N° RG 18/03985 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LXPF
notification
aux parties le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
AUDIENCE SOLENNELLE
ARRET DU 27 Juin 2019
Décision déférée à la Cour : Conseil de discipline des avocats de LYON du 25 avril 2018
DEMANDEUR AU RECOURS :
Monsieur [T] [P]
SELARL DUMAS et Associés
[Adresse 1]
[Localité 1]
présent à l'audience, assisté de Maître LUCIANI substituant Maître Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON (Toque 475)
DEFENDEURS AU RECOURS :
Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de LYON, Maître [S] [U]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Substitué à l'audience par Maître Laurence JUNOD FANGET
Madame LA PROCUREURE GENERALE
[Adresse 3]
[Localité 3]
27 juin 2019
L'affaire a été débattue en audience publique le 16 Mai 2019, les parties ne s'y étant pas opposées,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
- Aude RACHOU, première présidente de chambre
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Vincent NICOLAS, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
- Florence PAPIN, conseiller
assistés pendant les débats de Sylvie NICOT, greffier
lors de l'audience ont été entendus :
- Aude RACHOU, en son rapport
- Maître LUCIANI en sa plaidoirie
- Jean-Daniel REGNAULD, avocat général, en ses réquisitions
- Maître [U] substitué par Maître JUNOD FANGET, représentant le bâtonnier, en ses observations
- Monsieur [T] [P] ayant eu la parole en dernier
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel le 27 Juin 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Aude RACHOU, première présidente de chambre, agissant par délégation du premier président, selon l'ordonnance du 7 janvier 2019 et par Sylvie NICOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Par jugement en date du 9 septembre 2014, le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. [P], laquelle a été convertie en procédure de liquidation judiciaire par jugement du 11 octobre 2016.
Par lettre recommandée réceptionnée le 20 octobre 2016, le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Lyon (le conseil de l'ordre) a informé M. [P] de son interdiction d'exercer à titre individuel conformément à l'article L. 641-9 du code de commerce.
Par lettre recommandée réceptionnée le 7 juillet 2017, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon a saisi le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Lyon de poursuites disciplinaire à l'encontre de M. [P]. Il lui a été reproché d'avoir assisté M. [Q], ancien client, lors d'une audience devant le conseil des prud'hommes de Montbrison le 6 avril 2017 malgré l'interdiction qu'il avait d'exercer sa profession à titre individuel, ce qui était constitutif d'un manquement aux règles de la profession d'avocat.
Le 12 juillet 2017, le conseil de l'ordre a désigné M [T] en qualité de rapporteur à l'instruction disciplinaire.
Par décision en date du 25 avril 2018, le conseil de discipline a :
retenu comme constitué l'ensemble des faits reprochés à M. [P],
dit que ces faits constituent un manquement aux principes d'honneur et de probité édictés par les articles 1 du règlement intérieur national de la profession d'avocat (RIN) et 3 du décret du 12 juillet 2005, cette infraction étant sanctionnée par les articles 1.4 du RIN et 183 du décret du 27 novembre 1991,
prononcé en conséquence une peine de un an d'interdiction temporaire de l'exercice de la profession à l'encontre de M. [P],
relevé que M. [P] doit exécuter les deux ans et neuf mois d'interdiction d'exercice de la profession que la décision du 12 février 2015 avait assortis d'un sursis,
ordonné la publication de la décision pendant une durée de trois mois dans les locaux de chacun des ordres de la cour d'appel de Lyon.
Par courrier remis au greffe de la cour d'appel de Lyon le 30 mai 2018, M. [P] a exercé un recours contre cette décision.
Par courrier en date du 10 août 2018, le bâtonnier a également exercé un recours contre cette décision.
L'audience prévue de 22 novembre 2018 a été renvoyée à l'audience du 16 mai 2019 sur demande des parties.
M. [P] demande à la cour par conclusions déposées et notifiées le 12 septembre 2018 de :
Dire et juger recevable et bien fondé son recours formé à l'encontre de la décision considérée,
Réformer en conséquence la décision du 25 avril 2018,
A titre principal :
Dire et juger que les faits commis ne sont pas constitutifs d'un manquement aux principes d'honneur et de probité édictés par les articles 1 du RIN et 3 du décret du 12 juillet 2005, infraction sanctionnée par les article 1.4 du RIN, 183 et 184 du décret du 27 novembre 1991,
Le renvoyer des fins de la poursuite disciplinaire faute, à tout le moins, d'élément intentionnel,
Subsidiairement :
Le sanctionner des peines prévues par l'article 184 1° ou 184 2° du décret du 27 novembre 1991 et, en tout état de cause, réduire en de très notables proportions la sanction d'une année d'interdiction temporaire de la profession d'avocat telle que prononcée par la décision du 25 avril 2018,
En toute hypothèse :
Dire et juger que la peine disciplinaire éventuelle prononcée ne saurait avoir pour effet de révoquer le sursis prononcé à son encontre à l'occasion de la sanction disciplinaire confirmée le 12 février par la cour d'appel de Lyon, une telle révocation s'avérant injustifiée et parfaitement disproportionnée au regard des faits reprochés, des circonstances de leur commission et de la personnalité de l'auteur.
Au soutien de ses prétentions, M [P] indique avoir assisté M. [Q] du fait de l'insistance de ce dernier qui lui a indiqué, deux jours avant l'audience prévue devant le conseil des prud'hommes, ne pas avoir choisi d'autre avocat. Il précise avoir craint que tout autre conseil soit dans l'impossibilité de prendre connaissance du dossier avant l'audience et ne pas avoir voulu risquer de mettre en jeu sa responsabilité civile professionnelle. Il soutient que la décision d'assister M. [Q] n'a été motivée que par le soin de protéger les intérêts de celui-ci et non dans le dessein de contrevenir à l'interdiction d'exercer à titre individuel. Il indique enfin n'avoir perçu aucun honoraire pour l'audience en question.
Le bâtonnier demande à la cour par conclusions déposées et notifiées le 13 novembre 2018 de :
Infirmer la décision rendue par le conseil de discipline,
Prononcer à l'encontre de M. [P] la peine de la radiation,
Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir pendant une durée de trois mois dans les locaux des ordres des avocats du ressort de la cour d'appel de Lyon,
En toute hypothèse, si la peine de radiation n'était pas prononcée, révoquer le sursis prononcé par l'arrêt de la cour d'appel de Lyon le 12 février 2015.
Le bâtonnier soutient que M. [P] a porté atteinte aux principes d'honneur et de probité édictés par les articles 1 du RIN et 3 du décret du 12 juillet 2005 en assistant M. [Q] lors de l'audience devant le conseil des prud'hommes. Il rappelle qu'il a déjà fait l'objet de poursuites disciplinaires et qu'une décision du conseil de discipline du 10 septembre 2014 a prononcé à son encontre la peine d'interdiction temporaire de trois ans dont trois mois avec sursis. Il précise que la volonté de préserver les intérêts de son client ne justifie pas qu'il n'ait pas pris contact avec les administrateurs de son cabinet pour l'audience visée et indique que l'absence d'élément intentionnel est sans effet s'agissant de poursuites disciplinaires.
La procureure générale près la cour d'appel de Lyon demande à la cour par conclusions déposées et notifiées le 17 octobre 2018 de confirmer en toutes ses dispositions la sanction prononcée le 25 avril 2018 par le conseil de discipline. Elle rappelle que M. [P] a déjà été fait l'objet d'une sanction disciplinaire le 10 septembre 2014 et que ce nouveau manquement manifeste son incapacité à respecter les règles de la profession d'avocat.
A l'audience du 16 mai 2019, les parties ont repris oralement leurs conclusions écrites.
M. [P] a eu la parole en dernier.
Sur ce :
Attendu que M [P] soutient qu'en l'absence d'élément intentionnel, il n'y a pas lieu à sanction disciplinaire ;
qu'il ajoute avoir voulu aider un de ses clients et n'avoir perçu aucun honoraire ;
que ses difficultés passées étaient dues à l'anxiété d'exercer la profession d'avocat à titre individuel et que depuis qu'il exerce en qualité d'avocat salarié, soit depuis le 1er décembre 2016, il a retrouvé un équilibre personnel et professionnel ;
Mais attendu que l'absence d'élément intentionnel est sans incidence sur le prononcé d'une sanction disciplinaire comme le fait par ailleurs remarquer le bâtonnier entendu en ses observations ;
que M. [P] dûment averti de l'interdiction d'exercer à titre individuel conformément à l'article L. 641-9 du code de commerce à la suite du prononcé de la liquidation judiciaire par lettre recommandée réceptionnée le 20 octobre 2016 a néanmoins continué d'exercer cette profession en assistant un client le 6 avril 2017 devant le conseil des prud'hommes de Montbrison ;
que ce fait est un manquement avéré aux principes de délicatesse et de probité que doit respecter tout avocat ;
qu'il contrevient aux dispositions légales d'ordre public régissant les procédures collectives ;
que M. [P] a déjà été sanctionné par décision du conseil de discipline du 10 septembre 2014, confirmée par arrêt de la cour du 12 février 2015, soit moins de deux ans auparavant ;
Attendu qu'en conséquence, il convient de confirmer la décision déférée, y compris en ce qu'elle a révoqué le sursis prononcé à l'encontre de M. [P], la décision n'étant en rien disproportionnée eu égard à son attitude et à sa réitération de faits contraires à l'honneur et à la probité ;
Par ces motifs
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Confirme la décision déférée,
Condamne M.[P] aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT