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22/02/2019 | FRANCE | N°17/03842

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 22 février 2019, 17/03842


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 17/03842 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LBJM





SAS STERIENCE



C/

[G]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 02 Mai 2017

RG : 13/05176

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 22 FEVRIER 2019





APPELANTE :



SAS STERIENCE

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Régis DURAND,

avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Solenne MOULINET de la SELARL BRL ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Guillaume BREDON, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉE :



[F] [G]

née le [Date naissance 1] 1...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/03842 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LBJM

SAS STERIENCE

C/

[G]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 02 Mai 2017

RG : 13/05176

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 22 FEVRIER 2019

APPELANTE :

SAS STERIENCE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Régis DURAND, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Solenne MOULINET de la SELARL BRL ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Guillaume BREDON, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

[F] [G]

née le [Date naissance 1] 1953 à LYON (69) ([Localité 3])

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Christine FAUCONNET de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Décembre 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Natacha LAVILLE, Conseiller

Sophie NOIR, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Février 2019, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

La SAS STERIENCE est une filiale à 100 % de la Société DALKIA qui appartient elle-même au groupe EDF.

Elle est spécialisée dans la stérilisation des dispositifs médicaux pour le compte d'établissements de soins.

Elle applique la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

[F] [G] a été embauchée par la SAS STERIENCE à compter du 29 août 2005 en qualité d'Opérateur production sur le site de [Localité 7] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps complet.

Par contrat du 18 août 2006, la relation de travail s'est poursuivie sous la forme d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2006, toujours en qualité d'Opérateur de production, groupe 1, niveau B, au salaire de 1447 € bruts correspondant à un forfait annuel de 1603 heures de travail effectif.

[F] [G] a été affectée en équipe fixe de nuit, suivant un horaire de 22h à 6h, du lundi au samedi.

La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de LYON de diverses demandes le 20 novembre 2013.

Le 31 octobre 2016, la salariée a quitté l'entreprise suite à son départ en retraite.

Par jugement du 2 mai 2017, le conseil des prud'hommes de LYON, en sa formation de départage a:

' dit que le temps de pause doit être considéré comme du temps travaillé rémunéré

En conséquence

' condamné la SAS STERIENCE à payer à Madame [F] [G] la somme de 6034,20 € au titre du paiement du temps de pause et la somme de 603,42 € au titre des congés payés afférents

' dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande au titre des JRTT en l'absence de demande chiffrée

' débouté Madame [F] [G] de sa demande en dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail

' ordonné l'exécution provisoire

' condamné la SAS STERIENCE à payer à Madame [F] [G] la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' condamné la SA STERIENCE aux dépens.

L'employeur a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 23 mai 2017.

Dans ses dernières conclusions, la SAS STERIENCE demande à la cour :

' d'infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Lyon le 2 mai 2017 en ce qu'il a jugé que le temps de pause doit être considéré comme du temps travaillé et a condamné la société STERIENCE à payer à Madame [F] [G] la somme de 6034,20 € bruts au titre du paiement du temps de pause, la somme de 603,42 € bruts à titre de congés payés afférents

' de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [F] [G] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail

' d'infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Lyon le 2 mai 2017 en ce qu'il a condamné la société STERIENCE à verser à Madame [F] [G] la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Et statuant à nouveau :

' de débouter Madame [F] [G] de l'ensemble de ses demandes

Vu l'article 700 du code de procédure civile

' de débouter Madame [F] [G] de sa demande d'indemnité

' de condamner Madame [F] [G] à verser à la société STERIENCE la somme de 700 €.

Dans ses dernières conclusions, [F] [G] demande pour sa part à la cour :

' de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société STERIENCE à rémunérer le temps de pause

' de l'infirmer pour le surplus

En conséquence,

' de condamner la SA STERIENCE payer à Madame [F] [G] les sommes suivantes:

* 6034,20 € à titre de rappel de salaire de la demi-heure de pause

* 603,42 € au titre des congés payés afférents

* 10 000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail

* 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' de condamner la SA STERIENCE aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 15 novembre 2018.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.- Sur la demande relative au paiement des pauses et des congés payés y afférents :

Selon l'article L3121-1 du code du travail dans sa version alors applicable : 'La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles'.

Il résulte de l'article L3121-2 du même code dans sa version alors applicable que:

'Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunis.

Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l'objet d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail'.

En application de l'article L3121-33 du code du travail dans sa version alors applicable : 'Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes.

Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur'.

Selon l'article 22 8° e) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique dispose :

' On appelle travail par poste l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite.

Lorsque les salariés travaillent de façon ininterrompue dans un poste d'une durée supérieure à six heures, il leur sera attribué une demi-heure de repos payée.

Dans les travaux continus, la continuité du poste doit être assurée. Le salarié doit attendre l'arrivée de son remplaçant et assurer le service au cas où celui-ci ne se présente pas. Les cas de prolongation exceptionnelle du travail demandée à un salarié pour assurer le service incombant à un salarié ne s'étant pas présenté à la relève du poste seront réglés dans le cadre de l'entreprise, l'employeur devant prendre sans délai toute mesure pour que la durée de cette prolongation exceptionnelle sauf accord du salarié, ne soit pas excessive'.

Cet article prévoit donc des conditions cumulatives pour le paiement d'une pause de 30 minutes à savoir :

' l'existence d'un travail posté

' le caractère ininterrompu du travail pendant plus de six heures.

Contrairement à ce qu'allègue la SAS STERIENCE, cette pause rémunérée de 30 minutes n'est pas réservée aux seuls travailleurs soumis à une sujétion particulière visée au troisième alinéa de l'article 22 8° e) de la convention collective à savoir les salariés affectés un poste dont la continuité doit être assurée et qui doivent attendre l'arrivée de leur remplaçant et assurer le service au cas où ce dernier ne se présente pas.

Par ailleurs, le contrat de travail ne pouvant déroger à la convention collective que dans un sens plus favorable au salarié, il importe peu que le contrat de travail de la partie intimée ne prévoit aucune stipulation garantissant le bénéfice d'une pause de 30 minutes rémunérée, les dispositions conventionnelles sur ce point ayant vocation à s'appliquer dès lors que les conditions en sont remplies.

Au soutien de son appel la SAS STERIENCE fait valoir que les conditions d'attribution de la pause de 30 minutes rémunérées ne sont pas remplies par la partie intimée en ce que cette dernière:

' ne se trouve pas en situation de travail posté

' ne travaille pas de façon continue plus de six heures.

A- sur le travail posté :

Le travail posté est défini à l'article 22 8° e) de la convention collective susvisé comme 'l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite'.

Cet article est conforme à la définition donnée par la directive 2003/88/CE du Parlement européen relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail qui définit le travail posté comme 'tout mode d'organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris le rythme rotatif, et qui peut être de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d'accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines'.

Il importe donc peu que le salarié soit statique ou mobile pendant son temps de travail.

Il n'est pas non plus exigé que le poste confié au salarié comporte une tâche unique, répétitive et cadencée sur l'ensemble du temps de travail et ce poste peut comporter des tâches successives.

En l'espèce, il est établi par le contrat de travail que [F] [G], affectée à l'équipe fixe de nuit, travaillait suivant le cycle de production du site de [Localité 7], de 22h à 6h, du lundi au samedi et la salariée n'est pas contredite lorsqu'elle indique que l'entreprise fonctionnait en 3x8 soit de 6 heures à 14 heures, de 14 heures à 22 heures et de 22 heures à 6 heures en raison des impératifs de production liés à la nécessité de respecter les contrats conclus avec les établissements de soins fixant l'heure précise de départ et de livraison des outils stérilisés.

Il en résulte que [F] [G] exerçait bien un travail posté, même si son poste de travail n'était pas statique et que ses tâches l'amenaient à traiter une partie des étapes de la chaîne de production - depuis la réception des dispositifs médicaux jusqu'à leur expédition au client - en raison de la restriction sur le port des charges dont elle faisait l'objet.

B- sur le travail en continu pendant plus de six heures :

En l'espèce, l'employeur n'est pas contredit par la partie intimée sur le fait que les demandes concernent la période postérieure au 1er novembre 2010 à partir de laquelle une pause obligatoire et badgée de 30 minutes a été instaurée au milieu des séquences de travail, en remplacement des 'micro pauses' qui existaient auparavant et ce pour éviter que les salariés dépassent 6 heures de travail continu.

La preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur.

Or, les relevés des badgeages pour la période comprise entre le 1er novembre 2010 et le 31 décembre 2013 produits par la SAS STERIENCE en pièce 3 établissent qu'à de très nombreuses reprises, la salariée a travaillé plus de 6 heures sans aucune pause et que ces pauses, lorsqu'elles étaient prises, étaient fréquemment inférieures à 30 minutes.

Il ne ressort aucunement de ces relevés que l'absence de mention des pauses obligatoires résulte du refus de [F] [G] de s'acquitter de son obligation de les badger et les trois courriers adressés à d'autres salariés pour leur rappeler leurs obligations sur ce point sont insuffisants à rapporter la preuve de ce que [F] [G] s'est 'à plusieurs reprises et sur plusieurs périodes, soustraite frauduleusement à la directive de l'employeur de badger les pauses', fait qui ne ressort d'aucune pièce du dossier.

Par ailleurs et ainsi que le fait justement valoir la partie intimée, le fait que la SAS STERIENCE soit en possession de ces relevés de badgeage, combiné au fait qu'elle ne lui a jamais notifié de sanction au sujet de l'absence régulière de badgeage des pauses - ou de la durée insuffisante de celles-ci - démontre que l'employeur était parfaitement informé de l'impossibilité pour la salariée d'interrompre son activité pour prendre ses pauses obligatoires au bout de 6 heures de travail en continu ou encore de l'obligation pour cette dernière d'interrompre ses pauses de manière anticipée pour les nécessités de la production.

Ces relevés de badgeages contredisent également l'attestation de [R] [T], directeur de centre, selon laquelle 'le fonctionnement et les règles d'organisation en place au centre de stérilisation Stérience de Chassieu permettent aux salariés de vaquer à leurs occupations en toute liberté pendant leur temps de pause'.

A cet égard et ainsi que le souligne justement [F] [G], l'employeur ne justifie pas de l'organisation mise en place à compter du 1er novembre 2010 pour permettre aux salariés de prendre leur pause badgée obligatoire de 30 minutes avant les 6 heures de travail en continu alors qu'il n'est pas contesté que les contraintes de production tenant, notamment, aux délais impératifs de livraison des clients, sont demeurées les mêmes qu'auparavant.

Tous ces éléments démontrent que [F] [G] devait rester constamment à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives, qu'elle ne pouvait donc vaquer librement à ses occupations personnelles y compris pendant ses pauses de sorte que celles-ci, même lorsqu'elles étaient badgées, constituaient un temps de travail effectif.

En conséquence, c'est à juste titre que le jugement déféré a fait droit à la demande de paiement des pauses obligatoires sur la base de calculs figurant en pièce F du dossier de la partie intimée qui ne sont pas discutés par l'appelante en tant que tels et qui s'avèrent conformes aux droits de l'intéressée, tels qu'ils résultent des pièces versées aux débats.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

2.- Sur le rappel des JRTT:

[F] [G] ne formulant aucune demande de ce chef dans le dispositif de ses conclusions, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point et ce par application des dispositions de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile dans sa version alors en vigueur selon lesquelles la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

3.- Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Ainsi que le fait justement valoir la SAS STERIENCE, la salariée n'allègue ni ne justifie d'aucun préjudice causé par 'le non-respect des dispositions tant légales que conventionnelles ou encore contractuelles [qui] a nécessairement causé un préjudice aux salariés, lesquels sont en droit d'en solliciter une légitime réparation'.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale, qui n'est pas autrement motivée, sera rejetée.

4.- Sur les demandes accessoires:

Partie perdante, la SAS STERIENCE supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

[F] [G] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS STERIENCE à lui payer la somme de 1200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité complémentaire de 300 euros au titre des frais qu'elle a dû exposer en appel, la salariée sollicitant une somme totale de 1500 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Y ajoutant :

CONDAMNE la SAS STERIENCE aux dépens de première instance et d'appel;

CONDAMNE la SAS STERIENCE à payer à [F] [G] la somme complémentaire de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 17/03842
Date de la décision : 22/02/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°17/03842 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-22;17.03842 ?
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