N° RG 21/05277 -N°Portalis DBVX-V-B7F-NWM2
Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Au fond du 30 avril 2021
RG : 1116001593
[E]
C/
[R]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 24 Août 2022
APPELANTE :
Mme [J] [E] veuve [B]
née le 06 Octobre 1940 à [Localité 6] (99 ALGÉRIE)
[Adresse 2]
[Localité 3]
(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/019579 du 01/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
Représentée par Me Laïla NEMIR, avocat au barreau de LYON, toque : 655
INTIMÉE :
Mme [P] [R]
née le 09 Octobre 1989 à [Localité 5] (99 ALGÉRIE)
Domicilié chez M. [Z] [C], au [Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nicolas SADOURNY, avocat au barreau de LYON, toque : 1105
******
Date de clôture de l'instruction : 09 Mai 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Juillet 2022
Date de mise à disposition : 24 Août 2022
Audience présidée par Christine SAUNIER-RUELLAN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Christine SAUNIER-RUELLAN, président
- Karen STELLA, conseiller
- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Christine SAUNIER-RUELLAN, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
*****
Le 30 avril 2021, le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON a':
Vu l'arrêt du 5 mars 2029,
constaté qu'[J] [E] veuve [B] occupe sans droit ni titre l'appartement appartenant à [P] [R] sis au [Adresse 2] à [Localité 3] correspondant aux lots numéros 124 et 143 ;
condamné [P] [R] à payer la somme de 2 300 euros au titre des impenses utiles à [J] [E] veuve [B] ;
condamné [J] [E] veuve [B] à payer à [P] [R] une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 1 200 euros à compter du 23 janvier 2015 jusqu'à la date de libération effective et définitive des lieux caractérisée par la restitution des clefs ;
ordonné compensation des créances réciproques ;
dit que la demande d'[J] [E] veuve [B] à bénéficier d'un droit de rétention est devenue sans objet ;
autorisé [P] [R] à faire procéder à l'expulsion d'[J] [E] veuve [B] ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant, avec le concours d'un serrurier et de la force publique, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux ;
condamné [J] [E] veuve [B] à verser à [P] [R] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejeté l'ensemble des demandes non présentement satisfaites ;
condamné [J] [E] veuve [B] aux dépens de l'instance.
Par déclaration électronique du 18 juin 2021, le conseil d'[J] [E] a interjeté appel limité du jugement du juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON en date du 30 avril 2021 en intimant [P] [R] .
Suivant le dernier état de ses conclusions d'appelante notifiées par RPVA le 18 septembre 2021, [J] [E] demande à la Cour de':
recevoir son appel et le dire fondé ;
condamner [P] «'sic'» [R] à lui rembourser toutes les impenses utiles et nécessaires réalisées pour la somme de 150 000 euros ;
ordonner son maintien dans les lieux jusqu'à paiement intégral des impenses ;
constater que l'indemnité d'occupation est trop élevée au regard de ses ressources ;
ordonner son maintien dans le lieux à raison de son grand âge 81 ans ;
ordonner à Madame «'sic'» [R] de conclure un bail d'habitation à son profit ;
mettre à la charge de Madame «'sic'» [R] 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens comme en matière d'aide juridictionnelle.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 octobre 2021, [P] [R] demande à la Cour de':
rejeter l'ensemble des demandes de Madame [E] ;
confirmer le jugement du 30 avril 2021 en toutes ses dispositions ;
condamner Madame [E] à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile ;
la condamner à lui payer 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance dont «'sic'» distraction au profit de Maître SADOURNY sur son affirmation de droit.
Pour l'exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l'audience du 5 juillet 2022 à 9 heures.
A l'audience, les conseils des parties ont été informés de la difficulté liée rédaction de la déclaration d'appel qui est susceptible de ne pas avoir opéré effet dévolutif, ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l'affaire a été mise en délibéré au 24 août 2022.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «'constater'» ou «'dire et juger'» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur l'effet dévolutif de l'appel
L'article 542 du code de procédure civile dispose que l'appel tend par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré à sa réformation ou à son annulation par la Cour d'appel.
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la Cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Seule la déclaration d'appel opère dévolution des chefs critiqués du jugement même s'il peut y avoir régularisation par une déclaration rectificative dans le délai pour conclure.
Lorsque la déclaration d'appel tendant à la réformation du jugement qui ne comporte pas d'indication des chefs de jugement expressément critiqués, la déclaration d'appel irrégulière prive l'appel d'effet dévolutif.
Au cas d'espèce, la Cour constate que la déclaration d'appel est rédigée comme suit :
«'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués':
-infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé à la somme de 2 300 euros les impenses nécessaires et utiles à l'immeuble à rembourser par madame [R] à Madame [E] veuve [B]
-réduire l'indemnité mensuelle d'occupation fixée à 1200 euros à compter du 23 janvier 2015 jusqu'à la date de libération effective et définitive des lieux
-ordonner le droit de rétention sur l'immeuble de Madame [E] veuve [B] jusqu'à l'exécution de l'obligation d'indemnisation de la propriétaire Madame [R]
-réduire à de plus justes proportions la somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile'».
Il ne s'agit d'aucun des chefs précis du dispositif du jugement attaqué. En effet, le jugement a constaté une occupation sans droit ni titre, a prononcé des condamnations à paiement, ordonné compensation entre les créances réciproques, dit sans objet la demande aux fins de droit de rétention sollicitée par madame [E], autorisé son expulsion, et condamné Madame [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Demander de réduire l'indemnité mensuelle d'occupation, l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'ordonner le droit de rétention sur l'immeuble ne sont que des demandes et non des chefs de jugement critiqué.
S'agissant des impenses, le tribunal n'a pas dans son dispositif dit qu'il fixait à 2 300 euros les impenses nécessaires et utiles à rembourser. Il a prononcé une condamnation à payer 2 300 euros au titre des impenses utiles.
Il n'y a pas eu de régularisation de la déclaration d'appel dans le délai pour conclure par une déclaration rectificative.
Dès lors, la déclaration d'appel du 18 juin 2021 n'a déféré à la Cour aucun chef du dispositif du jugement expressément critiqué. La Cour n'est donc saisie d'aucune demande au fond.
Au surplus, les conclusions d'appelante qui ne sollicitent ni infirmation, ni réformation, ou annulation du jugement, ne sont pas non plus régulières au regard des articles 562 et 954 du code de procédure civile et n'auraient pu que conduire la Cour à confirmer le jugement déféré.
Sur l'appel abusif
Il est nécessaire de prouver un abus dans le droit légitime d'appel, un préjudice dans son existence et son montant et un lien de causalité au sens de l'article 1240 du code civil.
Or, force est de constater que Madame [R] revendique une somme de 5 000 euros sans préciser en quoi consiste son préjudice et sans le démontrer. Sans qu'il soit besoin de s'appesantir dans l'examen d'une faute et d'un lien de causalité entre faute et préjudice, la Cour déboute Madame [R] de sa demande indemnitaire au titre d'un appel abusif.
Sur les demandes accessoires
La Cour condamne [J] [E] aux entiers dépens d'appel. La Cour autorise maître SADOURNY qui en a fait la demande expresse, non pas à «'distraire'», terme qui n'est plus en vigueur depuis des dizaines d'années mais à recouvrer ceux des dépens d'appel dont il a été fait l'avance sans avoir reçu provision dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
En équité, eu égard aux circonstances de l'affaire, la Cour dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Madame [R].
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Constate que la déclaration d'appel du 18 juin 2021 émanant du conseil de Madame [E] n'a déféré à la Cour aucun chef du dispositif du jugement expressément critiqué et qu'elle n'est donc saisie d'aucune demande au fond,
Déboute Madame [R] de sa demande indemnitaire au titre d'abus d'appel,
Condamne [J] [E] aux entiers dépens d'appel,
Autorise maître SADOURNY à recouvrer ceux des dépens d'appel dont il a été fait l'avance sans avoir reçu provision dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute Madame [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT