N° RG 18/02322 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LTUG
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond du 24 janvier 2018
RG : 15/02685
ch n°9 cab 09 F
[K]
C/
SAS [5]
SAS [7]
SCI [13]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 26 Novembre 2019
APPELANTE :
Mme [D] [S] [K]
née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assistée de Me Christophe DESURMONT, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES :
La Société [5] SAS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON, toque : 719
Assistée de la SELARL GMT AVOCATS, avocats au barreau de PARIS
La Société [7] SAS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON, toque : 719
Assistée de la SELARL GMT AVOCATS, avocats au barreau de PARIS
La SCI [13]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON, toque : 719
Assistée de la SELARL GMT AVOCATS, avocats au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 20 Juin 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Octobre 2019
Date de mise à disposition : 05 Novembre 2019, prorogée au 26 Novembre 2019, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- [professionnel W] [professionnel G], président
- [professionnel O] [professionnel F], conseiller
- [professionnel T] [professionnel J], conseiller
assistés pendant les débats de [professionnel D] [professionnel L], greffier
A l'audience, [S] [O] a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par [professionnel W] [professionnel G], président, et par [professionnel D] [professionnel L], greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
La société [6], filiale de la société [7], et la société [15], se sont associées dans le cadre d'une opération de co-promotion immobilière consistant à réhabiliter des bâtiments anciens à [Localité 2] et à y adjoindre une extension à vocation de résidence hôtelière et de résidence de services, et ont constitué à cette fin deux sociétés civiles immobilières, la SCI [13] et la SCI [11] initialement dénommée SCI [12].
Les logements créés dans ces bâtiments ont été vendus en l'état futur d'achèvement, par lot, sous le régime de la copropriété, dans le cadre du dispositif légal de défiscalisation permettant aux acquéreurs de bénéficier du régime fiscal de loueur en meublé à savoir : récupération de la TVA sur le prix d'achat du bien et réduction de l'impôt sur le revenu en rapport avec le montant de l'emprunt effectué pour acquérir le bien, la contrepartie étant l'obligation pour les acquéreurs de régulariser un bail commercial avec l'exploitant de la résidence et de meubler le logement.
La société [3], retenue comme futur exploitant de la [13], s'est portée acquéreur des lots nécessaires à l'exploitation de la résidence et à la mise en oeuvre des services offerts (accueil, bureau, restauration, salle de réception, réserve et lingerie).
Le 12 août 2008, Mme [D] [K] a conclu avec la SCI [13] un contrat de réservation de deux lots n°28 et 132. Afin de financer cette acquisition, elle a souscrit un prêt immobilier auprès du [4].
La vente a été régularisée par acte authentique du 27 novembre 2008. Le même jour, Mme [K] a conclu avec la société [3] un bail commercial sur les lots acquis pour une durée de 11 ans.
L'exploitation de la résidence a commencé au deuxième trimestre 2008.
La société [3] a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de PERPIGNAN en date du 1er juillet 2009. Par courrier du 9 juillet 2009, le liquidateur a informé les copropriétaires de la résiliation des baux conclus avec la société [3].
Il s'est avéré que les primes versées par la SCI [13] au titre de l'assurance garantie perte de loyers au courtier [10] avaient été conservées par celui-ci de sorte que la garantie n'avait pas été souscrite et que la société [10] avait été placée en liquidation judiciaire par jugement du 11 février 2009.
Pour permettre la poursuite de l'exploitation de la résidence en dépit de la déconfiture de la société [3], la Société [5], autre filiale de la société [7], s'est associée à une association dénommée [9] pour créer au printemps 2010 une nouvelle entité d'exploitation, la SAS [14].
La SCI [13] a conclu une transaction avec chacun des copropriétaires de la résidence, parmi lesquels Mme [K]. Au terme de cette transaction, signée le 10 avril 2010 par Mme [K], la SCI [13] s'est engagée à payer aux copropriétaires une somme correspondant aux loyers impayés par la Société [2] au 31 mars 2010.
En contrepartie, les copropriétaires se sont engagés à signer un contrat de bail commercial avec la société [14] et à renoncer à tout recours contre la SCI [13] et plus généralement contre toute autre société membre du groupe [7].
C'est ainsi que le 10 avril 2010, Mme [K] a signé un bail commercial avec la société [14].
Le 21 décembre 2012, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la Société [3], les lots qui avaient achetés par celle-ci pour permettre l'exploitation de la résidence ont été vendus à un tiers, la Société [1].
Le 8 avril 2013, à l'occasion d'une réunion organisée à [Localité 2] par M. [H], directeur d'[7] et représentant de la société [5], gérante de la SCI [13] venderesse, et M. [Z], gérant de la société d'exploitation la SAS [14], M. [H] a informé les copropriétaires que l'exploitation de l'hôtel et de la résidence était déficitaire, que les loyers n'avaient été payés depuis le 1er avril 2010 qu'en raison d'apports en compte courant importants effectués par la société [7] à la société d'exploitation et qu'[7] n'entendait pas continuer à soutenir financièrement cette dernière, l'une des raisons du déséquilibre étant l'impossibilité d'exploiter le restaurant par suite de la cession des locaux, anciennement propriété de la société [3], à la société [1] qui s'opposait à toute solution permettant l'exploitation du restaurant et des diverses annexes nécessaires au fonctionnement de la résidence.
Au mois de juillet 2013, la société [5] a cédé ses parts dans la SAS [14] à son associé, l'association [9] et a renoncé à son compte courant.
Le 24 septembre 2013, le tribunal de commerce de MONTAUBAN a ouvert une procédure de sauvegarde de la SAS [14]. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 22 mars 2014.
Dans le cadre de la procédure collective, deux investisseurs se sont associés pour reprendre les actifs de la Société [14] et créer une nouvelle société d'exploitation : la SAS [8].
Le 21 mai 2014, Mme [K] a signé un bail commercial avec la SAS [8].
Par actes d'huissier du 11 février 2015, Mme [D] [K] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de LYON la SCI [13], la SAS [5], la SAS [7], auxquels elle reprochait un comportement dolosif,, aux fins d'obtenir la résolution de la vente du 27 novembre 2008 et la restitution du prix, subsidiairement des dommages et intérêts à hauteur de 67 400 €.
Par jugement du 27 février 2018, le tribunal a déclaré les demandes de Mme [K] irrecevables, a rejeté les demandes reconventionnelles des défenderesses au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [K] aux dépens.
Mme [K] a interjeté appel.
Au terme de conclusions notifiées le 27 mai 2019, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré ses demandes irrecevables,
- déclarer son action recevable,
- condamner in solidum la SCI [13], la SAS [5] et la SAS [7] à lui payer la somme de 77 101 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son prejudice, avec intérêts à compter de l'assignation,
- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 ancien du code civil,
- subsidiairement, ordonner une expertise aux frais avancés des sociétés [13], [5] et [7] avec pour mission de 'contrôler et valider le raisonnement tenu en pièce 35 pour le calcul du préjudice' et lui allouer une provision de 39 000 € à valoir sur son préjudice,
- condamner in solidum la SCI [13], la SAS [5] et la SAS [7] à lui payer la somme de 20 000 € en réparation de son préjudice moral, la somme de 9 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me LAFFLY.
Au terme de conclusions notifiées le 13 juin 2018, la SCI [13], la société [7] et la société [5] demandent à la cour de :
- déclarer Mme [K] irrecevable en toutes ses demandes dirigées à leur encontre,
- confirmer le jugement,
- condamner Mme [D] [K] à leur payer la somme de 3 000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
subsidiairement,
- débouter Mme [D] [K] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [D] [K] à leur payer la somme de 3 000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- très subsidiairement, débouter Mme [K] de sa demande d'indemnisation provisionnelle.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité
Les intimées font valoir :
- qu'au terme du protocole d'accord transactionnel signé le 10 avril 2010, les parties ont renoncé de façon irrévocable et définitive à formuler l'une contre l'autre une quelconque demande de paiement, de remboursement, d'indemnisation et/ou de dédommagement au titre du bail commercial signé avec la société [3] ou au titre du choix du nouvel exploitant de la [13], et plus généralement 'au titre de l'opération d'investissement réalisé dans ladite résidence',
- que l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cette transaction rend les demandes de Mme [K] irrecevables,
- que la SCI [13] a respecté l'obligation de payer une certaine somme à l'appelante,
- que l'exposé préalable de la transaction ne saurait s'interpréter comme mettant à la charge de la société [13] d'autres obligations que celles convenues au paragraphe 'engagement',
- qu'en tout état de cause, le groupe [7] a respecté l'obligation de soutien financier en assurant le paiement du loyer pendant trois ans, qu'il ne s'agit pas d'une 'condition potestative' et qu'il pouvait en conséquence y être mis fin à tout moment,
- que la transaction porte sur les litiges nés ou à naître et que le protocole est opposable à l'appelante.
L'appelante fait valoir :
- que la transaction n'a pas eu pour objet de régler le différend tel qu'il est exposé dans son assignation, qu'elle ne règle que les conséquences de la défaillance conjuguée du locataire et du courtier en assurances,
- qu'en 2010, les copropriétaires ignoraient les vices inhérents à l'opération à savoir la surestimation des loyers et la problématique du restaurant de sorte que ces vices ne peuvent avoir été inclus dans le protocole et avoir fait l'objet d'une renonciation à recours,
- qu'au terme de l'exposé préalable, les intimées se sont engagées à soutenir le nouveau gestionnaire de la résidence, que les clauses devant s'interpréter les unes par rapport aux autres, et, en cas de doute, en la faveur des non professionnels que sont les copropriétaires, elles ne pouvaient mettre un terme unilatéralement à cet engagement, sauf alors à qualifier celui-ci de condition potestative,
- que l'engagement de soutien financier doit se comprendre comme souscrit pour la durée du nouveau bail et que les sociétés du groupe [7] n'ayant pas respecté leur engagement, les copropriétaires sont déliés de leur renonciation à recours.
Selon l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Selon l'article 2052 dans sa version applicable au litige, les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion.
Selon les articles 2048 et 2049, les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. Les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.
En l'espèce, la transaction précise qu'elle a pour objet de régler 'les litiges nés ou à naître entre les copropriétaires, la SCI [13] et plus généralement toute autre société membre du groupe [7], et relatifs, directement ou indirectement, à l'investissement réalisé au sein de la [11] à [Localité 2] et à l'exécution du bail commercial liant les Copropriétaires à l'exploitant de cette résidence et qu'elle est indivisible du nouveau bail commercial devant être signé avec la nouvelle société d'exploitation'.
Elle prévoit :
- que la SCI [13] s'engage à payer aux copropriétaires une somme correspondant aux loyers qui n'ont pas été payés par la société [3] jusqu'au 31 mars 2010, en contrepartie de quoi les copropriétaires s'engagent à signer le bail commercial avec la nouvelle société d'exploitation,
- que les parties signataires renoncent 'de façon irrévocable et définitive à former l'une contre l'autre une quelconque demande de paiement, de remboursement, d'indemnisation et/ou de dédommagement au titre du bail commercial signé avec la société [3] ou au titre du choix du nouvel exploitant de la résidence [...] et plus généralement au titre de l'opération d'investissement réalisée dans ladite résidence'.
Il ressort du préambule de la transaction que celle-ci a été conclue dans le contexte des défaillances conjuguées du locataire et du courtier d'assurance, la SCI [13] venderesse étant consciente du préjudice subi par les acquéreurs de ce fait, et que les copropriétaires ont renoncé à tout recours 'contre la SCI [13] et plus généralement contre toute autre société membre du groupe [7]' en contrepartie de son accord pour 'accompagner financièrement le nouveau gestionnaire, le candidat présenté ne présentant pas une surface financière suffisante'.
Il en résulte que la SCI [13] venderesse avait souscrit l'obligation d'accompagner financièrement le nouveau gestionnaire ainsi que l'a justement retenu le premier juge.
Cet engagement ne saurait être qualifié de conditionnel dès lors qu'il n'était assorti d'aucune modalité faisant dépendre l'existence de l'obligation souscrite d'un événement futur et incertain de sorte que les dispositions régissant la condition potestative sont sans application dans le présent litige.
Aucun élément ne permettant d'affirmer que cet engagement a été souscrit pour la durée du bail, il ne peut s'analyser qu'en un engagement à durée indéterminée, la bonne foi imposant qu'il soit maintenu pendant un délai raisonnable.
C'est par de justes et pertinents motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a estimé que la SCI [13] avait exécuté de bonne foi la transaction en assurant le paiement des loyers pendant trois ans de sorte que la transaction est opposable à l'appelante.
La cause de la transaction est la défaillance de la société d'exploitation de la résidence. Il en résulte que la transaction couvre l'intégralité des conséquences de cette défaillance de sorte qu'elle a autorité de la chose jugée à l'égard du préjudice allégué et que les demandes de Mme [K] sont irrecevables.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 en cause d'appel ;
Condamne Mme [D] [K] aux dépens.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE