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12/01/2021 | FRANCE | N°19/01388

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 12 janvier 2021, 19/01388


N° RG 19/01388 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MG2X















Décision du

Tribunal de Grande Instance de Lyon

Au fond du 06 février 2019



RG : 16/04912

ch 9 cab 09 G









[Z]



C/



[O]

SCP GIDON [O] BINET





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 12 Janvier 2021







APPELANT

E :



Mme [B] [Z] divorcée [C]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6] (38)

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentée par Me Christian COLOMBIER, avocat au barreau de LYON, toque : 714









INTIMÉS :



Me [Y] [O] ancien notaire associé de la SCP GIDON [O] BINET, et actue...

N° RG 19/01388 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MG2X

Décision du

Tribunal de Grande Instance de Lyon

Au fond du 06 février 2019

RG : 16/04912

ch 9 cab 09 G

[Z]

C/

[O]

SCP GIDON [O] BINET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 12 Janvier 2021

APPELANTE :

Mme [B] [Z] divorcée [C]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6] (38)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Christian COLOMBIER, avocat au barreau de LYON, toque : 714

INTIMÉS :

Me [Y] [O] ancien notaire associé de la SCP GIDON [O] BINET, et actuellement notaire au sein de la SCP CHANCEAU, GIROUX et BABIN, notaires associés à [Adresse 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 1813

Assisté de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON, toque : 719

La Société d'Exercice Libéral à Responsabilité Limitée GIBON RICHARD, venant aux droits de la SCP GIDON [O] BINET notaires associés, titulaire d'un office notarial

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 1813

Assistée de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON, toque : 719

******

Date de clôture de l'instruction : 22 Septembre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Novembre 2020

Date de mise à disposition : 12 Janvier 2021

Audience présidée par Agnès CHAUVE, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Agnès CHAUVE, président

- Florence PAPIN, conseiller

- Françoise CLEMENT, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Agnès CHAUVE, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Aux termes d'un jugement réputé contradictoire du 3 avril 1992, la chambre des urgences du tribunal de grande instance de PARIS a pris la décision suivante :

- «Condamne [M] [E] à payer à Madame [B] [Z] pour les causes énoncées, la somme de 450.000 francs (68 202,06 euros), outre intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 1991,

- Et par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le condamne en outre à payer la somme de 3.000 Francs à [B] [Z],

- Condamne [M] [E] aux dépens'»

Aux termes d'un protocole transactionnel régularisé les 12 et 30 juin 1999, M. [M] [E] s'est engagé à payer à Mme [B] [Z] à titre global, forfaitaire et transactionnel, la somme de 450 000 francs, selon les modalités suivantes :

- 150 000 francs au moyen d'un emprunt bancaire, dès libération des fonds par l'organisme prêteur,

- 2.000 francs par mois pendant 50 mois, la première échéance mensuelle payable le 5 juillet 1999, la dernière le 5 août 2003,

- 200.000 francs dans un délai maximum de 6 mois à compter de l'ouverture de la succession du dernier des survivants des parents de M. [E].

M. [M] [E] est décédé le [Date décès 3] 2000.

La succession n'a jamais été revendiquée du fait du passif et a été gérée par le service des domaines.

Le 14 février 2013, Mme [Z] a sollicité le règlement de la somme de 116 413.13 euros, augmentée des intérêts légaux, dans le cadre du règlement de la succession d'[M] [E].

La Direction Générale des Finances Publiques a confirmé la prescription de la créance de Mme [Z] depuis le 18 juin 2013 par courrier en date du 11 septembre 2014.

Après une mise en demeure du 4 mars 2015, Mme [Z] a assigné Maître [Y] [O], notaire associé, ainsi que la SCP dont il est associé, devant le tribunal de grande instance de LYON, aux fins de :

- Dire et Juger que Maître [Y] [O] a manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de Mme [B] [Z],

- Dire et juger, en conséquence, que la responsabilité de Maître [Y] [O], Notaire, est engagée à l'égard de Mme [B] [Z],

- Condamner solidairement la Société Civile Professionnelle de Notaires Karine GIDON, [Y] [O], Maxence BINET, Notaire à payer à Mme [B] [Z] une somme de 116 413 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de la perte de chance de recouvrer le montant de sa créance dans le cadre de la liquidation de la succession d'[M] [E].

Par jugement rendu le 6 février 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a pris la décision suivante :

- Déboute Mme [B] [Z] de sa demande principale,

- Déboute Maître [Y] [O] et la SCP Karine GIDON, Jérôme [O], Maxence BINET, de leur demande reconventionnelle,

- Condamne Mme [B] [Z] à verser à Maître [Y] [O] et à la SCP Karine GIDON, Jérôme [O], Maxence BINET, la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne Mme [B] [Z] à supporter les entiers dépens de l'instance.

Mme [B] [Z] a interjeté appel et demande à la cour de :

Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil (actuellement articles 1240 et 1241 du Code civil),

Vu l'article 16 de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966,

Vu l'article 16 de la loi n°2001-1168 du 31 décembre 1990,

Vu la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription et notamment l'article 26-II,

Vu l'article 2224 du Code civil,Vu l'article L111-4 du Code des procédures civiles d'exécution,

- Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 6 février 2019 :

sauf en ce qu'il a débouté Maître [Y] [O] et la Société civile professionnelle de notaires KARINE GIDON, [Y] [O], MAXENCE BINET de leur demande de dommages intérêts pour prétendue procédure abusive.

STATUANT A NOUVEAU,

- Dire et juger que Maître [Y] [O] a manqué, en sa qualité de notaire associé de la Société civile professionnelle KARINE GIDON, [Y] [O], MAXENCE BINET, à son devoir d'information et de conseil à l'égard de Mme [B] [Z] dans la mission d'assistance qu'elle lui avait confiée et qu'il avait acceptée, pour obtenir le recouvrement de sa créance à l'encontre de la succession de M. [M] [E].

- Dire et juger en conséquence que la responsabilité civile de Maître [Y] [O], Notaire, est engagée à l'égard de Mme [B] [Z].

- Condamner solidairement Maître [Y] [O], Notaire, et la Société civile professionnelle de notaires KARINE GIDON, [Y] [O], MAXENCE BINET, aux droits de laquelle vient actuellement la SELARL GIDON, RICHARD & ASSOCIES, à payer à Mme [B] [Z] une somme de 116 413 € à titre de dommages intérêts, en réparation de la perte de chance sérieuse de recouvrer le montant de sa créance dans le cadre de la liquidation de la succession d'[M] [E], dès lors qu'il est établi que l'actif de la succession aurait permis le règlement de cette créance.

- Débouter Maître [Y] [O] et la Société civile professionnelle de notaires KARINE GIDON, JERÔME [O], MAXENCE BINET, aux droits de laquelle vient actuellement la SELARL GIDON, RICHARD & ASSOCIES, de l'intégralité de leurs demandes, et notamment de leur demande reconventionnelle en dommages intérêts pour prétendue procédure abusive. WW

- Condamner solidairement Maître [Y] [O], Notaire, et la Société civile professionnelle de notaires KARINE GIDON, [Y] [O], MAXENCE BINET, aux droits de laquelle vient actuellement la SELARL GIDON, RICHARD & ASSOCIES, à payer à Mme [B] [Z] une somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner solidairement Maître [Y] [O], Notaire, et la Société civile professionnelle de notaires KARINE GIDON, [Y] [O], MAXENCE BINET, aux droits de laquelle vient actuellement la SELARL GIDON, RICHARD & ASSOCIES, aux entiers dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- elle avait sollicité Me [O] afin de la conseiller et de l'assister dans le recouvrement de sa créance à l'égard de la succession ce qu'il avait accepté,

- il lui avait donné l'assurance que sa créance serait réglée, lors de l'apurement du passif de la succession,

- il lui a confirmé la validité de sa créance et l'absence de prescription,

- son rôle de conseil résulte clairement de l'échange de mails et courriers, et dépasse le cadre amical,

- lorsqu'elle a sollicité son concours, elle était dans les délais pour dénoncer le protocole d'accord, ce délai expirant le 19 juin 2013 et revendiquer le règlement de sa créance sur la base du jugement, le délai pour solliciter l'exécution forcée expirant le 19 juin 2018,

- le notaire est responsable s'il commet une erreur de droit et ne peut se décharger sur d'autres juristes,

- Me [O] s'en est tenu à l'analyse de sa fille qui est spécialiste de droit européen et non français sans faire de recherches personnelles alors qu'il était spécialiste de droit français et de droit des successions,

- il a donné un conseil erroné à savoir d'adresser une lettre recommandée avec accusé de réception sommant les notaires des héritiers d'exécuter le protocole pour interrompre la prescription alors qu'une telle démarche n'est pas interruptive, et devait être dirigée à l'encontre du service des domaines, les héritiers n'étant pas entrés en possession,

- il n'a pas attiré son attention sur les démarches à accomplir conformément à l'article 3 en cas de non respect du protocole, et sur leur imminence en raison de la prescription,

- il n'a cessé de l'inciter à la patience,

- au vu de l'acte de partage, l'actif de la succession aurait permis de régler sa créance.

Maître [Y] [O] et la Société d'Exercice Libéral à Responsabilité Limitée GIDON RICHARD demandent à la cour de :

- Dire l'appel non fondé,

- Vu les dispositions de l'article 1382 du Code Civil,

- Dire et juger que Mme [B] [Z] est défaillante dans la démonstration d'une faute de Maître [Y] [O] directement génératrice pour elle d'un préjudice indemnisable,

- Débouter Mme [B] [Z] de ses prétentions à l'encontre de Maître [Y] [O] et de la SCP Karine GIDON, Jérôme [O], Maxence BINET, Notaire Associé,

- Condamner Mme [B] [Z] à payer à Maître [Y] [O] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Condamner Mme [B] [Z] à payer à Maître [Y] [O] et la Société d'Exercice Libéral à Responsabilité Limitée GIDON RICHARD, venant aux droits de la SCP Karine GIDON, Jérôme [O], Maxence BINET, Notaires Associés, la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SAS TUDELA & ASSOCIES, sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Il fait valoir que :

- ce n'est qu'en 2010, lors du mariage de sa fille, que Mme [Z] a demandé à Maître [O] qu'elle connaît depuis fort longtemps, qu'il suive le dossier de succession du père de son fils, [N] [E],

- la succession de M. [E], décédé depuis 2000, a suscité un nouvel intérêt aux décès des parents du défunt, car ces derniers avaient à une époque fait donation à leur fils d'immeubles en nue propriété, la succession d'[M] [E] voyant alors à son actif apparaître des biens en pleine propriété, susceptibles de dégager une valeur immédiate,

- par courriel du 8 février 2013, Maître [O] l'avait d'ailleurs alertée, à titre amical, sur le risque de prescription de sa créance, en lui conseillant de prendre conseil auprès de «juristes plus compétents», étant en outre rappelé que sa fille et son gendre sont tous deux diplômés avocats, Maître [O] n'ayant nulle vocation à être le conseiller juridique de Mme [Z],

- Maître [O] n'a commis aucune faute dans la gestion de ce dossier, ni à l'égard de son client, M. [N] [E], ni à l'égard de Mme [Z],

- elle ne rapporte pas la preuve que sa créance aurait pu être réglée dans le cadre de la liquidation de la succession.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine :

Attendu qu 'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Attendu que ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte';

Sur le fond :

Attendu qu'il appartient au demandeur à l'action en responsabilité de rapporter la preuve de l'existence et de l'étendue du mandat prétendument confié au professionnel,

Attendu qu'il résulte des pièces produites qu'à l'occasion du règlement de la succession de M. [M] [E] et de ses parents, Me [O], notaire chargé des intérêts du fils et petit fils des défunts, M. [N] [E], son client, a échangé à titre amical comme le démontre l'usage du tutoiement, des prénoms respectifs et la formule' je t'embrasse' terminant chaque message, avec la mère de ce dernier, Mme [Z], par mails et courriers, concernant une créance qu'elle prétendait détenir vis à vis de la succession de M. [M] [E], gérée jusque là par le service des domaines,

Attendu qu'il ne résulte d'aucune pièce que Mme [Z] ait été la cliente de Me [O] et que dès lors ce dernier n'était pas tenu d'une obligation de conseil à son égard,

Attendu que concernant la prescription, question toujours complexe notamment en raison de la réforme de 2008, qu'il avait évoquée et craignait, il conseille clairement et à juste titre à cette dernière, dans un mail en date du 8 février 2013, d'interroger 'des diplômés avocats dans (sa) famille proche', montrant bien que la question dépasse le domaine de ses compétences puis se range à 'la position de [D]' (fille de l'appelante) dans un mail ultérieur en date du 18 février 2013 sans entreprendre manifestement plus avant de recherches personnelles,

Attendu que compte tenu du contexte amical et gratuit de son intervention (il n'est fait état par l'appelante d'aucune rémunération), aucune faute ne peut être reprochée à Me [O],

Attendu que la décision déférée est confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [Z] de sa demande,

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Attendu que l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalente au dol dont la preuve n'est pas rapportée en l'espèce,

Attendu que Maître [Y] [O] et la Société d'Exercice Libéral à Responsabilité Limitée GIDON RICHARD sont déboutés de leur demande de ce chef,

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu que Mme [Z] est condamnée aux dépens et à payer à Maître [Y] [O] et à la Société d'Exercice Libéral à Responsabilité Limitée GIDON RICHARD la somme totale de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise,

Y ajoutant,

Condamne Mme [Z] à verser à Maître [Y] [O] et à la Société d'Exercice Libéral à Responsabilité Limitée GIDON RICHARD la somme totale de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Z] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par le conseil de la partie adverse conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 19/01388
Date de la décision : 12/01/2021

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°19/01388 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-12;19.01388 ?
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