AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/05502 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQW2
[L]
C/
Société XEROX TECHNOLOGY SERVICES
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 09 Juillet 2019
RG : F16/03828
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022
APPELANT :
[O] [L]
né le 19 Mai 1976 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Jeanne CIUFFA, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société XEROX TECHNOLOGY SERVICES venant aux droits de la société CONDUENT
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 07 Décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [O] [L] a été embauché par la société XEROX BUSINESS SERVICES suivant contrat à durée indéterminée à effet du1er avril 2003 avec reprise d'ancienneté au 1er janvier 2003 en qualité de responsable de poste, classification ETAM, position 2.3 coefficient 355 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils.
Deux avenants ont été conclus entre les parties, à effet des 1er février 2005 et 1er janvier 2006, en vertu desquels le salarié a été placé à une position et à un coefficient supérieurs, sa rémunération a été augmentée et la durée de son travail a été fixée de manière forfaitaire (214 jours de travail maximum pour une année complète de travail aux termes du second avenant).
Selon avenant en date du 2 avril 2007 à effet du 1er janvier 2007, le salarié a été promu au poste de chef de production L2, de statut cadre, position 1.1 coefficient 95.
Il a été élu membre du CHSCT en février 2010.
M. [L] a été placé en arrêt de travail à compter du 19 mars 2014 renouvelé sans interruption jusqu'au 23 juin 2016, date de la visite de reprise, à l'issue de laquelle le médecin du travail l'a déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise.
Le salarié a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé au 9 septembre 2016 et la société lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le 14 septembre 2016.
Par requête du 22 décembre 2016, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de LYON afin de lui demander de reconnaître qu'il a été victime de harcèlement moral et de discrimination et de condamner la société à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, indemnités consécutives au licenciement, dommages et intérêts pour harcèlement moral, dommages et intérêts pour discrimination et rappel de salaire au titre d'un réajustement de la rémunération du forfait en jours.
Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 25 janvier 2018.
Par jugement du 9 juillet 2019, le juge départiteur statuant seul a rejeté toutes les demandes formées par M. [L], dit n`y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Monsieur [O] [L] aux dépens de l'instance.
M. [L] a interjeté appel de ce jugement, le 26 juillet 2019.
Il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement
statuant à nouveau,
- de condamner la société CONDUENT à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- de dire que son licenciement est nul ;
- de condamner la société CONDUENT à lui payer les sommes suivantes :
29 600 euros de dommages et intérêt pour nullité du licenciement
7 398 euros d'indemnité de préavis et 739euros de congés payés afférents
136,93 euros de complément d'indemnité de licenciement
- de condamner la société CONDUENT à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;
- de condamner la société CONDUENT à un rappel de salaire pour réajustement de la rémunération du forfait jours, aux sommes suivantes :
53 902 euros sur 2014 outre congés payés afférents de 5 390 euros
48 862 euros sur 2015 outre congés payés afférents de 4 886 euros
4 536 euros sur 2016 outre congés payés afférents de 453 euros
- de condamner la société aux entiers dépens d'instance et à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Xerox Technology services venant aux droits de la société Conduent demande à la cour :
- de confirmer le jugement
- de débouter Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes
- de condamner Monsieur [L] au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700
du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.
SUR CE :
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L1152-1du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L1154-1 ancien du code du travail dispose que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En vertu de ce dernier texte, il pèse sur le salarié l'obligation de rapporter la preuve d'éléments précis et concordants ; ce n'est qu'à cette condition que le prétendu auteur du harcèlement doit s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.
La salarié fait valoir qu'il a subi les agissements répétés de harcèlement moral suivants :
- des reproches adressés par M. [C], son responsable hiérarchique, concernant un manque de loyauté à son égard dans l'affaire [Z], au motif qu'il avait accepté de témoigner en faveur de cette salariée qui s'était plainte d'un harcèlement sexuel commis par ledit responsable
- des dénigrements systématiques de M. [W], responsable du site de [Localité 5], sur son travail, sa façon de communiquer, son management, lors des évaluations annuelles
- des dénigrements de M. [W] lors des réunions avec son équipe, ce qui a décrédibilisé son statut de manager
- des réflexions désobligeantes et humiliantes de M. [W] telles que demander à un de ses subordonnés de « bien nettoyer la cuvette des toilettes après son passage »
- une surveillance excessive et 'guettant la moindre erreur', l'obligeant à redoubler de vigilance dans son travail et lui faisant perdre confiance en lui
- la surcharge de travail, car il devait gérer une équipe de 50 personnes, ce qui l'a empêché d'utiliser ses heures de délégation CHSCT.
Il affirme que ces situations et l'absence de mesure prise par la direction l'ont fait craquer psychologiquement, qu'il a été suivi par son médecin et deux psychologues pour dépression avec traitement médicamenteux et que le comportement de M. [W], principalement, a été à l'origine de son épuisement professionnel et de sa dépression, ce dernier ayant notamment refusé son évolution à la position L3 en 2011, 2012 et 2013 malgré ses évaluations positives.
Il ajoute qu'il ne voulait pas perdre son emploi, ce qui explique qu'il n'ait pas usé de son droit d'alerte, observant qu'aucune sanction n'a été prise à l'encontre de M. [C] dont le comportement était systématiquement excusé par l'employeur.
Il soutient que le comportement de harcèlement moral de ses responsables hiérarchiques a entraîné son impossibilité à continuer à travailler au sein de l'entreprise et se trouve à l'origine de son licenciement pour inaptitude.
La société fait valoir :
- qu'il existe au sein de l'entreprise des procédures pour prévenir toute forme de harcèlement (code de conduite professionnelle et procédures d'alerte)
- que les éléments dont fait état le salarié ne sont corroborés par aucune pièce
- que les entretiens établis par M. [W] pour les années 2011, 2012 et 2013 sont particulièrement élogieux
- que les éléments produits par M. [L], à savoir des attestations et un certificat médical, sont insuffisants à caractériser des faits laissant présumer une situation de harcèlement moral
- que le salarié n'a jamais subi d'agissements de harcèlement moral.
Elle explique qu'elle a saisi le conseil de l'ordre des médecins d'un recours concernant le certificat rédigé par le docteur [R] qui affirmait que M. [L] avait été victime de harcèlement moral au sein de l'entreprise sans l'avoir constaté par lui-même.
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A l'appui de sa demande, M. [L] verse aux débats :
- une attestation de M. [Y], son ancien supérieur hiérarchique, qui déclare avoir constaté à partir de 2011, date de changement de manager, un changement de comportement de la part de M. [L] : celui-ci commençait à être stressé, il développait des 'toc' et lui faisait part de son incompréhension sur le management de son responsable
- une attestation de M. [S], collègue de M. [L] depuis 2003, qui déclare avoir constaté un changement dans le management de M. [W] envers M. [L] depuis son élection au CHSCT et son témoignage dans l'affaire de Mme [Z] et expose que lors des réunions sur le site de [Localité 5], M. [W] n'a cessé d'avoir une attitude négative, de rabaisser M. [L] , de lui dire que sa façon de travailler n'était pas conforme à ce qu'il attendait et de lui imposer une charge de travail conséquente impossible à réaliser dans les temps impartis; au fil du temps, à force de recevoir des remarques toujours négatives et déplacées, M. [L] était en stress permanent , son moral s'est dégradé, il s'est senti humilié et dévalorisé.
Ces témoignages, le premier ne décrivant aucun fait personnellement constaté à l'occasion du travail et reprenant les propres déclarations de M. [L], le second étant rédigé dans des termes particulièrement généraux, insusceptibles de prouver des agissements précis, et non circonstanciés, sont insuffisants à établir la matérialité des faits ci-dessus invoqués.
La pièce 18, à savoir le total des effectifs de la plate-forme en 2010, et la pièce 19 'appréciation des performances 2010", document dans lequel le salarié fait état de ses missions et du nombre de salariés sous sa responsabilité pour interroger l'employeur sur l'absence de réponse à sa demande de passer au statut de chef d'équipe, ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'une surcharge de travail.
L'absence d'évolution de sa classification, dont se plaint le salarié, sera examinée dans le cadre de la discussion sur la discrimination syndicale.
Enfin, les entretiens cliniques mensuels de M. [L] avec une psychologue clinicienne de septembre 2014 à février 2015, la prescription d'antidépresseurs de mars 2014 à avril 2016 et le certificat du docteur [R] du 9 décembre 2016 complété dans le cadre de la conciliation intervenue le 7 décembre 2017 à la suite du recours formé par l'employeur devant le conseil de l'ordre des médecins ('l'ensemble de ce tableau amène au diagnostic de syndrome psychotraumatique compliqué de dépression qui chez cet homme sans antécédents est entièrement imputable aux événements survenus au travail, tels qu'il les rapporte'), éléments médicaux révélant une détérioration de l'état de santé du salarié, ne permettent pas à eux seuls de laisser présumer un harcèlement moral de la part de l'employeur.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts fondée sur le harcèlement moral.
Sur la discrimination
Le salarié soutient :
- que son évolution de carrière a pris fin à partir du moment où il a été élu membre du CHSCT et a osé témoigner pour le compte de Mme [Z]
- qu'en effet, sept ans après sa promotion au statut de cadre, il était toujours classé en position 1.1 coefficient 95 correspondant à celle de cadre débutant dans la profession, sans que l'employeur apporte une explication sur cette stagnation.
La société soutient :
- que le salarié n'apporte aucun élément laissant présumer qu'il a fait l'objet d'une stagnation professionnelle en raison de son mandat d'élu au CHSCT ou de son témoignage à l'encontre de sa hiérarchie
- que le passage à la position supérieure n'est pas automatique et que la situation de M. [L] est identique à celle d'autres salariés de l'entreprise qui ne détiennent pas de mandat de représentant du personnel.
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En application de l'article L 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération (...) de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle (...) en raison de ses activités syndicales ou mutualistes.
L'article L2141-5 du même code énonce qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
Aux termes de l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de survenance d'un litige au sujet d'une discrimination invoquée par un salarié, celui-ci doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, les éléments apportés par le salarié devant être examinés dans leur ensemble, et si tel est le cas, il incombe ensuite à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
A l'appui de sa demande fondée sur la discrimination syndicale, M. [L] affirme qu'il aurait dû accéder à la position 2.1 qui est celle d'un cadre ayant au moins deux ans de pratique dans la profession, puisqu'il avait déjà trois ans d'ancienneté en qualité de cadre en 2010, lors de son élection au CHSCT.
La position 1.1 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils est ainsi définie :
débutants- collaborateurs assimilés à des ingénieurs ou cadres techniques et administratifs, occupant dans le bureau d'études un poste où ils mettent en oeuvre des connaissances acquises.
La position 2.1 s'applique aux ingénieurs ou cadres ayant au moins deux ans de pratique de la profession, qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d'études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu'eux dans les corps d'état étudiés par le bureau d'études.
âgés de moins de 26 ans : coefficient 105, âgés de plus de 26 ans : coefficient 115.
Il ressort de l'extrait du compte-rendu d'appréciation des performances 2010, l'entretien ayant eu lieu le 23 mars 2011que la performance du salarié est conforme au niveau attendu. Le 'manager' ajoute les appréciations suivantes : 'bonne implication de [O], bonne prestation globale'.
A cette date, M. [L] occupe le poste chef d'équipe depuis 2009, soit depuis plus d'un an, et il est positionné au niveau cadre depuis 2007.
M. [L] écrit dans son commentaire du collaborateur qu'il n'a toujours pas eu d'explication sur son positionnement et sa demande pour passer au statut chef d'équipe L3, ceci par rapport à ses homologues (un chef d'équipe au statut L2 et un chef d'équipe au statut L3) et revendique un passage au positionnement 2.1.
Le compte-rendu d'appréciation des performances 2011 faisant suite à un entretien du 3 mai 2012 produit par l'employeur montre que la performance de M. [L] est conforme au niveau attendu, que le salarié est volontaire dans ses actions, s'implique et implique ses collaborateurs et que 'à la suite de l'arrêt des activités EDF, bon démarrage de la prise en charge d'une partie des activités d'AXA'.
Aucun compte-rendu d'évaluation n'est produit pour la période postérieure.
M. [L] indique qu'au moment de son arrêt-maladie en 2014, il avait sept ans d'ancienneté à la même position 1.1.
M. [L] apporte ainsi des éléments établissant une stagnation professionnelle susceptible de laisser présumer une discrimination syndicale, car il a été élu membre du CHSCT le 15 février 2010.
La société affirme qu'il n'y a pas de discrimination, en faisant valoir la situation de trois salariés qui ne détiennent pas de mandat de représentant du personnel au sein de l'entreprise :
- Mme [T] ... cadre position 1.1 coefficient 95 le 1er octobre 2013 se trouve toujours à la même position en décembre 2019, six ans plus tard
- M. [P] ... cadre position 1.1 coefficient 95 le 1er avril 2015 se trouve toujours à la même position en décembre 2019, plus de quatre ans après
- Mme [N] ...cadre position 1.1 coefficient 95 le 1er janvier 2015 se trouve toujours à la même position en décembre 2019, plus de cinq ans après.
Mais les contrats ou avenants produits sont largement postérieurs à l'année 2007 et à l'année 2014, l'un des trois salariés est chef de centre opérationnel et non pas chef de production et le bulletin de salaire du second des deux salariés exerçant la fonction chef de production L (soit une fonction équivalente à celle de M. [L]) ne correspond manifestement pas à l'avenant joint du 1er janvier 2015, puisque la salariée aurait été embauchée le 23 janvier 1995 et que l'ancienneté mentionnée sur le bulletin de salaire est le 3 septembre 1990, si bien qu'aucune comparaison pertinente ne peut être effectuée avec la situation de M. [L].
L'employeur n'apporte par ailleurs aucune justification à son absence de réponse à la revendication de M. [L] sur le sous-positionnement qu'il invoque et n'explique pas pour quel motif il n'a pas procédé à l'évaluation du salarié pendant les années 2012, 2013 et 2014.
Il ne démontre pas en conséquence que sa décision est étrangère à toute discrimination liée au mandat exercé par le salarié.
M. [L] sollicite la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts 'représentant quatre ans de rappel de salaire entre sa position et celle qui correspondait au travail réellement exécuté'.
Il n'a pas sollicité de rappel de salaire et ne donne pas d'élément de calcul quant au préjudice matériel qu'il soutient avoir subi, mais il doit être indemnisé du préjudice moral causé par la discrimination.
Il convient de condamner la société Xerox Technology Services venant aux droits de la société Conduent à lui payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
Sur la demande de rappel de salaire
Le salarié fait valoir qu'à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 24 avril 2013, un avenant à l'accord de branche a été signé le 1er avril 2014, étendu en juin 2014, lequel prévoit à l'article 4.1 que les salariés concernés relèvent au minimum de la position 3 de la grille de classification des cadres de la convention collective ou bénéficient d'une rémunération annuelle supérieure à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale, mais que son forfait jours, son positionnement et sa rémunération n'ont pas été réajustés, bien que sa rémunération soit largement inférieure aux préconisations du nouvel accord de branche.
Il sollicite le paiement d'une somme correspondant à la différence entre le revenu moyen (de janvier à mars 2014) et le maintien de salaire qu'il a perçus en 2014, 2015 et 2016 et deux fois le plafond de la sécurité sociale.
La société répond que la convention de forfait en jours conclue avec un cadre ne peut à elle seule permettre au salarié de revendiquer une rémunération au moins égale à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale ou une classification cadre de niveau 3 et que la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point doit s'appliquer à l'avenant du 1er avril 2014 comme elle s'appliquait à l'accord du 22 juin 1999.
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Aux termes de l'article 4.1 de l'avenant du 1er avril 2014 invoqué par le salarié, les collaborateurs susceptibles de conclure une convention de forfait en jours doivent obligatoirement disposer d'une grande latitude dans l'organisation de leur travail et dans la gestion de leur temps et relèvent au minimum de la position 3 de la grille de classification des cadres de la convention collective nationale ou bénéficient d'une rémunération annuelle supérieure à deux fois le plafond de la sécurité sociale.
Mais le bénéfice d'une rémunération supérieure au double du plafond de la sécurité sociale constitue l'un des critères possibles permettant de ranger un cadre parmi ceux définis par l'article 4.1 de l'avenant du 1er avril 2014 invoqué par le salarié, en vue de lui appliquer un régime forfaitaire de durée du travail et ne saurait être interprété comme une obligation d'assurer une telle rémunération à un cadre susceptible d'entrer dans le champ d'application de cet article.
Ainsi, le salarié n'est pas fondé à revendiquer une rémunération au moins égale à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale.
Le jugement qui a rejeté la demande en paiement d'un rappel de salaire doit être confirmé.
Sur la demande en nullité du licenciement
M. [L] fait valoir qu'à l'origine de son licenciement pour inaptitude, il y a le comportement de harcèlement moral de ses responsables hiérarchiques qui a entraîné indiscutablement son impossibilité de continuer à travailler au sein de l'entreprise.
Il a été dit ci-dessus que l'employeur n'avait pas commis de faits constitutifs de harcèlement moral, de sorte que la demande en nullité du licenciement et les demandes pécuniaires consécutives doivent être rejetées.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Le recours de M. [L] étant partiellement accueilli, la société Xerox Technology Services venant aux droits de la société Conduent doit être condamnée aux dépens d'appel.
L'équité commande de mettre à sa charge les frais irrépétibles d'appel exposés par M. [L] à hauteur de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts du salarié fondée sur la discrimination syndicale
STATUANT à nouveau sur le chef infirmé,
CONDAMNE la société Xerox Technology Services venant aux droits de la société Conduent à payer à M. [O] [L] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la discrimination syndicale
CONDAMNE la société Xerox Technology Services venant aux droits de la société Conduent aux dépens d'appel
CONDAMNE la société Xerox Technology Services venant aux droits de la société Conduent à payer à M. [O] [L] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE