AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 18/03933 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LXLV
SAS LMI BTP ET MANUTENTION (AT / MR [A])
C/
CPAM DU RHÔNE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON
du 22 Mai 2018
RG : 20131089
COUR D'APPEL DE LYON
Protection sociale
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2019
APPELANTE :
SAS LMI BTP ET MANUTENTION
[Adresse 1]
[Localité 1]
Accident du travail de Monsieur [A]
représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
CPAM DU RHÔNE
Service du contentieux Général
[Adresse 2]
Représentée par Madame [A] [X], munie d'un pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Juin 2019
Présidée par Rose-Marie PLAKSINE, Magistrat, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président
- Laurence BERTHIER, conseiller
- Rose-Marie PLAKSINE, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 Octobre 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS. PROCÉDURE. PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [A] a été embauché en qualité de manutentionnaire par la société LMI BTP ET MANUTENTION anciennement dénommée La Maison de l'Intérim (ci-dessous la société LMI) depuis le 5 décembre 2011.
Le 13 décembre 2012, Monsieur [A] a déclaré avoir été victime d'un accident du travail. Le certificat médical initial fait état d'une «'lombalgie basse'» et lui prescrit une semaine de repos.
Par courrier du 22 janvier 2013, la CPAM a informé la société LMI BTP ET MANUTENTION de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier.
Le 11 février 2013, la CPAM a notifié à la société LMI sa décision de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.
Par requête du 21 mars 2013, la société LMI BTP ET MANUTENTION a saisi la commission de recours amiable en contestation de cette décision.
Le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon a ensuite été saisi par la société LMI en contestation de la décision de rejet implicite de la commission.
Par jugement du 22 mai 2018, le tribunal a confirmé l'opposabilité à l'égard de la société LMI BTP ET MANUTENTION des conséquences financières de l'accident subi par Monsieur [A] et l'a condamné à verser 500 euros à la CPAM du Rhône au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
la société LMI BTP ET MANUTENTION a interjeté appel de cette décision, par déclaration du 29 mai 2018.
La société LMI, sollicite de la Cour, l'infirmation du jugement en ce que':
- la CPAM ne rapporte pas la preuve de la matérialité de l'accident en cause,
- les lésions contractées par Monsieur [A] n'ont pas été causées par un fait violent et soudain, de sorte qu'aucun accident au sens de l'article L411-1 du CSS ne s'est produit,
- la CPAM n'a pas loyalement respecté le principe du contradictoire lors de son enquête.
En conséquence,
- dire et juger inopposable à la société LMI BTP ET MANUTENTION la décision de prendre en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, l'accident prétendument survenu à Monsieur [J] [A] le 13 décembre 2012.
La CPAM sollicite purement et simplement la confirmation du jugement déféré.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues lors de l'audience.
MOTIVATION
Sur la matérialité de l'accident du travail':
Sur ce point, la société LMI BTP ET MANUTENTION fait valoir que':
- le salarié a poursuivi sa journée de travail après la survenance de l'accident malgré une lésion douloureuse qui aurait nécessité un arrêt de travail immédiat, qu'il s'est donc rendu chez son médecin à la fin de sa journée de travail étant précisé que la CPAM ne l'a pas interrogé sur l'heure à laquelle il a quitté son poste;
- le salarié n'a fait mention d'aucun témoin alors même que d'autres personnes étaient présentes dans l'atelier au moment des faits;
- il ne résulte pas des circonstances de l'accident un quelconque choc ou collision traumatique, de sorte que la lésion subie par Monsieur [A], est survenue de manière lente et progressive à la suite du port répété de charges lourdes, ce qui correspond davantage à une maladie professionnelle et non à un accident du travail.
Il en résulte que la CPAM n'établit pas la matérialité de l'accident du 13 décembre 2012 par des présomptions graves, précises et concordantes.
La CPAM expose en réponse que':
- selon la déclaration d'accident du travail, l'accident s'est produit le 13 décembre 2012 à 10h45, soit durant son temps de travail, les horaires de travail du matin étant de 07h30 à 11h45, qu'en portant des planches lourdes à répétition, Monsieur [A] s'est coincé le dos;
- dans le cadre de son enquête, l'enquêteur a rapporté que l'assuré a 'ressenti un craquement et une douleur forte', alors qu'il ramassait un morceau de bois gelé au sol pour le poser sur la caisse, de sorte que l'apparition soudaine de la lésion est avérée; qu'en plus, le salarié a avisé son supérieur immédiatement après l'accident, en la personne de Monsieur [I], le chef d'atelier; lequelle a par ailleurs remarqué les difficultés du salarié à marcher ensuite de l'accident;
- Monsieur [A] a fait constater médicalement ses lésions le jour même de l'accident, qu'une 'lombalgie basse' a été diagnostiquée en concordance avec la lésion initialement déclarée;
- que l'absence d'un témoin ne saurait suffire à détruire la présomption d'imputabilité.
Or, aux termes de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
L'accident de travail suppose l'existence d'un fait ou d'un ensemble de faits précis survenus soudainement, à une date et dans des circonstances certaines. Il implique l'apparition d'une lésion physique ou psychique.
En conséquence, il incombe en l'espèce à la caisse d'établir le fait accidentel, c'est-à-dire la matérialité de l'accident.
La présomption simple d'accident du travail peut être combattue par l'employeur ou par la caisse primaire d'assurance maladie, si la preuve est rapportée :
- que la lésion subie par la victime a une cause totalement étrangère au travail,
- ou qu'au moment de l'accident, le salarié n'était pas sous l'autorité de l'employeur.
En l'espèce, il ressort effectivement de la déclaration d'accident du travail que':
- l'accident s'est produit à 10h45, alors que le salarié occupait son poste le matin de 07h30 à 11h45;
- il a eu lieu à [Localité 2], à son poste de travail au sein de l'entreprise utilisatrice;
- le salarié se serait coincé le dos en portant des planches lourdes à répétition.
- la nature des lésions correspond à une 'lombalgie basse'.
Toutefois, s'agissant des circonstances de l'accident, lors de l'enquête diligentée par la CPAM, le salarié, a indiqué : 'j'ai ramassé un morceau de bois gelé sur ma droite au sol pour le poser sur la caisse. A ce moment la j'ai ressenti un craquement et une douleur fort'.
L'enquêteur a également rapporté les propos de Mr [I], contacté par téléphone, qui a indiqué: 'le 13/12, Mr [A] à son poste de travail, assemblait des pièces en bois. Dans la matinée, Mr [A] est allé voir Mr [I] pour lui dire qu'il avait fait un faux mouvement et qu'il s'était bloqué le dos.... Mr [A] marchait difficilement; Il aurait appelé quelqu'un pour le conduire aux urgences'.
Il apparaît que Mr [I] a été la première personne avisée de l'accident par la victime elle-même et corrobore la déclaration du salarié sur les circonstances de son accident. Contrairement à ce que la société LMI affirme, l'enquête menée par la CPAM a permis de mettre en évidence la survenance d'un événement soudain survenu du fait du ramassage d'un morceau de bois au sol, à l'origine de la lésion subie par Monsieur [A].
Par ailleurs, il ressort également de l'enquête que l'employeur, en la personne de Madame [F], assistante administrative de la société LMI BTP ET MANUTENTION a déclaré que : ' le 13/12/12 à 10h45, Mr [I], chef d'atelier chez Peneitti Emballage, a appelé l'entreprise intérimaire pour indiquer que Mr [A] venait de se blesser au dos et qu'il se rendait chez un médecin. Mr [A] a donc quitté son lieu de travail le 13/12/12 à 10h45".
Il apparaît que l'employeur a alors eu connaissance du fait accidentel à l'instant même de sa survenance.
Au surplus, selon les déclarations de Madame [F] rapportées comme suit : ' Mr [A] est passé à l'agence le 14/12/12 pour relater qu'il s'était coincé le dos le 13/12/12 à 10h45 en portant des planches à répétition'. Il apparaît que l'accident a été constaté par déclaration d'accident du travail rédigée et signée par Madame [F] le lendemain des faits, sur laquelle la société LMI BTP ET MANUTENTION affirme que celle-ci y a retranscrit la 'lombalgie basse', telle que mentionnée sur le certificat médical initial que le salarié lui a montré.
Il résulte alors des éléments qui précèdent que:
- l'accident s'est produit aux temps et lieu du travail,
- il a été provoqué par un événement soudain, alors que le salarié ramassait un morceau de bois au sol lorsqu'il a ressenti une forte douleur, et à date certaine le 13 décembre 2012 à 10h45,
- l'employeur, en la personne de Madame [F] et l'entreprise utilisatrice, en la personne de Monsieu [I] ont tous deux été informés du fait accidentel le jour de sa survenance,
- le salarié a effectivement quitté son poste avant la fin de sa journée de travail pour être conduit aux urgences, sans que la société LMI BTP ET MANUTENTION démontre le contraire,
- la lésion subie par le salarié a été constatée médicalement le jour de l'accident par un médecin urgentiste, lequel a diagnostiqué une 'lombalgie basse',
- Monsieur [I] a confirmé, lors de son entretien téléphonique avec l'agent enquêteur de la CPAM, la réalité des circonstances de l'accident tel que décrites par le salarié à savoir qu'il s'est blessé au dos à la suite d'un faux mouvement, et a également remarqué ses difficultés pour marcher.
Il résulte des éléments précités, un faisceau d'indices graves, précis et concordants permettant de présumer l'imputabilité de l'accident subi par Monsieur [A] à son travail.
Pour tenter de renverser cette présomption, la société LMI se limite à affirmer que l'accident de Monsieur [A] est consécutif au port de charges lourdes à répétition, selon les termes de la déclaration d'accident, ce qui exclut la possibilité d'une date certaine et d'un événement soudain à l'origine de l'accident.
Cependant elle ne rapporte aucun élément permettant de suggérer que la lésion subie par Monsieur [A] procède d'une cause totalement étrangère au travail, qu'au surplus, l'absence de témoin direct ne peut suffire elle seule, à la combattre.
Il en résulte que la matérialité de l'accident de Monsieur [A] est établie, que partant la décision de prise en charge de la CPAM est opposable.à la société LMI BTP ET MANUTENTION .
Le jugement déféré sera dès lors confirmé sur ce chef.
Sur le respect du contradictoire.
Sur ce point, la société LMI BTP ET MANUTENTION soutient que :
- dans le cadre de son instruction, la CPAM a adressé à Monsieur [A] un questionnaire, mais s'est abstenu de lui en adresser un;
- le bref appel téléphonique 'de mauvaise qualité' réalisé par l'agent enquêteur ne lui permettait pas de faire valoir ses observations dans les mêmes conditions que la victime, de sorte que les propos rapportés par l'enquêteur sont imprécis puisqu'il n'a pas mentionné l'absence de fait soudain ou le caractère répété des mouvements à l'origine des lésions du salarié, et a 'détourné' les propos de l'employeur en ce que le salarié intérimaire ' se rendrait chez son médecin' et non pas qu'il 's'y rendait'.
Il en résulte que la CPAM n'a pas satisfait à ses obligations contradictoires lors de son instruction.
En réponse, la CPAM affirme que :
- le salarié a effectivement été destinataire d'un questionnaire, lors de son instruction;
- la CPAM s'est entretenue 'au téléphone' avec Madame [F], assistante administrative de la société LMI BTP ET MANUTENTION , puis avec Monsieur [I], chef d'atelier de l'entreprise utilisatrice;
- Madame [F] atteste que le salarié a bien quitté son travail à 10h45 pour se rendre aux urgences;
- en tout état de cause, les dispositions de l'article R411-11 du code de sécurité sociale n'impose aucune modalité d'instruction du dossier, la CPAM étant souveraine dans l'appréciation des mesures d'instruction à mettre en oeuvre;
- son devoir d'information a été rempli dans la mesure où elle justifie avoir adressé un courrier le 22 janvier 2013 à l'employeur l'informant de la clôture de l'instruction du dossier et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier.
En application de l'article R.441-11 III du code de la sécurité sociale «'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès'».
En présence d'une déclaration d'accident du travail assortie de réserves motivées de l'employeur portant sur les circonstances ou la cause de l'accident, la Caisse qui décide d'adresser un questionnaire au salarié pour recueillir ses observations sur ce point, est tenue d'en adresser également un à l'employeur.
La Caisse peut par ailleurs décider de procéder à une enquête ou d'envoyer un questionnaire aux intéressés, si elle l'estime nécessaire.
En l'espèce, alors que l'employeur n'a assorti la déclaration d'accident du travail d'aucune réserves, la CPAM a estimé nécessaire d'adresser un questionnaire au salairé le 16 janvier 2013 et a informé la société LMI de sa décision de recourir à un délai complémentaire d'instruction.
Il est exact que la société la société LMI BTP ET MANUTENTION n'a pas été elle-même destinataire d'un questionnaire ..
Toutefois, il ressort de l'enquête administrative versée (pièce 7) que le 21 janvier 2013, la CPAM a contacté par téléphone l'employeur, en la personne de sa préposée, Madame [F], et l'entreprise utilisatrice, en la personne de Monsieur [I].
la société LMI BTP ET MANUTENTION n'explique pas en quoi l'entretien téléphonique se réduirait à un ' bref appel téléphonique de mauvaise qualité', alors que les éléments recueillis auprès de Mme [F] apparaissent complets et pertinets.
De même, la société la société LMI BTP ET MANUTENTION , qui se limite à soutenir que l'agent enquêteur a 'détourné' les propos de sa préposée, Madame [F], en rapportant que le salarié aurait quitté son poste de travail avant la fin de sa journée pour se rendre aux urgences, ne produit aucun élément permettant de démontrer qu'il aurait en fait poursuivi sa journée de travail malgré une forte douleur. Cette allégation est du reste sans conséquence tant sur le caractère professionnel de l'accident que sur le non-respect allégué du contradictoire.
En tout état de cause, il convient de retenir qu'en l'absence de réserves motivées, la CPAM n'était pas tenue d'adresser à l'employeur un questionnaire portant sur les circonstances ou les causes de l'accident, qu'en procédant à un entretien par téléphone avec l'un de ses préposés, la CPAM a loyalement respecté le principe du contradictoire, qu'au demeurant, elle a enquêté auprès de l'employeur et de la victime selon les modalités qu'il lui appartenait de fixer.
Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré sur ce point.
Sur la demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société LMI BTP ET MANUTENTION à payer à la CPAM du Rhône une indemnité de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs il y a lieu de statuer sur les dépens, au regard de l'article 696 du code de procédure civile, l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, prévoyant la gratuité en la matière ayant en effet été abrogé à compter du 1er janvier 2019, par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018.
La société la société LMI BTP ET MANUTENTION qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,'statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
- CONFIRME le jugement rendu le 22 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon en toutes ses dispositions;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société LMI BTP ET MANUTENTION aux entiers dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE
Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH