AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/05185 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MP7S
[D]
C/
Fondation RECHERCHE HANDICAP ET SANTE MENTALE (ARHM)
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon
du 11 Juillet 2019
RG : F 18/02004
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 29 JUIN 2022
APPELANTE :
[W] [D]
née le 06 Janvier 1981 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Sofia SOULA-MICHAL de la SELARL CABINET ADS - SOULA MICHAL- MAGNIN, avocat au barreau de LYON substituée par Me Annabelle COASSY, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Fondation RECHERCHE HANDICAP ET SANTE MENTALE (ARHM)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Marylène ROUX, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Mars 2022
Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame [W] [D] a été embauchée par la fondation Action et recherche handicap et santé mentale (ARHM) dénommée Centre Hospitalier [4], suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 23 octobre 2014 au 11 février 2015, en qualité de psychologue, afin de remplacer Madame [S] [P] absente à la suite de son congé maternité.
D'autres contrats de travail à durée déterminée pour motif de remplacement de salariées absentes ont été consentis à Mme [D] sur la période du 13 février 2015 au 21 décembre 2017.
La relation de travail était soumise aux dispositions de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de garde à but non lucratif (FEHAP).
Elle a pris fin au terme du dernier contrat, le 21 décembre 2017.
Par requête en date du 5 juillet 2018, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de prononcer la requalification de l'intégralité des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, de dire que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner la Fondation Centre Hospitalier [4] à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire,indemnité de requalification, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congé payés afférents et dommages et intérêts pour remise de documents Pôle emploi erronés.
Au dernier état de la procédure devant le conseil de prud'hommes, Mme [D] a sollicité en outre l'allocation de dommages et intérêts 'liés à l'absence d'embauche sous contrat à durée indéterminée'.
Par jugement en date du 11 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a :
- déclaré irrecevables les demandes de Mme [W] [D] portant sur les contrats de travail à durée déterminée conclus antérieurement au 5 juillet 2016,
- dit que le contrat de travail à durée déterminée de Mme [W] [D] conclu le 4 octobre 2017 est licite et n'ouvre pas droit à requalification,
En conséquence,
- débouté Mme [W] [D] de l'ensemble de ses demandes
- condamné Mme [W] [D] aux éventuels entiers dépens,
- débouté la Fondation ARHM de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [D] a interjeté appel de ce jugement, le 20 juillet 2019.
Madame [W] [D] demande à la cour :
- de prononcer la requalification de l'intégralité des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée;
- de dire que la rupture du contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
- de condamner la Fondation Action et Recherche Handicap et Santé Mentale à lui verser les sommes suivantes :
723 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er août au 25 août 2015 au titre de laquelle elle devait être considérée en contrat à durée indéterminée et donc rémunérée, outre 72,3 euros au titre des congés afférents;
3 000 euros à titre d'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée;
12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
1 354 euros à titre d'indemnité de licenciement;
1 735 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
173,5 euros au titre de congés payés afférents;
2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise des attestations pôle emploi erronées;
10 000 euros à titre de dommages et intérêts liés à l'absence d'embauche sous contrat de travail à durée indéterminée.
- d'ordonner la remise d'une attestation pôle emploi rectifiée,
- d'ordonner la remise d'autant de bulletins de salaire que de mois concernés par le rappel de salaire sollicité.
- de condamner la Fondation Action et Recherche Handicap et Santé Mentale à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la Fondation Action et Recherche Handicap et Santé Mentale aux entiers dépens de l'instance.
Elle soutient :
- que l'ensemble des contrats de travail à durée déterminée doivent être requalifiés en un contrat à durée indéterminée, s'agissant d'une succession irrégulière de contrats à durée déterminée, d'une part car la Fondation n'a pas respecté ses obligations légales en ne précisant pas la qualification professionnelle du salarié remplacé, d'autre part car sur la période du mois d'octobre 2017, elle a travaillé sans régularisation d'un contrat de travail écrit
- qu'elle a adressé de nombreuses candidatures à la Fondation afin d'intégrer de manière pérenne les effectifs de celle-ci, mais n'a reçu aucune réponse positive, bien qu'elle ait toujours donné entière satisfaction dans l'accomplissement de ses missions et que des offres d'emplois de psychologue aient régulièrement été publiées par l'employeur, et que ce refus l'a maintenue de manière illégale dans la précarité pendant 3 ans.
La Fondation Action et Recherche Handicap et Santé Mentale demande à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement qui a débouté Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner Mme [D] au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Elle soutient :
- qu'en raison de la prescription biennale issue de l'article L 1471-1 du code du travail courant à compter de la date de conclusion de chaque contrat la demande de Mme [D] est prescrite
- que le contrat régularisé visait expressément la fonction occupée par la salariée remplacée et que, dès lors que la fonction de 'psychologue' correspond à un emploi-repère de la convention collective, cette seule mention emporte renvoi à une qualification professionnelle
- que l'allégation selon laquelle Mme [D] a occupé un poste en octobre 2017 en l'absence de tout contrat écrit est erronée puisque les parties ont dûment ratifié un contrat couvrant la période litigieuse
- que le personnel sous contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucune priorité d'accès aux emplois sous contrat à durée indéterminée et que la salariée ne démontre aucun agissement fautif de sa part.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2022.
SUR CE :
Sur la recevabilité de la demande
Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Lorsque l'action aux fins de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, le délai court à compter de la conclusion du contrat.
En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que l'association a consenti à Mme [D] six contrats à durée déterminée successifs et deux avenants de renouvellement afin de pourvoir au remplacement de deux salariées absentes, en raison de leur congé maternité et de leur congé parental.
La salariée soutenant que les six contrats de travail sont irréguliers en ce qu'ils ne mentionnent pas la qualification professionnelle des salariées remplacées, le point de départ du délai de prescription de son action a pour point de départ la conclusion de chacun de ces contrats.
Ainsi, à la date de la requête du 5 juillet 2018, l'action en requalification de Mme [D] était prescrite pour les contrats conclus le 23 octobre 2014, le 13 février 2015, le 26 août 2015, le 16 décembre 2015 et le 15 juin 2016.
Le jugement qui a déclaré irrecevables les demandes aux fins de requalification des contrats ou avenants allant du 23 octobre 2014 au 29 septembre 2017 sera confirmé.
Sur le fond
L'article L1242-2 du code du travail énonce que, sous réserve des dispositions de l'article L1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas qu'il énumère, dont celui du remplacement d'un salarié absent (1°).
En application de l'article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Il comporte notamment le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu au titre des 1°, 4° et 5° de l'article L1242-2.
Le contrat à durée déterminée en date du 4 octobre 2017 est ainsi rédigé :
« objet du contrat : remplacement de Madame [S] [P], psychologue, en congé parental ».
Mme [D] sollicite la requalification de ce contrat au motif 'qu'il n'est nullement fait état de la qualification professionnelle de Mme [P]' en faisant valoir devant la cour que le conseil de prud'hommes a estimé à tort que la classification conventionnelle renvoyant à un emploi 'repère' correspondant au coefficient '598" était satisfactoire.
Elle n'invoque toutefois aucun moyen de droit permettant de remettre en cause le jugement sur ce point, alors que le contrat mentionne que la personne remplacée est psychologue et qu'il résulte de la fiche de classification produite par l'employeur que le métier de psychologue appartient au regroupement des cadres de santé et est positionné au coefficient 518 de la convention collective nationale des établissements de cure et de garde à but non lucratif, de sorte que le poste de psychologue occupé par la personne remplacée relève également de la qualification professionnelle de psychologue.
Par ailleurs, la salariée ne démontre pas que le contrat du 4 octobre 2017, signé par les deux parties, était anti-daté.
Le jugement qui a rejeté la demande aux fins de requalification de ce contrat à durée déterminée et les demandes en paiement consécutives doit être confirmé.
Mme [D] soutient que la Fondation ne lui a pas remis d'attestation Pôle emploi conforme comportant sa durée d'emploi réelle, à savoir la période du 23 octobre 2014 au 21 décembre 2017, et elle sollicite l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi de ce chef.
Dans la mesure où les contrats de travail à durée déterminée n'ont pas été requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée, cette demande n'est pas fondée et doit être rejetée.
La demande aux fins de remise des bulletins de salaire est sans objet, aucune condamnation en paiement d'un rappel de salaire n'étant prononcée par le présent arrêt.
L'article L. 1243-5 du code du travail prévoit que le contrat de travail à durée déterminée cesse de plein droit à l'échéance du terme.
Les employeurs ne sont tenus d'aucune obligation légale de conclure un contrat à durée indéterminée avec un salarié précédemment embauché par contrat à durée déterminée.
Les pièces versées aux débats par Mme [D] ne permettent pas de démontrer que le fait pour l'employeur de ne pas avoir consenti à celle-ci un contrat de travail à durée indéterminée au terme du contrat du 4 octobre 2017 présentait un caractère abusif.
Aucune faute de l'employeur n'étant établie, il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par Mme [D], le jugement étant confirmé sur ce point.
Mme [D] dont le recours est rejeté sera condamnée aux dépens d'appel.
Pour des raison d'équité, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge les frais irrépétibles d'appel exposés par la Fondation.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement
CONDAMNE Mme [D] aux dépens d'appel
REJETTE la demande de la Fondation Recherche Handicap et Santé Mentale fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE