AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/00369 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MEPZ
[N]
C/
Société CATESSON
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 17 Décembre 2018
RG : 16/02538
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 29 JUIN 2022
APPELANT :
[O] [N]
né le 15 Avril 1985 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société CATESSON
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Olivia LONGUET, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Avril 2022
Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [O] [N] a été embauché par la société Catesson-Transports suivant contrat de travail à durée indéterminée, le 26 janvier 2015, en qualité de conducteur routier, Groupe VII, coefficient 150 de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Par courrier en date du 29 avril 2016, monsieur [N] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 12 mai 2016.
Monsieur [N] a été licencié pour faute grave, par lettre recommandée en date du 20 mai 2016
Monsieur [N] a contesté son licenciement dans une lettre du 21 mai 2016.
Par requête en date du 13 juillet 2016, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant d'annuler la mise à pied abusive du 24 au 30 avril 2016 et de condamner la société Catesson à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaires, de remboursement de frais, d'heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour violation de la législation du travail sur le temps de travail et de repos, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité de préavis de licenciement.
Par jugement en date du 17 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
- dit et jugé le licenciement pour faute grave de monsieur [O] [N] bien fondé
- dit et jugé la mise à pied de monsieur [O] [N] du 24 au 30 avril 2016 abusive,
- condamné la société Catesson à payer à monsieur [O] [N] les sommes suivantes outre intérêts de droit à compter de la demande :
425 euros bruts au titre de la rémunération de la période de mise à pied du 24 au 30 avril 2016
42,50 euros bruts au titre des conges payés afférents,
- condamné la société Catesson à payer à monsieur [O] [N] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- fixé le salaire mensuel moyen de monsieur [O] [N] à 1 997,92 euros pour l'application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du Travail concernant l'exécution provisoire de droit,
- débouté monsieur [O] [N] du surplus de ses demandes,
- débouté la société Catesson de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Catesson aux dépens.
Monsieur [N] a interjeté appel de ce jugement, le 17 janvier 2019.
Il demande à la cour :
Sur l'exécution du contrat de travail:
statuant à nouveau :
- de prononcer la nullité de la mise à pied abusive du 24 au 30 avril 2016,
- de condamner la société Catesson Transports à lui verser les sommes suivantes:
437,24 euros bruts au titre de la rémunération de la mise à pied du 24 au 30 avril 2016,
43,72 euros au titre de congés payés afférents,
subsidiairement :
425 euros bruts au titre de la rémunération,
42,50 euros bruts au titre de congés payés afférents,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes suivantes :
Rappels de salaire au taux conventionnel : 1 590,59 euros bruts
Congés payés afférents : 159,06 euros bruts
Rappel de remboursement de frais de route : 1 247,26 euros nets
Rappel d'indemnités conventionnelles de repas unique nuit : 1 188,64 euros nets
Rappel d'heures supplémentaires non rémunérées : 813,36 euros bruts
Congés payés afférents : 81,34 euros bruts
Remboursement de retenues illégales en février 2015 et mars 2016 : 180 euros nets
Dommages et intérêts pour violation de la législation sur la durée du travail, le temps de repos et les amplitudes horaires : 1 000 euros nets
- de fixer son salaire brut mensuel à la somme de 2429,45euros bruts, subsidiairement à 2 322,04 euros bruts
Statuant à nouveau, de condamner la société Catesson-Transports à lui payer :
Rappels de salaire au taux conventionnel : 1 590,59 euros bruts
Congés payés afférents : 159,06 euros bruts
Rappel de remboursement de frais de route : 1 247,26 euros nets
Rappel d'indemnités conventionnelles de repas unique nuit 1 188,64 euros nets
Rappel d'heures supplémentaires non rémunérées : 813,36 euros bruts
Congés payés afférents : 81,34 euros bruts
Remboursement retenues illégales en février 2015 et mars 2016 : 180 euros nets
Dommages et intérêts pour violation de la législation sur la durée du travail, le temps de repos et les amplitudes horaires : 1 000 euros nets
- de fixer son salaire brut mensuel à la somme de 2 429,45 eurosbruts, subsidiairement, en l'absence de rappel de salaire au taux conventionnel, à 2 322,04 euros bruts mensuels,
Sur la rupture du contrat de travail :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que son licenciement pour faute grave était bien fondé et l'a débouté de ses demandes à ce titre,
Statuant à nouveau :
- de dire que le licenciement notifié est sans cause réelle et sérieuse
- de condamner la société Catesson-Transports à lui verser les sommes suivantes :
Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois de salaire) : 1 4576,70 euros nets
Indemnité légale de licenciement : 688,34euros ,subsidiairement 657,91euros
Indemnité de préavis de licenciement : 2 429,45 euros bruts
Congés payés sur préavis : 242,95 euros bruts, subsidiairement : 2 322,04 euros bruts outre 232,20 euros bruts
Statuant à nouveau :
- de condamner la société Catesson-Transports à lui délivrer, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, les bulletins de paie et documents de fin de contrat (original de l'attestation Pôle Emploi, solde de tout compte et certificat de travail) rectifiés en fonction des condamnations prononcées,
- de se réserver le droit de liquider l'astreinte,
- de dire que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal, à compter de la saisine de la juridiction
- de dire que les condamnations de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal, à compter de la notification de la décision à intervenir
- de condamner la société Catesson-Transports à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner la société Catesson-Transports aux dépens de d'instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Sophie Chatagnon.
La société Catesson demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement pour faute grave de monsieur [N] bien fondé et a débouté ce dernier des demandes indemnitaires correspondantes
à titre subsidiaire, si, par extraordinaire, la cour de Céans venait à juger que le licenciement de monsieur [N] ne repose pas sur une faute grave,
- de dire que le licenciement de monsieur [N] repose sur une cause
réelle et sérieuse
- de fixer les créances de ce dernier aux sommes suivantes :
indemnité de préavis : 2 239,18 euros, outre 223,91 euros au titre des congés payés afférents
indemnité de licenciement : 635,66 euros
à titre infiniment subsidiaire, si, par extraordinaire, la cour de Céans venait à juger le licenciement de monsieur [N] dénué de cause réelle et sérieuse,
- de réduire sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse à de très strictes proportions
- de fixer les créances de monsieur [N] aux sommes suivantes :
indemnité de préavis : 2 239,18 euros, outre 223,91 euros au titre des congés payés afférents
indemnité de licenciement : 635,66 euros
en tout état de cause, de fixer le salaire mensuel brut de monsieur [N] à la somme de 2 239,18 euros
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé abusive la mise à pied disciplinaire du 24 au 30 avril 2016 et l'a condamnée au paiement de la somme de 425 euros bruts, outre 42,50 euros au titre des congés payés afférents
- de débouter monsieur [N] de ses demandes à ce titre
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur [N] du restant de ses demandes comme étant infondées
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à régler à monsieur [N] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner monsieur [N] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 2022.
SUR CE :
Sur la demande de rappel de salaire
Il ressort des bulletins de salaire qu'un taux horaire de 9,79 euros a été appliqué à M. [N] pour la période de février 2015 à mars 2016 et un taux horaire de 10 euros en avril et mai 2016.
Le salarié se fonde sur l'avenant n°10 du 21 mars 2013 « relatif aux rémunérations conventionnelles au 1er mai 2013 » pour revendiquer un taux horaire de 10,14 euros depuis l'embauche.
Or, cet avenant vient modifier l'avenant du 21 novembre 2012 qui avait modifié en dernier lieu l'accord du 1er février 2003 relatif aux rémunérations conventionnelles dans les entreprises de transport de déménagement, lequel ne s'applique pas à la société Catesson.
Le taux horaire appliqué à M. [N] de février 2015 à décembre 2015 inclus est bien conforme à l'article 1er de l'accord du 19 décembre 2012 dont relevait la société Catesson pour cette période.
L'annexe de l'accord du 3 novembre 2015 relatif aux rémunérations conventionnelles à compter du 1er janvier 2016 a porté à 10 euros le taux horaire à l'embauche (moins de deux ans d'ancienneté) des ouvriers roulants et sédentaires au coefficient 150 M.
M. [N] peut donc prétendre à la différence entre le salaire qu'il aurait dû percevoir sur la base du taux horaire de 10 euros et celui qui lui a été réglé en janvier, février et mars 2016 sur la base du taux horaire de 9,79 euros.
(152 x 10 = 1520 x 3 = ) 4560 euros - (1488 x 3 = ) 4464 euros = 96 euros
34 x 12,5 = 425 x 3 =) 1275 euros - (416,08 x3 =) 1 248,24 = 26,76 euros
total : 122,76 euros.
Il convient de condamner la société Catesson à payer à M. [N] un rappel de salaire de 122,76 euros bruts et une indemnité de congés payés afférente de 12,27 euros.
Sur le remboursement de frais de route
Le salarié produit des listes mensuelles de frais réels à son nom, dont on ne connaît pas l'origine, reprenant pour chaque jour du mois les frais qu'il aurait exposés.
Il fait valoir que, le montant des frais figurant sur ces listes étant supérieur à celui des frais qui lui ont été remboursés, tels qu'ils apparaissent sur les bulletins de salaire des mois correspondants, par exemple mai 2015 : 535,13 euros sur la liste des frais 'réels' et 441,21 euros sur le bulletin de salaire de mai 2015, il est en droit de réclamer la différence.
L'employeur verse aux débats les feuilles de synthèse mensuelles de M. [N] reprenant les frais quotidiennement exposés montrant que les indemnités dûes pour chaque mois au titre des Ccrt, repas midi, repas soir, nuit sont conformes aux sommes inscrites sur les bulletins de salaire sur la ligne des frais.
Il justifie avoir payé à M. [N] en décembre 2015 une somme à titre de rappel de remboursement de frais pour la période de juin à novembre 2015 et régularisé en février 2016 des frais de route du mois précédent.
Les feuilles de synthèse faisant foi, la créance revendiquée par M. [N] n'est pas certaine et sa demande doit être rejetée.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
La cour n'est pas saisie de la demande de communication de pièces qui n'a pas été reprise au dispositif des conclusions.
Sur la demande de rappel d'indemnités conventionnelles de repas unique de nuit
L'indemnité de repas est prévue par l'article 3 du protocole frais de déplacement du 30 avril 1974 pour les conducteurs qui sont obligés de prendre un ou plusieurs repas hors de leur lieu de travail, notamment lorsqu'ils effectuent un service dont l'amplitude couvre intégralement les périodes comprises entre 18 heures 45 et 21 heures 15.
L'article 12 de ce même protocole concernant le 'cas particulier des services de nuit' prévoit qu'une indemnité de casse-croûte est dûe au personnel assurant un service comportant au moins 4 heures de travail effectif entre 22 heures et 7 heures, cette indemnité étant dûe pour chaque service pour lequel le salarié ne perçoit pas déjà d'indemnité.
Il résulte de ces dispositions que l'indemnité de repas unique de nuit n'est pas dûe dès lors que le salarié a déjà bénéficié pour le même service de l'indemnité de repas qui lui a été versée en application de l'article 3 du protocole et que la demande de M. [N] n'est pas justifiée.
Il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté ce chef de demande.
Sur la demande en paiement d' heures supplémentaires
L'article D. 3312-41 du code des transports dans sa version applicable à la présente relation de travail énonce que la durée hebdomadaire du travail est calculée sur une semaine et que la durée hebdomadaire de travail des personnels roulants peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine, sans pouvoir dépasser trois mois, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent.
Le salarié fait valoir qu'il a effectué 52,34 heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées en juillet, août, octobre 2015 et janvier, avril, mai 2016 et sollicite un rappel de salaire de 813,36 euros à ce titre.
L'employeur soutient que le décompte de M. [N] est erroné en ce qu'il a calculé ses heures supplémentaires de manière hebdomadaire alors que les heures supplémentaires peuvent être calculées au mois, comme elle le pratique.
L'article V « rémunération » du contrat de travail de M. [N] produit en original par la société Catesson stipule que la rémunération, à périodicité mensuelle, de Monsieur [N] [O] est fixée comme suit :elle s'élève actuellement à 1696,12 euros pour 169 heures (pour les conducteurs en courte distance).
M. [N] produit la copie d'un contrat de travail portant la même date, lequel contient à l'article V la clause suivante :
La rémunération, à périodicité mensuelle, de Monsieur [N] [O] est fixée comme suit :
Elle s'élève actuellement à 2 179,14 euros pour 186 heures à laquelle 's'ajoutera' six indemnités de grand déplacement d'un montant de 54,83 euros chacune .
Le dirigeant de la société Catesson justifie avoir déposé plainte le 7 avril 2017 contre M. [N] pour avoir produit devant le conseil de prud'hommes un faux contrat de travail, en falsifiant la clause V de ce contrat.
Les bulletins de salaire des mois litigieux montrent qu'ont été réglées à M. [N] :
- en juillet 2015 : 34 heures supplémentaires majorées de 25 %
- en août 2015 : 34 heures supplémentaires majorées de 25 %
- en octobre 2015 : 13,35 heures supplémentaires majorées de 25 %
- en janvier 2016 : 34 heures supplémentaires majorées de 25 %
- en avril 2016 : 34 heures supplémentaires majorées de 25 %
- en mai 2016 : 17 heures supplémentaires majorées de 25 %.
Les feuilles de calcul des heures conducteurs produites par M. [N] font apparaître :
- en juillet 2015 : 188,40 heures de travail effectif
- en août 2015 : 157,09 heures de travail effectif
- en octobre 2015 : 203,16 heures de travail effectif
- en janvier 2016 : 166,43 heures de travail effectif
- en avril 2016 : 142,55 heures de travail effectif.
Toutefois, ces tableaux dont on ne connaît pas l'origine n'ont pas de valeur probante.
Les feuilles de synthèse d'activité produites par la société Catesson font apparaître :
- en juillet 2015 : 180,38 heures de travail effectif (temps de conduite plus temps de travail)
- en août 2015 : 149,80 heures de travail effectif
- en octobre 2015 : 165 heures de travail effectif
- en janvier 2016 : 156,47 heures de travail effectif
- en avril 2016 : 142,37 heures de travail effectif
- en mai 2016 : 50,62 heures de travail effectif.
Ainsi, au vu des feuilles de synthèse de l'employeur faisant foi, 34 heures supplémentaires au taux majoré ont été réglées au salarié pour les mois litigieux, même quand son temps de travail était inférieur à 186 heures (152 heures plus 34 heures), sauf en octobre 2015 et mai 2016, et il n'est pas démontré que des heures supplémentaires ont été effectuées par M. [N] qui ne lui ont pas été rémunérées.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rappel d'heures supplémentaires.
Sur la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire
Aux termes des articles L.1333-1 et L.1333-2 du code du travail, le juge prud'homal peut, au vu des éléments retenus pour prendre la sanction fournis par l'employeur et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée, ou disproportionnée à la faute commise.
En l'espèce, M. [N] a été sanctionné le 7 avril 2016 d'une mise à pied disciplinaire de 5 jours exécutée du 25 au 29 avril 2016 au motif qu'il avait gravement endommagé son tracteur (casse de la vitre du rétroviseur droit cassée, enfoncement du pourtour de la vitre droite et gauche) 'au lieu de casser simplement la vitre, vous vous êtes acharné'.
La société verse aux débats :
- le règlement intérieur applicable dans l'entreprise et les preuves de dépôt et de publicité afférentes, lequel prévoit dans l'échelle des sanctions la mise à pied disciplinaire d'une durée maximale d'une semaine
- l'attestation de M. [X], agent d'exploitation, qui indique que, le 8 mars 2016, M. [N] l'ayant informé que son tracteur s'était verrouillé alors que les clefs étaient restées sur le contact, il lui a proposé « de briser la vitre passager afin de pouvoir récupérer les clés sur le contact; c'est une proposition que nous faisons à nos conducteurs pour leur permettre de pouvoir se dépanner plus rapidement (...) Ce n'est absolument pas une obligation. Lorsque j'ai proposé ce choix à M. [N], il n'a pas refusé et ne m'a pas informé de sa difficulté à casser la vitre, sinon je lui aurais proposé le dépannage'.
Le salarié produit une lettre datée du 21 mai 2016 qu'il affirme avoir envoyée à son employeur au lendemain de son licenciement, ce que ce dernier conteste, dans laquelle il explique notamment « (...) je n'avais pour l'ouvrir et sur consignes de vos services qu'une pierre, qui a ricoché à plusieurs reprises avant de parvenir à briser la vitre ».
Dans la mesure où c'est l'employeur lui-même qui a proposé à M. [N] de casser la vitre, il n'est pas fondé à lui reprocher ensuite d'avoir, en procédant de la sorte, causé au camion, des dégâts plus importants que le simple bris de vitre, en considérant qu'il aurait dû informer sa hiérarchie de ses difficultés et demander l'intervention d'un dépanneur dont le coût aurait été moindre que celui des réparations qui ont dû être effectuées.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a annulé la sanction disciplinaire et condamné la société à rembourser à M. [N] la retenue effectuée sur son salaire à hauteur de 425 euros bruts, outre l'indemnité de congés payés afférents.
Sur la demande fondée sur la violation des règles relatives à la durée du travail, aux temps de repos et aux amplitudes horaires
En application de l'article L. 3312-1 du code des transports, lorsqu'un salarié appartenant au personnel roulant d'une entreprise de transport routier est un travailleur de nuit ou lorsqu'il accomplit, sur une période de vingt-quatre heures, une partie de son travail dans l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures, sa durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures.
Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, on ne connaît pas l'origine des tableaux de calcul des heures conducteur sur lesquels se fonde le salarié pour affirmer que la société n'a pas respecté ces dispositions, car il aurait travaillé plus de dix heures certains jours, bien qu'ayant effectué une partie de son travail ces mêmes jours entre 24 heures et 5 heures, de sorte que ces tableaux n'ont pas de valeur probante.
L'employeur justifie par ailleurs de ce que la méthode de calcul des heures de travail telle qu'énoncée dans les conclusions de M. [N] est erronée.
C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts formée par M. [N] de ce chef.
Sur le licenciement
En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L.1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la période de préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en apporter la preuve.
La lettre de licenciement du 20 mai 2016 est rédigée en ces termes :
'Le mardi 12 avril 2016, lors de la livraison d'un client à SAINT EGEVE, vous avez éclaté un pneu. Vous avez appelé [K] [T], exploitant, pour qu'il vous donne la marche à suivre.
Les consignes de Monsieur [T] étaient très claires : vous deviez vous mettre à l'arrêt et appeler RENAULT 24 afin qu'il vous dépanne.
Vous n'aurez ensuite aucun autre contact avec [K] avant deux SMS à 4 heures 55 et 4 heures 57 indiquant que vous n'aviez pas réussi à joindre RENAULT 24, que le semi avait été mis à quai et que vous aviez éclaté deux pneus.
La semi ayant été ramenée à notre dépôt, nous avons pu constater les dégâts engendrés lors des réparations faites par notre mécanicien le 29 avril 2016 :
- deux pneus éclatés,
- deux moyeux endommagés devant être changés,
- disque de frein chauffé,
- plaquette de frein chauffée.
Lors de votre entretien, j'ai émis un doute sur le fait que vous ayez appelé RENAULT 24 sans parvenir à les joindre. Vous reconnaissez « le service est payant, avec mon téléphone c'est difficile' ».
Vous vous défendez en arguant avoir voulu livrer le client dans les temps, mais c'est aucunement ce qui vous a été demandé.
L'éclatement d'un pneu est indépendant de votre volonté et c'est un des aléas du métier, nos clients en sont informés. À partir du moment où vous avez éclaté, vous alliez être en retard. Avoir une heure quinze de retard ou deux heures trente-neuf n'avait aucune importance pour nos clients, c'est bien pour cette raison que [K] vous a donné l'ordre d'attendre le dépannage RENAULT 24.
Il est clair que vous avez délibérément choisi de ne pas respecter les ordres du service d'exploitation tout en sachant que conduire 60 kilomètres avec un pneu éclaté allait engendrer la casse du matériel.
Nous chiffrons la réparation à 6 000 euros, les faits sont graves, vous ne respectez pas les consignes données et vous détériorez du matériel, engendrant un coût financier important pour la société.
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous vous reprochons de tels faits :
vous avez été embauché le 26 janvier 2015 et vous avez déjà un dossier disciplinaire important :
- non rendu de documents administratifs,
- avertissement écrit pour une conduite sans temps de coupure et excès de vitesse,
- mise à pied disciplinaire pour détérioration d'un tracteur.
Certes, ces faits ont été sanctionnés mais cela démontre que votre comportement ne change pas malgré les sanctions et la gravité des faits s'accentue. Le non-respect des consignes données et la détérioration volontaire importante de votre camion sont constitutifs d'une faute grave. Votre comportement fautif rend impossible la poursuite de votre contrat de travail et ce même pendant le préavis.
Par conséquent, vous êtes licencié pour faute grave, sans préavis, ni indemnité de rupture. Celui-ci prendra effet dès l'envoi de cette lettre au 20 mai 2016'.
M. [T] cité dans la lettre de licenciement atteste que M. [N] l'a appelé le 12 avril 2016 vers 2h50 pour l'informer qu'un pneu de sa semi avait éclaté et qu'il lui a donné la consigne précise d'immobiliser son ensemble et d'appeler l'assistance Renault 24 dont il lui a donné le numéro. Il ajoute que M. [N] l'a ensuite informé par sms à 4 heures 55 qu'il avait continué sa mission malgré son ordre d'immobilisation de l'ensemble et qu'un autre pneu avait éclaté.
La lecture des messages téléphoniques écrits produits par M. [N] montre que l'agent d'exploitation a bien transmis au salarié à 2h52 le numéro d'assistance à contacter, qu'à 4h55 M. [N] lui a écrit : j'arrive pas à les avoir la remorque e(s)t à quai à calberson [Localité 5] je fait ma coupure et je passe au dépôt cet après-midi. Les deux pneus arrière droit ont éclaté » que M. [T] lui a répondu à 4h56 : Ok, puis lui a écrit à 9h24 : c'est quelle semi que je puisse faire intervenir quelqu'un .
Il ressort du compte-rendu de l'entretien préalable au licenciement du 12 mai 2016 rédigé par M. [H], délégué syndical qui a assisté M. [N], que ce dernier a déclaré qu'il n'arrivait pas à joindre l'assistance Renault 24 et a demandé à M. [T] de les appeler, mais que, n'ayant jamais été rappelé, il avait continué et était arrivé chez le client à 4 heures 30.
Au cours de ce même entretien, le dirigeant de l'entreprise a indiqué que les deux moyaux avaient dû être changés et que le coût approximatif des avaries s'élevait à 2 000 euros.
M. [H] assistant le salarié a fait observer à l'employeur : il est surprenant de constater que les deux pneus crevés n'ont pas déjanté, et que les jantes ne sont pas endommagées. Le semi-remorque était léger (chargé en messagerie à moins de demi-charge).La dégradation volontaire ne me semble pas avérée, et je ne vois pas vraiment d'avarie aux moyeux concernés.
L'employeur a répondu que les moyeux avaient chauffé d'après le mécanicien de l'entreprise, ce qui avait imposé le remplacement de ces pièces.
M. Catesson, directeur technique de la société Catesson atteste qu'après l'incident du 12 avril 2016, le semi-remorque du salarié a été rapatrié dans leurs ateliers et que l'inventaire a été fait « des dommages sur le semi avec notre mécanicien poids lourd, Mr [B] [J]. Le coût des réparations a été estimé à environ 6 000 euros ».
Le véhicule a été ensuite vendu 'dans l'état freinage HS' pour le prix de 2 000 euros, de sorte que la société Catesson ne démontre pas quel a été le coût réel de la réparation.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'employeur établit que le salarié n'a manifestement pas respecté sa consigne d'avoir à contacter le service de dépannage, ce qui impliquait d'immobiliser le camion et d'attendre l'arrivée de celui-ci, qu'il a continué à rouler avec un pneu crevé, si bien qu'un autre pneu a éclaté et qu'il n'en a informé l'employeur qu'une fois arrivé à quai, deux heures après son premier appel téléphonique, ce qui constitue une faute professionnelle.
La mise à pied disciplinaire du 7 avril 2016 étant annulée, il n'y a pas lieu d'en tenir compte pour apprécier la gravité du fait reproché.
Mais M. [N] avait déjà reçu un avertissement le 9 octobre 2015 au motif qu'il avait commis des infractions pénales lors de sa conduite.
Compte-tenu de ce précédent disciplinaire, la faute commise par M. [N] le 12 avril 2016 justifiait que son licenciement soit prononcé, non pour faute grave, mais pour cause réelle et sérieuse.
Dans ces conditions, il convient de condamner la société Catesson à payer à M. [N] les indemnités suivantes, sur la base d'un salaire mensuel moyen des trois derniers mois de 2 322,04 euros, selon le calcul présenté par le salarié :
- 688,34 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 2 322,04 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis d'un mois, outre la somme de 232,20 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents.
Il convient de condamner la société Catesson à délivrer à M. [N] ses documents de fin de contrat rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation du prononcé d'une astreinte.
M. [N] obtenant partiellement gain de cause en son recours, la société Catesson doit être condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [N] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [N] en paiement d'un rappel de salaire conventionnel, d'une indemnité légale de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,
CONDAMNE la société Catesson à payer à M. [N] les sommes suivantes :
- 122,76 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les mois de janvier, février et mars 2016 et 12,27 euros à titre d'indemnités de congés payés afférents
- 688,34 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
- 2 322,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis d'un mois, outre la somme de 232,20 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents
DIT que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2016, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation
CONDAMNE la société Catesson à remettre à M. [N] ses documents de fin de contrat rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt
REJETTE la demande d'astreinte
CONDAMNE la société Catesson aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Chatagnon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
CONDAMNE la société Catesson à payer à M. [N] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE