N° RG 18/06469
N° Portalis DBVX-V-B7C-L5MU
Décision du Tribunal de Commerce de LYON
Au fond
du 03 septembre 2018
RG : 2016j2019
[F]
Société DU CARRE GENEVOIS
C/
[T] [I]
SA MONTE PASCHI BANQUE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRÊT DU 30 Juin 2022
APPELANTS :
M. [P] [F] directeur de Société
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant, Me Jean-Marc BOCCARA, avocat au barreau de PARIS
Maître Gilles PELLEGRINI, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCCV DU CARRE GENEVOIS
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant, Me Jean-Marc BOCCARA, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
M. [V] [S] [T] [I]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Raoudha BOUGHANMI de la SELARL CABINET CHAUPLANNAZ AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 172, substitué par Me Mathieu DORIMINI, avocat au barreau de LYON
SA MONTE PASCHI BANQUE
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Florence AMSLER de la SELARL B2R & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 781, substituée par Me Pierre FRADIN, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 05 Mai 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Mai 2022
Date de mise à disposition : 30 Juin 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président
- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée
- Marie CHATELAIN, vice-présidente placée
assistées pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier
A l'audience, Raphaële FAIVRE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SCCV du Carré Genevois, dirigée par M. [P] [F] a confié à la société JVR [I] Construction (la société JVR), gérée par M. [T] [I] les lots serrurerie, cloisons doublages plafonds, peinture, terrassement et revêtement de surface dans le cadre d'une opération de construction d'un ensemble immobilier dénommé «Carré Genevois'».
Le 30 janvier 2014, la société JVR a conclu une convention de cession de créances professionnelles avec la banque Monte Paschi aux termes de laquelle elle lui a cédé les trois créances suivantes détenues à l'encontre de la SCCV du Carré Genevois':
- une facture n°2015/01/01 du 15 janvier 2015 d'un montant de 26.030,46 euros selon bordereau du 13 février 2015,
- une facture n°2015/09/02 du 27 février 2015 d'un montant de 10.371,96 euros selon bordereau du 16 mars 2015,
- une facture n°2015/03/02 du 16 mars 2015 d'un montant de 63.600,70 euros selon bordereau du 27 mars 2015. Les cessions de créance ont été notifiées au débiteur cédé.
Les cessions de créances ont été notifiées à la SCCV du Carré Genevois respectivement le 17 février 2015, le 17 mars 2015 et le 31 mars 2015.
Par acte du même jour, M. [T] [I], gérant de la société JVR [I] Construction s'est porté caution solidaire de cette cession de créances auprès de la banque Monte Paschi à hauteur de 96.000 euros en principal, intérêts, frais et accessoires pour une durée de deux ans.
Invoquant des impayés sur les créances cédées, la banque Monte Paschi a procédé à la clôture du compte de la société JVR [I] Construction selon courrier du 16 octobre 2015 avec effet au 17 décembre 2016.
Par courrier recommandé du 16 octobre 2015, la banque Monte Paschi a également mis en demeure la société JVR [I] Construction et M. [T] [I] en sa qualité de caution de lui régler la somme de 80.116,14 euros.
Le 16 février 2016, la société JVR [I] Construction, représentée par M. [I] [T] et la SCCV du Carré Genevois, représentée par M. [F], ont régularisé un protocole d'accord transactionnel.
Selon acte annexé à ce protocole, M. [F] s'est engagée en qualité de caution à hauteur de 80.002,50 euros à garantir la société JVR et M. [T] [I] du défaut de paiement par la SCCV du Carré Genevois des condamnations mises à sa charge.
Par jugement du 6 septembre 2016, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société JVR, et désigné la SELARL MJ Synergie ès qualités de liquidateur judiciaire. La banque Monte Paschi a déclaré une créance de 80.251,93 euros à titre chirographaire à la procédure collective.
Par acte du 1er décembre 2016, la banque Monte Paschi a fait délivrer assignation à M. [T] [I] devant le tribunal de commerce de Lyon en paiement de la somme en principal de 80.251,93 euros (affaire RG n° 2016J02019)
Par assignation du 21 février 2017, ce dernier a appelé en garantie la SCCV du Carré Genevois et M. [F] (affaire RG n° 2017J00377) en se prévalant du protocole d'accord transactionnel du 16 février 2016.
Par jugement du 3 septembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a :
ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 2016J02019 et RG 2017J00377,
déclaré recevables et bien fondés M. [F] et la SCCV du Carré Genevois en leur exception d'irrecevabilité,
condamné M. [T] [I] à payer à la banque Monte Paschi la somme de 80.251,93 euros outre intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015,
ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 16 octobre 2016,
condamné solidairement la SCCV du Carré Genevois et M. [F] à payer les condamnations que le tribunal à mis à la charge de M. [T] [I] au bénéfice de la banque Monte Paschi,
rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
condamné solidairement M. [T] [I], la SCCV du Carré Genevois et M. [F] à payer à la banque Monte Paschi la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire du jugement,
condamné solidairement M. [T] [I], la SCCV du Carré Genevois et M. [F] aux dépens de l'instance.
M. [F] et la SCCV du Carré Genevois ont interjeté appel par acte du 14 septembre 2018, sauf en ce que le jugement a ordonné la jonction des procédures et les a déclarés recevables et bien fondés en leur exception d'irrecevabilité.
Par ordonnance du 26 mars 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident de caducité d'appel soulevé par la banque Monte Paschi et par M. [T] [I].
Par jugement du tribunal judiciaire de Paris du 13 février 2020, la SCCV du Carré Genevois a été placée en liquidation judiciaire et Me Pellegrini désigné ès qualités de liquidateur judiciaire.
La clôture a été prononcée le 12 mars 2020, et les plaidoiries initialement fixées au 16 juin 2021 ont été reportées en raison des nécessités de service au 24 mars 2022. A l'audience du 24 mars 2022, la cour a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et renvoyé le dossier à l'audience de plaidoirie du 12 mai 2022 avec un calendrier de procédure pour permettre le dépôt de nouvelles conclusions en intégrant la question de la divisibilité du litige et a fixé la clôture au 5 mai 2022.
Par conclusions du 3 mai 2022, fondées sur les articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, ainsi que sur l'article 1441-1 du code de procédure civile, M. [F] et Me Gilles Pellegrini, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCCV du Carré Genevois demandent à la cour de':
déclarer leur appel formé contre le jugement déféré recevable et bien fondé,
les recevoir en leurs demandes et argumentations et les dire bien fondées,
y faisant droit,
débouter la Banque Monte Paschi et M. [T] [I] de l'ensemble de leur demandes fins et conclusions,
à titre principal, attendu que par jugement en date du 6 septembre 2016 le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société JVR et a nommé la SELARL MJ Synergie ès qualités de liquidateur judiciaire, dans l'hypothèse où la cour de céans confirmerait la condamnation de première instance':
juger que la cour sera dans l'impossibilité de répartir les sommes qui pourraient échoir de manière indivise entre la masse des créanciers de l'entreprise JVR et M. [T] [I],
juger que l'affaire n'est pas en état car l'absence du liquidateur de la société JVR rend totalement ineptes les demandes formées par les demandeurs initiaux au titre du cautionnement de M. [F], car M. [T] [I] et la Banque Monte Paschi ne sont pas l'agent recouvreur de la masse des créanciers de l'entreprise faillie JVR [I],
ordonner ' avant dire droit ' l'intervention du liquidateur judiciaire de la société JVR [I] Construction la SELARL MJ Synergie,
ce faisant en tout état de cause,
infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle les a déboutés de leurs demandes et infirmer ledit jugement rendu en faveur de la Banque Monte Paschi et de M. [T] [I] à leur encontre,
prononcer la nullité de l'acte de cautionnement allégué qui aurait été souscrit par M. [F],
en tout état de cause :
condamner la Banque Monte Paschi et M. [T] [I] aux entiers dépens ainsi que conjointement et solidairement à une somme de 6'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 21 avril 2022, fondées sur les articles 323, 324, 331, 369, 386 et suivants, 908, 910 et 954 du code de procédure civile, sur les articles 1134, 1147 et 1309 du code civil, ainsi que sur l'article L.313-23 du code monétaire et financier, M. [T] [I] demande à la cour de':
in limine litis :
juger que l'instance d'appel de la société SCCV du Carré Genevois est éteinte par l'effet de la péremption à la date du 13 février 2022, à l'exclusion de l'instance d'appel de M. [F] qui se poursuit,
juger que le litige l'opposant à la société SCCV du Carré Genevois et à M. [F] est divisible,
au fond :
déclarer non fondées les demandes de M. [F],
en conséquence à titre principal :
confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions hors la recevabilité de l'exception d'irrecevabilité de la société SCCV du Carré Genevois et de M. [F], sous réserve de l'erreur matérielle à rectifier,
rectifier le dispositif du jugement du 3 septembre 2018 de la manière suivante : «'déclare non fondés et non recevables M. [F] et la SCCV du Carré Genevois en leur exception d'irrecevabilité. »
en conséquence à défaut :
déclarer recevables et bien fondées ses demandes à l'encontre de M. [F],
infirmer le jugement déféré,
et statuant à nouveau :
condamner M. [F] à payer les condamnations que le tribunal pourrait mettre à sa charge au bénéfice de la Banque Monte Paschi,
à titre subsidiaire :
condamner M. [F] à le garantir des condamnations que le tribunal pourrait mettre à sa charge au bénéfice de la banque Monte Paschi,
à titre infiniment subsidiaire :
juger que la Banque Monte Paschi a commis une faute par son manque de vérification de la validité des factures cédées,
rejeter l'ensemble des demandes de la Banque Monte Paschi à son encontre,
en toute hypothèse :
condamner M. [F] à lui payer la somme de 10.000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [F] aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions du 5 avril 2022, fondées sur les articles L.313-23 et suivants du code monétaire et financier, ainsi que sur les articles 1199, 1343-2, 1359, 1367 et 2288 et suivants du code civil, la Banque Monte Paschi demande à la cour de':
confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
condamné M. [T] [I] à lui payer la somme de 80'251,93'euros outre intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015,
condamné M. [F] à payer les condamnations que le tribunal a mis à la charge de M. [T] [I] à son bénéfice,
ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, à compter du 16 octobre 2016,
ordonné l'exécution provisoire du jugement,
condamné solidairement M. [T] [I] et la SCCV du Carré Genevois à lui payer la somme de 3'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné solidairement M. [T] [I] et la SCCV du Carré Genevois aux dépens de l'instance,
en conséquence :
condamner M. [T] [I] à lui payer la somme de 80.251,93'euros outre intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015,
ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 16 octobre 2016,
débouter M. [T] [I] et M. [F] de l'ensemble de leurs demandes,
compte-tenu de l'interruption partielle d'instance à l'encontre de la SCCV du Carré Genevois uniquement, surseoir à statuer quant à ses demandes de rejet des prétentions formulées par cette dernière à son encontre et de sa condamnation à lui payer la somme de 6.000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
condamner solidairement M. [T] [I] et M. [F] à lui payer la somme de 6.000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS
A titre liminaire, il y a lieu de relever que les actes de cautionnements souscrits respectivement par M. [T] [I] le 30 janvier 2014 et par M. [F] le 16 février 2016 sont antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 15 septembre 2021 réformant le cautionnement et restent donc soumis aux règles légales et jurisprudentielles antérieures.
En l'espèce, selon convention du 30 janvier 2014, la société JVR [I] Construction a cédé à la banque Monte Paschi trois créances détenues à l'encontre de la SCCV du Carré Genevois pour un montant total de 100.003,12 euros au titre d'un marché de travaux conclu avec la société SCCV Carré Genevois. Par acte du même jour, M. [T] [I], gérant de la société cédante s'est porté caution solidaire des engagements souscrits par celle-ci auprès de la banque Monte Paschi à hauteur de 96.000 euros en principal, intérêts, frais et accessoires pour une durée de deux ans.
Le 16 février 2016, la société JVR [I] Construction, représentée par M. [I] [T] et la SCCV du Carré Genevois, représentée par M. [F], ont régularisé un protocole d'accord transactionnel comportant un article article 5 relatif à la cession de créances professionnelles par la société JVR [I] à la banque Monte Paschi ainsi libellé «' la SCCV du Carré Genevois décharge la société JVR de toute responsabilité concernant le paiement de la créance due à la banque Monte Paschi et s'engage à relever et garantir la société JVR et M. [T] [I], en sa qualité de caution personnelle auprès de la banque Monte Paschi de toute action que la banque intenterait contre cette dernière et de toute condamnation que la banque obtiendrait à son encontre ('). Afin de garantir la société JVR et son dirigeant, M. [I] du défaut de paiement de la société SCCV du Carré Genevois au titre du présent engagement, M. [P] [F] accepte de se porter personnellement caution des condamnations qui pourraient être prononcées et des frais de justice liés à ce procès dans le cadre du litige avec la banque Monte Paschi dans la limite de 80.002,50 euros'».
Selon acte annexé à ce protocole, M. [F] s'est ainsi engagée en qualité de caution à hauteur de 80.002,50 euros à garantir la société JVR [I] Construction et M. [T] [I] en cas de défaillance de la SCCV du Carré Genevois dans l'engagement pris par cette dernière de relever et garantir la société cédante et son dirigeant de toute condamnation à payer à la banque Monte Paschi le montant des créances cédées.
Par suite de l'ouverture par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 6 septembre 2016 d'une procédure de liquidation judiciaire de la société JVR [I] Construction avec désignation de la SELARL MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire, la banque Monte Paschi a déclaré une créance de 80.251,93 euros à titre chirographaire correspondant au solde restant des trois créances cédées.
Par jugement du 3 septembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a condamné M. [T] [I], ès qualités de caution, à lui payer cette somme et a également condamné solidairement la SCCV du Carré Genevois et M. [F] à relever et garantir M. [T] [I] de cette condamnation.
Sur l'intervention de la société JVR [I] Construction et sur la rectification d'erreur matérielle
Selon le jugement déféré du 3 septembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a retenu dans ses motifs que la procédure dont il était saisi s'inscrit uniquement dans le cadre de l'action de la banque Monte Paschi à l'encontre de M. [T] [I], son dirigeant, en sa qualité de caution et que la société JVR [I] Construction n'est pas partie à la procédure, de sorte que M. [F] et la SCCV du Carré Genevois ne sont pas recevables ni fondés dans leur exception d'irrecevabilité fondée sur l'absence de présence de son liquidateur judiciaire à la procédure. Dans son dispositif, le tribunal a toutefois déclaré recevables et bien fondés M. [F] et la SCCV du Carré Genevois en leur exception d'irrecevabilité.
M.[T] [I] soutient que le tribunal de commerce a commis une erreur matérielle dont il sollicite la rectification. Il demande en conséquence à la cour de déclarer non fondés et non recevables M. [F] et la SCCV du Carré Genevois en leur exception d'irrecevabilité.
Me Pellegrini, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCCV du Carré Genevois et M. [F] soutiennent pour leur part que l'affaire n'est pas en état et affirment en ces termes que':«'l'absence du liquidateur de la société JVR rend totalement inepte les demandes formées par les demandeurs initiaux au titre du cautionnement de M. [F], car tant le demandeur M. [I] que la demanderesse banque Monte Paschi ne sont en effet pas des agents recouvreurs de la masse des créanciers de l'entreprise faillie JVR [I]'». Ils demandent en conséquence à la cour d'ordonner avant dire droit l'intervention de la SELARL MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JVR [I] Construction.
Or, il est constant que la société JVR [I] Construction n'a jamais été partie à la procédure ni en première instance ni à hauteur d'appel, dès lors que la banque Monte Paschi a seulement assigné M. [T] [I] en paiement, lequel a également uniquement appelé en garantie la SCCV du Carré Genevois et M. [F], de sorte que l'absence du liquidateur judiciaire de la société JVR [I] Construction est sans effet sur la présente instance, comme la justement relevé le jugement déféré dans ses motifs. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner avant dire droit son intervention.
En revanche, il existe effectivement une erreur matérielle affectant le dispositif du jugement déféré qui déclare recevables et fondés M. [F] et la SCCV du Carré Genevois en leur exception d'irrecevabilité et qu'il convient de réparer, alors qu'il ressort de la motivation retenue par le premier juge que ce dernier à écarté cette exception d'irrecevabilité. Dans le dispositif du jugement déféré il y a donc lieu de lire «'déclare non fondés M. [F] et la SCCV du Carré Genevois en leur exception d'irrecevabilité'» aux lieu et place de «'déclare recevables et bien fondés M. [F] et la SCCV du Carré Genevois'» en leur exception d'irrecevabilité ».
Sur la péremption d'instance
Conformément à l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est interrompue lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
En l'espèce M. [T] [I] soutient que l'instance d'appel de la SCCV du Carré Genevois est éteinte par l'effet de la péremption d'instance à la date du 13 février 2022 au motif qu'aucune diligence n'a été entreprise à l'encontre de cette dernière depuis le 13 février 2020, date de son placement en liquidation judiciaire.
Cependant, aucune péremption d'instance n'est intervenue à l'encontre de la SCCV du Carré Genevois, alors qu'en application de l'article 369 du code de procédure civile, l'instance dirigée contre elle a été interrompue par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire prononcée à son égard le 23 février 2020, étant relevé que Me Pellegrini, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCCV du Carré Genevois est intervenu volontairement à la présente instance par conclusions notifiées le 3 mai 2022.
Sur l'interruption de l'instance à l'égard de la SCCV du Carré Genevois et sur le caractère divisible du litige
Conformément à l'article L. 622-22 alinéa 1er ancien du code de commerce applicable en la cause, en cas de procédure collective du débiteur, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.
L'instance est interrompue dès l'ouverture de la procédure collective et pendant toute sa durée. Toutefois, l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire n'interrompt l'instance qu'au profit de la personne qui y est soumise. Ainsi, l'ouverture de la procédure collective de la débitrice principale ne fait pas obstacle à la poursuite de l'instance contre les cautions à l'égard desquelles l'instance n'est pas interrompue.
En l'espèce, il résulte des déclarations de M. [T] [I] dans ses dernières écritures qu'il n'a pas déclaré sa créance à la procédure de liquidation judiciaire de la SCCV du Carré Genevois, laquelle carence est corroborée par le courrier en date du 19 avril 2022 qu'il verse lui même au débat et par lequel Me Pelligrini, ès qualités de liquidateur judiciaire, rappelle à Me Chauplannaz, son conseil, que son client n'a pas déclaré sa créance dans les délais et qu'en tout état de cause, ce dernier n'aurait pas été désintéressé faute de fonds suffisants à la procédure collective.
En conséquence, la cour, qui relève que les conditions de la reprise devant elle de l'instance en cours en vue de la constatation de la créance de M. [T] [I] à l'encontre de la SCCV du Carré Genevois et de la fixation de son montant ne sont pas pas réunies en l'absence de déclaration de créance, constate l'interruption de l'instance à l'égard de cette dernière l'empêchant de statuer.
En revanche, l'instance se poursuit à l'égard des autres parties, étant précisé que le litige qui oppose les appelants à M. [T] [I] est divisible, dès lors que comme le relève ce dernier, sa demande en paiement formée contre M'. [F] au titre de son engagement de caution n'est pas conditionnée par la mise en 'uvre d'une demande en paiement formée contre la SCCV du Carré Genevois.
Sur la demande en paiement formée par la banque Monte Paschi à l'encontre de M. [T] [I]
Conformément à l'article 2288 ancien du code civil, applicable en la cause, celui qui se rend caution d'une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même.
Selon l'article 2298 ancien du même code, la caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion, ou à moins qu'elle ne soit obligée solidairement avec le débiteur'; auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires.
A hauteur d'appel, M. [T] [I] ne conteste ni le principe, ni le montant des sommes réclamées à son encontre par la banque Monte Paschi au titre de son engagement de caution et sollicite à titre principal la confirmation du jugement déféré.
Par ailleurs, quand bien même cette demande de confirmation serait conditionnée à l'efficacité de la garantie de M.[F] et de la société SCCV Le Carré Genevois, ce qui n'est pas démontré alors que l'intéressé conclut à titre principal à la confirmation pure et simple de la décision entreprise, en tout état de cause, la cour relève qu'est inopérant le moyen développée par M. [T] [I] au soutien de sa demande infiniment subsidiaire de rejet des demandes formées par la banque Monte Paschi à son encontre et tenant à ce que dans l'hypothèse où les propositions de paiement et par conséquent les créances cédées ne seraient pas validées par la cour, il en résulterait une faute de la banque justifiant sa décharge à l'égard de cette dernière.
En effet, pour contester son propre engagement de caution, M'. [T] [I], ne saurait, sauf à se contredire, reprendre à son compte ce moyen tenant à l'irrégularité des ordres de paiement et des cessions de créance initialement développé par les appelants, alors qu'il conclut de manière expresse à la parfaite validité tant des propositions de paiement', motif pris de ce qu'elles portent la signature du maître d''uvre, que des cessions de créances, motif pris de leur dénonciation régulière au débiteur cédé.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [T] [I] à payer à la banque Monte Paschi la somme de 80.251,93 euros outre intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015 et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 16 octobre 2016.
Sur la nullité du cautionnement de M. [F]
En application des articles L. 341-2 et L. 341-3 anciens du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause, toute personne physique, qu'elle soit ou non avertie, doit, dès lors qu'elle s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, faire précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement, qu'il soit commercial ou civil, des mentions manuscrites exigées par les textes susvisés.
Ces dispositions s'appliquent au cautionnement fourni par un dirigeant social pour garantir la dette de sa société.
Le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles.
En l'espèce, les appelants soutiennent que l'engagement de caution de M.[F] figurant en annexe du protocole transactionnel du 16 février 2016 est nul, dès lors qu'il a été obtenu par chantage, qu'il n'est pas manuscrit dans son intégralité, qu'il ne porte pas les mentions obligatoires des articles L.341-2 et L.341-2 précités s'agissant de la mention de renonciation au bénéfice de discussion et au plafond chiffré, qu'il n'est pas daté et qu'il ne comporte aucune durée.
M.[T] [I] expose quant à lui que si M.[F] s'est engagé en qualité de caution au profit de la société JVR [I] Construction, il s'est également engagé à son égard, de sorte que dans leurs rapports le cautionnement de M'. [F] est soumis aux règles du code civil applicable en cas d'engagement à l'égard d'une personne physique elle-même caution et qu'il est ainsi parfaitement valable. Il soutient en outre que la preuve d'un chantage pour l'obtention du cautionnement n'est pas rapportée.
Il ressort de la lecture de l'engagement de caution de M. [F], annexé au protocole du 16 février 2016, qu'il ne satisfait pas au formalisme exigé par les articles L. 341-2 et L. 341-3 anciens du code de la consommation, en ce qu'il comporte une mention très partiellement manuscrite ainsi libellée «'dans la limite de la somme de cent trente cinq mille deux euros et cinquante centimes correspondant à 80.002,50 € pour la Monte Paschi et 55.000 € pour Metalocaminha'», laquelle ne mentionne au demeurant pas en lettres le montant de l'engagement envers la banque.
Or, le cautionnement de M. [F] a été souscrit envers M. [T] [I] afin de garantir la créance détenue par ce dernier à l'encontre de la SCCV du Carré Genevois, qui s'est elle-même engagée à le garantir des sommes dont il est redevable envers la banque Monte Paschi en exécution de son propre cautionnement donné pour assurer l'efficacité des cessions de créances professionnelles consenties à la banque par la société JVR [I] Construction dont il est gérant.
En conséquence, les appelants exposent avec raison que le formalisme ad validitatem prescrit par les articles L. 341-2 et L. 341-3 précité est applicable en l'espèce, alors que M. [T] [I], qui s'est engagé en sa qualité de gérant de la société JVR [I] Construction et à l'occasion d'une opération de cession de créance de nature à fournir des liquidités à son entreprise, est un créancier professionnel au sens de ces dispositions, sa créance étant ainsi née dans l'exercice de ses fonctions de gérant et se trouve en rapport direct avec cette activité professionnelle de gérant.
Il s'en suit que le cautionnement donné par M. [F] est nul, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant les autres moyens soulevés au soutien de cette demande en nullité.
Sur la demande de sursis à statuer formée par la banque Monte Paschi
La banque Monte Paschi sollicite qu'il soit sursis à statuer quant à ses demandes de rejet des prétentions formulées par la SCCV du Carré Genevois à son encontre et de condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 6.000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance compte-tenu de l'interruption partielle de l'instance à l'égard de la SSCV du Carré Genevois.
Néanmoins, cette dernière ne justifie d'aucune déclaration de créance à la procédure de liquidation judiciaire de la SCCV du Carré Genevois de nature à permettre une reprise d'instance à son égard. Sa demande de sursis à statuer doit donc être rejetée.
Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile
Succombant, M. [T] [I] doit supporter les dépens de première instance et d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser aux appelants ainsi qu'à la banque Monte Paschi une indemnité de procédure ce qui conduit à l'infirmation des condamnations prononcées à ces titres par le tribunal de commerce à l'encontre de la SCCV du Carré Genevois et de M. [F].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné M. [T] [I] à payer à la banque Monte Paschi la somme de 80.251,93 euros outre intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015 et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 16 octobre 2016,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Rectifiant le dispositif du jugement déféré,
Dit que, dans le dispositif du jugement déféré, il y a lieu de lire':
«déclare non fondés M. [F] et la SCCV du Carré Genevois en leur exception d'irrecevabilité'»,
aux lieu et place de':
«'déclare recevables et bien fondés Monsieur [P] [F] et la SCCV du Carré Genevois en leur exception d'irrecevabilité'»,
Dit que le présent arrêt sera mentionné sur la minute et les expéditions du jugement rectifié et sera notifié comme celui-ci,
Dit n'y avoir lieu d'ordonner avant dire droit l'intervention de la SELARL MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JVR [I] Construction,
Dit que le litige est divisible,
Dit qu'aucune péremption d'instance n'est intervenue à l'encontre de la SCCV du Carré Genevois,
Constate l'interruption de l'instance engagée par M. [T] [I] à l'encontre de la SCCV du Carré Genevois,
Déclare nul l'engagement de caution de M. [F],
En conséquence, déboute M. [T] [I] de son appel en garantie formé contre M. [F],
Rejette la demande de sursis à statuer formée par la banque Monte Paschi,
Condamne M. [T] à payer d'une part à M. [F] et d'autre part à la banque Monte Paschi, chacun une indemnité de procédure de 4.000 euros, au titre de la première instance et pour la cause d'appel,
Déboute M. [F] et Me Pellegrini, es qualités de liquidateur judiciaire de la SCCV du Carré Genevois, la banque Monte Paschi et M. [T] [I] de leurs demandes respectives présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, y compris en appel,
Condamne M. [T] [I] aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier,Le Président,