R.G : 16/03364
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 15 mars 2016
RG : 09/8035
EUARL CHATEAU MENTONE
C/
SARL SOCIETE B... X...
S.A.S. COORDINATION GENERALED'ENTREPRISE
Société COVEA RISKS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 05 JUIN 2018
APPELANTE :
EUARL CHATEAU MENTONE
représentée par ses dirigeants légaux
[...]
[...]
Représentée par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER, avocat au barreau de LYON (toque 1983)
Assistée de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMEES :
S.A.R.L. C... X...
représentée par ses dirigeants légaux
[...]
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON (toque 475)
Assistée de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON
S.A.S. COORDINATION GENERALED'ENTREPRISE
représentée par ses dirigeants légaux
[...]
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON (toque 475)
Assistée de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON
SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLE
représentée par ses dirigeants légaux
[...]
Représentée par la SELARL ALART & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON (toque 766)
Assistée de la SELARL PLATON, avocat au barreau de TOULON
SA MMA IARD
représentée par ses dirigeants légaux
[...]
Représentée par la SELARL ALART & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON (toque 766)
Assistée de la SELARL PLATON, avocat au barreau de TOULON:
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 19 Février 2018
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Mars 2018
Date de mise à disposition : 15 Mai 2018, prorogée au 05 Juin 2018, les avocats ayant été avisés.
Audience tenue par Agnès Y..., président et Catherine ZAGALA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Catherine ZAGALA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Agnès Y..., président
- Dominique DEFRASNE, conseiller
- Catherine ZAGALA, conseiller
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Agnès Y..., président, et par Marine DELPHIN-POULAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
En 2004, suite au rachat du domaine, l'EARL DU CHATEAU MENTONE souhaitant réaliser d'importants travaux de réaménagement, de rénovation et d'extension, a confié à la société C... X... , suivant convention régularisée le 16 avril 2004, une mission complète de maîtrise d'oeuvre.
La société CGE COORDINATION GENERALE ENTREPRISES (CGE) a été chargée de la réalisation des travaux portant sur le château selon bon de commande du 25 novembre 2004 et ceux afférents à la cave selon bon de commande du 24 mars 2005.
Les dates de réception étaient contractuellement arrêtées :
- au 25 septembre 2005 pour le château,
- au 31 août 2005 (hors plancher «réceptif») pour la cave.
Malgré le litige survenu entre les parties, ayant conduit l'EARL DU CHATEAU MENTONE à constater, le 25 novembre 2005, la résiliation des marchés aux torts de la société CGE, la réception des travaux afférents au château est intervenue le 20 décembre 2005 avec réserves levées le 04 mai 2006 et celle des travaux afférents à la cave est intervenue le 20 janvier 2006 avec réserves levées le 04 mai 2006.
Par ordonnance du 17 juillet 2006, le tribunal de commerce de BRIGNOLES a ordonné une expertise confiée à monsieur Z... avec pour mission de faire les comptes entre les parties, de déterminer le montant des pénalités de retard dues, de vérifier la réalisation effective des travaux réalisés.
Par ordonnance du 05 février 2007, le tribunal de commerce de BRIGNOLES a ordonné un complément de mission portant sur de nouveaux désordres invoqués par l'EARL DU CHATEAU MENTONE.
Monsieur Z... a déposé son rapport le 20 juin 2008.
Par ordonnance du 04 novembre 2008, le juge des référés du tribunal de grande instance de LYON a ordonné une nouvelle expertise et désigné monsieur A... avec pour mission de décrire les préjudices de toute nature subie par l'EARL DU CHATEAU MENTONE et non examinés par monsieur Z... susceptibles de découler de l'interruption de chantier confié par l'EARL DU CHATEAU MENTONE à la société CGE et la société X....
Par acte du 11 et 12 mai 2009, l'EARL DU CHATEAU MENTONE a fait assigner la société CGE, la société C... X... et la société COVEA RISKS, leur assureur aux droits de laquelle viennent désormais la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la société MMA IARD SA, devant le tribunal de grande instance de LYON sur le fondement des articles 1134, 147 et 1382 du code civil en paiement de pénalités de retard et en paiement des travaux de reprise des désordres.
Monsieur A... a déposé son rapport le 28 mars 2011.
Par jugement du 15 mars 2016, le tribunal de grande instance de LYON a:
- débouté l'EARL DU CHATEAU MENTONE de sa demande en paiement de pénalités de retard,
- débouté l'EARL DU CHATEAU MENTONE de sa demande en paiement de la somme de 202.868 € au titre des différents préjudices économiques résultant d'un abandon de chantier,
- débouté l'EARL DU CHATEAU MENTONE de sa demande en remboursement au titre d'un trop payé de TVA,
- condamné la société CGE à payer à l'EARL DU CHATEAU MENTONE, la somme de 6.877€ au titre des fissures sur l'abri matériel ouest,
- débouté la société CGE de son appel en garantie formé contre la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,
- débouté l'EARL DU CHATEAU MENTONE de sa demande de condamnation de la société C... X... au titre des fissures sur l'abri matériel ouest,
- débouté la société CGE de son appel en garantie formé contre la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,
- débouté l'EARL DU CHATEAU MENTONE de sa demande en paiement au titre de travaux reprises de malfaçons de la cave,
- débouté l'EARL DU CHATEAU MENTONE de sa demande en paiement de la somme de 260.000 € TTC au titre du remboursement des sommes indûment versées à la société CGE,
- condamné l'EARL DU CHATEAU MENTONE à payer à la société CGE la somme de 20.651,65 € TTC, déduction ayant été faite de la somme de 4.435,19 €,
- condamné l'EARL DU CHATEAU MENTONE à payer à la société C... X... , la somme de 9.076,20 € au titre de factures d'honoraires n°[...], n°[...] et n°[...] du 29 septembre 2005,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné in solidum la société CGE et la société C... X... à payer à l'EARL DU CHATEAU MENTONE, la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne l'EARL DU CHATEAU MENTONE à payer à la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
- condamné in solidum la société CGE et la société C... X... aux dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'expertise et qui pourront être recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour, l'EARL DU CHATEAU MENTONE a formé appel général de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions, l'EARL DU CHATEAU MENTONE demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné :
* la société CGE à lui payer la somme de 6.877 € au titre des fissures sur l'abri matériel ouest,
* les sociétés CGE et C... X... à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* les sociétés CGE et C... X... aux entiers dépens,
- l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,
- dire et juger que les sociétés CGE et X... sont responsables du retard dans l'exécution des travaux et doivent réparer le préjudice en résultant,
- condamner in solidum les sociétés CGE, C... X... et MMA au paiement des pénalités de retard arrêtées à la somme de 51.713,14 € TTC,
- dire et juger que les sociétés CGE et X... sont à l'origine de l'abandon de chantier et doivent réparer le préjudice en résultant,
En conséquence,
- condamner in solidum les sociétés CGE, C... X... et MMA au paiement de la somme de 107.924,90 € au titre des différents préjudices économiques résultant de l'abandon de chantier,
Au surplus,
- condamner la société CGE à payer à la société DU CHATEAU MENTONE la somme de 39.736 € au titre de remboursement de la TVA payée à tort,
- condamner in solidum les sociétés CGE, C... X... et MMA à payer à la société DU CHATEAU MENTONE les sommes suivantes :
* au titre de la reprise des malfaçons : 51.159,40 € TTC,
* au titre du remboursement des acomptes payés et non imputés sur les situations ultérieures par la société CGE : 260.000 € TTC,
En tant que de besoin,
- désigner tel expert dans le domaine de l'économie de la construction qu'il plaira à la juridiction,
En tout état de cause,
- débouter les sociétés CGE et X... de leurs demandes reconventionnelles,
- condamner in solidum les sociétés CGE, C... X... et MMA à payer à la société DU CHATEAU MENTONE la somme de 50.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux dépens, lesquels comprennent les frais d'huissier et d'expertise et seront distraits au profit de la SCP LIGIER DE MAUROY et LIGIER, avocats, sur son affirmation de droit, en ce compris les frais de recouvrement forcé laissés à la charge du créancier, tels que visés à l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996.
Aux termes de leurs dernières conclusions, la société C... X... et la société CGE demandent à la cour:
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :
* condamné la société CGE à payer à l'EARL DU CHATEAU MENTONE la somme de 6.877 € au titre des fissures sur l'abri matériel ouest,
* débouté la société CGE de son appel en garantie formé contre la société COVEA RISKS, aux droits de laquelle viennent. les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et MMA IARD,
* condamné in solidum la société CGE et la société C... X... à payer à l'EARL DU CHATEAU MENTONE la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné in solidum la société CGE et la société C... X... aux dépens de l'instance, comprenant. les frais d'expertise,
- le réformer de ces différents chefs et :
A titre principal:
- dire que les sociétés CGE et C... X... n'ont commis aucune faute,
- dire qu'au contraire, le retard de livraison des travaux de rénovation tant du château que de la cave est imputable au comportement fautif du maître de l'ouvrage,
- dire qu'en application des conditions générales de la société CGE, et du principe d'exception d'inexécution, les sociétés CGE et C... X... étaient parfaitement fondées, compte tenu de ce comportement fautif, à suspendre leur intervention sur le chantier,
- dire et juger qu'en conséquence, aucun abandon de chantier ne peut être reproché aux sociétés CGE et C... X... , mais que c'est au contraire l'EARL DU CHATEAU MENTONE qui a procédé à la résiliation unilatérale des marchés,
En conséquence,
- débouter l'EARL DU CHATEAU MENTONE de l'intégralité de ses moyens, fins et conclusions,
A titre subsidiaire :
Si par impossible, la cour jugeait que les sociétés CGE et C... X... ont été fautives dans l'exécution de leurs prestations respectives et ont, dès lors, engagé leur responsabilité,
- débouter l'EARL DU CHATEAU MENTONE de l'intégralité de ses moyens, fins et conclusions,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour entrait en voie de condamnation à l'encontre des sociétés CGE et C... X... au titre des postes de préjudices allégués par l'EARL DU CHATEAU MENTONE:
- condamner les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la société MMA IARD IARD, venant aux droits de la société COVEA RISKS, à relever et garantir les sociétés CGE et C... X... de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elles,
A titre reconventionnel,
- condamner l'EARL DU CHATEAU MENTONE à payer à la société CGE la somme de 20.651,65 € TTC,
- condamner l'EARL DU CHATEAU MENTONE à payer à la société C... X... la somme de 9.076,20 € TTC,
En tout état de cause,
- débouter les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la société MMA IARD IARD, venant aux droits de la société COVEA RISKS, de leurs demandes, et notamment celles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
- débouter l'EARL DU CHATEAU MENTONE de sa demande d'expertise, et de ses dernandes au titre de l'article 700 du code de procedure civile et des dépens,
- condamner l'EARL DU CHATEAU MENTONE à payer aux sociétés CGE et C... X... la somme de 30.000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'EARL DU CHATEAU MENTONE aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avocat sur son affirmation de droit, et ce conforrnément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernière conclusions, la société MMA IARD MUTUELLES et la société MMA IARD SA venant aux droits de la société COVEA RISKS, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'ensemble des parties de leurs demandes à l'encontre de COVEA RISKS,(absorbée depuis le 1er janvier 2016 par MMA),
- condamner tout succombant à payer à la société COVEA RISKS (absorbée depuis le 1er janvier 2016 par MMA) la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION
1/ Sur le retard de livraison et les conditions d'achèvement des travaux
Alors que les dates d'achèvement des travaux étaient contractuellement arrêtées au 25 septembre 2005 pour le château et au 31 août 2005 pour la cave, la réception des travaux de rénovation du château est intervenue le 20 décembre 2005 avec réserves levées le 04 mai 2006 et celle des travaux afférents à la cave le 20 janvier 2006 avec réserves levées le 04 mai 2006. Par ailleurs, les délais d'achèvement des travaux postérieurement à ces dates ont repoussé le début d'exploitation de la cave, des chambres d'hôtes et les réservations des espaces de réception.
Il n'est pas contestable que tout retard de livraison imputable à la société CGE ou à la société C... X... ouvre droit d'une part, aux sanctions prévues au contrat liant l'EARL DU CHATEAU MENTONE et la société CGE et d'autre part, à la réparation du préjudice économique en résultant.
Le non-respect du délai d'exécution prévu aux contrats liant l'EARL DU CHATEAU MENTONE et la société CGE est en effet sanctionné aux termes des conditions générales d'exécution par le versement au maître de l'ouvrage de pénalités de retard égales à 2/10.000 du montant TTC du marché par jour de retard payables à l'achèvement des travaux et par déduction des sommes restant dues par le maître de l'ouvrage.
Le marché prévoyait la possibilité de travaux modificatifs ou supplémentaires devant faire l'objet d'une étude de prix communiquée par écrit, ou par téléphone selon l'urgence, pour décision, pouvant selon leur importance donner lieu à un complément de délai.
Il était ainsi précisé dans les dispositions sur les pénalités de retard : «la responsabilité de la CGE pour retard dans l'exécution sera écartée si ces retards résultent (...) des décisions du maître de l'ouvrage susceptibles de modifier le planning des travaux, que ce soit une demande d'augmentation ou même de diminution de travaux, ainsi que pour retard administratif et dans le cas de travaux modificatifs ou supplémentaires ainsi que d'un paiement tardif des demandes d'acomptes.»
Il était prévu en outre : « En cas de retard de paiement de plus de 7 jours du maître de l'ouvrage au fur et à mesure de l'avancement des travaux, la CGE pourra suspendre leur exécution à condition de prévenir, par lettre recommandée ou par télécopie, le maître de l'ouvrage 48h au moins à l'avance. Dans tous les cas, ce retard reportera d'autant la date de livraison».
Or, il résulte de l'examen des documents contractuels, des comptes-rendus de chantier et des courriers échangés entre les parties que les travaux du château et de la cave ont donné lieu à 283 ordres de service modifiant les prestations prévues initialement.
Contrairement à ce que soutient l'EARL DU CHATEAU MENTONE, s'appuyant notamment sur l'affirmation de monsieur D... qu'elle a mandaté pour effectuer des vérifications, les devis descriptifs et quantitatifs établis le 09 décembre 2004 et le 14 février 2005 et l'offre de prix du 21 mars 2005 afférents aux travaux de la cave ainsi que le devis du 03 septembre 2004 et l'offre de prix du 14 octobre 2004 afférents aux travaux du château sont précis et très détaillés et ne sont nullement à l'origine des adaptations et modifications apportées au cours de l'exécution des travaux.
Il en est ainsi également de la mission confiée à la société C... X... dont la définition n'a été à l'origine d'aucun retard d'exécution.
S'il ne peut être reproché au maître de l'ouvrage d'avoir fait évoluer les prestations prévues initialement, cette faculté lui étant offerte aux termes des dispositions contractuelles, le premier juge, s'appuyant sur les constatations faites par monsieur Z... et les comptes-rendus de chantier, a mis en évidence que les modifications apportées au projet initial à la demande du maître de l'ouvrage et les délais de réponse de ce dernier pour valider les ordres de services ont été à l'origine de l'allongement du délai d'exécution initialement prévu.
Il convient de relever en outre qu'aux termes des comptes-rendus de chantier du 14 avril 2005, du 21 avril et du 28 avril 2005, la société CGE rappelant être en attente de décision du maître de l'ouvrage sur les travaux modificatifs ou supplémentaires, a alerté ce dernier sur les conséquences de son attitude sur le délai de livraison.
A compter du 21 avril 2005, il était mentionné sur les comptes-rendus de chantier que la date de livraison était «à reporter suivant décisions en attente» sans que cette information ne suscite de réaction de la part du maître de l'ouvrage qui n'a pas pour autant réagi plus rapidement aux demandes d'acceptation qui lui étaient soumises.
Par ailleurs, la décision prise par la société CGE et la société C... X... de suspendre leurs interventions sur le chantier en octobre 2015 en raison du non-paiement de factures ne peut s'analyser en un abandon de chantier.
Si l'EARL DU CHATEAU MENTONE a cru devoir prendre l'initiative de la rupture des relations contractuelles en l'imputant à tort à la société C... X... et à la société CGE en leur interdisant l'accès au chantier, ces dernières n'ont pas en tout état de cause cessé leurs prestations puisqu'à la suite de discussions entre les parties, les travaux ont fait l'objet d'une réception le 20 décembre 2005 avec réserves levées le 04 mai 2006 pour le château et le 20 janvier 2006 avec réserves levées le 04 mai 2006 pour la cave.
S'il n'est pas contestable que la date de livraison et le temps nécessaire à la poursuite et l'achèvement des travaux ont causé à l'EARL DU CHATEAU MENTONE un préjudice économique, ce retard n'étant imputable ni à la société C... X... ni à la société CGE, la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a débouté l'EARL DU CHATEAU MENTONE de ses demandes afférentes tant aux pénalités contractuelles de retard qu'aux dommages et intérêts au titre des différents préjudices économiques.
2/ Sur les comptes entre les parties
Entre l'EARL DU CHATEAU MENTONE et la société CGE
Sur les travaux de rénovation du château
Il résulte de l'analyse de monsieur Z... fondée sur les documents contractuels, sur ses constatations sur le site et sur le décompte général définitif, qu'après réponses détaillées aux dires des parties, le montant des travaux de rénovation du château réalisés par la société CGE doit être fixé à la somme de 1.178.981,61 € TTC.
Après avoir relevé que le montant des règlements effectués par l'EARL DU CHATEAU MENTONE à la société CGE s'élevait à 1.183.416,80 € TTC pour le château, l'expert a conclu à un trop-perçu par la société CGE à hauteur de 4.435,19 € TTC.
Sur les travaux de la cave
Il résulte de l'analyse de l'expert fondée sur les documents contractuels, ses constatations sur le site et sur le décompte général définitif et après réponses aux dires des parties, que le montant des travaux afférents à la cave réalisés par la société CGE doit être fixé à la somme de 1.159.201,94 € TTC.
Après avoir relevé que le montant des règlements effectués par l'EARL DU CHATEAU MENTONE à la société CGE s'élevait à 1.134.115,10 € TTC pour la cave, l'expert a conclu à un solde restant dû par l'EARL DU CHATEAU MENTONE de 25.086,84 € TTC.
L'EARL DU CHATEAU MENTONE, s'appuyant sur les conclusions de monsieur D..., soutient avoir effectué un paiement injustifié à hauteur de 260.000€TTC.
Si cette évaluation n'est pas fondée sur la révision du prix des prestations fournies par la société CGE dont fait état monsieur D... , il convient de relever que la non prise en compte des sommes versées par l'EARL DU CHATEAU MENTONE à titre d'acompte n'a pas été expressément soumise à l'expert judiciaire et que l'avis de monsieur D... aux termes duquel «il semble que les deux demandes d'acomptes n'aient pas été déduites au prorata sur chaque situation et qu'elles aient été encaissées sans aucune raison apparente» n'est pas de nature ni à remettre en cause les conclusions de monsieur Z... ni à justifier le recours à une nouvelle expertise.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté l'EARL DU CHATEAU MENTONE de sa demande de remboursement de la somme de 260.000 € et en ce qu'opérant une compensation entre les créances réciproques susvisées, elle a condamné l'EARL DU CHATEAU MENTONE à payer à la société CGE la somme de 20.651,65 € TTC.
Entre l'EARL DU CHATEAU MENTONE et la société C... X...
L'EARL DU CHATEAU MENTONE ne conteste pas ne pas avoir payé les deux factures d'honoraire [...] et [...] du 29 septembre 2005 pour un montant de 9.076,20 €.
En l'absence de tout manquement de la société C... X... à ses obligations contractuelles, la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a condamné l'EARL DU CHATEAU MENTONE au paiement de cette somme à la société C... X... .
3/ Sur les désordres et le coût des travaux de reprise
Sur l'abri matériel ouest
Il résulte des constatations de monsieur Z... que les fissures affectant l'abri matériel ouest non apparentes à la réception des travaux trouvent leur origine dans les travaux de gros oeuvre exécutés par la société GTM, intervenue alors en qualité de sous-traitant de la société CGE.
Ce manquement du sous-traitant de la société CGE à ses obligations est de nature à engager la responsabilité contractuelle de cette dernière à l'encontre de l'EARL DU CHATEAU MENTONE.
La garantie décennale due par la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à la société CGE ne peut recevoir application compte tenu de la nature de ce désordre.
Le seul défaut d'exécution ne suffit pas à caractériser un défaut de surveillance de la part de la société C... X... dont la responsabilité ne peut être retenue.
La décision déférée doit être confirmée en ce que retenant le chiffrage réalisé par l'expert, elle a condamné la société CGE à payer à l'EARL DU CHATEAU MENTONE, la somme de 6.877 € au titre des fissures sur l'abri matériel ouest, l'a déboutée de son appel en garantie formé contre la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et débouté l'EARL DU CHATEAU MENTONE de sa demande de condamnation de la société C... X... au titre de ce désordre.
Sur les autres désordres affectant la cave invoqués par l'EARL DU CHATEAU MENTONE
Il résulte des constatations de l'expert que les travaux dont il est fait état ne sont pas des travaux de reprise de malfaçons de travaux réalisés antérieurement à la réception des travaux et à la levée des réserves mais qu'ils ont été confiés directement par l'EARL DU CHATEAU MENTONE postérieurement à réception des travaux et à la levée des réserves.
Les constations de monsieur D... non soumises à l'expertise judiciaire ne sont pas de nature à remettre en cause celles de monsieur Z....
La décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a déboute l'EARL DU CHATEAU MENTONE de ce chef de demande.
4/ Sur la demande en remboursement de la TVA
Alors que l'expert a constaté que la société CGE avait facturé les travaux de la partie habitation sur la base du taux de TVA réduit à 5,5 %, la comparaison entre le calcul de TVA selon le taux appliqué de 19,60 % ou de 5,5% ne permet nullement de conclure à l'existence d'un avoir qui aurait été retenu par l'expert au profit de l'EARL DU CHATEAU MENTONE.
La production par l'EARL DU CHATEAU MENTONE de l'attestation requise pour bénéficier du taux réduit susvisé, n'est pas de nature à établir ni une faute de la société CGE et/ou de la société C... X... ouvrant droit à réparation d'un trop versé au titre de TVA ni même à établir la réalité du préjudice dont l'EARL DU CHATEAU MENTONE fait état.
La décision déférée sera confirmée sur ce chef de demande.
5/ Sur les dépens et les frais irrépétibles
Quelle que soit la compensation opérée entre les créances respectives des parties, il n'en reste pas moins que l'EARL DU CHATEAU MENTONE a du saisir le tribunal pour obtenir la condamnation de la société CGE au paiement de la somme de la somme de 6.877 € au titre des fissures sur l'abri matériel ouest et la mise en évidence d'un trop perçu par la société CGE à hauteur de 4.435,19 € TTC sur les travaux de rénovation du château.
La décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a condamné la société CGE aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, outre 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'EARL DU CHATEAU MENTONE.
Il n' y a pas lieu cependant de condamner la société C... X... à ce titre. Le décision déférée doit être infirmée sur ce point.
Il convient de laisser à chacune des parties la charge des dépens d'appel, il n'y a donc pas lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés devant la cour par l'ensemble des parties.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris, sauf en sa disposition ayant condamné la société C... X... aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau sur ce chef:
Condamne la société CGE au paiement des dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise,
Déboute l'EARL DU CHATEAU MENTONE de sa demande d'expertise,
Dit que chacune des parties conservera la charge des frais et dépens d'appel par elle engagés et n'y avoir lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires,
Dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT