AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 18/02352 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LTWR
SAS EFFICIEN'TT
C/
[O]
SARL SOCIETE PERRAUD
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 02 Mars 2018
RG : F 17/01929
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2020
APPELANTE :
SAS EFFICIEN'TT
RCS DE LYON : 529 172 397 ; Numéro SIRET : 529 172 397 000 18
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Florence FARABET ROUVIER de la SELARL AUMONT FARABET ROUVIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
[T] [O]
né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Cécile RITOUET de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON, qui est substituée par Me Rémi RUIZ FERNANDEZ de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON, à l'audience
Société PERRAUD
RCS DE LYON : B 305 188 211
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON, qui est substitué par Me Florent LABRUGERE, avocat au barreau de LYON, à l'audience
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Octobre 2020
Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Manon FADHLAOUI, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Nathalie PALLE, présidente
- Natacha LAVILLE, conseiller
- Nathalie ROCCI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Novembre 2020 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [O] (le salarié) été mis à la disposition de la société Perraud par la société Efficien'tt, entreprise de travail temporaire, en qualité d'aide emballeur moyennant un taux horaire de 9.67 euros pour y effectuer entre le 13 juin et le 08 juillet 2016 trois missions comme suit:
- du 13 au 24 juin 2016 ;
- du 25 juin au 1er juillet 2016;
- du 2 au 8 juillet 2016.
Les contrats de missions ont été conclus pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise utilisatrice.
Le 8 juillet 2016 qui correspond au dernier jour du contrat de mission renouvelée, le salarié a été victime d'un accident du travail au sein de la société Perraud.
Le 26 juin 2017, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant :
- de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;
- de condamner solidairement la société Efficien'tt et la société Perraud au paiement d'une indemnité de requalification ;
- de juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul et de condamner solidairement la société Efficien'tt et la société Perraud au paiement de diverses sommes, à titre subsidiaire de juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner solidairement la société Efficien'tt et la société Perraud au paiement de diverses sommes ;
- de condamner la société Efficien'tt et la société Perraud solidairement aux dépens.
Par jugement rendu le 2 mars 2018, le conseil de prud'hommes :
- a mis hors de cause la société Perraud ;
- a condamné la société Efficien'tt à payer au salarié les sommes suivantes :
* 1 466.55 euros au titre de l'indemnité de requalification ;
* 338.71 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 33.87 euros au titre des congés payés afférents ;
* 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
* 1 466.55 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;
* 1 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- a condamné la société Efficien'tt aux dépens.
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La cour est saisie de l'appel interjeté le 29 mars 2018 par la société Efficien'tt.
Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Efficien'tt demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros ainsi qu'aux dépens dans les conditions fixées par l'article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris sur la requalification de la relation de travail, sur la rupture produisant les effet d'un licenciement nul et sur les condamnations de la société Efficien'tt ;
- pour le surplus, d'infirmer le jugement entrepris et de condamner solidairement la société Perraud au paiement des sommes suivantes :
* 1 466.55 euros au titre de l'indemnité de requalification ;
* 338.71 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 33.87 euros au titre des congés payés afférents ;
* 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et 5 000 euros à titre subsidiaire à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 1 466.55 euros à titre de dommages- intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;
* 1 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance ;
- en ajoutant au jugement entrepris, de condamner solidairement la société Efficien'tt et la société Perraud au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.
Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées, la société Perraud demande à la cour de confirmer le jugement entrepris qui l'a mise hors de cause et de condamner M. [O] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 10 septembre 2020.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS
1 - Sur le contrat à durée indéterminée
Dans le cas d'un travail temporaire, le salarié et l'entreprise de travail temporaire, qui est son employeur, souscrivent un contrat de mission, d'une part, l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice concluent un contrat de mise à disposition, d'autre part. Aucun contrat n'est conclu entre le salarié et l'entreprise utilisatrice.
En l'espèce, M. [O] fait valoir trois moyens à l'appui de sa demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée qui reposent sur la transmission tardive des contrats de mission, sur le non-respect des règles relatives au renouvellement du contrat de mission précaire et sur l'absence de preuve d'un accroissement temporaire d'activité, étant précisé que ses moyens concernent soit la société Efficien'tt, soit la société Perraud.
1.1. Sur la transmission des contrats de mission
L'article L. 1251-17 du code du travail prévoit que le contrat de mission est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition.
Aucun formalisme n'a été imposé par le législateur pour la transmission du contrat de mission.
En l'espèce, il est constant que la mise à disposition de M. [O] auprès de la société Perraud résulte de trois contrats de mission du 13 au 24 juin 2016, du 25 juin au 1er juillet 2016 et du 2 au 8 juillet 2016, date à laquelle la mise à disposition au sein de la société Perraud a définitivement cessé.
M. [O] fait valoir que la société Efficien'tt ne lui a pas transmis les contrats de mission dans le délai de deux jours ouvrables. Il se prévaut du courriel que lui a transmis la société Efficien'tt, le 1er août 2016, lequel comprend, en pièces jointes, les trois contrats de mission pour signature.
La société Efficien'tt soutient qu'elle a transmis les contrats de mission par pli simple à M. [O] dans le délai requis à l'adresse que celui-ci avait fournie, soit au [Adresse 5] ; que M. [O] n'a jamais fait retour d'aucun contrat signé et que le courriel du 1er août 2016 précité correspond en réalité à une réédition et une réexpédition des contrats de mission.
M. [O] réplique qu'il n'a reçu aucune correspondance de l'entreprise de travail temporaire en-dehors du courriel du 1er août 2016 et que l'adresse au [Adresse 5] est erronée en ce qu'il demeure à [Adresse 7].
Il ressort des pièces du dossier que :
- les bulletins de salaire portent la mention des numéros de contrat de mission de travail temporaire mentionnés sur les contrats, d'une part, ainsi la mention de l'indemnité de précarité versée à la fin de chaque mission, d'autre part ;
- M. [O] a signé sans apporter le moindre commentaire les contrats de mission transmis par courriel le 1er août 2016 alors que ceux-ci portent l'adresse, [Adresse 5];
- il n'existe aucune pièce se présentant comme une demande de M. [O] tendant à l'envoi d'un contrat qu'il n'aurait pas reçu, étant précisé que le courriel de transmission du contrat et de ses avenants du 1er août 2016 débute comme suit: '(...) Suite à notre conversation téléphonique de ce jour (...)', ce dont il se déduit que M. [O] a attendu que la société Efficien'tt le relance au sujet du retour des contrats pour informer l'entreprise de travail temporaire qu'il ne les avait pas reçus.
La cour dit que ces éléments sont suffisants pour conclure que la société Efficien'tt a respecté son obligation relative à la transmission à M. [O] des contrats de mission dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition au sein de la société Perraud.
Le moyen tendant à la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée en raison de l'absence de transmission du contrat par le salarié dans les deux jours à compter de sa mise à disposition n'est donc pas fondé.
1.2. Sur le renouvellement du contrat de mission
M. [O] fait valoir que les avenants de renouvellement lui ont été transmis le 1er août 2016 et que ces transmissions sont intervenues alors que le contrat initial était échu.
La cour dit que contrairement à ce que soutient M. [O], celui-ci n'a pas conclu un contrat de mission renouvelé à deux reprises mais bien trois contrats de mission successifs et donc distincts.
En conséquence, le moyen soutenu n'est pas fondé.
1.3. Sur le motif de recours aux contrats de mission
En vertu de l'article L.1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
Selon l'article L.1251-6 du même code, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire seulement pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée mission pour un motif lié notamment à l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.
Il résulte de l'article L.1251-40 du même code, dans sa rédaction applicable, que le contrat de mission doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée entre le salarié temporaire et l'entreprise utilisatrice prenant effet au premier jour de la mission s'il a pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ou si sa durée totale excède dix-huit mois.
Lorsque le salarié demande la requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée avec l'entreprise utilisatrice, il appartient à cette dernière de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de mission.
En l'espèce, il est constant que les trois contrats de mission ont été tous été conclus au motif d'un accroissement temporaire d'activité.
La société Perraud produit, en pièce n°2, l'évolution de son chiffre d'affaires afférent à son client Carrier qui démontre une augmentation des commandes au cours des mois de mai et juin 2016, suivie d'une diminution au mois de juillet 2016 alors que les missions de M. [O] avaient pris fin.
Il s'ensuit que la société Perraud justifie de la réalité du motif de recours durant la mise à disposition de M. [O] qui a duré trois semaines.
Le moyen n'est donc pas fondé.
En définitive, M. [O] se trouve mal fondé en l'ensemble de ses moyens, de sorte qu'infirmant le jugement déféré, la cour le déboute de sa demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
M. [O] se trouve ainsi mal fondé en ses demandes subséquentes au titre de l'indemnité de requalification et de la rupture de la relation de travail, de sorte qu'infirmant le jugement déféré la cour l'en déboute.
2 - Sur les demandes accessoires
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par M. [O] dans les conditions fixées par l'article 699 du code de procédure civile à l'égard de la société Efficien'tt.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Perraud,
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT,
DEBOUTE M. [T] [O] de ses demandes au titre de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée,
DEBOUTE M. [T] [O] de l'intégralité de ses demandes au titre de la rupture de la relation de travail,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel,
CONDAMNE M. [T] [O] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés dans les conditions fixées par l'article 699 du code de procédure civile à l'égard de la société Efficien'tt.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE