La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2022 | FRANCE | N°19/05068

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 07 décembre 2022, 19/05068


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/05068 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MPXA



SociétéLYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE (SLDD)

C/

[M]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 25 Juin 2019

RG : 17/00345









COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022







APPELANTE :



SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE (SLDD)

[Adress

e 1]

[Localité 3]



représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Julien DEMAEL, avocat au barreau de MULHOUSE







INTIMÉ :



[H] [M]

né le ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/05068 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MPXA

SociétéLYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE (SLDD)

C/

[M]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 25 Juin 2019

RG : 17/00345

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE (SLDD)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Julien DEMAEL, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMÉ :

[H] [M]

né le 26 juillet 1991 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Sylvain DUBRAY, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Octobre 2022

Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 07 Décembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 12 décembre 2011, M. [H] [M] a été embauché par la SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE (SLDD), en qualité de technicien dépanneur informatique à domicile, sur la base de 21,67 heures mensuelles.

Il est stipulé au contrat que les dispositions collectivement applicables à l'entreprise sont 'celles étendues de la convention collective de l'électronique, audiovisuel, équipement ménager portant le numéro de brochure 3076.'

M. [M] a été engagé à la même date et au même poste, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel sur la base de 108,33 heures mensuelles par la SOCIETE POUR LA PROMOTION DES EMPLOIS FAMILIAUX (SPEF).

Le salarié a pris acte de la rupture de ses deux contrats de travail par lettre recommandée avec accusé réception du 12 décembre 2016.

Par requête du 8 février 2017, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON en lui demandant de requalifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui verser des dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail, pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que des indemnités de rupture, un rappel d'heures complémentaires et un rappel de prime d'ancienneté.

Au dernier état de la procédure devant le conseil de prud'hommes, il a sollicité en outre l'annulation de son avertissement du 24 mai 2016.

Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 27 avril 2017.

Par jugement du 25 juin 2019, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage a :

- dit que c'est à bon droit que la SARL SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE a fait application à compter du 1er novembre 2014, de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne,

en conséquence,

- débouté Monsieur [H] [M] de sa demande de rappel de prime d'ancienneté au regard des dispositions de la convention collective nationale de l'électronique, audiovisuel et équipement ménager

- prononcé la requalif'cation du contrat de travail à temps partiel conclu entre Monsieur [H] [M] et la SARL SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE en contrat de travail à temps plein 

- condamné en conséquence, la SARL SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE à verser à Monsieur [H] [M], avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2017, la somme de 44 615,34 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 4 461,53 euros au titre des congés payés afférents 

- annulé l'avertissement du 24 mai 2016 

- débouté Monsieur [H] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 

- rejeté la demande de requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail formulée par Monsieur [H] [M] 

- débouté en conséquence, Monsieur [H] [M] de toutes ses demandes financières afférentes 

- condamné Monsieur [H] [M] à verser à la SARL SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE la somme de 550,78 euros au titre du préavis de deux mois non effectué 

- débouté Monsieur [H] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé 

- fixé le salaire mensuel moyen brut de Monsieur [H] [M] sur la base d'un temps plein, à la somme de 1 577,37 euros 

- condamné la SARL SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE à payer à Monsieur [H] [M] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile 

- débouté la SARL SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile 

- ordonné à la SARL SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE de transmettre à Monsieur [H] [M] dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision un certificat de travail, et une attestation Pôle emploi conformes, ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif sans que l'astreinte soit nécessaire 

- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile 

- débouté les parties du surplus de leurs demandes 

- condamné la SARL SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE aux dépens de l'instance. 

La société lyonnaise de dépannage à domicile a interjeté appel de ce jugement, le 17 juillet 2019.

Elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat en contrat de travail à temps plein 

- de débouter M. [M] de sa demande relative à la requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps plein ;

- de confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions

en tout état de cause,

- de condamner Monsieur [M] à lui verser une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- de le condamner aux entiers dépens.

M. [M] demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la requalification de son contrat de travail à temps partiel du 12 décembre 2011 en un contrat de travail à temps complet

- fixé en conséquence sa rémunération mensuelle brute à la somme de 1 577,37 euros

- condamné la SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE à lui payer la somme de 44 615,34 euros, à titre de rappel de salaire sur la période du 1er mars 2014 au 30 novembre 2016, outre la somme de 4 461,53 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente

annulé l'avertissement du 24 mai 2016 

de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :

- de condamner la SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE à lui payer la somme de 3 000 euros bruts de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur 

- de dire que la prise d'acte du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement abusif à la date du 16 décembre 2016 

- de condamner la SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE à lui payer les sommes de :

1 577,37 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement

3 154,74 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 315,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférente

20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif

9 464,22 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé 

- de condamner la SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE à lui remettre l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et ses bulletins de paie rectifiés conformément à la décision à intervenir et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard sur une durée de trois mois, à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision à intervenir 

- de dire que le montant des condamnations produira intérêt au taux légal, avec capitalisation, à compter de la réception par l'appelante de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Lyon

- de condamner la SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile 

- de condamner la SOCIETE LYONNAISE DE DEPANNAGE A DOMICILE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.

SUR CE :

La société SLDD n'a pas demandé dans le dispositif de ses conclusions d'appel l'infirmation de la disposition du jugement qui a annulé l'avertissement du 24 mai 2016.

M. [M] n'a pas formé appel incident de la disposition du jugement qui l'a débouté de sa demande de rappel de la prime d'ancienneté

Ces deux chefs du jugement doivent en conséquence être confirmés.

Sur la demande aux fins de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein

La société SLDD fait valoir :

- que la conclusion de deux contrats de travail ne constitue pas une fraude, les prestations proposées par elle et la société SPEF étant complémentaires et que si les deux sociétés ont proposé deux contrats de travail à M. [M], ce n'est qu'en raison des règles qui entourent les activités de service à la personne

- qu'il n'est pas possible de requalifier en même temps les deux contrats de travail à temps partiel en deux contrats de travail à temps plein 

- que l'activité principale exercée par M. [M] était l'installation de Livebox pour les clients d'Orange Assistance dans le cadre de son contrat de travail avec la société SPEF et que, dans le cadre du second contrat de travail souscrit avec elle-même, le salarié ne faisait que vendre au domicile du client du matériel nécessaire à la correcte exécution de sa mission d'installateur salarié de la société SPEF.

Le salarié fait valoir, au visa de la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel  :

- que son contrat de travail à temps partiel est présumé à temps plein en ce qu'il ne prévoit ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ni les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée lui sont communiqués et en raison de l'absence de communication par écrit chaque mois de ses horaires 

- que la durée de son travail était susceptible de variation d'une semaine sur l'autre, que l'employeur lui communiquait son planning la veille pour le lendemain, sans qu'il puisse déterminer pour lequel de ses deux employeurs, SPEF ou SLDD il effectuait ses interventions et que, placé dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail, il devait se tenir en permanence à la disposition de la société SLDD, que, faute de planning, il lui était impossible de connaître à l'avance ses heures d'intervention à l'intérieur de chaque journée, que le relevé de ses interventions de l'année 2016 démontre qu'il a travaillé semaine après semaine un nombre d'heures supérieur à un temps complet, que les nombreuses heures complémentaires effectuées n'ont été ni déclarées ni rémunérées par aucun de ses deux employeurs  et que le relevé ne permet pas de déterminer auquel de ses employeurs il doit réclamer le paiement de ses heures complémentaires

- que le contrat à temps partiel de son collègue M. [B] conclu avec la SPEF a été requalifié par la cour d'appel de Lyon en contrat à temps plein  et que l'arrêt du 30 avril 2021 de la même cour ayant rejeté la demande en requalification du contrat à temps partiel de M. [B] conclu avec la société SLDD est frappé d'un pourvoi en cassation.

****

L'article L3123-14 du code du travail en vigueur du 22 août 2008 au 17 juin 2013 applicable au contrat signé le 12 décembre 2011 énonce que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit et qu'il mentionne :

1° la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois

2° les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification

3° les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié

4 ° les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée du travail fixée par le contrat.

Le contrat de travail souscrit entre la société SLDD et M. [M] contient la clause suivante en son article 4 :

« Le temps de travail de M. [M] est réparti comme suit :

Lundi : 1 heure

Mardi : 1 heure

Mercredi : 1 heure

Jeudi : 1 heure

Vendredi : 1 heure

Soit au total : 5 heures.

(...) Les horaires de travail seront communiqués à M. [M] sous forme de plannings affichés conformément aux règles applicables dans l'entreprise quant au délai de prévenance.

A titre indicatif, celui-ci est actuellement fixé à 7 jours ».

Le contrat de travail stipule bien la durée hebdomadaire du travail convenue (cinq heures par semaine), le nombre d'heures travaillées chaque jour de la semaine (une heure par jour) et les modalités suivant lesquelles les horaires de travail sont communiqués au salarié.

Mais l'employeur ne justifie pas avoir communiqué au salarié son horaire de travail au plus tard au début de chaque mois, ni même tous les sept jours, de sorte que l'emploi est présumé à temps complet.

Il ressort des pièces produites qu'en réalité, le salarié accomplissait une seule prestation de travail pour le compte de deux sociétés dirigées par la même personne, exercée concomitamment chez des clients communs, ainsi que le montrent les devis et factures produits portant le nom des deux sociétés SLDD et SPEF.

Il ressort de la liste des interventions du salarié chez les clients pour effectuer des missions de dépannage internet et réseau, d'assistance informatique à domicile ou de livraison, installation et conseil équipement par tranches horaires (8 heures-10 heures ; 10 heures-12 heures ; 12 heures-13 heures etc...) que l'heure de travail journalière stipulée au contrat litigieux était comprise dans l'horaire de travail journalier relatif à l'autre contrat (souscrit avec la société STEF).

Cette heure de travail journalière était rémunérée par la société SLDD, ainsi qu'il ressort des bulletins de salaire produits.

Dès lors, d'une part, la société SLDD rapporte la preuve de la durée exacte hebdomadaire convenue comme il a été dit ci-dessus (cinq heures), d'autre part, elle démontre que le salarié n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Les pièces produites, à savoir un décompte des heures réalisées de janvier 2016 au 9 décembre 2016 au titre des deux contrats de travail ne permettent pas de déterminer que M. [M] a accompli des heures complémentaires pour le compte de la société SLDD ayant eu pour effet de porter la durée mensuelle de son contrat de travail souscrit avec cette dernière à une durée égale ou supérieure à la durée légale du travail.

Il convient de rejeter la demande de requalification et la demande consécutive de rappel de salaire, le jugement qui les accueillies étant infirmé.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

M. [M] soutient qu'il a effectué de très nombreuses heures complémentaires jusqu'à dépasser la durée légale de travail mensuelle, que, du fait de la confusion volontairement entretenue par les sociétés SLDD et SPEF, il est parfaitement impossible de déterminer quelles heures étaient réalisées pour le compte de l'une ou l'autre des deux sociétés, mais que ces sociétés avaient nécessairement connaissance de l'intégralité de l'intégralité des heures travaillées en raison de leur retranscription sur l'extranet, que la société SLDD a intentionnellement mentionné un nombre d'heures de travail sur ses bulletins de paie des mois de janvier et juillet 2016 inférieur à celui qu'il avait effectivement travaillé et que la majorité du temps de travail des salariés était en réalité rattachée aux services à la personne (SPEF) uniquement à des fins de fraude fiscale et sociale.

En application de l'article L. 8221-1 du code du travail, est interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du même code.

Il n'est pas établi que l'employeur n'a pas rémunéré toutes les heures de travail accomplies par M. [M] dans le cadre du présent contrat de travail, de sorte que la dissimulation invoquée n'est pas établie.

Le jugement qui a rejeté la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé doit être confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur

A l'appui de sa demande, le salarié fait valoir :

- que les recrutements de deux nouveaux techniciens sur son secteur géographique en mai et novembre 2016 n'ont donné lieu à aucune concertation préalable et ont été imposés aux salariés de l'agence de [Localité 5] qui ont été mis devant le fait accompli, qu'en outre, ils sont intervenus dans un contexte de diminution de l'activité, que, de manière parfaitement déloyale, l'employeur attribuait à ces nouveaux salariés, par l'intermédiaire de la plate-forme de distribution des interventions basée à [Localité 6], plus d'interventions qu'à ses anciens salariés et que l'activité de M. [S], recruté le 24 octobre 2016, concurrençait directement la sienne, ce qui explique la chute de sa durée du travail et de sa rémunération au mois de novembre 2016

- que, malgré la gravité de la situation et les conséquences que sa politique avait directement sur des éléments essentiels du contrat de travail, l'employeur n'a jamais répondu à la lettre du 21 novembre 2016 signée par cinq salariés.

L'employeur répond :

- que l'embauche de deux salariés résulte de ses prérogatives et ne saurait constituer un manquement grave de sa part

- que M. [W] a été recruté pour intervenir auprès de ses anciens clients situés dans l'Ain et qu'il a apporté des affaires supplémentaires et non pas pris le travail des autres salariés

- que M. [S] a été recruté sur un poste bien différent de celui de M. [M], à savoir le poste d'homme toutes mains

- qu'elle n'a jamais fait état de difficultés économiques et s'est toujours attachée à développer son activité par la conquête de nouveaux marchés mais que M. [M] était réfractaire à ces perspectives d'évolution

- qu'elle a conclu de nouveaux partenariats en 2015 et 2016

- que la rémunération de M. [M] n'a cessé d'augmenter.

****

Par courrier du 21 novembre 2016, M. [M] et quatre autres de ses collègues se sont inquiétés auprès de l'employeur de la conjoncture défavorable et de la baisse d'activité de leur principal donneur d'ordres Orange entraînant une baisse de clients et de l'élément variable du salaire, ainsi que du recrutement de deux techniciens sur les secteurs de l'Ain et du Rhône.

L'embauche de nouveaux salariés relève du pouvoir discrétionnaire de l'employeur et ne saurait présenter en soi un caractère fautif.

Le salarié produit les itinéraires des tournées de M. [W] et de M. [S] (dépanneur multi-services) destinés à démontrer que ces tournées concernaient son secteur et un relevé faisant apparaître un nombre plus important d'interventions réalisées par M. [S] que par lui-même à la fin du mois de novembre 2016.

Mais le salarié ne rapporte aucun élément permettant de prouver que l'embauche de M. [W] en mai 2016 a été suivie d'une baisse de sa propre activité.

M. [S] ayant été recruté le 24 octobre 2016 sur un poste différent de celui de M. [M], tandis qu'il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir souhaité varier ses activités, aucun lien n'est établi non plus entre le volume d'activité de la société sur la période d'octobre et novembre 2016 et cette embauche.

Dans ces conditions, la preuve de manquements commis par l'employeur n'étant pas rapportée et aucun préjudice n'étant invoqué en lien avec la nullité de l'avertissement prononcée par les premiers juges, c'est à juste titre que les premiers juges, dont le jugement sera confirmé, ont rejeté la demande de dommages et intérêts fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la prise d'acte de la rupture

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. C'est au salarié qu'il incombe de rapporter la preuve des manquements invoqués à l'encontre de son employeur.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture, qui entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

La lettre de prise d'acte du 12 décembre 2016 est ainsi rédigée :

« (...) Nous avons signé le 12 décembre 2011 deux CDI pour les sociétés SOS DEPANNAGE et SPEF (5 et 30H/sem) que je considère rompus par votre faute.

En effet, en dépit d'une conjoncture économique défavorable, vous avez recruté deux techniciens sur des secteurs qui jusqu'à présent m'étaient attribués contractuellement, avec mon collègue M. [B] :

-1 M. [W] sur le secteur de l'Ain (01), embauché au mois de mars 2016 et dont une partie de l'équipe a fait sa connaissance le 19 mai 2016 lors d'une réunion.

-2 M. [S] sur le secteur du Rhône (69), embauché au mois de novembre 2016 et que nous ne connaissons toujours pas.

Ces recrutements ont diminué ma durée de travail et ma rémunération, qui ont chuté. Ainsi, au moins de novembre je n'ai travaillé qu'à peine plus de 100 heures pour les deux CDI et ma rémunération nette cumulée pour les deux CDI est égale à 1.480,97 euros, soit une baisse de 800 euros environ.

Chose encore plus grave, il apparaît que vous favorisez les salariés nouvellement recrutés qui se voient attribuer plus d'interventions que moi, ce qui caractérise votre déloyauté.

Je vous ai écrit le 21 novembre 2016 afin de vous faire part de mon inquiétude et vous demander un rendez-vous afin de clarifier ma situation contractuelle et vous n'avez jamais répondu à ce courrier.

Pour l'ensemble de ces motifs non exhaustifs, je considère que les deux contrats de travail du 12 décembre 2011 sont rompus en raison de la gravité de ces manquements. (...) ».

Il a été dit ci-dessus que les manquements allégués à l'appui de la demande de dommages et intérêts fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail n'étaient pas démontrés.

Le salarié invoque en outre le fait qu'à compter du 1er novembre 2016, l'employeur n'a plus été en mesure de lui fournir les heures de travail hebdomadaires prévues au contrat, puisque en exécution des deux contrats de travail confondus, il n'a travaillé que 22,18 heures du 31 octobre au 4 novembre 2016, puis 29,62 heures, 27,92 heures, 15,03 heures, 22, 57 heures et 16,78 heures au cours des cinq semaines suivantes, jusqu'au 9 décembre 2016.

Il ajoute qu'en dépit de ce contexte perturbé, l'employeur n'a jamais organisé l'entretien professionnel prescrit par l'article L6315-1 du code du travail, obligatoire depuis le 7 mars 2014.

L'employeur répond :

- que l'activité de M. [M] a certes été réduite au cours des mois d'octobre et de novembre 2016 mais que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat dès le 12 décembre 2016 

- que le salarié ne justifie pas avoir demandé l'organisation d'un entretien professionnel, ni en quoi cette absence d'entretien lui aurait causé un préjudice.

****

Le relevé d'heures produit par le salarié révèle une diminution des heures accomplies au titre des deux contrats pour les mois d'octobre 2016 (120,42 heures) et novembre 2016 (100,87 heures).

Il n'a pas été démontré que cette baisse était dûe au comportement fautif de l'entreprise.

Le salarié n'explique pas en quoi l'absence de tenue d'un entretien professionnel empêchait toute poursuite de la relation de travail.

L'avertissement prononcé le 24 mai 2016, annulé par le conseil de prud'hommes, ne constitue pas un manquement de l'employeur suffisamment grave pour justifier une prise d'acte aux torts de l'employeur.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte du salarié s'analysait en une démission, a débouté M. [M] de ses demandes formées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné ce dernier à payer à la société SLDD la somme de 550,78 euros au titre du préavis de deux mois non effectué.

M. [M] étant partie perdante, le jugement doit être infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.

M. [M] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance sera rejetée.

L'équité ne commande pas de le condamner à payer une indemnité de procédure à la Société lyonnaise de dépannage à domicile (SLDD) en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et condamné la Société lyonnaise de dépannage à domicile à verser à M. [H] [M] la somme de 44 615,34 euros à titre de rappel de salaire, outre une indemnité de congés payés afférents et en ce qu'il a condamné la Société lyonnaise de dépannage à domicile aux dépens et à payer à M. [M] une indemnité de procédure

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

REJETTE la demande de M. [M] aux fins de requalification du contrat de travail à temps partiel souscrit avec la Société lyonnaise de dépannage à domicile en un contrat de travail à temps complet et la demande en paiement d'un rappel de salaire consécutif

CONDAMNE M. [H] [M] aux dépens de première instance et d'appel

REJETTE la demande de M. [H] [M] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance

REJETTE la demande de la Société lyonnaise de dépannage à domicile fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/05068
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;19.05068 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award