N° RG 18/05741 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L3VX
Décision du
Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE
Au fond
du 17 mai 2018
RG : 18/00705
SA GERARD DANNENMULLER
C/
SCI RADI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 19 Mai 2020
APPELANTE :
SA GERARD DANNENMULLER, agissant poursuites et diligences de son représentant légal,
[Adresse 2]
[Adresse 2] / FRANCE
Représentée par Me Anne-florence RADUCAULT de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de LYON, toque : 1700
INTIMEE :
SCI RADI, représentée par ses dirigeants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Frédéric JANIN de la SELARL NEXEN CONTENTIEUX, avocat au barreau de LYON, toque : 2127
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Date de clôture de l'instruction : 02 Décembre 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Février 2020
Date de mise à disposition : 14 Avril 2020, prorogée sans date
Vu l'état d'urgence sanitaire, la décision prorogée est rendue ce jour
Audience tenue par Agnès CHAUVE, président, et Catherine ZAGALA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Agnès CHAUVE, président
- Catherine ZAGALA, conseiller
- Catherine CLERC, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Agnès CHAUVE, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire
La notification du présent arrêt est opérée par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/2020030000319/FC.
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La société [V] [E] exerce une activité de travaux de terrassement courants et travaux préparatoires.
La société Radi a une activité de location de terrains et d'autres biens immobiliers.
Considérant avoir exercé des travaux de terrassement pour la société Radi d'avril à décembre 2016, dans le cadre de la construction de deux bâtiments à usage artisanal situés [Adresse 3], la société [V] [E] a émis une facture d'un montant de 79 016,40 € TTC le 5 mai 2017.
La société Radi n'a pas procédé au paiement de cette facture.
Le 21 août 2017, la société [V] [E] a mis en demeure en vain la société Radi de payer la somme de 79 016,40 € TTC.
La société [V] [E] a assigné la société Radi, par acte du 21 février 2018, devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en paiement de cette somme.
Par jugement en date du 17 mai 2018, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a débouté la société [V] [E] de l'ensemble de ses demandes en paiement et condamné cette dernière aux dépens.
Le tribunal a retenu que la société [V] [E] se borne à produire la facture qu'elle a émise le 5 mai 2017, document émanant de sa seule personne, et ne verse aucune pièce écrite portant la signature du représentant de la SCI Radi, ou démontrant la volonté de celle-ci d'accepter les prestations que la société [V] [E] prétend avoir accomplies.
Par déclaration d'appel en date du 1er août 2018, la société [V] [E] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions, la société [V] [E] demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, et statuant à nouveau,
- la déclarer bien fondée en son action et ses demandes,
- constater l'existence d'un contrat d'entreprise entre elle et la SCI Radi,
- condamner la SCI Radi à lui payer la somme de 79 016,40 € TTC au titre de la facture n° 2017-05-003 outre les pénalités égales à 3 fois le taux d'intérêt légal à compter du 21 août 2017, date de la première mise en demeure, ainsi que 40 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
À titre subsidiaire :
- condamner la SCI Radi à lui payer une somme souverainement déterminée par la cour en fonction des éléments de la cause, outre les pénalités égales à 3 fois le taux d'intérêt légal à compter du 21 août 2017, date de la première mise en demeure, ainsi que 40 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
En tout état de cause, de :
- condamner la SCI Radi à lui payer une somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamner la SCI Radi aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société [V] [E] soutien à l'appui de son appel que :
- les courriels du 14 septembre 2016 et du 26 octobre 2017 démontrent qu'elle a bien effectué des travaux de terrassement pour la SCI Radi et que cette dernière avait donné son consentement oral pour ce faire,
- la SCI Radi n'a réagi que cinq mois après l'envoi de la facture et suite à une mise en demeure infructueuse, et non dès réception de la facture,
-elle n'est intervenue que pour des travaux de terrassement et de construction de canalisations, et non pour bâtir les édifices eux-mêmes,
-elle a bien réalisé les travaux de pose des canalisations, conduits et gaines, avec les travaux de génie civil afférents comme en attestent le dossier de télé-déclaration récapitulatif et les nombreuses déclarations de DT/DICT afférentes,
- le plan des travaux indiquant expressément la SCI Radi comme maître d'ouvrage, les attestations de ses salariés qui reconnaissent être intervenus sur le chantier de la SCI Radi entre les mois de mai 2016 et décembre 2016 démontrent la réalité de son intervention,
-la SCI Radi indique avoir réalisé les travaux elle-même, ce qu'elle ne démontre aucunement par la production de factures de matériaux ou d'intervention d'entreprises tierces,
-l'absence d'informations concernant le prix ne saurait exonérer la SCI Radi de tout paiement à son égard, dès lors qu'elle a parfaitement réalisé les travaux, d'autant que cette dernière n'est pas un consommateur, la rémunération de l'entrepreneur pouvant être fixée en fonction des éléments de la cause,
- elle doit être rémunérée pour les travaux effectués, à défaut, la SCI Radi bénéficierait d'un enrichissement sans cause, dont elle peut demander l'indemnisation,
- elle produit une facture pour des prestations similaires facturées à un autre client en février 2017.
En réponse, la SCI Radi demande à la cour de :
-écarter comme tardives les conclusions n°3 de l'appelante et ses pièces 16 et 20 puisque communiquées très peu de temps avant la date de clôture annoncée,
- déclarer irrecevable la demande subsidiaire formée par la société [V] [E] dans ses conclusions d'appel n°2,
-débouter la société [V] [E] de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,
-confirmer le jugement du 17 mai 2018 du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse,
-ordonner la nullité de la facture n°2017-05-003 du 5 mai 2017 de la société [V] [E],
- condamner la société [V] [E] à lui verser 2 000 € pour procédure abusive,
-condamner la société [V] [E] à lui payer la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
-condamner la même aux entiers dépens de l'instance distrait au profit de la SELARL Janin Avocats sur son affirmation de droit conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
La SCI Radi fait valoir que :
-la demande de la société [V] [E] d'indemnisation est irrecevable puisqu'elle n'a pas été présentée dans ses premières conclusions d'appel, ni en première instance,
- la société [V] [E] ne verse aucun document écrit (contrat, devis signé, document émanant de sa part, etc.), ni témoignage prouvant son accord de volonté sur la prestation revendiquée par la société [V] [E], de sorte qu'il ne peut y avoir de contrat,
- aucun des éléments du prétendu chantier que la société [V] [E] verse, à savoir les décomptes, les plans, le compte rendu de piquetage, ne porte la marque de son acceptation,
- la société [V] [E] n'a pas satisfait à son obligation d'information, en ne lui fournissant aucune information écrite sur le prix et les conditions de sa prestation, de sorte qu'il ne peut y avoir de consentement,
- le courriel du 14 septembre 2016 ne concerne en aucun cas les prétendus travaux que la société [V] [E] revendique puisque la facture litigieuse a été émise plusieurs mois après ce courriel, d'autant qu'il est signé au nom d'une société tierce, la société Bresse Utilitaires,
- elle ne conteste pas avoir demandé un devis pour effectuer des travaux à la société [V] [E], mais cela ne démontre pas qu'elle a fait exécuter ces travaux,
-l'établissement d'une facture n'est pas suffisant pour démontrer la réalité de la créance, tout comme les attestations des salariés de la société [V] [E] qui ont été faites pour les besoins de la cause par des personnes sous l'autorité hiérarchique de la société [E],
-elle a réalisé elle-même plusieurs travaux revendiqués par la société [V] [E],
- la société [V] [E] ne peut justifier qu'elle a matériellement fait des travaux dans ses chantiers, d'autant que les constructions mentionnées dans la facture litigieuse n'existent pas comme le démontre le constat d'huissier,
- la procédure engagée par la société [V] [E] ne l'a été que dans une intention de lui nuire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des conclusions et pièces communiquées le 17 décembre 2019
Il ressort des dispositions des article 15 et 16 du code de procédure civile, que les parties doivent se faire mutuellement connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent, et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chaque partie soit à même d'organiser sa défense, et que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, de sorte qu'il ne peut retenir dans sa décision que les moyens, explications et documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
En l'espèce, l'ordonnance de clôture est intervenue le lundi 2 décembre 2019 après un avis de fixation à plaider du 9 septembre 2019.
Les conclusions n°3 de l'appelante et les pièces 16 et 20 ont été communiquées le 26 novembre 2019.
Le report de l'ordonnance de clôture a été refusé.
Les pièces 16 et 20 sont des attestations émises les 10 septembre et 4 octobre 2019 par un voisin et un entrepreneur étant intervenu sur le chantier, des photographies, des justificatifs du remboursement de la caution et l'arrêté accordant un permis de construire modificatif à M. Radi.
Les conclusions n°3 de l'appelante comprennent de nombreux développements et moyens nouveaux auxquels le conseil de l'intimée n'a pas eu le temps matériel de répondre, ne disposant que de trois jours ouvrés pour les soumettre à sa cliente, et en discuter, alors même que l'appelante était en possession des attestations depuis presque deux mois.
La violation du principe du contradictoire apparaît donc caractérisée de sorte qu'il convient de déclarer irrecevables les conclusions n° 3 de l'appelante ainsi que ses pièces 16 à 20.
Sur la demande en paiement de la société [E]
En application des dispositions de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 applicable au présent litige dans la mesure où le contrat dont se prévaut la société [E] est antérieure au 1er octobre 2016, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
L'article 1341 ancien du même code imposait la preuve littérale des actes juridiques portant sur une somme ou une valeur supérieure à 1500 euros et l'article 1347 ancien précisait que cette règle reçoit exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit, c'est à dire un acte écrit qui émane de celui contre lequel la demande est formée et rendant vraisemblable le fait allégué.
En l'espèce, aucun devis signé et accepté n'est versé aux débats.
Par contre, la société [E] produit deux mails émanant de M. Radi, gérant de la SCI Radi.
Dans le premier du 14 septembre 2016 adressé à Mme [E] et relatif à un état des lieux, le gérant de la SCI Radi indique : 'Lors de notre conversation du 9 septembre, je vous avais expliqué que Mr [E] m'avait autorisé à laisser les véhicules sur le parc extérieur car il n'avait pas terminé les travaux sur mon nouveau parc (par manque de temps et de personnel)... Demain, les travaux effectués par M. [E] devraient être terminés et je pourrai ainsi déménager les véhicules et vous laisser la place libre'.
Dans le second du 26 octobre 2017, M. Radi après avoir rappelé avoir demandé en janvier 2015 pour le terrassement de deux bâtiments un devis, ce qui n'a jamais été fait précise : '1) il n'y a qu'un seul bâtiment, 2) VRD c'est moi, 3) tranchées idem, 4) fournitures mise en oeuvre c'est encore moi, Ent [E], ont effectivement effectués le terrassement d'1 bâtiment et mis de cailloux si pour cela ils prennent un montant aussi exorbitant (je ne comprends pas ') d'autant plus qu'ils venait à temps perdu...'.
Par ces deux mails, le gérant de la SCI Radi reconnaît la réalisation de travaux de terrassement à son profit et avec son accord pour un bâtiment.
Ces deux mails qui constituent un commencement de preuve par écrit sont corroborés par le décompte de chantier récapitulant jour par jour le nom des salariés intervenus sur le chantier et la nature des travaux effectués, les récépissés de déclaration d'intention de commencement de travaux adressés par la société [E] pour le chantier [Adresse 3] aux exploitants de réseaux situés à proximité et à la mairie, les plans établis par la société L'atelier du Toit pour un projet de construction de deux bâtiments artisanaux par la SCI Radi, [Adresse 3], les attestations de six salariés de l'appelante mentionnant avoir travaillé sur le chantier à Peronnas.
L'ensemble de ces pièces permet d'établir que la société [E] a réalisé pour le compte et avec l'accord de la SCI Radi des travaux de terrassement d'un bâtiment.
Le constat d'huissier versé aux débats par la SCI ne fait que rapporter des propos du gérant de la SCI Radi et ne peut donc contredire les documents précités.
Pour autant, la société [E] ne rapporte la preuve de l'accord de la SCI que pour le poste figurant sur sa facture du 5 mai 2017 de terrassement et évacuations d'un montant de 46 494,00 euros HT soit 55 792,80 euros TTC et non sur la totalité des travaux qu'elle revendique et facture.
Il ne peut être fait droit à sa demande qu'à hauteur de cette somme, outre intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 24 octobre 2017.
Sur les autres demandes
Dans la mesure où il est fait partiellement droit à la demande de l'appelante, celle de l'intimée présentée au titre d'une procédure abusive ne saurait prospérer.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens resteront à la charge de l'intimée.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare irrecevables les conclusions n° 3 de l'appelante ainsi que ses pièces 16 à 20.
Infirme le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
Condamne la SCI Radi à payer à la société [E] la somme de 55 792,80 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2017.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne la SCI Radi aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT