N° RG 18/01861 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LSRT
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond du 06 février 2018
( 4ème chambre)
RG : 13/09258
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 30 Juin 2022
APPELANT :
M. [T] [H] [N] [F]
né le [Date naissance 1] 1967 à
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par la SELAS ZERBO, avocat au barreau de LYON,
toque : 874
INTIMEE :
SA CREDIT FONCIER DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, avocat postulant,
toque: 768
Et ayant pour avocat plaidant Me Georges JOURDE, avocat au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 02 Juin 2020
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Octobre 2021
Date de mise à disposition : 6 janvier 2022 prorogée au 10 mars 2022, 7 avril 2022, et 30 juin 2022 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Anne WYON, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Annick ISOLA, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
*****
Suivant offre du 15 août 2004, acceptée le 13 septembre 2004, la société Crédit Foncier de France (la banque) a consenti à M. [T] [F] un prêt immobilier d'un montant de 216'500 euros, remboursable sur 25 ans dont une période de différé d'amortissement de 2 ans, avec un taux d'intérêt révisable initial de 3,90 % l'an, le taux effectif global (TEG) stipulé étant de 4,46 % l'an.
Le 31 juillet 2013, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil M. [F] qui n'invoquait aucune irrégularité sur le fondement de l'article L313-1 du code de la consommation dans sa version applicable à la date du contrat, a fait assigner la banque devant le tribunal de grande instance de Lyon afin, en substance, que le TEG soit déclaré nul, que la banque soit déclarée responsable de son préjudice pour avoir manqué à son obligation d'information et de conseil, ainsi qu'en raison de l'échec de la vente du bien immobilier financé.
Par jugement du 6 janvier 2018, le tribunal a déclaré ses demandes irrecevables et l'a condamné à payer à la banque la somme de 252'318,80 euros au titre du solde du prêt avec intérêts au taux légal à compter du jugement et celle de 77'102,28 euros au titre de l'indemnité contractuelle et 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 12 mars 2018, M. [F] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées au greffe le 27 février 2020, il demande à la cour d'infirmer ce jugement, et de :
- déclarer recevable sa demande de nullité des intérêts conventionnels
- juger que l'indexation du taux d'intérêt sur l'indice du coût de la construction assortie d'un taux révisable non capé était trompeuse et l'excluait du bénéfice de la réciprocité de la variation ;
- juger que la banque ne lui a fourni aucune notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités ;
- juger que la stipulation d'intérêts était abusive et avait pour objet ou pour effet de créer à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat,
- juger la dite clause non écrite et prononcer sa nullité,
- ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel et ordonner à la banque de produire un nouveau décompte,
- déclaré recevable et bien fondée sa demande de déchéance totale du droit aux intérêts contractuels pour violation des articles L312-7 et L 312-8 du code de la consommation en application de l'article L312-33 du même code ;
- ordonner à la banque de produire un nouveau décompte et de lui restituer les intérêts trop-perçus ;
- le déclarer recevable et bien fondé en son action en responsabilité contractuelle contre la banque ;
- juger que le Crédit Foncier de France n'a pas respecté son obligation d'information et son devoir de mise en garde ;
- juger que la banque ne lui a pas communiqué une offre de prêt accompagné d'une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités ;
- juger que le Crédit Foncier de France n'a pas respecté son obligation de contracter et d'exécuter le contrat de prêt de bonne foi ;
- condamner le Crédit Foncier de France à lui verser 50'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi et 25'000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- juger que le décompte du Crédit Foncier de France est erroné et imprécis, et le débouter de toute demande de paiement de somme supplémentaire ;
- débouter le Crédit Foncier de France de sa demande de paiement au titre de la clause pénale contractuelle de 7 %, au besoin réduire cette indemnité à un euro symbolique;
- enjoindre au Crédit Foncier de France de verser aux débats le détail de sa créance en principal, intérêts et accessoires d'un montant total de 252'318,80 euros telle qu'indiquée dans son décompte du 6 août 2018 ;
- en toute hypothèse, condamner le Crédit Foncier de France à lui verser 6 000 euros
en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 26 mars 2020, le Crédit Foncier de France demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris ;
A titre principal :
- déclarer prescrite l'action de M. [F] en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et le déclarer irrecevable en ses demandes à ce titre ;
- déclarer prescrite l'action de M. [F] en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels et en conséquence le déclarer irrecevables en ses demandes à ce titre ;
- déclarer prescrite l'action de M. [F] en responsabilité du prêteur à raison de prétendus manquements à ses obligations d'information et devoir de mise en garde et en conséquence, le déclarer irrecevable en ses demandes à ce titre ;
- déclarer irrecevable l'action de M. [F] aux fins de voir déclarer abusive la clause d'indexation des échéances sur le coût de l'ICC, cette prétention étant nouvelle et prescrite ;
A titre subsidiaire, débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions;
En tout état de cause, le condamner à lui payer 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens dont distraction au profit de la SPE Implid Avocats, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2020.
Motivation
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
- sur la nullité de la stipulation du TEG
Au visa des articles 1907 et 1929 du code civil, M. [F] fait valoir que le taux d'intérêt du prêt du 4 août 2004 est indexé sur le taux Euribor sans que soit précisé lequel des 4 taux Euribor est applicable, cette indétermination justifiant que soit prononcée la nullité de la stipulation d'intérêts.
La banque répond que l'action en nullité est irrecevable ou mal fondée, en application de l'ordonnance du 17 juillet 2019 qui a modifié l'article L 341-48-1 du code de la consommation, lequel dispose qu'en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur. Elle ajoute que la jurisprudence antérieure à cette ordonnance prévoyait déjà cette sanction.
Les lois spéciales dérogeant aux lois générales et le contrat qui lie les parties étant soumis aux dispositions du code de la consommation, l'irrégularité alléguée doit être examinée à la lumière du code de la consommation.
Il est en effet constant que la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ne peut pas être prononcée pour sanctionner le formalisme de l'offre de prêt exigé à l'article L. 312-8 du code de la consommation.
Cependant, aucune cause d'irrecevabilité ne peut être relevée du fait d'une prétention erronée sur la sanction attachée à l'erreur alléguée, seul le rejet de ladite prétention étant encouru.
La banque soulève la prescription de l'action en nullité et fait observer que son point de départ se situe à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou à défaut, la date à laquelle le consommateur aurait pu la découvrir. Elle fait valoir que l'indétermination éventuelle de l'indice était décelable à la lecture de l'offre et ajoute que les caractéristiques financières en page 2/27 indiquent que le taux est révisable annuellement, que les conditions financières du prêt précisent en page 18/27 que les sommes prêtées porteront intérêt au taux révisable annuellement et que le même article rappelle la définition de l'Euribor.
Elle ajoute que M. [F] est chef d'entreprise et qu'il a acquis l'appartement ainsi financé pour se constituer un patrimoine dans le cadre de la loi Robien offrant des avantages fiscaux, ce qui fait de lui un consommateur averti.
Ainsi que le fait observer la banque, les caractéristiques financières du taux d'intérêt convenu entre les parties sont indiquées en page 2 du prêt et précisées dans les conditions générales en page 18. Sous le paragraphe 7 'conditions financières' apparaît la mention 'définition du taux' où il est précisé que 'le taux de base sera le taux offert pour les prêts interbancaires en euros (Tibeur, par abréviation) pour les capitaux à un an, dénommé en langue anglaise Euro Interbank Offered Rate (ou Euribor) arrondi au 10e de point supérieur et constaté le premier jour ouvré sur le marché monétaire du mois de la date anniversaire du point de départ du prêt.'
La seule lecture de l'offre permettant de constater que le taux de l'Euribor visé au contrat était le taux à 1 an, la demande de ce chef formée par assignation du 31 juillet 2013 se heurte en conséquence à la prescription.
- Sur la nullité de la stipulation d'intérêts en raison de l'indexation des mensualités sur l'indice ICC
M. [F] soutient que la clause d'indexation des mensualités de remboursement du prêt sur cet indice doit être jugée abusive du fait de l'absence de réciprocité, demande à la cour à la fois de la déclarer non écrite et de prononcer sa nullité, ce qui est contradictoire, une clause qualifiée non écrite ne pouvant être ensuite annulée.
Il cite la clause suivante : ' les charges révisables à chaque date anniversaire du point de départ du prêt sont annexées sur 50 % du taux de progression annuelle de l'indice du coût de la construction (ICC) jusqu'à l'expiration de la durée prévisionnelle, puis au-delà de cette durée sur 50 % du taux de progression de cet indice.
- ICC base 1214
Les modalités de révisabilité du taux et des charges déterminant le cas échéant une nouvelle durée, sont définies aux conditions générales ci-jointes'.
M. [F] fait valoir qu'indépendamment de la variation annuelle du taux d'intérêt contractuel, les mensualités sont recalculées par majoration de la mensualité précédente en fonction du pourcentage du taux de variation annuel de l'ICC, et que la révision à la baisse du montant de ces mensualités est expressément exclue, de sorte que la baisse du taux d'intérêt contractuel ou même de l'ICC se trouve privée d'effet au préjudice de l'emprunteur, et qu'une telle clause est illicite au regard des articles L112-1 du code monétaire et financier et de l'article L212-1 du code de la consommation dans la mesure où la charge de la variation pèse uniquement sur l'emprunteur, ce qui crée un déséquilibre significatif à son détriment.
La banque répond que cette demande présentée pour la première fois en cause d'appel est irrecevable.
Elle fait observer que la conséquence des clauses de variabilité du taux d'intérêt et des échéances est mentionnée dans l'offre qui précise : « si par suite de ce calcul, le montant de la nouvelle charge se révélant inférieur à celui de l'année précédente, ce dernier serait maintenu pour la nouvelle période annuelle. Ceci est susceptible d'entraîner une réduction de la durée du prêt déterminé à l'origine. » et que cette demande se heurte en conséquence à la prescription.
M. [F] cite ses conclusions n°4 devant le juge du fond et affirme avoir déjà soulevé ce point en première instance.
S'il a effectivement fait valoir que 'la clause contenue dans la convention est donc manifestement abusive et trompeuse puisqu'elle vise à obtenir de l'emprunteur un consentement aveugle, pour le conduire à lui faire supporter une échéance manifestement inadaptée à la trésorerie dont ce dernier dispose', il résulte du dispositif des mêmes conclusions qu'il n'a pas tiré la conséquence juridique de cette affirmation dans la mesure où il n'a pas demandé au premier juge de déclarer non écrite une des clauses du contrat qu'il ne reproduisait d'ailleurs pas, mais a sollicité son annulation. La cour en déduit que cette demande, quoique mal formulée, n'est pas nouvelle ; de plus elle tend aux mêmes fins que les autres réclamations de l'appelant. Elle ne sera donc pas déclarée irrecevable.
Par arrêt du 10 juin 2021, la cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription. Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
En conséquence, la demande ne se heurte pas à la prescription.
Au fond, l'article L. 132-1 (devenu L212-1) du code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat instaure un mécanisme assurant le contrôle par le juge national de toute clause contractuelle n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle, notamment de son caractère éventuellement abusif, les clauses abusives étant réputées non écrites et le contrat restant applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. Il limite cependant ce contrôle en énonçant en son alinéa 7 « L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »
En l'espèce, le paragraphe intitulé « caractéristiques financières » qui figure en page 2 du prêt énonce que le taux révisable annuellement est initialement fixé à 3,90 % l'an, et ajoute que lors de chaque révision de ce taux une partie fixe de 2,30 % sera ajoutée au taux Euribor qui sert de base à la révision.
Il est ensuite indiqué que les charges révisables à chaque date anniversaire du point de départ du prêt sont indexées sur 50 % du taux de progression annuelle de l'indice du coût de la construction, dont le taux de base est 1214.
La suite du paragraphe renvoie aux conditions générales du prêt pour les modalités de révisabilité du taux et des charges, déterminant le cas échéant une nouvelle durée.
Le dernier paragraphe de la page 18 définit à nouveau le taux d'intérêt du prêt, reproduisant les conditions particulières de la page 2, et en page 20 des conditions générales figure la précision suivante : 'les charges ainsi recalculées ne pourront être inférieures à celle de l'année précédente. Si, à la suite de ce calcul, le montant de la nouvelle charge se révèle inférieur à celui de l'année précédente, ce dernier sera maintenu pour la nouvelle période annuelle. Ceci est susceptible d'entraîner une réduction de la durée du prêt déterminée à l'origine .'
Il en résulte sans ambiguïté que le taux d'intérêt du prêt est indexé sur le taux de l'Euribor et le calcul des mensualités sur le taux de l'ICC. L'effet des variations est également précisé, la mensualité du prêt augmentant en cas de hausse du taux, et la durée du prêt se réduisant en cas de baisse.
Il convient de relever au surplus que l'emprunteur peut également opter pour un taux fixe (p 18 in fine) à compter du premier anniversaire du point de départ d'amortissement du prêt, et ce à trois conditions cumulatives : le capital restant dû ne doit pas être inférieur à 20 % du capital emprunté, l'emprunteur doit être à jour de ses échéances, le prêt doit être intégralement réalisé et n'est pas devenu exigible. Le mode de calcul du taux fixe est ensuite exposé.
Dans ses écritures de première instance (p 33), M. [F] n'a du reste pas contesté que le taux convenu puisse évoluer à la baisse, en rappelant ses évolutions : 5,20 % en 2007, 6,40 % en 2008 et 2009, 5,40 % en 2010, 3,60 % en 2011, 3,90 % en 2012, 4,30 % en 2013, et 2,90 % en 2014 et 2015.
Les stipulations contractuelles, qui définissent l'objet principal du contrat, indiquant de manière claire et compréhensible le mode de calcul du taux d'intérêt et les conséquences de ses variations, la clause litigieuse ne sera pas déclarée abusive.
- Sur la déchéance du droit aux intérêts en raison du non-respect des articles L312-7 et 312-8 du code de la consommation
M. [F] se prévaut des dispositions de l'article L312-8 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat, aux termes desquelles (2° ter) selon lui, en cas de prêt à taux variable, le prêteur doit remettre à l'emprunteur une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités.
La banque répond que cette disposition a été introduite à l'article L312-8 du code de la consommation en 2008 et n'était pas prévue lors de la souscription du prêt.
En effet, dans sa rédaction applicable du 13 avril 1996 au 5 janvier 2008, ce texte précisait in fine: ' toutefois, cette obligation n'est pas applicable aux prêts dont le taux d'intérêt est variable, dès lors qu'a été remise à l'emprunteur, avec l'offre préalable, une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux'.
Il a été rappelé ci-avant que les conditions générales du contrat indiquent avec précision les conditions et modalités d'évaluation du taux, de sorte que la demande formée par M. [F] sur le fondement de l'article L312-8 du code de la consommation ne peut qu'être rejetée.
- Sur l'action en responsabilité contractuelle au titre d'un manquement au devoir d'information et de mise en garde
M. [F] affirme qu'il ne disposait pas les éléments nécessaires au regard de ses connaissances pour engager la responsabilité contractuelle du Crédit Foncier de France sur ce point avant la réception des courriers que lui a adressés la banque du 18 mars et 7 avril 2009, dans lesquels elle lui a expliqué les modalités de calcul du taux applicable et la modification des mensualités en fonction de l'évolution du coût de la construction.
M. [F] rappelle que le Crédit Foncier de France a reconnu sa culpabilité sur l'illicéité des clauses intégrées dans ses contrats de prêt et cite une décision rendue par le tribunal de Créteil sur reconnaissance préalable de culpabilité de cette banque poursuivie sur le fondement de pratiques commerciales trompeuses sur les qualités substantielles de prêts par elle commercialisés. Il ajoute que le 12 novembre 2009, un protocole a été conclu entre une association de consommateurs, un collectif des clients abusés par cette banque et cette dernière aux termes duquel il était notamment proposé aux emprunteurs une option de passage à taux fixe bonifié ou un cap de taux en fonction du crédit souscrit. Il précise qu'il ressort des informations livrées par la presse que la banque aurait accepté d'indemniser plus de 1700 clients à hauteur d'une somme totale de 20 millions d'euros, et qu'il est justifié à réclamer en réparation de son préjudice la somme de 50'000 euros au titre de son préjudice financier et celle de 25'000 euros au titre de son préjudice moral.
La banque répond que le dommage résultant d'une obligation contractuelle d'information ou de mise en garde se manifeste dès l'octroi du crédit et soulève la prescription de l'action.
Il résulte de l'article 2224 du code civil que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement (cf Cour de cassation, 1ère Civ., 5 janvier 2022 pourvoi n°20-17.325).
En l'espèce, comme le fait valoir M. [F], c'est à réception des courriers de la banque en 2009 qu'il a pu prendre conscience des effets concrets de la variabilité du taux d'intérêt, aucun élément produit par les parties ne permettant de vérifier qu'il en avait perçu l'étendue antérieurement, en l'absence de simulation remise à l'intéressé avant la souscription du contrat de prêt. La cour infirmera en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action engagée en 2013 irrecevable car prescrite.
Il sera rappelé que la banque, qui produit la décision du tribunal de Créteil, fait observer que cette procédure ne portait pas sur le prêt Delta souscrit par M. [F] mais sur d'autres contrats conclus entre 2005 et 2007, portant d'autres noms, ce qui résulte également des coupures de presse ou publications sur internet qu'il produit, sans que M. [F] justifie du moindre élément en sens contraire.
Il incombe de plus à M. [F] qui se prévaut du manquement de la banque d'établir le préjudice qui en est résulté pour lui. Or, il ne produit aucun justificatif de sa situation financière au moment de la conclusion du contrat, des charges qui étaient les siennes à cette date, et du risque d'endettement excessif que faisait peser sur lui le caractère variable du taux d'intérêt convenu en cas d'augmentation, se contentant d'évoquer des 'désagréments et angoisses incontestables' qui ne sont corroborés par aucun document. Faute par lui d'établir le préjudice résultant de la perte de chance de ne pas avoir souscrit ce contrat, il ne peut qu'être débouté de sa demande.
- Sur la résiliation judiciaire du prêt et la créance de la banque
M. [F] fait valoir qu'à défaut de déchéance du terme, le capital restant dû n'est pas exigible, la banque répondant que le premier juge a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de prêt.
Le premier juge a constaté que M. [F] n'avait pas repris le paiement des échéances après la période de suspension autorisée par le tribunal d'instance le 19 avril 2010. Dans le cadre de la procédure devant le tribunal de grande instance, la banque a demandé la condamnation de M. [F] à lui payer les sommes dues au titre du prêt, étant précisé que M. [F] ne conteste pas ne plus rembourser les mensualités du prêt depuis mai 2012.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a accueilli la demande de résiliation judiciaire du prêt.
M. [F] conteste la somme principale de 252'318,80 euros qui lui est réclamée, au motif que les intérêts et accessoires qu'elle comprend pour 141 029,07 euros ne sont pas justifiés. Or, le premier juge a répondu sur ce point dans son jugement.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a justement chiffré à 252'318,80 euros la dette de M. [F] à l'égard du Crédit Foncier de France au jour du jugement, soit le 6 février 2018.
La banque réclame le paiement de l'indemnité contractuelle de 7%. M. [F] sollicite le rejet de la demande en paiement d'une indemnité contractuelle au motif que celle-ci est manifestement excessive au regard des circonstances de l'espèce.
Le contrat conclu entre la banque M. [F] a fait l'objet de difficultés d'exécution dès 2009, d'une procédure en 2010 afin de report des échéances, puis d'impayés qui ont perduré, outre la présente procédure qui a duré près de 10 ans. Ces péripéties qui ont contraint la banque à mettre en oeuvre une gestion individualisée et un suivi précis de ce contrat sont constitutives pour le Crédit Foncier de France d'un préjudice matériel et organisationnel qui justifie le paiement de l'intégralité de l'indemnité de 7% convenue par les parties et insérée au contrat, qui dans de telles conditions ne peut être qualifiée d'excessive.
Il y a lieu en revanche d'infirmer la décision en ce qui concerne le calcul de l'indemnité de 7 % à 77'902,28 euros dans le dispositif de la décision à la suite d'une erreur de plume, la somme due à ce titre s'élevant en réalité à 7790,28 euros ainsi que le fait observer la banque.
Au vu du décompte rectificatif établi par la banque le 6 janvier 2020 sur la base de la créance déterminée par le tribunal, outre soustraction du paiement effectué le 2 août 2019 de la somme de 216'809,83 euros qui correspond au produit de la vente du bien immobilier, M. [F] s'avère redevable depuis cette date envers le Crédit Foncier de France de la somme de 47'367,74 euros outre intérêts au taux légal, le jugement devant être infirmé sur ce point afin d'actualiser la créance.
Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque et de rejeter la réclamation de M. [F] à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Infirme le jugement rendu le 6 février 2018 par le tribunal de grande instance de Lyon en ce que :
- il a condamné M. [F] à payer à la société Crédit Foncier de France la somme de 252'318,80 euros au titre du solde du prêt du 13 septembre 2004 avec intérêts au taux légal à compter du jugement et celle de 77'102,28 euros au titre de l'indemnité contractuelle
- il a déclaré irrecevable car prescrite l'action en responsabilité contractuelle dirigée par M. [F] contre la société le Crédit Foncier de France et, statuant à nouveau de ces chefs:
Condamne M. [T] [F] à payer à la société Crédit Foncier de France la somme de 47'367,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2020 ;
Déclare recevable l'action en responsabilité contractuelle dirigée par M. [F] contre la société le Crédit Foncier de France ;
Déboute M. [F] de ses demandes de ce chef ;
Confirmant sur le surplus et y ajoutant,
Déboute M. [F] de sa demande tendant à voir déclarer non écrite la clause relative à l'indexation du taux d'intérêt ;
Le condamne aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Brumm et Associés, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement à la société le Crédit Foncier de France d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et rejette sa demande sur ce point.
Le Greffier Le Président