AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/08653 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYCD
[Z]
C/
Association AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE DELEGATION UNEDIC AGS
Société MJ SYNERGIE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 19 Novembre 2019
RG : F 17/01916
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022
APPELANT :
[W] [Z]
né le 05 Janvier 1997 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par M. [T] [S], défenseur syndical
INTIMÉES :
Association AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE DELEGATION UNEDIC AGS
[Adresse 4]
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Me Jean-bernard PROUVEZ de la SELARL CARNOT AVOCATS, avocat au barreau de LYON
Société MJ SYNERGIE représentée par Me [K] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JLS TRANSPORTS
[Adresse 2]
[Localité 5]
non représentée
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Septembre 2022
Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 15 août 2016, Monsieur [W] [Z] a été embauché par la société JLS TRANSPORTS pour la période du 16 août 2016 au 10 septembre 2016 en qualité de conducteur routier, groupe sept, coefficient 150 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport (personnel roulant marchandises).
Par requête en date du 27 juin 2017, M. [W] [Z] a demandé au conseil de prud'hommes de Lyon de convoquer devant lui le liquidateur judiciaire de la société JLS TRANSPORTS et l'UNEDIC AGS CGEA de Chalon sur Saône.
Il a sollicité la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et l'allocation de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, indemnité compensatrice de préavis, dommages et intérêts pour rupture abusive et non respect de la procédure de licenciement, dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, indemnités de congés payés, rappels de salaire, indemnité de travail de nuit et remboursement de frais.
Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 30 juillet 2018.
Par jugement en date du 19 novembre 2019, le juge départiteur statuant seul a :
- dit que les demandes de condamnation présentées par M. [W] [Z] à l'encontre de la société JLS TRANSPORTS placée en liquidation judiciaire étaient irrecevables
- condamné M. [W] [Z] aux dépens.
M. [Z] a interjeté appel de ce jugement, le 16 décembre 2019.
Il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement
statuant à nouveau,
- de déclarer ses demandes recevables
' d'ordonner la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
' de fixer à son profit au passif de la liquidation judiciaire de la société JLS TRANSPORTS la somme de 2 156 euros à titre d'indemnité de requalification
' de dire que son licenciement est irrégulier et sans cause réelle et sérieuse
' de fixer à son profit au passif de la liquidation judiciaire de la société JLS TRANSPORTS les sommes suivantes :
2 156 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
8 472 eurosau titre des dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail
498 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, soit 49,80 euros
' de fixer à son profit au passif de la liquidation judiciaire de la société JLS TRANSPORTS les sommes suivantes:
4 537,62 euros au titre des salaires non payés
995 euros au titre de l'indemnité de congés payés
634,70 euros au titre des indemnités repas
112,64 euros, outre congés payés afférents de 11,26 euros, au titre de la rémunération des heures de nuit
434,15 euros au titre du remboursement des frais engagés par lui
8 472 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail
1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
outre les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes en ce qui concerne les sommes ayant un caractère de salaire, d'indemnité ou de remboursement et à compter du prononcé de l'arrêt de la cour en ce qui concerne les sommes représentatives de dommages et intérêts
' de condamner la société MJ SYNERGIE en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société JLS TRANSPORTS aux dépens de l'instance, 'y compris les éventuels frais d'exécution forcée du jugement à intervenir'
' de dire l'arrêt opposable à l'AGS CGEA de Chalon-sur-Saône selon les garanties et dans les limites prévues aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail.
Monsieur [Z] a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appel au liquidateur judicaire, ès qualités, par actes d'huissier de justice en date des 14 février 2020 et 10 mars 2020, remis à une personne habilitée à les recevoir.
La société MJ SYNERGIE ès qualités n'a pas constitué avocat.
Le présent arrêt sera réputé contradictoire.
L'AGS CGEA de Chalon-sur-Saône a constitué avocat mais n'a pas conclu.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2022.
SUR CE :
C'est à tort que le jugement a déclaré irrecevables les demandes formées par Monsieur [Z] au motif que seule pouvait être sollicitée la fixation de créances au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société JLS TRANSPORTS, la juridiction, même saisie de demandes de condamnation, étant tenue si elle retient le bien-fondé de la demande de procéder, même d'office, à la fixation des créances.
Le jugement doit en conséquence être infirmé.
Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée
L'article L 1243-11 du code du travail dispose que lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.
Le contrat à durée déterminée signé entre les parties pour la période du 16 août 2016 au 10 septembre 2016 s'est poursuivi au-delà de cette dernière date jusqu'au 15 décembre 2016, comme en attestent les bulletins de salaire des mois de septembre à décembre 2016 et le certificat de travail remis au salarié par l'employeur, sans faire l'objet d'un contrat de renouvellement écrit.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée formée par Monsieur [Z] et de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société JLS TRANSPORTS au titre de l'indemnité de requalification à la somme de 2 156 euros .
Sur la rupture du contrat de travail
La seule survenance du terme du contrat à durée déterminée ne peut constituer un motif de licenciement réel et sérieux.
La cessation du contrat requalifié en contrat à durée indéterminée sans motif et sans respect de la procédure de licenciement doit être analysée en une rupture abusive, avec effet à la date du 15 décembre 2016, terme du contrat.
A cette date, l'ancienneté de Monsieur [Z] s'élevait à quatre mois.
En application de l'article 5 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport, la durée du délai congé d'un ouvrier licencié comptant moins de six mois d'ancienneté, période d'essai comprise, est d'une semaine.
Il convient de fixer la créance de Monsieur [Z] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à la somme de 498 euros, outre l'indemnité de congés payés afférents.
Au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et de son âge à la date de la rupture (19 ans) il convient d'évaluer le préjudice subi par lui en raison de la rupture sans motif du contrat requalifié à la somme de 2 156 euros, à laquelle doit être fixée sa créance de dommages-intérêts.
La demande en fixation de dommages et intérêts distincts au titre de l'irrégularité de la procédure n'est pas fondée, la sanction de la cessation à son terme du contrat requalifié étant précisément qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'exécution du contrat de travail
Monsieur [Z] justifie au moyen de ses relevés de compte bancaire, sur lesquels figurent les sommes versées par son employeur, qu'il n'a pas reçu la totalité de la rémunération mentionnée sur ses bulletins de salaire, soit une somme de 4 537,62 euros qu'il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société.
Le bulletin de salaire du mois de décembre 2016 montre que 12 jours de congés payés ont été déduits du salaire pour un montant de 995 euros, alors qu'il ressort de la carte conducteur du salarié qu'il a bien travaillé pendant ces 12 jours.
Il y a lieu de fixer ladite somme au passif de la liquidation judiciaire de la société.
Monsieur [Z] justifie au moyen de ses relevés d'activité mensuelle qu'il est en droit de prétendre au paiement de 46 indemnités de repas du midi, d'une indemnité de repas du soir et de trois indemnités de casse-croûte puisqu'il a été en déplacement à 46 reprises en octobre, novembre, et décembre 2016 pendant la période comprise entre 11h45 et 14h15, le 31 octobre 2016 pendant la période comprise entre 18h45 et 21h15 et qu'il a pris son service à trois reprises avant cinq heures.
Il y a lieu de fixer sa créance à ce titre à la somme de 647,70 euros.
Au vu des explications et justificatifs apportés par le salarié, il y a lieu de fixer sa créance au titre de la prime pour travail de nuit à la somme de 112,64 euros, outre l'indemnité de congés payés afférents.
Monsieur [Z] justifie enfin avoir dû faire l'avance de frais de péage d'autoroute et de carburant dans l'intérêt de l'employeur qui ne lui ont pas tous été remboursés.
Au vu des relevés bancaires du salarié, sa créance à ce titre sera fixée à la somme de 434,15 euros.
Le salarié fait valoir qu'en ne lui réglant pas les sommes ci-dessus, l'employeur n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail signé entre les parties et que ces manquements ont gravement mis en danger ses finances, puisqu'il a dû liquider son épargne et a dû exposer un peu plus de 300 euros de frais bancaires.
Il justifie au moyen de ses relevés bancaires d'octobre 2016 à janvier 2017 du prélèvement d'intérêts débiteurs et de frais d'incident, à hauteur d'une somme totale d'environ 280 euros.
Il démontre ainsi avoir subi un préjudice matériel et moral distinct de celui qui se trouve réparé par la fixation des créances telles que déterminées par le présent arrêt.
Il y a lieu de fixer la créance indemnitaire de Monsieur [Z] en réparation de ce préjudice à la somme de 300 euros.
A la date de l'ouverture de la procédure collective, soit antérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes, le cours des intérêts a été arrêté.
La demande relative aux intérêts de retard au taux légal n'est dès lors pas fondée.
La cour n'a pas à statuer sur des frais d'exécution forcée hypothétiques et futurs.
Les créances ci-dessus fixées seront garanties par l'AGS CGEA dans les conditions fixées par la loi.
Le liquidateur judiciaire, ès qualités, doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à Monsieur [Z] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et réputé contradictoire :
INFIRME le jugement
Statuant à nouveau,
DÉCLARE recevables les demandes formées par Monsieur [W] [Z]
PRONONCE la requalification du contrat à durée déterminée signé le 15 août 2016 en contrat à durée indéterminée
FIXE les créances de Monsieur [W] [Z] au passif de la liquidation judiciaire de la société JLS TRANSPORTS aux sommes suivantes :
' 2 156 euros à titre d'indemnité de requalification
' 498 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 49,80 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents
' 2 156 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture abusive du contrat de travail
' 4 537,62 euros à titre de rappel de salaire
' 995 euros à titre de rappel d'indemnité de congés payés
' 647,70 euros au titre des indemnités de repas et de casse-croûte
' 112,64 euros à titre d'indemnité de travail de nuit et 11,26 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents
' 434,15 euros à titre de remboursement de frais
' 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'exécution déloyale du contrat de travail
DIT n'y avoir lieu à majorer ces sommes des intérêts au taux légal
REJETTE la demande en fixation de dommages et intérêts au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement
DIT que ces créances seront garanties par l'AGS CGEA dans les conditions fixées par la loi
CONDAMNE le liquidateur judiciaire ès qualités aux dépens de première instance et d'appel
CONDAMNE le liquidateur judiciaire, ès qualités, à payer à Monsieur [W] [Z] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE