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07/05/2019 | FRANCE | N°18/02278

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 07 mai 2019, 18/02278


N° RG 18/02278 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LTQ4









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond du 11 décembre 2017



RG : 11/00270

chambre civile









[B]



C/



Syndicat des copropriétaires DE L'ENSEMBLE JEAN-BAPTISTE SAY

SAS FONCIA VOLTAIRE

SARL IMMO DE FRANCE AIN

SA AXA FRANCE IARD

AucuneSECURITE SOCIALE DESINDEPENDANTS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 07 Mai 2019







APPELANT :



M. [E] [W] [P] [B]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] (ALGERIE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par la SCP BAUFUM...

N° RG 18/02278 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LTQ4

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond du 11 décembre 2017

RG : 11/00270

chambre civile

[B]

C/

Syndicat des copropriétaires DE L'ENSEMBLE JEAN-BAPTISTE SAY

SAS FONCIA VOLTAIRE

SARL IMMO DE FRANCE AIN

SA AXA FRANCE IARD

AucuneSECURITE SOCIALE DESINDEPENDANTS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 07 Mai 2019

APPELANT :

M. [E] [W] [P] [B]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] (ALGERIE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocats au barreau de LYON

Assisté de la SCP REFFAY ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de l'AIN

INTIMÉS :

Le Syndicat des copropriétaires DE L'ENSEMBLE Immobilier JEAN-BAPTISTE SAY, représenté par son syndic en exercice

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST-DE BOYSSON, avocats au barreau de l'AIN

FONCIA VOLTAIRE SAS, représentée par ses représentants en exercice audit siège social

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST-DE BOYSSON, avocats au barreau de l'AIN

La SARL IMMO DE FRANCE représentée par ses représentants légaux en exercice audit siège social

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST-DE BOYSSON, avocats au barreau de l'AIN

La compagnie AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur de la SARL IMMOBILIER DE FRANCE, représentée par ses représentants légaux en exercice, prise en son établissement sis

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST-DE BOYSSON, avocats au barreau de l'AIN

La SÉCURITÉ SOCIALE DES INDEPENDANTS nouvelle dénomination du Régime Social des Indépendants, en qualité d'organisme de sécurité sociale de Mr [E] [B]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SCP REFFAY ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de l'AIN

******

Date de clôture de l'instruction : 17 Janvier 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Mars 2019

Date de mise à disposition : 07 Mai 2019

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Michel FICAGNA, conseiller

- Florence PAPIN, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

M. [B], né le [Date naissance 1] 1958, était gérant d'une société POLYFEU, spécialisée dans les équipements de protection incendie.

Cette société était liée par un contrat de maintenance des protections contre les incendies avec la résidence Jean Baptiste SAY sise [Adresse 2]. A ce titre, elle assurait la maintenance du matériel incendie et en particulier les extincteurs et les lanterneaux de désenfumage.

En 2007, le syndicat a souhaité moderniser le système de désenfumage. Les travaux ont été confiés à la société POLYFEU suivant devis accepté du 14 mai 2007.

Le 4 octobre 2007, M. [B] a, au cours de son intervention, pénétré dans une gaine technique électrique située au troisième étage de l'immeuble. Il est accidentellement entré en contact avec deux fils électriques débranchés de leur disjoncteur et alimentés en 220 volts ce qui a provoqué un court circuit et lui a occasionné des brûlures au second degré au niveau de l'avant-bras droit, point de contact avec les fils.

Par ordonnance du 19 mai 2009, M. [B] a obtenu l'instauration d'une expertise médicale confiée au docteur [E]. Celui-ci a conclu qu'il était difficile d'apprécier l'état séquellaire de M. [B].

Par ordonnance du 5 octobre 2010, le syndicat des copropriétaires a obtenu l'instauration d'une expertise technique confiée à M. [A].

Par actes d'huissier des 10 et 12 janvier 2011, M. [B] a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'ensemble Jean-Baptiste Say, la société IMMOBILIER DE FRANCE AIN, syndic de la copropriété, et la société AXA devant le tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Suite à un changement de syndic, il a, par acte d'huissier du 2 août 2012, fait délivrer une nouvelle assignation au syndicat des copropriétaires représenté par la société FONCIA VOLTAIRE ainsi qu'à la société FONCIA VOLTAIRE elle-même.

Par ordonnance du 4 octobre 2012, le juge de la mise en état a ordonné une nouvelle expertise médicale confiée au docteur [J] suivant ordonnance du 5 décembre 2012.

Par jugement du 11 décembre 2017, le tribunal a :

- mis la société FONCIA VOLTAIRE hors de cause,

- débouté M. [B] de ses demandes contre les sociétés IMMO DE FRANCE et AXA,

- déclaré le syndicat des copropriétaires entièrement responsable des conséquences dommageables subies par M. [B] du fait de l'accident dont il a été victime le 4 octobre 2007,

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer à M. [B] la somme de 13 860,50 € déduction faite des provisions déjà allouées,

- déclaré le jugement opposable au RSI,

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Jean-Baptiste Say à [Localité 2] à payer à M. [B] la somme de 2 870 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens y compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise avec faculté de distraction au profit de la SCP REFFAY & associés.

M. [B] a interjeté appel par déclaration du 28 mars 2018.

Au terme de conclusions notifiées le 10 décembre 2018, il demande à la cour de :

- écarter la pièce n°4 produite par la Compagnie AXA et ses assurés,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Jean-Baptiste Say et le réformer pour le surplus,

- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Jean-Baptiste Say, la SARL IMMOBILIERE DE L'AIN in solidum avec la compagnie AXA au paiement des sommes suivantes :

1) préjudices patrimoniaux temporaires : dépenses de santé actuelles 3 232,18 € ; frais divers 1 670,00 € ; 'besoin temporaire en aide humaine -----' (sic) ; perte de gains professionnels actuels 244 307,30 € ;

2) préjudices patrimoniaux permanents : dépenses de santé futures : Mémoire ;

'assistance par tierce personne-----' (sic) ; perte de gains professionnels futurs

1 939 404,70 €; incidence professionnelle 100 000 € ; préjudice économique 550 000 € ;

3) préjudices extra-patrimoniaux temporaires : déficit fonctionnel temporaire

8 460,50 € ; souffrances endurées 10 000,00 €

4) préjudices extra-patrimoniaux permanents : déficit fonctionnel permanent

14 400 € ; dont à déduire les provisions versées à hauteur de - 15 000 €,

5) 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les intérêts commenceront à courir à compter du dépôt du rapport d'expertise du Docteur [J],

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 (sic) du code civil et l'exécution provisoire totale du jugement à intervenir (sic) nonobstant appel et sans caution.

- déclarer le jugement opposable au RSI 'régulièrement assigné',

- condamner in solidum 'les mêmes personnes' aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SCP BAUFUME-SOURBE, les dépens devant inclure les frais d'expertise des docteurs [E] et [J].

Il fait valoir :

- que la pièce 4 produite par les intimées est une publication facebook qui concerne un homonyme de sorte qu'elle doit être écartée des débats,

- que les ordonnances de référé qui lui ont alloué des provisions n'ont pas été contestées, que la responsabilité des intimés est d'autant plus criante que depuis l'accident, ils l'ont reconnue implicitement en mettant en place une serrure complémentaire sur la 'porte d'entrée' et mis l'installation électrique en conformité,

- que la responsabilité des intimés est engagée sur le fondement des articles 1242 du code civil et de l'article L.4531-1 du code du travail imposant au maître d'oeuvre d'assurer la sécurité et de protéger la santé de toutes les personnes qui interviennent sur un chantier du bâtiment ou du génie civil,

- que la société IMMOBILIER DE FRANCE représentant le maître d'ouvrage était un professionnel, qu'il lui appartenait en outre de vérifier l'exécution des travaux de mise en conformité de l'installation électrique qui avaient été commandés et leur conformité,

- qu'il ne peut lui être reproché d'avoir pénétré dans la gaine litigieuse dès lors que l'accident n'a pas été causé par un geste intempestif et fautif de sa part mais par un grave dysfonctionnement de l'installation électrique,

- qu'il est fondé à demander le remboursement des frais d'expertise amiable du docteur [N] soit 1 670 €,

- qu'il a perçu entre 2004 et 2006 un revenu moyen mensuel de 7 127 € soit une perte de 263 699 € sur 37 mois dont il convient de déduire les indemnités journalières et la pension perçue soit 19 469,70 €,

- que la perte de gains professionnels futurs est avérée dès lors que depuis la consolidation du 4 octobre 2010, il a été dans l'incapacité de reprendre une activité professionnelle, qu'il justifie de revenus et d'un train de vie élevés antérieurement à l'accident notamment par des cartes grises de véhicules Porsche et Mercédès,

- que du fait de l'accident, il n'a aucune perspective professionnelle de sorte que 'l'indemnisation de préjudice professionnel apparaît tout à fait justifiée',

- que la valeur de l'entreprise était de dix fois la marge brute laquelle était de 80 000 € plus une année de chiffre d'affaires de sorte que son préjudice est de 550 000 € sauf à parfaire par une expertise comptable,

- que les souffrances endurées évaluées par l'expert à 3/7 justifient une indemnité de 10 000 €.

Au terme de conclusions notifiées le 14 septembre 2018, l'organisme de Sécurité Sociale des Indépendants nouvelle dénomination du Régime Social des Indépendants demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas statué sur sa demande et de condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Jean-Baptiste Say, la SARL IMMOBILIERE DE L'AIN in solidum avec la Compagnie AXA à lui payer les sommes suivantes :

- 3 215,18 € au titre des dépenses de santé,

- 5 585,70 € au titre des indemnités journalières,

- 25 052,67 € au titre de la perte de revenus,

- 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Au terme de conclusions notifiées le 17 décembre 2018, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Jean-Baptiste Say, la SARL IMMO DE FRANCE, la SAS FONCIA VOLTAIRE et la société AXA demandent à la cour de :

- débouter la SÉCURITÉ SOCIALE DES INDÉPENDANTS de ses demandes, nouvelles en cause d'appel,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fait droit aux demandes de M. [B] dirigées contre le syndicat des copropriétaires,

- débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, subsidiairement réduire ces demandes à de plus justes proportions,

- en tout état de cause, condamner M. [B] à leur payer la somme de 2 000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SELARL BERNASCONI.

Ils font valoir :

- que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a mis la société FONCIA VOLTAIRE contre laquelle aucune demande n'est formulée hors de cause,

- qu'en pénétrant dans la gaine technique électrique, M. [B] a pris sur celle-ci un pouvoir de direction et de contrôle de telle sorte qu'il en est devenu le gardien, qu'en tout état de cause, il a commis une faute cause de l'accident,

- que l'accident constitue une force majeure pour le syndicat des copropriétaires et le syndic en exercice, que si M. [B] n'était pas rentré dans cette gaine dans laquelle il n'avait pas à se trouver, s'il avait actionné le disjoncteur ainsi que le commande la plus élémentaire prudence et s'il avait porté une tenue appropriée au compteur électrique dont il connaissait l'existence, l'accident ne serait pas arrivé,

- que l'article L.4531-1 du code du travail n'est pas applicable comme entré en vigueur postérieurement à la survenance de l'accident, que le syndic n'est pas le maître de l'ouvrage, de sorte que ni l'article L235-1 ni l'article L 4531-1 du code du travail ne pouvaient le concerner,

- que le syndicat des copropriétaires ignorait le risque ou la dangerosité de la chose, que le fait que les serrures aient été changées et qu'un triangle signalant l'existence d'un danger électrique ait été collé est sans incidence sur les responsabilités,

- qu'un syndic n'engage sa responsabilité vis-à-vis des tiers que s'il a commis une faute personnelle ayant causé un préjudice direct et personnel, que l'expert indique que les mises en conformité préconisées par la société CED'ELEC étaient sans lien avec l'accident, que le syndic n'a pas à vérifier le parfait branchement de tous les fils électriques des immeubles gérés,

- que sont exclues la causalité entre la faute alléguée et l'accident survenu et entre l'accident survenu et les préjudices allégués, qu'il ressort des éléments médicaux que l'intéressé présentait un terrain antérieur et qu'il s'est volontairement abstenu de toute traitement approprié postérieur,

- que les demandes au titre de préjudices patrimoniaux permanents ne sont pas justifiées,

- qu'ils 'réservent leurs observations' sur la demande d'une somme de 8 460,50 € au titre du déficit fonctionnel temporaire et d'une somme de 14 400 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

- que la date de dépôt du rapport d'expertise ne saurait constituer le point de départ des intérêts,

- qu'ils ne formulent aucune demande d'expertise comptable, que celle-ci apparaît en tout état de cause destinée en réalité à pallier la carence du demandeur,

- que les demandes du RSI, formées pour la première fois en cause d'appel, sont irrecevables.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande relative à la pièce n°4

Les intimés versent au soutien de leurs allégations une page facebook au nom de M. [E] [B] dans laquelle celui-ci a écrit le 15 mai 2016 : «Je suis bien, la retraite ['] c'est pas mal finalement ['] Je vais commencer mes bagages, prévoir des activités de la marche, randonnée probablement».

L'appelant ne démontre pas que cette pièce, régulièrement versée aux débats avant la clôture, ait été obtenue de façon déloyale. La contestation de son caractère probant ne saurait justifier qu'elle soit écartée des débats.

Sur la responsabilité du syndic

Les dispositions de l'article L.235-1 devenu L.4531 du code du travail relatives à la prévention et à la coordination lors des opérations de bâtiment et de génie civil ne sont pas applicables à l'intervention d'une entreprise seule pour la réalisation de travaux sur une installation technique relevant de sa qualification.

Il ressort du rapport de M. [A] que l'accident est dû à l'intervention d'une entreprise ou d'un particulier qui a déconnecté de façon dangereuse deux fils d'un disjoncteur de protection sur les bornes d'arrivée en partie haute au lieu de déconnexion sur les bornes basses du disjoncteur.

L'auteur et la date du débranchement des fils électriques à l'origine du sinistre sont inconnus. Aucun élément n'est produit susceptible de faire apparaître que ce problème aurait été connu du syndic.

La mission du syndic n'inclut pas la vérification du branchement des fils électriques de l'immeuble de sorte que le fait de n'avoir pas détecté l'anomalie affectant l'installation ne saurait être imputé à faute à la société IMMO DE FRANCE.

Il résulte du rapport d'expertise de M. [A] que les mises en conformité commandées à la société CED'ELEC, mais non exécutées bien que facturées, n'ont pas de rapport direct avec l'accident.

C'est dès lors à bon droit que le premier juge a écarté la responsabilité du syndic en l'absence de faute démontrée de sa part.

Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires

Selon l'article 1384,devenu 1242, du code civil, ont est responsable des choses qu'on a sous sa garde.

La force majeure de nature à exonérer le gardien de sa responsabilité doit présenter un caractère imprévisible, irrésistible et d'extériorité à la chose. Il en résulte que le vice inhérent à la chose cause du dommage ne revêt pas le caractère de la force majeure.

La faute de la victime, si elle a contribué à la réalisation du dommage, exonère partiellement le gardien de sa responsabilité. La faute de la victime ne peut exonérer totalement le gardien que si elle revêt le caractère de la force majeure et constitue la cause exclusive du dommage.

Le syndicat des copropriétaires est gardien des équipements communs de l'immeuble et donc de l'installation électrique commune à l'ensemble des copropriétaires.

La mission confiée à la société POLYFEU ne comportait aucune intervention sur l'installation électrique qui ne relevait pas de la compétence de l'entreprise de sorte que celle-ci n'avait pas la possibilité de prévenir elle-même le préjudice qu'était susceptible de lui causer cette installation et que, ne s'étant vu transférer aucun pouvoir d'usage, de direction et de contrôle de la dite installation, la garde ne lui en avait pas été transférée.

Le vice affectant l'installation électrique cause du dommage n'est pas de nature à exonérer le syndicat des copropriétaires, resté gardien de la chose, de sa responsabilité faute de revêtir le caractère de la force majeure.

S'il est acquis que la gaine de désenfumage était indépendante de la gaine électrique de sorte que M. [B] n'avait normalement pas à y pénétrer, il n'est pas établi que celui-ci se soit vu remettre préalablement à son intervention des plans lui ayant permis de connaître cet état de fait, étant relevé qu'il ressort de l'expertise de M. [A] qu'il était déjà intervenu dans la gaine électrique pour l'entretien de l'extincteur qui s'y trouvait.

Il ne saurait être imputé à faute à M. [B], qui n'était pas électricien et dont l'intervention ne portait ni sur le réseau électrique ni sur le tableau électrique situé dans la gaine, de n'avoir pas coupé l'alimentation et d'avoir malencontreusement touché des fils qui ne présentaient un danger qu'en raison du caractère défectueux de l'installation.

C'est dès lors à bon droit que le premier juge a retenu que le fait d'avoir pénétré dans la gaine électrique pour y faire des repérages n'était pas constitutive d'une faute de nature à exonérer le syndicat des copropriétaires de tout ou partie de sa responsabilité.

Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a retenu l'entière responsabilité du syndicat des copropriétaires.

Sur le préjudice

1) préjudices patrimoniaux temporaires :

dépenses de santé actuelles

Selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Les dépenses de santé actuelles constituent un élément du préjudice de M. [B] de sorte qu'elles doivent être prises en compte pour déterminer l'assiette du recours du RSI.

Elles sont justifiées à hauteur de 3 235,18 € par le relevé du RSI.

frais divers

M. [B] sollicite une somme de 1 670 € correspondant au coût de l'intervention du médecin conseil qu'il a choisi de s'adjoindre.

Les intimés font valoir que le recours à ce médecin conseil n'était pas nécessaire au regard de la multiplicité des expertises et des sapiteurs intervenus.

Les frais d'assistance d'un médecin conseil à l'expertise médicale relèvent des frais divers dont la victime est fondée à demander l'indemnisation. Il convient en conséquence de faire droit à ce chef de demande.

perte de gains professionnels actuels

La perte de gains professionnels actuels concerne les revenus perdus antérieurement à la consolidation. En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que la consolidation était acquise au 4 octobre 2010.

L'évaluation de la perte de gains est faite à partir des revenus déclarés à l'administration fiscale pour le calcul de l'impôt sur le revenu, ou tout ensemble de documents permettant, par leur cohérence et leurs recoupements, d'apprécier les revenus professionnels antérieurs et leur diminution pendant la période d'incapacité temporaire.

M. [B] sollicite au titre de la perte de gains professionnels actuels une indemnité de 244 307,30 € correspondant à une perte de revenus de 7 127 € par mois pendant 37 mois soit 263 699 € dont à déduire les indemnités journalières et la pension d'invalidité perçue de juillet 2008 à octobre 2010. Il se prévaut d'un revenu moyen annuel de 85 527 € antérieurement à l'accident.

Les intimés font valoir que la demande n'est pas étayée, subsidiairement que M. [B] a déclaré au Docteur [E] en 2009 qu'il percevait un revenu mensuel de 2 500 € de sorte qu'il ne pourrait réclamer qu'une indemnité de 73 110,30 € déduction faite des indemnités journalières et de la pension d'invalidité.

M. [B] ne produit aucun élément, en particulier fiscal, justifiant de son niveau de revenus antérieur à l'accident. Il ressort des seuls documents produits au titre de cette période à savoir les états financiers de la société POLYFEU des années 2004 à 2006 que sa rémunération en sa qualité de gérant exploitant était de 17 000 € en 2003 et 2004 et de 15 000 € en 2005 et que le résultat de la société a été bénéficiaire de 1 332 € en 2004 après avoir été déficitaire de 10 367 € en 2003, que le résultat a été bénéficiaire de 36 116 € en 2005 et déficitaire de 48 300 € en 2006. Il n'est en tout état de cause pas justifié d'une quelconque distribution de bénéfices.

Il y a en conséquence lieu de retenir un revenu moyen mensuel au cours des trois années précédant l'accident de 17 000 € + 17 000 € + 15 000 € /3 = 16 333 € soit une perte de gains pour la période antérieure à la consolidation de 16 333 x 37/12 = 50 360,08 €.

Il ressort des relevés RSI que M. [B] a perçu des indemnités journalières pour un montant de 5 585,70 € et que le montant des arrérages de la pension d'incapacité perçue, à compter du 21 juin 2008, arrêté au 4 octobre 2010, s'établit à 3 120,17 € + 7 097,22 € + 5 371,78 € = 15 589,17 €.

La créance du RSI s'établit en conséquence à la somme de 5 585,70 € + 15 589,17 € soit 21 174,87 € de sorte qu'il revient à M. [B] la somme de 50 360,08 € - 21 174,87 € = 29 185,21 €.

2) préjudices patrimoniaux permanents :

perte de gains professionnels futurs

M. [B] sollicite à ce titre une somme de 1 939 404,70 € en faisant valoir que ce montant, qui correspond à la capitalisation moyennant un point de rente de 23,03 d'un revenu moyen mensuel de 7 127 € avec déduction de la pension d'invalidité, est justifié par ses avis d'imposition des années 2010 à 2016 et les cartes grises de véhicules PORSCHE et MERCEDES.

Les intimés font valoir que M. [B] ne justifie d'aucun préjudice dès lors qu'il aurait pu recruter un gérant salarié et continuer à faire fonctionner la société et à en percevoir les bénéficies ; subsidiairement que l'appelant ne s'explique pas sur le point de rente de 23,03 et qu'en tout état de cause, le montant de la demande devrait être limité au regard du montant des revenus effectivement perçus.

La société POLYFEU étant animée exclusivement par M. [B] qui y travaillait seul avec les compétences requises, le résultat des quatre dernières années fait apparaître qu'il était illusoire d'en tirer un quelconque bénéfice en y plaçant un gérant salarié, si tant est qu'une telle solution ait été financièrement et matériellement possible, de sorte qu'il ne saurait être fait grief à M. [B] de n'avoir pas tenté de sauver la société en agissant en ce sens.

Il est acquis que M. [B] est dans l'incapacité définitive de travailler de sorte qu'il est fondé à demander réparation de la perte de gains subie depuis la consolidation calculée par référence au revenu net annuel perçu avant l'accident, soit 16 333 €, et capitalisée à compter de la date du présent arrêt, ce sous déduction de la rente perçue.

Son préjudice entre le 4 octobre 2010, jour de la consolidation, et le jour de la présente décision soit 103 mois, s'établit en conséquence à 16 333 € / 12 x 103 = 140 191,58 €.

Il convient de déduire de ces sommes les rentes perçues entre la consolidation et ce jour. Il ressort du décompte du RSI que les arrérages de rente versés entre le 1er octobre 2010 et le 31 mai 2012 s'établissent à 1 790,59 € + 5 825,34 € + 1 847,56 € = 9 453,49 €.

Le montant à revenir à M. [B] au titre de la perte de gains professionnels futurs passés s'établit en conséquence à la somme de 140 191,58 € - 9 453,49 € = 130 738,09 €.

S'agissant de la période postérieure à la présente décision, il est nécessaire de capitaliser la perte annuelle de M. [B]. Celui-ci est âgé à ce jour de 60 ans.

Il sera utilisé le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais du 28 novembre 2017, le mieux adapté, à savoir celui fondé sur les tables d'espérance de vie France entière 2010-2012 publiées par l'INSEE, sur un taux d'intérêt de 0,50% et une différenciation des sexes.

Au terme de ce barème, le taux de capitalisation de l'euro de rente provisoire jusqu'à 62 ans, âge légal de la retraite pour M. [B], s'établit à 1,972 pour un homme de 60 ans de sorte que le préjudice futur jusqu'à la retraite doit être évalué à 16 333 € x 1,972 = 32 208,67 €.

M. [B] ne justifie pas de la perte de droits à la retraite.

Il convient en conséquence de lui allouer au titre de la perte de gains professionnels futurs la somme de 130 738,09 € + 32 208,67 € = 162 946,76 €

incidence professionnelle

M. [B] fait valoir qu'il s'est brutalement trouvé sans perspective professionnelle alors qu'il avait investi toute son énergie et toutes ses économies dans sa société.

Les intimés font valoir que la biographie de M. [B] démontre qu'il a changé plusieurs fois d'activité professionnelle et que son investissement et sa motivation n'étaient pas aussi absolus qu'il le prétend.

Du fait de l'accident, M. [B] a dû renoncer à toute perspective d'évolution professionnelle et à tout avenir professionnel de sorte qu'il a été privé de toute faculté d'épanouissement par le travail et de reconversion comme devait le lui permettre son cursus professionnel de chef d'entreprise.

Ce chef de préjudice sera justement réparé par une indemnité de 10 000 €.

préjudice économique

M. [B] fait valoir que sa société a été 'liquidée pour insuffisance d'actif' (sic) très peu de temps après l'accident de sorte qu'il a perdu 'la valeur de la société' ; que celle-ci doit être évaluée sur la base de dix fois la marge brute plus une année de chiffre d'affaires sauf à ce qu'une expertise soit ordonnée.

Les intimés s'approprient les motifs du jugement qui a rejeté ce chef de demande.

M. [B] ne produit aucun élément de nature à justifier de la valeur vénale du fonds exploité par la société POLYFEU, étant relevé que le dernier exercice de la société était gravement déficitaire et qu'il reconnaît lui-même que la clientèle était intuitu personae c'est à dire liée à sa personne. Il ne justifie en outre d'aucune diligence pour céder la société ce qu'il n'aurait pas manqué de faire si elle avait eu la valeur qu'il lui prête aujourd'hui.

Le premier juge a justement rejeté la demande d'expertise. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

3) préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

déficit fonctionnel temporaire

L'indemnité de 8 460,50 € allouée par le premier juge n'est pas discutée et est maintenue.

souffrances endurées

L'expert a évalué les souffrances endurées à 3/7. Le premier juge a dès lors fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant une indemnité de 6 000 € et la décision mérite confirmation sur ce point.

4) préjudices extra-patrimoniaux permanents

déficit fonctionnel permanent

L'indemnité de 14 400 € allouée par le premier juge n'est pas discutée et est maintenue.

5) l'indemnisation du préjudice de M. [B] est récapitulée comme suit, déduction faite de la créance du tiers payeur :

préjudices patrimoniaux :

temporaires

- frais divers 1 670,00 €

- perte de gains professionnels actuels 29 185,21 €

permanents

- perte de gains professionnels futurs 162 946,76 €

- incidence professionnelle10 000,00 €

préjudices extra-patrimoniaux

temporaires

- déficit fonctionnel temporaire 8 460,50 €

- souffrances endurées 6 000,00 €

permanents

- déficit fonctionnel permanent 14 400,00 €

TOTAL 232 662,47 €

- déduction provisions - 15 000,00 €

SOLDE 217 662,47 €

En application de l'article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil, en matière indemnitaire, les intérêts courent à compter de la décision à moins que le juge n'en décide autrement.

Il en résulte que les intérêts ont couru de plein droit sur les indemnités allouées par le premier juge à compter du jugement.

Il convient de faire courir les intérêts sur les indemnités allouées par la cour également à compter du jugement.

Sur la demande de la Sécurité Sociale des Indépendants

La demande est justifiée à hauteur de la somme de 3 235,18 € (frais médicaux) + 5 585,70 € (indemnités journalières) + 25 052,67 € (arrérages de rente du 21 juin 2008 au 31 mai 2012) soit au total : 33 873,55 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Réforme le jugement déféré en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Jean-Baptiste Say à [Localité 2] à payer à M. [B] la somme de 13 860,50 € déduction faite des provisions déjà allouées ;

Statuant à nouveau,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Jean-Baptiste Say à [Localité 2] à payer à M. [E] [B] la somme de 217 662,47 € déduction faite des provisions déjà allouées, ce outre intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2017;

Déboute M. [E] [B] du surplus de ses demandes ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare la Sécurité Sociale des Indépendants recevable en ses demandes ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Jean-Baptiste Say à [Localité 2] à payer à la Sécurité Sociale des Indépendants la somme de 33 873,55 € outre intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2017 ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Jean-Baptiste Say à [Localité 2] à payer à M. [E] [B] la somme de 2 000 € et à la Sécurité Sociale des Indépendants la somme de 1 000 € ;

Le condamne aux dépens ;

Autorise la SCP BAUFUME SOURBE, avocat, à recouvrer directement à son encontre les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 18/02278
Date de la décision : 07/05/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°18/02278 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-07;18.02278 ?
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