AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 17/03296
X...
C/
SARL CERVIN
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
du 12 Novembre 2015
RG : F 14/00239
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2018
APPELANT :
Ezzeddine X...
né le [...] à BIR LAHMAR
[...]
Comparant en personne, assisté de Me Thomas Y... de la SELARL TN AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SARL CERVIN
[...]
Représentée par Me Jean-laurent Z..., avocat au barreau de LYON substitué par Me Flora A..., avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 30 Mai 2018
Présidée par Michel B..., Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
- Michel B..., président
- Natacha LAVILLE, conseiller
- Sophie NOIR, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 07 Septembre 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel B..., Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SARL CERVIN, entreprise de nettoyage industriel dont le siège social se situe à Limas (69), a embauché le 15 mai 2006 Ezzedine X... en qualité d'agent de service très qualifié, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.
Le 17 janvier 2013, Ezzedine X... a adressé à son employeur une lettre recommandée à aire contestant l'absence de paiement de ces heures supplémentaires.
Après une rencontre infructueuse son employeur, Ezzedine X... ne s'est plus présenté sur son lieu de travail à compter du 11 février 2013, selon lui à la demande du gérant de l'entreprise Jean-Jacques SACENDA qui lui aurait promis de lui régler ces heures supplémentaires au moins partiellement s'il acceptait de se faire licencier pour faute grave.
L'employeur constatait l'absence du salarié à son poste et lui demandait d'en justifier, puis le convoquait le 26 février 2013 à un entretien fixé au 6 mars 2013, préalable à son éventuel licenciement.
Ezzedine X... a été licencié par la SARL CERVIN par lettre recommandée AR du 11 mars 2013 pour faute grave (abandon de poste).
Par lettre recommandée du 27 mars 2013, Ezzedine X... a réclamé à la SARL CERVIN le paiement d'une somme de 42'934,56 euros correspondant à 2271,67 heures supplémentaires lui restant dues depuis 2008.
Ezzedine X... a saisi le 4 juin 2013 le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône d'une action à l'encontre de la SARL CERVIN au terme de laquelle il demandait en dernier lieu à cette juridiction notamment de:
'constater que les 2271,67 heures supplémentaires ne sont pas régularisées,
'constater que la SARL CERVIN n'a pas respecté les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail, ni les durées minimales quotidiennes et hebdomadaires de repos,
'constater que Ezzedine X... bénéficiaire de l'aide juridictionnelle,
'en conséquence, condamner la SARL CERVIN à payer à Ezzedine X... les sommes de :
42'934,56 euros au titre des heures supplémentaires,
4293,45 euros au titre des congés payés afférents,
19'728,71 euros pour travail dissimulé
20'000 € à titre de non-respect des durées maximales de travail et des durées minimales de repos,
2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL CERVIN s'est opposée à ces demandes et a reconventionnellement sollicité la condamnation du salarié à lui payer la somme de 2408,62 euros au titre d'un salaire qui lui a été indûment réglé en 2012 et la somme de 3500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 12 novembre 2015, le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône a :
' débouté Ezzedine X... de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés y afférents et du non-respect des durées maximales de travail et des durées minimales de repos,
'débouté la SARL CERVIN sa demande reconventionnelle de remboursement du salaire dû pour l'année 2012,
'débouté les deux parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
'mis les dépens de l'instance à la charge de Ezzedine X... .
Ce dernier a régulièrement interjeté appel de cette décision le 14 décembre 2015.
*
Par ses dernières conclusions, Ezzedine X... demande aujourd'hui à la cour d'appel de :
'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône le 12 novembre 2015,
statuant à nouveau,
'constater que Ezzedine X... a accompli 2271,67 heures supplémentaires non régularisées,
'déclarer irrecevables les relevés de géolocalisation produits par la société CERVIN comme moyen de preuve,
'constater la dissimulation des heures supplémentaires par la société CERVIN ,
'en conséquence, condamner la SARL CERVIN à verser à Ezzedine X... les sommes suivantes :
42'934,56 euros au titre du paiement des heures supplémentaires,
4293,45 euros au titre des congés payés sur les heures supplémentaires,
19'728,71 euros au titre du travail dissimulé par dissimulation d'emploi ;
'constater que la SARL CERVIN n'a pas respecté les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail,
'constater que la SARL CERVIN n'a pas respecté les durées minimales quotidiennes et hebdomadaires de repos,
'en conséquence, condamner la SARL CERVIN à verser à Ezzedine X... la somme de 20'000 € au titre du non-respect des dispositions légales et conventionnelles concernant les durées minimales de repos quotidiennes et hebdomadaires et les durées maximales de travail quotidienne et hebdomadaires ;
'condamner la SARL CERVIN à payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamner la SARL CERVIN aux entiers dépens.
Pour sa part, la SARL CERVIN demande par ses dernières conclusions à la cour d'appel de:
'confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a débouté Ezzedine X... de l'ensemble de ses demandes ;
'réformer la décision de première instance en ce qu'elle a débouté la société CERVIN l'ensemble de ses demandes ;
'par conséquent, condamner Ezzedine X... à payer à la société CERVIN :
2408,62 euros à titre de salaire indu ,
3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
'condamner Ezzedine X... aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1.- Sur les heures supplémentaires :
Ezzedine X... sollicite la condamnation de la société CERVIN lui payer la somme de 42'934,56 euros au titre d'heures supplémentaires lui restant dues pour les années 2008 à 2012, outre les congés payés y afférents.
En défense, la société CERVIN soulèvement premier de la prescription partielle de cette demande, faisant valoir que la prescription des salaires et de 3 ans en application de l'article L 3245'1 du code du travail et que l'acte interruptif de cette prescription n'est intervenu qu'avec la saisine du conseil de prud'hommes le 4 juin 2013, ce qui rend selon elle irrecevable la demande portant sur le paiement de salaires antérieurs au 4 juin 2010.
Il convient de rappeler que la loi 2008'561 du 17 juin 2008 a uniformisé les délais de prescription en matière civile à 5 ans, y compris en ce qui concerne les actions en paiement de salaires et que si ce délai a été réduit à 3 ans par la loi 2013'504 du 14 juin 2013, les dispositions transitoires édictées par le V de l'article 21 de cette loi prévoient que :
'Les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.'
En l'espèce, Ezzedine X... a introduit son action par la saisine du conseil de prud'hommes le 4 juin 2013 et était donc recevable à revendiquer le paiement d'un rappel de salaire à compter du 4 juin 2008, puisqu'à la date de cette saisine n'étaient expirés ni le délai de prescription afférent à ces salaires postérieurs au 4 juin 2008, ni le délai de prescription triennale courant à compter du 17 juin 2013, date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle applicable aux prescriptions en cours.
L'exception de prescription ici soulevée sera donc rejetée comme mal fondée.
La durée légale du travail effectif de 35 h par semaine prévue à l'article L.3121-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, Ezzedine X... expose avoir accompli de très nombreuses heures supplémentaires durant la période litigieuse, que l'employeur refuse de lui payer.
Pour étayer ses dires, Ezzedine X... produit notamment :
'ses bulletins de paye pour la période litigieuse (pièce 25) ;
'ses relevés mensuels d'activité pour la période litigieuse (janvier 2008 à décembre 2012) dont il a conservé copie et qui ont été validés par son supérieur hiérarchique M. C... (pièce 24) ;
'des tableaux informatisés établis par Ezzedine X... récapitulant le nombre d'heures travaillées telles que mentionnées sur le relevé d'activité, le nombre d'heures payées et le nombre d'heures supplémentaires qui ne lui ont pas été régularisées par la société CERVIN (pièce 16) ;
'les lettres de réclamation portant sur les heures supplémentaires qu'il a adressées à l'employeur les 17 janvier 2013, 27 mars 2013, 18 avril 2013, 28 mai 2013 et 19 juin 2013.
Il résulte de l'étude des relevés d'activité produits par Ezzedine X... (sa pièce 24) que ces documents, établis sur un formulaire en-tête de l'entreprise CERVIN, ont été remplis de façon manuscrite par Ezzedine X... et listent jour par jour le nombre d'heurespassé par l'intéressé sur chaque chantier de nettoyage. Ezzedine X... expose avoir remis chaque mois ces relevés d'activité à son supérieur hiérarchique, qui a depuis quitté l'entreprise, mais en avoir gardé la copie qu'il produit aujourd'hui.
La société CERVIN ne conteste aucunement l'usage en son sein de tels formulaires de relevés d'activité, se contentant de critiquer ceux ici produits par Ezzedine X... aux motifs qu'ils auraient été établis par lui pour les besoins de la cause et seraient incohérents.
La cour constate qu'en l'état, la SARL CERVIN n'a pas jugé opportun de verser aux débats les relevés d'activité de Ezzedine X... figurant dans ses archives ni même de s'expliquer sur les raisons pour lesquelles elle ne les produit pas, ce que le départ de l'entreprise de Monsieur C..., supérieur hiérarchique direct de Ezzedine X..., ne saurait suffire à justifier.
La comparaison de ces relevés d'activité et des bulletins de paye ci-dessus mentionnés permet de constater que si la SARL CERVIN a très régulièrement payé à Ezzedine X... des heures supplémentaires (en moyenne 18 à 20 heures par mois), ces règlements ne correspondaient aucunement à la réalité des heures supplémentaires résultant de ces relevés d'activité qui font apparaître un nombre d'heures effectif beaucoup plus important.
En l'état, Ezzedine X... produit donc des éléments concordants laissant présumer qu'il a réalisé, en sus des heures supplémentaires qui lui ont déjà été payées, de très nombreuses heures supplémentaires que l'employeur s'est abstenu de lui régler.
Il appartient dans ce contexte à la société CERVIN de rapporter la preuve contraire en démontrant que les salaires versés ont rempli Ezzedine X... de l'intégralité de ses droits.
À cette fin, elle allègue en premier lieu le fait que les relevés d'activité produits par Ezzedine X... ont été établis unilatéralement par celui-ci pour les besoins de la présente procédure et que de surcroît ces relevés ne sont pas cohérents avec le tableau récapitulatif des heures supplémentaires réclamées figurant en pièce 16 de l'employé, la société CERVIN visant plus précisément par exemple à ce sujet les mois de janvier 2008 et de septembre 2012.
La cour rappelle que la société CERVIN n'a jamais contesté l'usage dans l'entreprise de tels relevés d'activité, ni le fait de les avoir fait remplir par ses salariés, si bien qu'il n'apparaît pas étonnant que ces documents soient établis de la main de Ezzedine X... .
Par contre, il est très surprenant, comme cela a déjà été relevé plus haut, que la société CERVIN qui conteste la teneur de ces relevés d'activité de Ezzedine X..., n'ait pas jugé opportun de produire ses propres copies de ces documents alors qu'elle a connaissance depuis janvier 2013 du fait que ce salarié fonde sa revendication sur la photocopie qu'il en a conservée et qu'il estime qu'il existe un important décalage entre ces tableaux et les temps de travail pris en compte par l'employeur lors de l'établissement des bulletins de paye.
Enfin et surtout, la société CERVIN expose qu'elle produit la totalité des relevés de géolocalisation du véhicule de service qu'elle avait confié à Ezzedine X... durant l'année 2012 pour l'accomplissement de son travail et qu'il résulte de ces documents qu'en réalité Ezzedine X... a accompli au cours de cette année un nombre d'heures effectif de travail qui ne correspond pas aux relevés d'activité dont il se prévaut et qui est même en réalité d'un montant inférieur au temps de travail pour lequel il a été payé.
Ezzedine X... conteste l'opposabilité à son égard de ces relevés de géolocalisation, faisant valoir que ce dispositif électronique et informatique a été mis en place dans l'entreprise fin 2011 sans consultation préalable du comité d'entreprise.
Il convient de rappeler que pour être régulier, l'usage par un employeur d'un dispositif de géolocalisation des véhicules confiés à ses salariés pour l'exercice de leurs fonctions suppose notamment qu'au préalable :
'le comité d'entreprise ait été informé et consulté sur ce projet,
'une déclaration à la CNIL ait été régulièrement effectuée,
'et que le salarié ait reçu une notification individuelle de la mise en 'uvre de ce traitement informatisé le concernant.
Ezzedine X... ne conteste plus en l'état le fait que la déclaration à la CNIL a bien en l'espèce été effectuée et qu'il a reçu la notification requise l'informant de ce que son véhicule ferait l'objet d'une géolocalisation.
Paradoxalement, c'est le salarié qui verse aux débats en pièce 29 un document manuscrit que l'employeur dit être un compte rendu du comité d'entreprise de la société CERVIN du 23 mars 2011 et dans lequel il soutient que cette institution représentative du personnel a émis un avis favorable au système de géolocalisation ici litigieux.
Ce document est ainsi rédigé :
« réunion CE CERVIN mercredi 23/03/11 9h30
un système de géolocalisation va être mis sur un véhicule Cervin afin de travailler avec le salarié sur l'organisation optimisée de son temps de travail et ses déplacements. »
Si ce document peut éventuellement être considéré comme rapportant la preuve du fait que le comité d'entreprise de la société Cervin a été informé par celle-ci de la mise en place d'un système de géolocalisation d'un véhicule dans l'entreprise, la cour ne peut que constater d'une part que ce document à lui seul ne saurait suffire à établir que le véhicule concerné était bien celui confié à Ezzedine X... et d'autre part et surtout qu'en tout état de cause ce document lapidaire ne rapporte aucunement la preuve de la consultation du comité d'entreprise sur ce projet, consultation qui supposait que ce comité émette un avis à ce sujet.
Sa simple lecture laisse au contraire penser que l'employeur s'est abstenu de demander son avis à ce sujet au comité d'entreprise, se bornant à lui donner à ce sujet une simple information, d'ailleurs pour le moins lacunaire.
Or cette consultation du comité d'entreprise, qui doit permettre à ce dernier de donner son avis sur la pertinence et la proportionnalité entre l'utilisation de la géolocalisation et la finalité recherchée (surveillance des salariés, suivi du temps de travail, etc.) est expressément imposée à l'employeur par les articles L2323'13 et L2323'32 du code du travail qui, dans leur rédaction applicable au litige, disposent que :
Article L. 2323-13:
' « Le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à tout projet important d'introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sont susceptibles d'avoir des conséquences sur l'emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail.
Les membres du comité reçoivent, un mois avant la réunion, des éléments d'information sur ces projets et leurs conséquences sur chacun des sujets mentionnés au premier alinéa.»
Article L. 2323-32, alinéa 3:
' « Le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en 'uvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés. »
En l'espèce, il apparaît que si le but poursuivi dans la mise en 'uvre de ce dispositif de géolocalisation au sein de l'entreprise n'était pas sérieusement contestable, s'agissant de 'travailler avec le salarié sur l'organisation optimisée de son activité', il n'en reste pas moins que le comité d'entreprise n'a manifestement pas été régulièrement consulté à ce sujet, faute de preuve de ce que cet organe représentatif a émis sur ce sujet un avis, même implicite.
Il apparaît d'ailleurs que même l'information donnée au comité d'entreprise est ici critiquable, l'employeur ne justifiant aucunement de l'envoi aux membres du comité des documents et informations prévus par le 2ème alinéa de l'article L2323-13, ni du respect du délai d'un mois prévu par ce texte.
Il en résulte que les relevés d'horaires de travail tirés de ce dispositif de géolocalisation de son véhicule de service ne sont pas juridiquement opposables à Ezzedine X..., et que la société CERVIN ne peut donc utilement s'en prévaloir pour contester les heures supplémentaires réclamées par l'intéressé sur la base de ses relevés d'activité précités.
Enfin la cour constate que la Sarl CERVIN ne présente en l'état aucune critique précise et détaillée des temps de travail de Ezzedine X... tels qu'ils résultent de ses relevés d'activité, sauf pour noter une incohérence entre le tableau récapitulatif de la pièce 16 et les relevés des mois de janvier 2008 et de septembre 2012.
Il est a noter que Ezzedine X... n'a curieusement pas communiqué dans le cadre de ce litige le calcul par lequel il parvient à valoriser à concurrence de 42 934,56 euros les 2271,67 heures supplémentaires dont il demande aujourd'hui le paiement.
Ainsi, au vu des relevés d'activité figurant en pièce 24 du salarié, de ses bulletins de paye et du tableau récapitulatif figurant à sa pièce 16, la cour dispose en la cause d'éléments suffisants pour faire droit à la demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires présentée par Ezzedine X... sur les bases suivantes:
année 2008:
-514,05 heures impayées (la cour retient pour janvier 2008 le nombre d'heures figurant dans le tableau récapitulatif) dont 132.33 h majorées de 25 % et 381.72 h majorées de 50 %.
- salaire horaire brut : 10, 64 €
- salaire restant dû à ce titre :
(10,64 x 1.25 x 132.33) + (10.64 x 1.5 x 381.72) = 1640.29 + 6092.25 = 7732.54 €
année 2009:
-349.88 heures impayées dont 152.91 h majorées de 25 % et 196.97 h majorées de 50 %.
- salaire horaire brut : 11.09 €
- salaire restant dû à ce titre :
(11.09 x 1.25 x 152.91) + (11.09 x 1.5 x 196.97) = 2119.71 + 3276.60 = 8672.31 €
année 2010:
- 400.30 heures impayées dont 150.88 h majorées de 25 % et 249.42 h majorées de 50 %.
- salaire horaire brut : 11.21 €
- salaire restant dû à ce titre :
(11.21 x 1.25 x 150.88) + (11.21 x 1.5 x 249.42) = 2114.21 + 4194.00 = 6308.21€
année 2011:
- 556.63 heures impayées dont 177 h majorées de 25 % et 379.63 h majorées de 50 %.
- salaire horaire brut : 12.14 €
- salaire restant dû à ce titre :
(12.14 x 1.25 x 177) + (12.14 x 1.5 x 379.63) = 2685.98 + 6913.06 = 9599.04 €
année 2012:
- 421.48 heures impayées (compte tenu de l'erreur affectant le mois de septembre 2012 sur le tableau récapitulatif) dont 148.49 h majorées de 25 % et 272.99 h majorées de 50 %.
- salaire horaire brut : 12.35 €
- salaire restant dû à ce titre :
(12.35 x 1.25 x 148.49) + (12.35 x 1.5 x 272.99) = 2292.31 + 5057.14 = 7349.45 €
Ezzedine X... s'avère donc bien fondé à solliciter le paiement par la SARL CERVIN de la totalité de ces heures supplémentaires lui restant ainsi dues, soit la somme de 39661,55 euros bruts outre 3966,15 euros bruts d'indemnité compensatrice des congés payés y afférents.
Par application de l'article 1153 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige, ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 6 juin 2013, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes valant première mise en demeure de les payer dont il soit justifié
En conséquence, la SARL CERVIN sera donc condamnée à payer ces sommes à Ezzedine X....
2.'Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé :
L' article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L. 8221-5, 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Aux termes de l' article L.8223-1 du code du travail , le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, il résulte des motifs qui précèdent que Ezzedine X... a réalisé pour le compte de la SARL CERVIN plus de 2000 heures supplémentaires de 2008 à 2012 que l'employeur n'a pas déclarées ni payées à l'époque, et qu'il n'a de surcroît pas jugé opportun de régulariser début 2013 lorsque Ezzedine X... lui en a légitimement et à plusieurs reprises réclamé le paiement.
Cette dissimulation partielle d'emploi par la SARL CERVIN s'avère, vu les pièces versées aux débats, manifestement volontaire de la part de cet employeur, qui sera donc condamné à payer à ce titre à Ezzedine X... une indemnité pour travail dissimulé égale à 6 mois de son salaire brut qui s'élevait en dernier lieu à 2361,68 euros (moyenne des 12 derniers mois de salaire), soit une indemnité de 14'170,08 € euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
3.'Sur le non-respect des repos obligatoires et des durées maximales de travail :
Il convient ici de rappeler les articles suivants du code du travail, dans la rédaction applicable à l'époque des faits litigieux :
Article L3121-34
La durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret.
Article L3121-35
Au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures.
En cas de circonstances exceptionnelles, certaines entreprises peuvent être autorisées à dépasser pendant une période limitée le plafond de quarante-huit heures, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine.
Article L3131-1
Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives.
Article L3132-2
Le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre Ier.
Au soutien de sa demande en paiement par la SARL CERVIN d'une somme de 20'000 € à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions légales et conventionnelles concernant les durées maximales du travail quotidienne et hebdomadaires ainsi que pour la violation des dispositions légales et conventionnelles portant sur le repos quotidien et hebdomadaire, Ezzedine X... fait valoir qu'il résulte des pièces qu'il verse aux débats que la société CERVIN à multiples reprises a enfreint les règles précitées relatives à la durée maximale journalière et hebdomadaire du travail et celle relative au temps de repos minimal prévu par la loi.
L'examen des relevés d'activité produits par Ezzedine X... et le tableau synthétique qu'il en a établi en pièce 27 permet de constater qu'au cours des 4 années litigieuses (2008 à 2012), la SARL CERVIN a effectivement fait travailler Ezzedine X... beaucoup plus qu'elle ne l'aurait légalement dû, sans toujours respecter ni les durées maximales journalières et hebdomadaire de travail ni les durées minimales des repos prévus par les textes précités.
La société CERVIN conteste ce fait, affirmant qu'elle établit par les relevés de géolocalisation que Ezzedine X... ne travaillait majoritairement pas plus de 10 heures par jour.
La cour rappelle toutefois que ces relevés de géolocalisation ne sont pas opposables au salarié faute de consultation régulière du comité d'entreprise avant la mise en place de ce dispositif de contrôle, si bien que l'argument est totalement inopérant.
Par ailleurs, la cour constate ici encore que la société CERVIN ne verse aux débats aucun autre document de nature à établir la réalité des temps de travail de Ezzedine X... sur la période 2008'2012, ni aucune critique détaille et motivée tant des relevés d'activité que des tableaux récapitulatifs de la pièce 27, si bien qu'il y a lieu de retenir ici les durées de travail telles qu'elles résultent des relevés d'activité précités.
Même en retenant, comme le demande l'entreprise, le fait que ces relevés ne tiennent pas toujours compte des temps de pause de Ezzedine X... à son domicile, il résulte assurément de ces documents et du tableau synthétique de la pièce 27 que ce salarié est fondé à se plaindre de multiples non-respects par son employeur au cours de la période litigieuse de ces règles sur la durée maximale du travail et les temps de repos.
Ces dépassements horaires ont assurément causé à Ezzedine X... un préjudice moral en l'obligeant à subir un rythme de travail nettement plus élevé que celui autorisé par la loi et en le privant de repos auxquels il pouvait prétendre légitimement, préjudice que la cour dispose d'éléments suffisants pour en évaluer la juste réparation à la somme de 5000 €.
Cette somme sera donc allouée à Ezzedine X... titre de dommages-intérêts de ce chef, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
4.'Sur la demande reconventionnelle de l'employeur en répétition de l'indu :
La société CERVIN soutient qu'il résulte des relevés de géolocalisation concernant Ezzedine X... que celui-ci a en réalité travaillé en 2012 moins que la durée du travail qui lui a été réglée au vu de ses feuilles de paye et sollicite en conséquence la condamnation de ce salarié à lui restituer à ce titre la somme de 2408,62 euros correspondants aux salaires indûment versés de ce chef.
Ces relevés de géolocalisation n'étant toutefois pas opposables à ce salarié, cette demande s'avère mal fondée et sera donc rejetée.
5.- sur les demandes accessoires:
Partie perdante, la société CERVIN supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Ezzedine X... a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
La société CERVIN sera donc condamnée à lui payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
CONDAMNE la SARL CERVIN à payer à Ezzedine X... les sommes suivantes :
' 39661,55 euros bruts au titre des heures supplémentaires lui restant dues, outre 3966,15 euros d'indemnité compensatrice des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2013,
' 14'170,08 € euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
' 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né pour lui du non-respect par son employeur des durées journalières [...] maximales de travail et des temps de repos minimum imposé par la loi ;
DIT que les sommes allouées par le présent arrêt supporteront, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale ;
DÉBOUTE la SARL CERVIN de sa demande reconventionnelle répétition de salaires indûment versés à Ezzedine X... ;
CONDAMNE la SARL CERVIN aux entiers dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE la SARL CERVIN à payer à Ezzedine X... la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEMichel B...