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14/12/2022 | FRANCE | N°20/00075

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 14 décembre 2022, 20/00075


N° RG 20/00075 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZCO









Décision duTribunal de Grande Instance de Lyon au fond

du 10 octobre 2019



RG : 16/06815

ch n°





[I]

[J]



C/



S.A. AXA FRANCE IARD





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRÊT DU 14 Décembre 2022





APPELANTS :



M. [L] [I]

né le 14 Avril 1979 à [LocalitÃ

© 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Mme [X] [J] épouse [I]

née le 03 Juin 1976 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentés par Me Delphine DESCOLLONGE de l'AARPI SAXE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1505





INTIMÉE :



AXA FRANCE IARD, ...

N° RG 20/00075 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZCO

Décision duTribunal de Grande Instance de Lyon au fond

du 10 octobre 2019

RG : 16/06815

ch n°

[I]

[J]

C/

S.A. AXA FRANCE IARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 14 Décembre 2022

APPELANTS :

M. [L] [I]

né le 14 Avril 1979 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Mme [X] [J] épouse [I]

née le 03 Juin 1976 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentés par Me Delphine DESCOLLONGE de l'AARPI SAXE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1505

INTIMÉE :

AXA FRANCE IARD, société régie par le Code des Assurances, au capital de 214 799 030 euros, entreprise régie par le code des assurances, dont le siège social est [Adresse 1], représentée par ses dirigeants légaux en exercice

Représentée par Me Frédéric VACHERON de la SCP RIVA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 737

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 10 Juin 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 14 Décembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Karen STELLA, conseiller

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, Bénédicte BOISSELET a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

En mars 2011, les époux [I] ont fait réaliser par la société RM TERRASSEMENT des travaux d'agrandissement de leur maison comportant notamment des travaux de charpente et la création d'un conduit de cheminée en boisseau de terre cuite en vue de l'installation d'une future cheminée dans leur salon. Les travaux se sont terminés en juillet 2011 avec une déclaration d'achèvement des travaux en date du 3 septembre 2011.

En 2013, lorsque les époux [I] ont souhaité faire poser leur cheminée, ils ont fait intervenir un fumiste qui s'est aperçu que le conduit d'évacuation des fumées avait été coupé par une poutre supportant la charpente et qu'il ne saurait donc remplir son office.

Les époux [I] se sont adressés, en vain, à la compagnie AXA France IARD, en sa qualité d'assureur de la société RM TERRASSEMENT. La police a été résiliée pour défaut de paiement le 1er janvier 2013.

Les époux [I] ont sollicité et obtenu en référé, selon ordonnance du 9 avril 2015, la désignation d'un expert judiciaire en la personne de Monsieur [T], lequel a déposé son rapport le 15 octobre 2015.

Les tentatives de règlement amiable du litige ayant échoué, ils ont fait délivrer une assignation à AXA France IARD devant le tribunal de grande instance de LYON par acte d'huissier de justice du 12 mai 2016.

Par jugement en date du 10 octobre 2019, le tribunal de grande instance a :

DEBOUTÉ Monsieur [I] et Madame [J] épouse [I] de l'intégralité de leurs demandes,

CONDAMNÉ Monsieur [I] et Madame [J] épouse [I] aux dépens, avec droit au recouvrement direct au profit de la SCP RIVA et ASSOCIES, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile,

DEBOUTÉ la société AXA France IARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,

DEBOUTÉ les parties du surplus de leurs demandes.

Le tribunal a retenu en substance':

Que les époux [I] ont bien confié les travaux d'agrandissement de leur maison à la société RM TERRASSEMENT, laquelle est effectivement intervenue sur le chantier':

S'il est établi que le numéro SIREN porté sur l'une des factures est erroné, cet élément est insuffisant à démontrer que les factures seraient de fausses factures et à en déduire que la société RM TERRASSEMENT ne serait pas intervenue chez les époux [I].

Il ne fait aucun doute que la facture n°20111904 d'un montant de 3'568 euros établie le 19 avril 2011 a été réglée à la même date dans le cadre du chantier litigieux.

Le fait que le chèque d'un montant de 8'000 euros établi le 12 mai 2011 l'ait été à l'ordre d'un membre de la famille de la gérante est insuffisant à faire la preuve de ce que la société RM TERRASSEMENT n'a pas exécuté les travaux d'agrandissement de la maison des demandeurs.

Les époux [I] produisent un bon de commande de la société REXEL au nom de la société RM TERRASSEMENT portant sur un câble afin de remplacer un câble endommagé par celle-ci dans le cadre de son intervention.

Que cependant, les époux [I] n'ont fondé leurs demandes que sur le fondement des dispositions des articles L124-3 du code des assurances et 1792 et suivants du code civil.

Or, les parties ne font état d'aucune quelconque réception des travaux et l'expert judiciaire a relevé dans le corps de son rapport que Monsieur [I] «'a expliqué qu'il n'y avait pas eu de réception des travaux'».

Qu'en l'absence de réception, les désordres de construction relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun édictée par l'article 1147 devenu 1217 du code civil, de sorte que leurs demandes ne peuvent être que rejetées.

Par déclaration électronique du 6 janvier 2020, les époux [I] ont relevé appel des chefs du jugement les déboutant de l'ensemble de leurs demandes et les condamnant aux dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 8 janvier 2021, les époux [I] demandent à la Cour,'de':

Vu l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifié par l'ordonnance n° 2020-666 du 3 juin 2020,

Vu l'article L124-3 du code des assurances,

Vu les articles 1104, 1231-1, 1792 et suivants du code civil,

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

Réformant le jugement entrepris,

Dire et juger recevable et bien fondée leur action directe contre la société AXA FRANCE IARD au titre du contrat souscrit auprès d'elle par RM TERRASSEMENT pour son activité de constructeur,

Condamner AXA FRANCE IARD à leur payer la somme de 8.833,11 euros au titre du coût des travaux de réparation des désordres, outre la somme de 5.445 euros en réparation de leur préjudice moral et de jouissance,

Condamner la société AXA FRANCE IARD aux entiers dépens de l'instance de référé, de première instance et d'appel, en ceux-ci compris les frais d'expertise à hauteur de 1.575,80 euros, et les frais de constat d'huissier à hauteur de 280 euros, et autoriser maître DESCOLLONGE, avocat, à recouvrer directement ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision,

Condamner la société AXA FRANCE IARD à payer aux époux [I] la somme de 9.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles.

Les appelants soutiennent notamment à l'appui de leurs demandes :

Sur l'action directe et la réalité de l'intervention de la société RM TERRASSEMENT

Qu'ils disposent d'une action directe contre la société AXA au titre du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par RM TERRASSEMENT pour ses activités de constructeur par application de l'article L124-3 du code des assurances.

Que c'est bien la société RM TERRASSEMENT qui est intervenue sur le chantier':

Le fait que Monsieur [N] ait finalement décidé d'encaisser ce chèque (pièce n°17) sur son compte personnel n'enlève rien au fait qu'ils ont confié leurs travaux à la société RM TERRASSEMENT et ne saurait quoiqu'il en soit les priver de la garantie souscrite par l'entreprise auprès d'AXA.

L'erreur sur le numéro de SIREN de l'entreprise figurant au bas des factures n'est pas suffisante pour affirmer que ce n'est pas l'entreprise qui est intervenue et n'est évidemment pas opposable par l'assureur aux maîtres d'ouvrage qui doivent bénéficier de sa garantie.

Ils produisent en outre un bon de commande de REXEL au nom de l'entreprise pour un câble en vue du remplacement de celui qui avait été endommagé par l'entreprise le premier jour de son intervention.

Ils produisent enfin une attestation que monsieur [N] lui-même, recontacté par les époux [I], a bien voulu rédiger pour témoigner de ce que toutes les factures de l'entreprise avaient été soldées.

A titre principal, sur la responsabilité décennale de l'assurée

Que les travaux de RM TERRASSEMENT ont consisté dans la construction d'un agrandissement de la maison, constituant ainsi un ouvrage au sens des articles 1792 et suivants du code civil, ce que ne conteste d'ailleurs pas l'assureur.

Que l'ouvrage a bien été réceptionné le 3 septembre 2011':

Monsieur [I] a déclaré à l'expert qu'il n'y avait pas eu de réception car aucun procès-verbal de réception n'avait été signé, les époux [I] ignorant tout de la nécessité de formaliser expressément leur souhait de réceptionner l'ouvrage.

Pour autant, la réception est bien intervenue tacitement puisqu'ils ont volontairement pris possession de l'ouvrage en septembre 2011 avec la volonté non équivoque de le réceptionner'en réglant l'intégralité des factures :

Il n'a nullement exposé un quelconque grief à l'origine d'un refus de sa part de réceptionner, il a simplement répondu par la négative à l'interrogation de l'expert judiciaire sur l'existence d'un procès-verbal de réception.

Monsieur [I] n'a aucun moment fait état d'un refus de réceptionner l'ouvrage.

S'agissant du paiement total du prix des travaux, n'ayant pu après plusieurs années retrouver l'intégralité des factures et des justificatifs de leurs paiements, ils ont contacté monsieur [N] qui a accepté d'attester de ce que ses factures avaient été soldées.

S'agissant de leur prise de possession de l'ouvrage, les époux [I] avaient invité le 10 septembre 2011 les deux s'urs de monsieur [I] à une pendaison de crémaillère pour fêter la fin des travaux d'agrandissement de leur maison, dont ils étaient tout à fait satisfaits. Chacune des deux s'urs de monsieur [I] a accepté de témoigner de cela.

Enfin, il a été jugé que la déclaration d'achèvement destinée à informer l'administration de la fin d'un chantier suffit à caractériser la réception tacite. En l'espèce, la déclaration d'achèvement a été signée le 3 septembre 2011 et reçue en mairie le 5 septembre 2011.

Que les désordres constituent des dommages non apparents à la réception, ce que ne conteste pas l'assureur': l'expert a d'ailleurs dû monter sur le toit, effectuer des mesures et les comparer aux distances préconisées dans le DTU.

Que les désordres affectant le conduit de cheminée rendent l'ouvrage impropre à sa destination du fait de l'impossibilité d'utiliser la cheminée sans risque certain d'incendie et de la simple non-conformité aux règlements de sécurité incendie.

Qu'après examen des devis qui lui ont été soumis pour la réalisation de ces travaux, l'expert estime que les travaux de réparation représenteront un coût de 8.833,11 euros TTC, et dureront une semaine.

Qu'il estime également le préjudice à 5 % de la valeur locative de la maison qu'il arrête à 2.100 euros par mois. Il arrête donc l'indemnité qu'il estime devoir leur revenir en réparation de leur trouble de jouissance à la somme de 735 euros pour les sept mois d'une saison de chauffe.

Qu'ils subiront également des désagréments pendant la semaine que dureront les travaux de reprise, pour lesquels il est demandé forfaitairement une indemnité de 300 euros.

A titre subsidiaire, sur la responsabilité civile contractuelle de l'assurée

Que l'ensemble des éléments de la responsabilité contractuelle de l'assurée sont réunis': la faute de l'entreprise (le non-respect du DTU) et son lien de causalité avec le dommage étant établis incontestablement par le rapport d'expertise.

Que la garantie RC d'AXA est bien due':

La société AXA estimait en première instance (pièce 35) que les désordres tenaient à ce que la société RM TERRASSEMENT avait endommagé son propre ouvrage, le conduit de cheminée, en réalisant la charpente, ce qui relève de sa garantie RC. Or, la compagnie AXA ne saurait désormais revenir sur cette affirmation sauf à se contredire au détriment des époux [I] et, ce faisant, à manquer à son devoir de loyauté processuelle et de bonne foi dans l'exécution de son contrat, ce que la Cour de cassation ne manque pas de sanctionner au visa du principe général inspiré de l'estoppel anglais selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.

Les garanties RC s'appliquent « dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation de la garantie et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à l'assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent de 10 ans. (Article 3.2 des conditions générales »).

La clause d'exclusion de garantie pour les dommages affectant les travaux de l'assuré réalisés en propre ou donnés en sous-traitance de l'article 2.18.15 ne s'applique qu'aux garanties 2.17 qui couvrent la responsabilité civile du chef d'entreprise et non aux garanties RC de l'entreprise.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 5 mai 2021, la compagnie AXA demande à la Cour de':

REJETER l'appel des époux [I] ;

CONFIRMER le jugement attaqué ;

REJETER les demandes dirigées contre AXA France IARD ;

EN TOUTE HYPOTHÈSE, DÉDUIRE la franchise de 1.500 euros de toute condamnation qui pourrait être prononcée à l'encontre d'AXA France IARD ;

CONDAMNER les consorts [I] à payer à AXA France IARD 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance sic «'distraits'» au profit de la SCP RIVA & ASSOCIES sur son affirmation de droit.

L'intimée soutient en substance à l'appui de ses demandes':

Sur la non-intervention de l'assurée

Que les époux [I] se bornent à produire pour justifier de l'intervention de la société RM TERRASSEMENT quatre factures qui de toute évidence sont des faux et à tout le moins totalement irrégulières':

Le numéro SIREN qui figure sur ces factures correspond à une société ART ET CONSTRUCTION et non à la société RM TERRASSEMENT.

Les époux [I] ont produit la copie d'un chèque de 8 000 euros du 12 mai 2011 (pièce adverse 17) à l'ordre de « [N] [C] » qui atteste de ce que les travaux n'ont pas été réalisés par la société RM TERRASSEMENT.

Monsieur [N] n'était pas le gérant ni le représentant de la société RM TERRASSEMENT.

En outre, le libellé du chèque tend à démontrer que les travaux ont été faits à titre personnel par Monsieur [N] et non par la société RM TERRASSEMENT.

Ils ne produisent pas le marché ou même un devis accepté.

Sur la garantie décennale

Que les époux [I] ne rapportent pas la preuve de la réception des ouvrages': ils ne rapportent en effet pas la preuve d'avoir réglé le montant des travaux': Monsieur [N] a encaissé un chèque de 8.000 euros sur son compte personnel. Il ne peut attester que la société RM TERRASSEMENT dont il n'est pas le gérant ni le représentant aurait été intégralement payé.

Que la non-conformité actuelle ne relève pas des articles 1792 et suivants du code civil':

La solidité de l'ouvrage et de ses éléments d'équipement indissociable n'est pas compromise.

L'impropriété à destination n'est pas caractérisée en l'état dès lors que :

La cheminée n'est pas installée ;

Le conduit maçonné n'a aucune utilité en l'état.

Il revient à l'entreprise qui installera la cheminée de mettre en 'uvre une installation conforme, et si nécessaire, sans utiliser le conduit maçonné en place.

Sur la responsabilité contractuelle de l'assurée

Qu'il s'agit de dommages aux travaux réalisés par la société RM TERRASSEMENT elle-même et non de dommages aux tiers, ce qui relève de la garantie RC ayant pris fin au 1er janvier 2013.

Qu'à ce titre, la police d'assurance exclut « les dommages affectant les travaux de l'assuré, réalisé en propre aux données en sous-traitance » (article 2. 18.15 des conditions générales).

Qu'en toute hypothèse, la police d'assurance stipule une franchise de 1.500 euros qui est opposable aux époux [I] dès lors que les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale. Cette franchise doit être déduite de toute condamnation qui pourrait être prononcée à l'encontre d'AXA France IARD.

Pour l'exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l'audience du 13 septembre 2022 à 9 heures.

A l'audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l'affaire a été mise en délibéré au 14 décembre 2022.

En cours de délibéré, par message RPVA du 24 novembre 2022, la Cour a sollicité pour sa complète information le conseil de l'intimée pour obtenir la production des éléments relatifs à la liquidation judiciaire de la société ART ET CONSTRUCTION avec possibilité pour les parties de faire une note en délibéré sur l'éventuelle incidence de cette pièce sur le litige en cours.

Par message en réponse notifié électroniquement le 7 décembre 2022, le conseil des époux [I] a transmis le K bis de la société ART ET CONSTRUCTION qui opérait dans le domaine du gros oeuvre et qui a été placée en redressement judiciaire le 15 janvier 2009, avec conversion de la mesure en liquidation judiciaire le 5 février 2009 suivie d'une radiation pour insuffisance d'actif le 31 mars 2011. Par une note en délibéré, le conseil des appelants a notamment rappelé que sa pièce 5 constituée de la facture relative aux travaux litigieux porte le bon numéro SIRET de la société RM TERRASSEMENT et qu'à cette date, la société ART ET CONSTRUCTION n'ayant plus de personnalité juridique ne pouvait pas être l'auteur des factures portant son numéro SIRET. Il est invoqué une erreur purement matérielle d'autant que le chèque de 3 568 euros a été établi à l'ordre de RM TERRASSEMENT et encaissé par elle. Ainsi, il est invraisemblable qu'un tiers non identifié disposant du papier à entête de la société RM TERRASSEMENT ait émis une facture visant à déclencher un paiement entre les mains de la société RM TERRASSEMENT pour des travaux qu'elle n'aurait pas rélaisés elle-même.

Le conseil de l'intimée n'a pas daigné répondre à la demande de la Cour.

MOTIFS

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «'constater'» ou «'dire et juger'» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Les époux [I] indiquent avoir confié des travaux d'aménagement et d'agrandissement de leur habitation principale à la société RM TERRASSEMENT. Il s'agissait de terrassement, maçonnerie, charpente, couverture, zinguerie outre des travaux supplémentaires pour la réalisation d'un conduit de fumée en boisseaux de terre cuite dans le séjour salon.

Il est constant et non contesté que le conduit de cheminée qui a été réalisé ne permet pas d'installer une cheminée car les travaux de charpente ont endommagé le boisseau en terre cuite.

Par ailleurs, le conduit de cheminée maçonné n'est pas conforme au DTU 24, ce qui constitue un risque pour la sécurité de type risque incendie si le conduit était raccordé en l'état à un équipement produisant des flammes.

L'action directe des maîtres de l'ouvrage à l'encontre de l'assureur décennal et de responsabilité civile de l'entreprise, responsable des désordres, ne fait pas en soit débat en application de l'article L 124-3 du code des assurances pour autant cependant que les maîtres de l'ouvrage prouvent en tout premier lieu, ce qui est contesté, que c'est bien la société RM TERRASSEMENT, assurée chez AXA France Iard qui est intervenue pour réaliser lesdits travaux.

Sur le moyen tiré du principe de l'estoppel

Il ne peut être opposé par les époux [I] le principe de l'estoppel à AXA France Iard au motif que dans ses conclusions récapitulatives de première instance (pièce 35) la compagnie d'assurance a écrit en page 5 que «'il n'y a donc pas de dommages aux tiers en tant que tel mais des dommages aux travaux réalisés par la société RM TERRASSEMENT elle-même ce qui relève de la garantie RC qui a pris fin le 1er janvier 2013'» dans la mesure où il ne s'agit que d'un moyen de défense subsidiaire, son moyen principal étant d'exposer que les époux [I] ne prouvent pas au sens de l'article 1315 du code civil l'intervention de la société RM TERRASSEMENT.

AXA France Iard a effectivement expliqué, ce qui était déjà sa position dans le cadre de l'expertise, que les quatre factures produites si elles sont bien à l'entête de RM TERRASSEMENT sont des faux ou des factures irrégulières, d'autant qu'un des chèques d'un montant de 8.000 euros a été fait à l'ordre de [N] [C] qui atteste que les travaux ont été réalisés par la société RM TERRASSEMENT alors même qu'il n'en est ni le dirigeant, ni le représentant.

La compagnie d'assurance a précisé que ce chèque tend d'ailleurs à démontrer que les travaux ont été faits à titre personnel par Monsieur [N]. Au surplus, le précédent chèque de 3.568 euros correspond à une facture qui ne concerne pas les travaux litigieux.

Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, AXA France Iard ne revient pas sur un aveu judiciaire en se contredisant à leur détriment et ne manque pas à son devoir de loyauté processuelle, ni de bonne foi dans l'exécution de son contrat dans la mesure où la procédure exige que toute partie développe tous ses moyens principaux ainsi que subsidiaires dans le cadre de ses conclusions et de sa défense.

A hauteur d'appel, le débat sur l'intervention de la société RM TERRASSEMENT dans les travaux et les désordres en cause demeure et doit être tranché au préalable.

Sur la preuve de l'intervention de la société RM TERRASSEMENT

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Selon l'article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier du paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, la société RM TERRASSEMENT créée en 2008 porte le numéro SIRET 504 542 267. Elle a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 19 juin 2014 avec une date de cessation des paiements le 20 décembre 2012. Il ressort de la pièce 26 des appelants que [E] [N] en était la gérante de droit et qu'elle a elle-même fait l'objet d'une faillite personnelle prononcée le 3 décembre 2015 par le tribunal de commerce de VILLEFRANCHE TARARE pour une durée de 10 ans. [C] [N] était uniquement associé de ladite société (pièce 27).

Le 9 juillet 2014, AXA France Iard a fait immédiatement valoir que «'si c'est bien l'entreprise RM TERRASSEMENT qui a réalisé les travaux'» «' le conduit de boisseau de terre cuite qui aurait été réalisé n'a pas été facturé'». Elle a tenu cette même position en cours d'expertise puis dans les suites de la procédure.

Force est de constater que les époux [I] ne produisent pas le marché ni de devis accepté par eux et émanant de la société RM TERRASSEMENT.

Ils produisent la facture n°20112405 (pièce 4) en date du 25 mai 2011 qui mentionne un prix forfaitaire de 2.450 euros pour la fourniture et la pose de boisseaux en terre cuite pour conduit de cheminée dans le séjour jusqu'en toiture et un prix TTC de 2.930,20 euros.

Ils produisent également le facture n° 20111904 en date du 19 avril 2011 pour un montant total de 9.568 euros TTC, soit la somme de 8.000 euros HT augmentée de la TVA à 19,6'% d'un montant de 1.568 euros. Cette somme a été payée en deux temps le 30 mars 2011 par chèque n° 814071 LCL de 6.000 euros et le 19 avril 2011 par chèque n°8885500 pour le solde restant dû de 3.568 euros. Copie de ce second chèque a été produite (pièce 16) faisant figurer comme ordre celui de RM TERRASSEMENT. En revanche, il n' a pas été produit le chèque d'acompte de 6.000 euros, ce qui ne permet pas à la Cour d'en connaître l'ordre.

Par ailleurs, est produite la copie d'un chèque de 8.000 euros en date du 12 mai 2011 à l'ordre non pas de RM TERRASSEMENT, mais d'un de ses associés [C] [N].

Ces éléments conduisent à constater des incohérences':

il n'est nullement expliqué à quoi correspond la somme de 8.000 euros payée à [C] [N] car en additionnant ce qui restait dû d'après les factures (pièces 3, 4 et 5 des appelants) le montant total ne s'élève qu'à hauteur de 7.714,20 euros et non de 8.000 euros.

il n'est pas produit le chèque d'acompte de 6.000 euros sans que soit expliqué en quoi il n'a pas été possible de le produire ;

rien ne vient étayer le fait que le montant de 2.930,20 euros (facture pièce 4) qui correspondrait aux travaux supplémentaires notamment ceux relatifs au conduit de cheminée litigieux suivant facture n° 20112405 du 24 mai 2011 a été dûment payé.

Le fait que [C] [N] a attesté le 10 mai 2020 que toutes les factures ont été réglées au départ du chantier n'est pas un élément prouvant que les travaux ont tous été réalisés par RM TERRASSEMENT dans la mesure où il atteste de manière erronée qu'il était le représentant de RM TERRASSEMENT. Par ailleurs, il a écrit non pas que les époux [I] avaient payé les factures de l'entreprise RM TERRASSEMENT mais qu'ils avaient payé sic «'mes factures'» ce qui est corroboré par le chèque de 8.000 euros établi à son ordre le 12 mai 2011. Il n'a nullement accompagné son attestation d'un relevé bancaire de la société RM TERRASSEMENT qui prouverait l'encaissement des chèques notamment celui de 3568 euros ainsi que l'allèguent les époux [I] dans leur note en délibéré.

Enfin, apparaît une anomalie non pas légère mais importante en ce que la comparaison visuelle des trois factures à l'entête de RM TERRASSEMENT fait ressortir que la facture du 24 mai 2011, soit la facture intermédiaire relative aux travaux sur le conduit de cheminée litigieux, ne présente pas les mêmes couleurs ni les mêmes dimensions de la photographie insérée comme logo de l'entreprise, ni la même typologie du nom commercial de l'entreprise, ce qui ne peut que conduire à la qualifier de très douteuse.

Par ailleurs, les deux premières factures, dont la facture relative au conduit de cheminée, comportent un numéro SIRET qui ne correspond pas au numéro SIRET de RM TERRASSEMENT qui est pourtant une société existant depuis 2008 sous le même numéro SIRET.

Les époux [I] ne contestent pas que le numéro de SIRET correspond à la société ART ET CONSTRUCTION ainsi que cela figure dans leur note en délibéré. Ils exposent qu'il ne peut s'agir que d'une erreur matérielle;

Or, ce numéro SIRET comporte une chiffre surnuméraire par rapport à tous les numéros de SIRET puisqu'il est écrit 4930566113 au lieu de 493056113 et il est accompagné également d'un numéro de compte bancaire FR qui n'est pas celui de la société RM TERRASSEMENT lequel apparaît sur la facture n° 20112406 du 24 juin 2011 d'un montant de 4.784 euros. Dans ces conditions, l'hypothèse d'une erreur purement matérielle n'est pas vraisemblable d'autant qu'il n'existe aucun lien connu entre la société ART ET CONSTRUCTION et l'entreprise RM TERRASSEMENT et ses associés.

Ainsi, seule la facture n°20112406 du 24 juin 2011 d'un montant de 4.784 euros comporte les bonnes mentions de la société RM TERRASSEMEN. Cette facture est relative à des travaux sur la charpente comportant des poutres mais les époux [I] ne versent aucune preuve du paiement effective de cette facture.

En définitive, la société RM TERRASSEMENT a pu intervenir sur le chantier, ce qui peut expliquer que les époux [I] puissent produire l'attestation d'assurance de cette entreprise (pièce 1) et le bon de livraison (pièce 8) de la société REXEL quand bien même cette pièce ne comporte pas de référence explicite au chantier des époux [I].

En tout état de cause, cette pièce ne se rapporte pas aux travaux supplémentaires relatifs au conduit de cheminée.

Mais à défaut de produire le chèque de 6.000 euros d'acompte, un ou des devis acceptés par eux et une facturation cohérente avec leur dires, les époux [I] ne démontrent pas avoir confié leurs travaux relatifs au conduit de cheminée et à la poutre litigieuse à la personne morale RM TERRASSEMENT.

Dès lors, leur action directe à l'encontre de l'assureur de RM TERRASSEMENT ne peut prospérer.

En conséquence, la Cour confirme le jugement déféré qui les a déboutés de leur demande d'indemnisation mais par substitution de motifs.

Sur les demandes accessoires

La Cour confirme la condamnation aux dépens de première instance des époux [I] qui succombent en leurs demandes et y ajoute les dépens d'appel.

La Cour autorise la SCP RIVA & ASSOCIES qui en a fait la demande expresse à recouvrer directement ceux des dépens dont il a été fait l'avance sans avoir reçu provision.

La Cour déboute les appelants au titre des dépens.

En équité, la Cour condamne les époux [I] à payer à la société AXA France Iard la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour déboute les époux [I] de leur demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions par substitution de motifs.

Y ajoutant,

Condamne les époux [I] aux entiers dépens d'appel,

Autorise la SCP RIVA & ASSOCIES à recouvrer directement ceux des dépens dont il a été fait l'avance sans avoir reçu provision dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne les époux [I] à payer à la société AXA France Iard la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les époux [I] de leurs demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00075
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;20.00075 ?
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