;
La perte de chiffre d'affaires effective au cours de l'exercice 2006/2007 par rapport à l'exercice 2005/2006 s'est établie à : 480 557 € - 454 845 € = 25 712 €. Il convient de relever toutefois qu'aucun chiffre d'affaires n'a été réalisé au mois de juillet 2007, ainsi que cela ressort de l'annexe 1 du second rapport de M. [F], alors que le chiffre d'affaires moyen mensuel de l'exercice 2006/2007 s'est établi sur 11 mois à 41 350 €.
L'expert n'a pas confronté la formule utilisée avec les capacités de l'hôtel, la spécificité de son exploitation et le contexte économique local. Il convient de relever à cet égard que l'exploitation de l'hôtel depuis 2001 a toujours été déficitaire sauf en 2006, que les précédents exploitants ont tous connu des procédures collectives, ce qui ne peut qu'interroger sur l'environnement économique, la possibilité d'expansion de la clientèle et d'amélioration de la rentabilité par l'augmentation du chiffre d'affaire.
Il apparaît ainsi que la courbe utilisée par l'expert est une extrapolation purement théorique sans rapport avec la réalité économique et financière de l'exploitation.
En outre, il résulte des comptes de l'exercice 2007/2008 qu'après une hausse entre les mois de juin et d'octobre 2007 (hors juillet 2007 où aucun chiffre d'affaires n'a été réalisé), approchant les chiffres d'affaire réalisés aux mois de janvier à juin 2006, les chiffres d'affaire des mois de janvier, février et mars 2008 n'ont pas excédé 35 000 € alors qu'à cette période où la résorbtion de l'effet du sinistre était déjà largement entamée, ils auraient dû, selon la courbe polynomiale, avoisiner les 70 000 €, ce qui dément la pertinence de la courbe pour la période postérieure à mai 2006.
Ces éléments permettent à la cour, sans qu'il y ait lieu à nouvelle expertise, de déterminer une perte d'exploitation en relation de causalité certaine et directe avec le sinistre de 36 300 € pour la période sinistrée du 19 juin au 31 août 2006 et de 200 000 € pour la période postérieure soit au total 236 300 €.
Il est acquis que les ventes de fonds d'hôtel-restaurant se font sur la base du chiffre d'affaires annuel assorti d'un coefficient variable en fonction du marché local et de la rentabilité prévisible du fonds. Il en résulte que la baisse de chiffre d'affaire consécutive au sinistre a eu une incidence sur la valorisation du fonds de la SARL L'ACROPOLE lors de sa revente.
L'expert a chiffré la perte ainsi subie sur la base du chiffre d'affaires de l'exercice 2005/2006 immédiatement antérieur à la pollution soit 504 440 € en estimant la valorisation du fonds à 1,5 fois le chiffre d'affaires dont il déduit le prix de vente hors matériel, soit 366 000 €, pour aboutir à une perte de 390 000 €.
Ce chiffrage n'est toutefois confronté à aucune analyse du marché local ni à une quelconque analyse de rentabilité de sorte que le coefficient de valorisation élevé retenu par l'expert n'est pas justifié. La cour estime au vu des éléments du dossier que la perte de valeur du fonds en relation de causalité directe et certaine avec le sinistre doit être déterminée sur la base d'une année de chiffre d'affaires soit 504 000 € - 366 000 € = 138 000 €.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de la SARL L'ACROPOLE à hauteur de 374 300 € et de faire courir les intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008 en application de l'article 1153-1 du code civil.
Sur le plafond de garantie opposé par la société AXA FRANCE IARD
La renonciation à un droit ne se présume pas, si elle peut être tacite, elle doit résulter d'actes ou de faits manifestant la volonté non équivoque de renoncer.
En l'espèce, la société AXA a proposé, dans le cadre de l'incident de mise en état du 18 juin 2009 ayant abouti à l'ordonnance du 23 juillet 2009, le versement d'une provision de 326 000 €. Il convient de relever toutefois que, par courrier recommandé du 18 mars 2009, elle avait rappelé à son assurée les conditions particulières prévoyant un plafond de garantie pour les atteintes accidentelles à l'environnement en dommages immatériels et lui avait notifié un plafond de ce chef de 244 121 € avec une franchise de 407 €.
Il ne saurait dès lors se déduire de la seule offre d'une indemnité, provisionnelle, très légèrement supérieure au plafond de garantie, faite de surcroît dans le cadre d'une défense commune à son assurée, et qui n'était donc pas incompatible avec l'intention de se prévaloir de la limitation contractuelle de garantie, la volonté non équivoque de renoncer au plafond dont elle s'était prévalue quelque trois mois auparavant.
En application de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement.
En l'espèce, le jugement du 22 novembre 2006, qui a condamné solidairement la Ville de LA RICAMARIE et la compagnie AXA à indemniser la SARL L'ACROPOLE de l'intégralité de son préjudice résultant de l'impossibilité d'utiliser l'eau du réseau public pour les douches du 16 juin 2006 au 12 juillet 2006 et pour l'alimentation du 16 juin 2006 au 31 août 2006, ne tranchait pas la question de l'étendue de la garantie contractuelle due par l'assureur en l'absence de litige soumis au tribunal sur ce point.
Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la Ville de LA RICAMARIE, il est dépourvu de l'autorité de la chose jugée.
Le jugement sera en conséquence réformé et la société AXA déclarée fondée à opposer le plafond de garantie de 244 121 €.
Sur la garantie de la société AREAS
La police RC chef d'entreprise à effet du 1er février 2005 souscrite par la société HYDRO CLEAN auprès de la société AREAS garantit les atteintes à l'environnement accidentelles consécutives à des faits fortuits commis à l'occasion de l'exploitation des activités de l'assuré mentionnées aux conditions particulières.
Selon l'article 14-a de la police, constitue l'atteinte à l'environnement l'émission, la dispersion, le rejet ou le dépôt de toute substance solide, liquide, ou gazeuse diffusée par l'atmosphère, le sol ou les eaux.
Cette disposition ne peut se comprendre que comme visant l'environnement naturel, ce que confirme la clause excluant de la garantie 'les dommages subis par les éléments naturels dont l'usage est commun à tous tels que l'air, l'eau et le sol'.
Il en résulte que l'introduction d'eau de lavage polluée dans un secteur du réseau communal d'eau potable ne constitue pas une atteinte à l'environnement au sens de la police et qu'elle relève de la garantie de base dont le plafond est de 1 000 000 € par sinistre pour les dommages matériels et immatériels consécutifs et de 80 000 € par sinistre pour les dommages immatériels non consécutifs.
La police définit les dommages non consécutifs comme les préjudices économiques résultant d'un événement soudain et imprévu lorsque ces préjudices sont la conséquence d'un dommage corporel ou matériel non garanti ou surviennent en l'absence de tous dommages corporels ou matériels.
En l'espèce, il y a bien eu un dommage matériel qui est la détérioration de l'eau distribuée par le réseau à l'hôtel Les Baladins. Le fait qu'aucune réclamation n'ait été formulée de ce chef ne fait pas disparaître le dommage de sorte que la société AREAS n'est pas fondée à opposer le plafond de garantie des dommages non consécutifs.
Sur les demandes dirigées contre la société ALLIANZ
Ainsi que l'a justement retenu le tribunal, la seule facture de fourniture et de pose de l'installation de la station de lavage par la société ROWAFIL ne saurait suffire à corroborer les conclusions de l'expertise de M. [A] s'agissant de la responsabilité de cette dernière de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de garantie dirigées contre la société ALLIANZ, assureur de ROWAFIL.
Sur les restitutions
Aux termes de l'article 31, alinéa 2, de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 : "L'exécution est poursuivie aux risques du créancier qui, si le titre est ultérieurement modifié, devra restituer le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent".
Il en résulte que la réformation de la décision remet les parties dans la situation où elles se trouvaient avant l'exécution et fait disparaître la cause du paiement, l'obligation de rembourser résultant de plein droit de la réformation.
Selon l'article 1251 3° du code civil dans sa rédaction en vigueur à la date du paiement, la subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt à l'acquitter. En l'espèce, les condamnations ont été prononcées à l'encontre de la Ville de LA RICAMARIE et de la société AXA FRANCE IARD in solidum de sorte que cette dernière était bien tenue avec la Ville de LA RICAMARIE, qu'elle avait intérêt à acquitter leur dette commune et qu'elle bénéficie de la subrogation légale.
La personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés.
Il en résulte que le présent arrêt vaut titre de restitution tant à l'encontre de la SARL L'ACROPOLE qu'à l'encontre de la Ville de la RICAMARIE de sorte qu'il n'y a pas lieu à condamnation de ce chef au profit de la société AXA FRANCE IARD.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré le rapport d'expertise de M. [A] inopposable à la société ALLIANZ,
- débouté la SARL ACROPOLE, la société AXA et la société HYDRO CLEAN de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société ALLIANZ,
- dit que la SARL HYDRO CLEAN devait relever et garantir la ville de LA RICAMARIE et la société AXA FRANCE IARD des condamnations prononcées à leur encontre,
- condamné in solidum la Ville de LA RICAMARIE, la société AXA FRANCE IARD et la SARL HYDRO CLEAN à payer à la SARL L'ACROPOLE la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens y compris le coût des deux expertises ;
Le réforme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Déclare les rapports de M. [F] opposables à la société AREAS DOMMAGES ;
Déclare la société AREAS DOMMAGES irrecevable à en soulever la nullité ;
Dit que la société AXA FRANCE IARD doit garantir la ville de LA RICAMARIE dans la limite du plafond de garantie de 244 121 € ;
Dit que la société AREAS DOMMAGES doit garantir la SARL HYDRO CLEAN dans la limite du plafond de la garantie de base pour les dommages immatériels consécutifs ;
Condamne in solidum la Ville de LA RICAMARIE, la société AXA FRANCE IARD, la SARL HYDRO CLEAN et la société AREAS DOMMAGES à payer à la SARL ACROPOLE la somme de 374 300 € en réparation du préjudice résultant de la perte d'exploitation et de la perte de la valeur du fonds de commerce lors de sa cession, ce outre intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008 et sous déduction des provisions versées ;
Condamne la société AXA FRANCE IARD, dans la limite du plafond de garantie susrappelé, la société HYDRO CLEAN et la société AREAS DOMMAGES à garantir la Ville de LA RICAMARIE de cette condamnation ;
Déboute la SARL L'ACROPOLE du surplus de ses demandes ;
Condamne in solidum la Ville de LA RICAMARIE, la société AXA FRANCE IARD, la SARL HYDRO CLEAN et la société AREAS DOMMAGES aux dépens d'appel ;
Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer à leur encontre les dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;
Condamne la SARL HYDRO CLEAN et la société AREAS DOMMAGES à relever et garantir la Ville de LA RICAMARIE et la société AXA FRANCE IARD des condamnations prononcées à leur encontre en principal, intérêts, indemnité de procédure et dépens ;
Condamne la société AREAS DOMMAGES à garantir la SARL HYDRO CLEAN des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, indemnité de procédure et dépens ;
Dit que le présent arrêt vaut titre de restitution tant à l'encontre de la SARL L'ACROPOLE qu'à l'encontre de la Ville de LA RICAMARIE des sommes versées par la société AXA FRANCE IARD à la SARL L'ACROPOLE à titre de provision et en exécution du jugement au delà du montant du plafond de garantie de 244 121 €.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE