La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2022 | FRANCE | N°18/06764

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 14 décembre 2022, 18/06764


.





















AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 18/06764 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L6EC



[K]

C/

Société AXYME

Société ETUDE JP

Société ETUDES GESTION TRANSIT (EGETRA)



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 06 Septembre 2018

RG : 17/01661



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2022


>



APPELANT :



[A] [K]

né le 22 Avril 1957 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 5]



représenté par Me Marion SIMONET de la SELAS EPILOGUE AVOCATS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉES :



Société ETUDES GESTION TRANSIT (EGETRA)

[Adresse 1]

[Loc...

.

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 18/06764 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L6EC

[K]

C/

Société AXYME

Société ETUDE JP

Société ETUDES GESTION TRANSIT (EGETRA)

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 06 Septembre 2018

RG : 17/01661

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2022

APPELANT :

[A] [K]

né le 22 Avril 1957 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Marion SIMONET de la SELAS EPILOGUE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Société ETUDES GESTION TRANSIT (EGETRA)

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Gilles OBADIA, avocat au barreau de PARIS

Société AXYME représentée par Me [L] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ETUDE GESTION TRANSIT

assignée en intervention forcée

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Gilles OBADIA, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Florence LUCCHI, avocat au barreau de PARIS

Société ETUDE [U][X] représentée par Me [U] [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ETUDE GESTION TRANSIT

assignée en intervention forcée

[Adresse 8]

[Localité 6]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Gilles OBADIA, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Florence LUCCHI, avocat au barreau de PARIS

PARTIE ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE :

CGEA ILE DE FRANCE OUEST

[Adresse 2]

[Localité 7]

non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Octobre 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Décembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Etudes Gestion Transit ci-après dénommée Egetra exerce une activité d'affrètement et d'organisation de transports routiers, mais aussi aériens et maritimes (overseas), ainsi qu'une activité de commissionnaire en douanes.

Souhaitant développer le secteur de 'l'Overseas', la société Egetra a ouvert un département maritime et aérien sur l'agence de [Localité 11].

C'est dans ce contexte de réorientation de son activité que la société Egetra a embauché M. [K] suivant contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er juillet 2008, en qualité de responsable d'exploitation maritime / aérien, à temps plein, catégorie cadre, annexe 4, groupe 1, emploi 2, coefficient 100.

M. [K] a été affecté à l'agence de [Localité 12]. Il percevait un salaire mensuel brut de 2 700 euros sur 12 mois.

Par avis en date du 1er décembre 2016, confirmé le 15 décembre 2016, le médecin du travail a déclaré M. [K] 'inapte au poste actuel et à tous les postes de l'entreprise'.

La société Egetra a convoqué M.[K] à un entretien préalable fixé au 16 février 2017.

Le 21 février 2017, M. [K] a été licencié pour impossibilité de reclassement à la suite d'une inaptitude physique, dans les termes suivants :

'A la suite de notre entretien du 16 février dernier, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de votre inaptitude constatée par le Médecin du Travail et à la suite de laquelle votre reclassement dans l'entreprise et au niveau du Groupe s'est révélé impossible.

En effet et suite à deux examens médicaux en date du 1er et 15 décembre 2016, le Médecin du Travail vous a déclaré « inapte à votre poste actuel et à tous les postes de l'entreprise ».

Le 4 janvier 2017 et alors même que nous l'interrogions quant à la possibilité de vous proposer 2 offres de reclassement que nous avions pu identifier sur d'autres agences que celle de [Localité 11], le Médecin du travail nous a « confirmé votre inaptitude totale et définitive au sein de l'entreprise mais également au niveau du groupe » précisant qu'il « n'envisageait pas pour vous de possibilité de reclassement dans les cadres. Les postes de reclassement proposés ne lui paraissent donc pas compatibles avec votre état de santé ».

Les délégués du personnel consultés le 25 janvier dernier, n'ont pu formuler de suggestion quant à votre reclassement.

Le 26 janvier 2017 nous vous avons proposé le poste de Responsable du service AOG que vous avez refusé par réponse du 30 janvier 2017 (...)'.

Par requête en date du 1er juin 2017, M.[K] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de dire et juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement et de condamner la société Egetra à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour perte de salaire et congés payés afférents, d'indemnité de préavis et congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 6 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [K] repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence

- débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

- condamné M. [K] aux dépens.

M. [K] a interjeté appel de ce jugement le 1er octobre 2018.

Par jugement en date du 22 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Egetra.

Par jugement en date du 2 août 2021, le tribunal de commerce de Paris a converti le redressement judiciaire de la société Egetra en liquidation judiciaire.

Ont fait l'objet d'une assignation en intervention forcée :

- le CGEA d'Ile de France Ouest, le 26 juillet 2021,

- les sociétés Axyme et Etude [U][X] en qualité de liquidateurs judiciaires les 4 et 9 août 2021,

- les sociétés BCM et ABITBOL & ROUSSELET en qualité d'administrateurs judiciaires les 31 août et 2 septembre 2021.

Par une ordonnance du 9 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a révoqué l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire à la mise en état pour permettre aux intervenants forcés de conclure.

Par conclusions régulièrement notifiées le 6 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, M. [K] demande à la cour de :

- infirmer la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

- dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement dont il a fait l'objet,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Egetra représentée par les sociétés Axyme et Etude [U][X], ès qualités, aux sommes de :

2 727,00 euros nets à titre de dommages-intérêts pour perte de salaire ;

8 181,00 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

818,10 euros bruts à titre de congés payés afférents ; outre intérêts légaux à compter de la notification de la saisine en date du 1 er juin 2017, et avec capitalisation par année entière des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.

45 000,00 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; outre intérêts légaux à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et avec capitalisation par année entière des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.

3 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger que les dépens seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la société Egetra.

Par conclusions régulièrement notifiées le 24 mars 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la société Etudes Gestion Transit (EGETRA) demande à la cour de :

- rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,

à titre principal, à défaut de justifier de la déclaration de sa créance à son passif dans les délais légaux,

- déclarer M. [K] mal fondé en toutes ses demandes et de l'en débouter

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 6 septembre 2018 en ce qu'il a débouté M. [K] de toutes ses demandes

par conséquent,

- déclarer M. [K] mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter

- condamner M. [K] aux entiers dépens.

Par conclusions régulièrement notifiées le 7 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la société Axyme et la société Etude [U][X], agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la société Egetra, demandent à la cour de :

à titre principal :

- déclarer M. [K] irrecevable en ses demandes faute pour lui de justifier de la déclaration de sa créance au passif de la société Egetra dans les délais légaux

à titre subsidiaire :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 6 septembre 2018 en ce qu'il a débouté M. [K] de toutes ses demandes

par conséquent :

- déclarer M. [K] mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter

- condamner M. [K] aux entiers dépens.

Assignée par acte d'huissier remis à une personne se déclarant habilitée à le recevoir, le CGEA d'Ile de France Ouest n'a pas constitué avocat.

Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2022.

SUR CE :

- Sur la recevabilité des demandes de M. [K] :

Les sociétés Axyme et Etude [U][X] ainsi que la société Egetra font valoir à titre principal, le défaut de déclaration de créance par M. [K], au passif de cette dernière société, sans préciser le fondement juridique de cette fin de non recevoir.

Or, il résulte des dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce qui imposent, à partir de la publication du jugement, à tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, d'adresser la déclaration de leur créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en conseil d'état, que les salariés sont expressément exemptés du respect de cette obligation.

La cour rejette en conséquence cette fin de non recevoir non fondée en droit.

- Sur le licenciement :

Il résulte des articles L.1232-1 et L 1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs; en vertu de l'article 1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié; la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

L'article L1226-2 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au licenciement prononcé le 21 février 2017, dispose que :

'Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à béénficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.'

Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse lorsque le comportement fautif de l'employeur est à l'origine de l'inaptitude du salarié.

Si le médecin du travail a constaté l'inaptitude physique d'origine non professionnelle d'un salarié, l'employeur est tenu à une obligation de reclassement de ce salarié; à ce titre, il doit faire des propositions loyales et sérieuses, et doit assurer l'adaptation du salarié à son emploi en lui assurant une formation complémentaire ;l'obligation de reclassement s'impose à l'employeur ; à défaut, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, M. [K] conteste son licenciement en invoquant à l'encontre de la société Egetra des manquements à son obligation de santé et de sécurité, lesquels seraient à l'origine exclusive de l'altération de son état de santé et donc de son inaptitude.

M. [K] invoque à ce titre :

- une surcharge de travail dont il a alerté sa hiérarchie en vain,

- sa mise à l'écart à compter de 2016 caractérisée d'une part par son éviction de la prise en compte d'un client majeur de l'agence, en l'espèce, la société Ferinox, d'autre part, par le recrutement à compter du 5 septembre 2016 de Mme [B] destinée à le remplacer, alors même que dans le même temps une procédure de licenciement était mise en oeuvre contre lui avec sa convocation à un entretien préalable fixé à la date du 9 septembre 2016.

1°) Concernant la surcharge de travail, M. [K] fait valoir que:

- il était le seul collaborateur en charge de l'Overseas ; son quotidien professionnel était constitué de missions extrêmement variées, fragmentées dans le temps, ce qui ne pouvait que nuire à sa productivité sans qu'on puisse en déduire une moindre charge de travail ; aucun autre salarié de l'agence de [Localité 12] n'étant par ailleurs formé à l'Overseas, il ne recevait l'aide d'aucun collègue ;

- ses missions présentaient un fort niveau d'urgence et étaient génératrices d'une surcharge de travail et d'un état de stress permanent ;

- il était aussi le responsable d'exploitation maritime et aérien, à l'import et à l'export, missions auxquelles s'ajoutaient des demandes de cotation sur l'ensemble du périmètre ;

- il a interpellé sa direction à plusieurs reprises concernant sa surcharge de travail sans que ses alertes ne soient entendues.

La société Egetra, les sociétés Axiome et Etude JP contestent cette présentation du service de M. [K] en soutenant que :

- il n'était pas demandé à M. [K], en qualité de responsable d'exploitation d'assumer une quelconque activité de démarchage commercial qui est une partie relevant de la compétence exclusive des commerciaux ;

- si M. [K] était le seul salarié chargé de gérer l'activité Overseas, c'est parce que le nombre de dossiers justifiait l'intervention d'un seul salarié contrairement aux autres agences détenant un volume de dossiers bien supérieur ;

- M. [K] traitait des clients récurrents (notamment Mapa, Spontex et Ferinox) nécessitant sensiblement le même 'process' et la même tarification, de sorte que la charge de travail est moindre ;

- la comparaison entre les différentes agences révélait que M. [K] avait traité entre janvier et août 2016 un nombre mensuel de dossiers allant de 14 à 36, tandis que dans le même temps, les équipes de [Localité 10] (8 personnes) et du Havre (9 personnes) traitaient de 295 à 580 dossiers par mois, soit environ de 36, 8 à 58 dossiers par mois et par personne,

- la dégradation constante de l'overseas depuis 2014 avait conduit la société Egetra à opter, courant 2017, pour la centralisation du suivi et de la gestion des dossiers Overseas sur l'agence de [Localité 10].

***

Les pièces versées aux débats par M. [K], à savoir, une fiche de fonctions, un échantillon de demandes de cotations pour la période du 31 janvier 2016 au 5 juillet 2016, des emails échangés au cours de l'année 2016 dont le nombre moyen journalier n'apparaît pas significatif, un courriel du responsable commercial de la société, [R] [N] du 29 février 2016 déplorant des délais de réponse trop longs sur les offres dans quatre dossiers relevant des cotations overseas, ou encore le courriel du directeur de l'agence, [J] [P], du 7 juillet 2016 évoquant l'entretien du 10 juin au cours duquel M. [K] lui aurait dit être débordé, ne permettent pas d'objectiver la surcharge de travail invoquée par le salarié.

2°) Concernant sa mise à l'écart, M. [K] invoque trois événements :

- La visite, le 31mars 2016 du client FERINOX par M. [N] seul, alors que M. [K] traitait de façon habituelle et exclusive les demandes de cotation de ce client majeur de l'agence en termes de chiffre d'affaires.

- Son éviction d'une rencontre le 4 juillet 2016 avec le nouveau directeur de l'overseas depuis juin 2016, M. [C], alors même que l'objet de cette rencontre était le développement et l'aménagement des moyens techniques et humains pour la croissance des opérations Overseas sur l'agence de [Localité 11].

- Le troisième événement résulte de la convocation de M. [K] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement à la date du 9 septembre 2016, entretien à l'issue duquel le salarié a été laissé dans l'expectative pendant plusieurs semaines.

Concernant ce troisième événement, il résulte des pièces versées aux débats que sans aucune information de son employeur consécutive à cet entretien, M. [K] a écrit à ce dernier par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 octobre 2016 pour déplorer d'une part les accusations injustes dont il estime avoir été l'objet, d'autre part, l'ignorance dans laquelle il a été laissé, des suites réservées à cet entretien, étant précisé qu'il a été placé en arrêt maladie le 12 septembre 2016 lequel a été prolongé jusqu'au 21 octobre 2016.

À la suite de ce courrier, la société Egetra a proposé à M. [K] une rupture conventionnelle de son contrat de travail, par lettre recommandée avec accusé de réception dans les termes suivants :

'(...) Sans reconnaissance d'une quelconque détérioration de vos conditions de travail, nous comprenons à la lecture de votre courrier du 17 octobre courant qu'il vous est peut-être difficile de poursuivre professionnellement.

Sachez qu'il est désormais envisageable d'évoquer ensemble une rupture conventionnelle de votre contrat de travail si vous le souhaitez (...)'

Par courrier du 14 novembre 2016, M. [K] a fait savoir qu'il était en mesure de reprendre le travail à partir du 28 novembre et la société Egetra l'a dispensé de travail jusqu'à la date de la visite médicale de reprise fixée au 12 décembre 2016.

Il résulte de cette chronologie que la société Egetra, après avoir convoqué M. [K] à un entretien préalable, auquel elle ne donnera pas suite sans cependant informer le salarié de ses motivations, ni de ses intentions, a de fait, volontairement laissé son salarié dans une situation de totale incertitude sur son sort dans l'entreprise, alors même que dans le même temps, elle procédait au recrutement de Mme [B] en qualité d'agent de transit Overseas sur l'agence de [Localité 11].

Si la société Egetra soutient que Mme [B] a été embauchée le 5 septembre 2016 pour renforcer l'équipe de l'agence, en qualité d'agent de transit sur un poste polyvalent et qu'elle était susceptible d'intervenir sur le secteur de l'overseas mais également sur le secteur routier de sorte qu'elle n'avait nullement vocation à remplacer M. [K], contrairement à ce que ce dernier soutient, il apparaît d'une part que ce recrutement est en contradiction avec les explications de l'employeur selon lesquelles la charge de travail de M. [K] ne justifiait pas de soutien particulier, d'autre part, qu'il est concomitant à la convocation de M. [K] à un entretien préalable, enfin, qu'en définitive, c'est bien Mme [B] qui a remplacé M. [K] après son licenciement.

Dans ces conditions, le fait que M. [K] ait été le seul à ne pas être convié à un déjeuner en date du 4 juillet 2016, auquel ont participé le nouveau directeur de l'Overseas M. [C], le directeur d'agence M. [P] ainsi que les commerciaux Ms [N] et [Z], deux mois avant sa convocation à un entretien préalable, relève bien d'une volonté de mise à l'écart dés lors que la société Egetra expose que ce déjeuner était destiné à faire un point avec l'équipe commerciale pour renforcer leur stratégie commerciale et faire évoluer favorablement des résultats décevants, sans justifier par conséquent des raisons pour lesquelles M. [K] n'était pas présent à ce rendez-vous.

La volonté de la société Egetra de se séparer de M. [K] est par ailleurs caractérisée par la proposition de rupture conventionnelle qui lui a été faite pendant son arrêt maladie, alors que l'employeur n'ayant donné aucune suite à l'entretien préalable du 9 septembre 2016, il n'avait manifestement aucun motif valable pour mettre fin au contrat de travail.

La société Egetra fait grief à M. [K] de ne pas établir l'existence d'un lien direct et certain entre son état de santé et ses conditions de travail et fait valoir que si le sentiment d'être débordé professionnellement peut conduire à un véritable mal être, ce mal être n'est imputable à l'employeur que si la charge de travail est anormale et que l'employeur alerté n'a pris aucune mesure pour remédier à cette situation préjudiciable au salarié, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Mais, M. [K] qui a été placé en arrêt maladie dans les trois jours qui ont suivi le premier entretien préalable, étant précisé que les parties n'invoquent aucune difficulté d'ordre médical durant toute la relation contractuelle à l'exception d'un arrêt de travail pour des douleurs lombaires, établit à suffisance le lien direct entre sa mise à l'écart résultant de la mise en oeuvre d'une première procédure de licenciement laissée sans suite, sans raison objective, pendant plusieurs semaines par l'employeur, et la dégradation de son état de santé qui donnera lieu prés de trois mois plus tard à un avis d'inaptitude à tous les postes de l'entreprise.

L'avis d'inaptitude dont M. [K] a fait l'objet apparaît comme la conséquence directe du manquement de la société Egetra à l'exécution loyale du contrat de travail, de sorte que le licenciement pour inaptitude de M. [K] est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris qui a débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes sera infirmé.

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [K] demande la somme de 8 181 euros à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 818, 10 euros au titre des congés payés afférents en application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport qui prévoit en son article 15 un préavis de trois mois pour les ingénieurs et cadres.

Il convient de fixer ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société Egetra.

- Sur les dommages-intérêts :

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 anciens du code du travail, M. [K] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [K] âgé de 59 ans lors de la rupture, de son ancienneté de plus 8 années, 7 mois et 20 jours, de ce M. [K] ne justifie que d'emplois précaires jusqu'à ce qu'il fasse valoir ses droits à la retraite le 1er mai 2019, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 25 000 euros, sur la base du salaire mensuel brut de 2 727 euros.

Le jugement déféré qui a débouté M. [K] de sa demande d'indemnisation au titre du caractère abusif du licenciement sera infirmé en ce sens.

- Sur la demande de rappel de salaire du 15 décembre 2016 au 15 janvier 2017 :

M.[K] ayant été déclaré inapte à son poste de travail au terme des visites du 1er décembre et du 15 décembre 2016 et la société Egetra n'ayant repris le paiement du salaire qu'à compter du 15 janvier 2017, le salarié est fondé à solliciter le paiement du salaire correspondant à la période du 15 décembre 2016 au 15 janvier 2017, soit 2 727 euros.

L'AGS devra sa garantie dans les conditions prévues par la loi.

- Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M.[K] tendant à l'application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, le cours des intérêts ayant été arrêté à la date de l'ouverture de la procédure collective.

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par les sociétés Axyme et Etude JP es qualités.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition du greffe et réputé contradictoire :

REJETTE la fin de non recevoir tirée du défaut de déclaration de créance par le salarié,

INFIRME le jugement déféré,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement notifié à M. [K] le 21 février 2017 par la société Egetra est sans cause réelle et sérieuse

FIXE la créance de M. [K] au passif de la liquidation judiciaire de la société Egetra aux sommes suivantes :

* 2 727 euros au titre de la perte de salaire du 15 décembre 2016 au 15 janvier 2017

* 8 181 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 818,10 euros de congés payés afférents

* 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DIT que l'AGS devra sa garantie dans les conditions prévues par la loi.

CONDAMNE les sociétés Axyme et Etude [U][X], ès qualités, à payer à M. [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE les sociétés Axyme et Etude [U][X], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 18/06764
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;18.06764 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award