AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/00922 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M3AR
Société FOEDERIS
C/
[Z]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 16 Janvier 2020
RG : F 18/00796
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 18 JANVIER 2023
APPELANTE :
Société FOEDERIS
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
[G] [Z]
née le 26 Novembre 1957 à [Localité 4] (MAROC)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Yves NICOL de la SELARL AVOCATALK, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Novembre 2022
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant contrat à durée indéterminée, la société Foederis a engagé Mme [Z] en qualité de directeur commercial à compter du 1er octobre 2014, statut cadre position 3-3, coefficient 270 de la convention collective des Bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils (SYNTEC).
Par lettre remise en main propre le 7 décembre 2017, la société Foederis a convoqué Mme [Z] à un entretien préalable fixé au 14 décembre 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 décembre 2017, la société Foederis a notifié à Mme [Z] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Par acte du 21 mars 2018, Mme [Z] a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon aux fins de voir juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et que le contrat de travail n'a pas été exécuté loyalement.
Par jugement rendu le 16 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
- dit et jugé recevables les demandes de Mme [Z]
- fixé le salaire de référence de Mme [Z] à la somme de 9 332 euros
- dit et jugé que le licenciement de Mme [Z] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse
en conséquence
- condamné la société Foederis à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :
* 37 328 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1 941 euros à titre de rappel de salaire
* 1 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné d'office en application de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement par la société Foederis aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par Mme [Z] dans la limite de 3 mensualités
- débouté la société Foederis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté les parties du surplus de leurs demandes
- condamné la société Foederis aux dépens de l'instance.
La cour est saisie de l'appel interjeté le 5 février 2020 par la société Foederis.
Par conclusions notifiées le 15 octobre 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société Foederis demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a débouté Mme [Z] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- l'infirmer pour le surplus
Statuant à nouveau
- Dire et juger que le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [Z] est bien fondé,
- Dire et juger que Mme [Z] a été remplie de ses droits,
En conséquence,
- Débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes.
- Condamner Mme [Z] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 6 octobre 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, Mme [Z] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes et de :
' Dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
' Condamner la société Foederis à payer la somme de 37 328 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' Condamner la société Foederis à payer la somme de 1 941,00 euros à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable 2016-2017,
- infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes et de :
' Constater l'exécution déloyale du contrat de travail par la société Foederis,
' Condamner la société Foederis à payer la somme de 18 664,00 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Foederis à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre aux entiers éventuels dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.
MOTIFS
- Sur le licenciement :
Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.
En vertu de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement que la société Foederis a licencié Mme [Z] pour cause réelle et sérieuse en invoquant :
1°) des objectifs de vente sur l'exercice 2017-2018 ( du 01/07/2017 au 30/06/2018) inférieurs aux objectifs convenus et réalisés en N-1 caractérisés par :
- l'échec sur de nombreuses affaires au cours du premier semestre,
- la défaillance dans l'accompagnement des commerciaux dans la stratégie de conquête
commerciale et dans l'accompagnement terrain,
- une connaissance très réduite des clients,
- l'absence d'information sur la « météo du client près de 60 clients actifs »,
- plus d'une centaine de clients sans aucune action de suivi en cours,
- l'absence d'intervention personnelle au sein de la clientèle,
- aucune action de proximité réalisée pour le principal client UIMM en dépit des demandes réitérées de la Direction,
- des lacunes dans le management du pôle commercial,
- un carnet d'offres commerciales non mises à jour lors d'une réunion du Conseil d'Administration du 6 décembre ;
2°) des lacunes dans le management et dans la bonne gestion du pôle :
- difficultés pour gérer certains commerciaux,
- non respect de la stratégie fixée par le PDG,
- suivi des clients par CRM non tenu correctement,
- suivi du potentiel commercial faux,
- absence d'arbitrage correct sur l'attribution des commissions,
- acceptation de 10 jours de congés d'un commercial pendant le mois d'octobre, soit le mois le plus actif sur le plan commercial.
Mme [Z] fait valoir que :
- ses résultats commerciaux ont toujours été excellents et ses objectifs atteints voire dépassés comme pour l'exercice 2016/2017 pour lequel elle a obtenu un résultat de 4 880 000 euros pour un objectif de CA de 4 300 000 euros ;
- le management des équipes n'a jamais été considéré comme défaillant cinq mois avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ;
- l'insuffisance de résultats porte donc seulement sur la période de juillet à novembre 2017, de sorte que le reproche est aussi prématuré qu'abusif et que l'atteinte ou non des objectifs ne peut s'apprécier qu'annuellement ;
- pour l'exercice 2017/2018, son objectif a été augmenté de 78% , passant de 4 300 000 euros à 7 650 000 euros avec un objectif particulier dans trois rubriques CA Chasse (développement), CA clients existants et CA UIMM, alors que l'objectif avait toujours été global jusqu'alors ;
- à compter de septembre 2017, l'équipe comportait quatre nouveaux collaborateurs à former, ce qui était de nature à compromettre l'atteinte de l'objectif ;
- le véritable motif de son licenciement est le contexte général de réorganisation de l'entreprise et en particulier de la fonction commerciale et marketing, suite à l'entrée dans le capital de la société ISATIS en septembre 2017 et de la réorganisation de la société Foederis dont la stratégie était d'acquérir des structures en Europe et de s'y implanter ce qui explique l'embauche d'un directeur commercial Europe et d'un directeur marketing Europe.
Concernant les affaires perdues, Mme [Z] invoque :
- un manque de confiance dans le produit expliquant que le dossier 'Cristal Union' n'ait pas été remporté malgré tous les moyens mis en oeuvre ;
- une responsabilité collective dans la perte du client 'Ramsay', soulignant qu'elle a été complètement écartée de la phase commerciale finale ;
- pour la société 'Business France', un appel d'offre pris en charge dans sa phase initiale par Mme [T] elle-même, lequel a été perdu pour des raisons non explicitées ;
- pour la société 'Coop', une mauvaise image de la société Foederis en raison de mauvais échos relatifs au projet du Grand Port du [Localité 5] (échec au niveau du déploiement de la solution par le pôle intégration.)
Sur le manque de suivi du partenaire UIMM, Mme [Z] expose qu'elle a procédé de juin à décembre 2017 à un suivi régulier et produit des justificatifs de rendez-vous , de points plan d'action.
Sur le manque de suivi des clients dans le CRM , Mme [Z] invoque un reproche artificiel illustré par l'employeur au moyen de mails dits de recadrage alors qu'il ne s'agit que d'échanges habituels d'informations sur lesquels ne peut reposer un constat d'insuffisance.
Sur le mauvais arbitrage de l'attribution des commissions, Mme [Z] soutient que Mme [T] a modifié de façon soudaine la règle contractuelle selon laquelle tous les intervenants d'un même dossier ( soit par exemple le commercial et le consultant du compte), pouvaient prétendre au commissionnement, par courriel du 18 octobre 2017 ainsi libellé :
« Nous ne rémunérons pas deux vendeurs sur une commande à 490 euros. Il ne faut pas deux personnes pour vendre ça. Il faut fixer une nouvelle règle toute commande inférieure à 2000,00 euros je veux un vendeur. » ; qu'il ne saurait dans ces conditions lui être reproché, quelques jours plus tard, d'avoir appliqué les directives de Mme [T].
Concernant l'acceptation de dix jours de vacances pour un commercial, Mme [Z] explique que ce responsable avant-vente avait posé ses congés 6 mois auparavant, lesquels avaient été validés par le service administration, que son remplacement était prévu, de sorte qu'il s'agit d'une situation relevant d'un arbitrage courant.
Enfin, en ce qui concerne le défaut de mise à jour de la CRM par le téléprospecteur, Mme [Z] soutient que la CRM est un outil développé en interne par la dirigeante Mme [T] qui était la seule à réaliser les requêtes et à apporter les corrections que Mme [Z] transmettait ensuite au téléprospecteur. Mme [Z] indique en conséquence qu'elle n'a jamais eu la main sur l'outil CRM de sorte qu'il ne pouvait donc lui être reproché de n'effectuer aucun contrôle par elle-même, s'agissant au contraire de la situation normale.
Il ressort des éléments factuels du dossier que la dernière évaluation de Mme [Z] avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement a été réalisée suivant un entretien du 27 juin 2017 relatif à l'exercice 2016/2017.
Il en résulte que Mme [Z] a été félicitée pour avoir dépassé son objectif de CA fixé à
4 300 000 euros par la réalisation d'un chiffre d'affaires de 4 880 131 euros. Il était constaté par rapport au précédent exercice, une nette amélioration au niveau du parc client. En revanche ses résultats étaient jugés insatisfaisants en ce qui concerne :
- la gestion du PAC en raison d'un manque de communications certains mois et du dépassement du budget ;
- le renforcement des outils de veille,
- la connaissance du niveau d'équipement des clients, des projets futurs.
Concernant le management, il était indiqué que :
- le management individuel des commerciaux avait été bien géré malgré des commerciaux très compliqués et très différents ;
- le management individuel par client comportait un échec avec un commercial et un fonctionnement trop à court terme avec un second commercial.
La cour en déduit que l'évaluation relative à l'exercice 2016/2017 était globalement satisfaisante en dépit des observations sus-visées.
La cour observe par ailleurs qu'à l'occasion de cette évaluation, l'objectif quantitatif de Mme [Z] a été augmenté de façon majeure, passant de 4 300 000 euros à 7 650 000 euros se décomposant comme suit :
Objectif CA Chasse : 4 200 000 euros
Objectif CA Clients : 2 700 000 euros
Objectif CA UIMM : 750 000 euros, soit une augmentation de 78% sans aucune justification et à moyens constants.
La société Foederis fait état d'un véritable effondrement des ventes et d'un niveau de réalisation alarmant au mois de décembre 2017, soit à la moitié de la période de référence , et soutient que si l'objectif est annuel, la seule comparaison avec les 6 premiers mois de l'exercice précédent permettait de constater une baisse de 50%.
La société Foederis soutient que Mme [Z] ne conteste nullement le caractère raisonnable de ses objectifs et souligne que ceux-ci sont déterminés en concertation avec la direction et expressément approuvés par la suite.
Cependant, la cour observe d'une part que le contrat de travail se réfère, pour la fixation de l'objectif, à une annexe 2 et que cette annexe 2 signée par les deux parties n'est produite que pour l'exercice 2014/2015. Ainsi le contrat de travail prévoit que des objectifs sont déterminés annuellement, après concertation entre Mme [Z] et la société, en fonction notamment des particularités du marché et des impératifs de développement de la société.
Pour l'exercice 2017/2018, Mme [Z] s'est vu notifier son nouvel objectif à l'occasion de son évaluation mais aucun élément de cette évaluation ne permet d'établir que la fixation de ce nouvel objectif résulte d'une concertation avec la direction.
La cour observe d'autre part, qu'en concluant qu''un objectif réaliste identique à celui de l'année précédente aurait entraîné une situation intermédiaire tout à fait différente' de celle présentée par l'employeur, et en ajoutant que sa proposition de recruter un deuxième téléprospecteur pour se rapprocher de l'objectif est restée lettre morte, Mme [Z] remet expressément en cause le caractère réalisable de cet objectif, et il ne résulte pas des débats que la société Foederis ait donné à Mme [Z] les moyens d'augmenter de 78% son chiffre d'affaires. La cour souligne par ailleurs qu'il n'est pas contesté que Mme [Z] a du gérer dans le même temps, l'arrivée de quatre nouveaux commerciaux, dont deux en contrat de professionnalisation, dés lors qu'il lui est opposé que les commerciaux sous sa responsabilité se seraient plaints d'un défaut d'accompagnement, ce qui n'est au demeurant illustré par aucun élément objectif.
En ce qui concerne le défaut de suivi du partenaire UIMM, la société Foederis reproche à Mme [Z] de n'avoir organisé aucune réunion depuis le mois de juillet 2017 malgré les demandes de sa direction et verse aux débats le compte-rendu de la réunion commerciale avec ce partenaire du 5 décembre 2017, dont l'objet était de passer en revue les points de dysfonctionnement et les attentes de l'UIMM pour mettre en place un plan d'actions dans la période du moratoire. Les points d'insatisfaction étaient exprimés de la façon suivante :
- un service qui n'est pas à la hauteur des attentes en mode 'run'
- un manque de réactivité sur les réponses apportées en phase de production
- une relation client/fournisseur dégradée.
Il résulte de ce compte-rendu une relation de confiance altérée entre la société Foederis et l'UIMM, une proposition d'un plan d'actions en urgence avec une échéance au 25 janvier 2018 et la menace, en cas d'échec du plan d'actions, d'une rupture de la relation commerciale.
Le grief est sérieux et est imputable à Mme [Z] qui, en sa qualité de directrice commerciale, a la responsabilité d'entretenir et de développer les collaborations avec les partenaires commerciaux. Les échanges de mails que la salariée produit entre juin et décembre 2017 pour justifier de la régularité du suivi de ce partenaire apparaissent insuffisants au regard de difficultés soulevées à l'occasion de la réunion du 5 décembre 2017.
Cependant l'appréciation de l'insuffisance professionnelle nécessite de prendre en considération l'ensemble de l'activité de la salariée, d'examiner sa progression dans l'entreprise et l'existence ou non de précédents constats d'insuffisance déjà effectués dans le passé.
Or, force est de constater, à la lecture des pièces versées aux débats et analysées ci-dessus, que la dernière évaluation ne constitue pas un constat d'insuffisance en dépit des motifs d'insatisfaction mentionnés par l'employeur dés lors d'une part que cette évaluation comporte bien des félicitations sur le dépassement de l'objectif relatif au chiffre d'affaires et que les insatisfactions n'ont donné lieu à aucune action particulière de l'employeur qui a, au contraire quasiment doublé l'objectif de sa salariée, lui renouvelant ainsi sa confiance.
De même, aucune critique significative relative à son management n'était adressée à Mme [Z] si ce n'est une mise en garde sur l'entretien d'une relation trop proche susceptible de lui faire perdre son autorité, sans plus de précisions. Au regard des termes de cette évaluation, la société Foederis, qui ne produit par ailleurs aucun document objectif de nature à illustrer les griefs qu'elle invoque, ne peut valablement soutenir qu'il en résulterait un défaut d'autorité ainsi que 'des méthodes commerciales à court terme ne pérennisant pas la relation client'.
Il est par ailleurs constant que l'insuffisance professionnelle s'évalue, en pratique, par ses conséquences vérifiables. En l'espèce, concernant le client IUMM, la cour n'est pas en mesure d'apprécier les conséquences du grief qui est fait à Mme [Z] dés lors que la société Foederis a procédé au licenciement de la salariée un peu plus d'un mois avant l'échéance du 25 janvier 2018 fixée par le client IUMM pour évaluer l'efficacité du plan d'actions à mettre en oeuvre.
La société Foederis ne produit par ailleurs aucun élément relatif à la perte de clients, de sorte que l'imputabilité de ces situations à Mme [Z] ne peut être vérifiée par des éléments objectifs.
Enfin, Mme [Z] produit l'attestation de M. [W], manager de projets, responsable d'intégration et R & D, responsable consulting, directeur des opérations, directeur de l'organisation et des relations sociales de la société Foederis de juin 2009 à février 2018, lequel a procédé à l'entretien préalable au licenciement de Mme [Z], lequel expose qu'il est à l'origine de la venue de Mme [Z] chez Foederis, qu'il a été membre du comité de direction avec Mme [Z] au sein de la société, et atteste du professionalisme et de la progression des résultats de cette dernière. M. [W] ajoute :
'L'accompagnement des commerciaux était conforme aux besoins des clients, des prospects et du développement de la société.
Les process de gestion des affaires et du 'pot de com' étaient inexistants à son arrivée. Elle a mis en place toute la structuration nécessaire pour gérer ce pôle.
L'équipe commerciale était correctement managée.(...).
Les résultats présentés par Mme [T] lors des réunions trimestrielles et annuelles concernant le pôle commercial, étaient également très bons.'
Le témoignage de M. [X] [S] qui a succédé à Mme [Z] en qualité de directeur commercial Europe et qui propose une analyse de la situation à son arrivée mettant en évidence un manque de management et de véritable stratégie commerciale ainsi qu'un déficit d'accompagnement de terrain 'selon les commerciaux', n'est pas de nature à établir l'insuffisance professionnelle de son prédécesseur dés lors que ce témoignage ne repose sur aucun élément objectif.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
- Sur les dommages-intérêts :
En application de l'article L.1235-3 nouveau du code du travail, Mme [Z] ayant eu une ancienneté de trois années pleines dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité comprise entre trois et quatre mois de salaire brut.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [Z] âgée de 60 ans lors de la rupture, le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation du préjudice résultant pour Mme [Z] de la rupture.
Le jugement déféré qui a alloué à Mme [Z] la somme de 37 328 euros bruts en réparation de son préjudice sur la base d'un salaire moyen mensuel brut de 9 332 euros, sera confirmé.
- Sur le remboursement des indemnités de chômage :
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation; le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
- Sur la demande de rappel de salaire :
Mme [Z] expose que sa rémunération variable était égale à 0,45% du chiffre d'affaires réalisé et qu'elle a perçu au titre de l'exercice 2016/2017 la somme de 21 000 euros sur la base d'un CA de 4 880 131 euros, alors qu'ayant réalisé un chiffre d'affaires de 5 098 000 euros, elle aurait dû percevoir la somme de 22 941 euros au titre de sa rémunération variable, ce qui représente un manque à gagner de 1 941 euros.
La société Foederis soutient que la différence avec les 5 098 000 euros revendiqués par Mme [Z] s'explique par un retraitement du chiffre relatif au renouvellement des abonnements souscrits par les clients. La société Foederis soutient que :
- seule la part correspondant à la plus-value réalisée à l'occasion de ces renouvellements a été prise en compte dans la détermination de l'assiette servant de base au calcul de la rémunération variable ;
- ce retraitement est parfaitement légitime dés lors que seule la plus-value réalisée résulte d'une démarche commerciale
- Mme [Z] n'a élevé aucune contestation au moment de l'attribution de sa rémunération variable, et elle a signé son entretien d'évaluation sans aucune réserve.
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La signature de l'entretien d'évaluation sans réserve ne présume pas de la renonciation de la salariée à faire valoir ses droits tels qu'ils résultent de l'application du contrat de travail, en matière de rémunération variable.
En l'espèce, le contrat de travail prévoit que la rémunération de Mme [Z] comprend une partie variable égale à '0,45% du chiffre d'affaires réalisé sur les ventes ( hors redevance de maintenance) conformément à l'objectif fixé en Annexe 2". Il est également indiqué :
' Les pourcentages ainsi définis sont calculés sur le chiffre d'affaires hors taxes des ventes et des prestations réalisées par le pôle commercial, sous réserve d'encaissement par la société, et après déduction des frais de contentieux et de recouvrement éventuels. (...)'
Il est par ailleurs constant que le chiffre d'affaires réalisés par Mme [Z] au 27 avril 2017, au titre de l'exercice 2016/2017 s'élève à 5 098 664,54 euros.
En retraitant le chiffre d'affaires ainsi réalisé pour calculer la part de rémunération variable sur la base de la plus value réalisée à l'occasion du renouvellement des abonnements souscrits par les clients, la société Foederis a modifié de façon unilatérale le mode de calcul de la rémunération variable contractuellement prévue, sans préciser au demeurant les éléments qu'elle a pris en compte pour procéder à ce retraitement.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a jugé que Mme [Z] est bien fondée à réclamer le solde de 1 941 euros à titre de rappel de salaire et en ce qu'il a condamné la société Foederis à ce titre.
- Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail :
Mme [Z] sollicite une indemnité de 18 664 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail au motif que la société Foederis a refusé, concernant la rémunération variable, d'appliquer le contrat de travail. Mme [Z] fait valoir à ce titre :
- le versement d'une prime inférieure à la somme dûe au titre de l'exercice 2016/2017 ;
- la décision unilatérale de l'employeur de verser cette rémunération à échéance annuelle alors que le contrat de travail prévoyait qu'elle devait seulement être versée sous réserve d'encaissement des factures par la société ;
- la notification par lettre du 30 septembre 2017, de la décision de supprimer la rémunération variable contractuelle pour y substituer uniquement une rémunération fixe supérieure revue à la hausse, et ce sans avenant au contrat de travail ;
- la décision d'appliquer ladite augmentation à compter du mois de septembre et non au début de l'exercice, avec pour conséquence un manque à gagner de 2 974 euros, soit 1 487 euros par mois pour les mois de juillet et août 2017.
Mme [Z] soutient que la seule et unique raison à ces modifications imposées tenait aux projets de développement de la société, susceptibles de faire augmenter de façon majeure sa rémunération variable.
La société Foederis s'oppose à cette demande en soulignant que Mme [Z] n'a jamais formulé une quelconque plainte quant à sa rémunération au cours de la relation contractuelle.
L'employeur soutient que :
- il était précisé que l'objectif convenu entre les parties et annexé au contrat de travail était un objectif annuel ;
- c'est à la demande même de Mme [Z] que sa rémunération a été considérablement augmentée, le fixe passant de 6 667 euros à 8 154 euros , la salariée ayant indiqué qu'elle préférait une rémunération fixe supérieure et plus confortable en vue de sa retraite prochaine ;
- que la demande de Mme [Z] en ce sens figure expressément dans le compte rendu de son entretien d'évaluation ;
- cette modification était particulièrement favorable à Mme [Z] eu égard à la chute vertigineuse des résultats commerciaux du pôle dont elle avait la responsabilité ;
- Mme [Z] ne démontre son préjudice ni dans son principe, ni dans son quantum.
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En l'espèce, la société Foederis se prévaut des mentions du compte-rendu d'évaluation relatives à la rémunération, libellées comme suit :
'souhait du collaborateur:
Variable pour cette année à percevoir: 21 000 euros
Pour les années suivantes
Augmentation du fixe de 6 667 euros brut par mois à 8 154 euros brut par mois
Ajout d'une prime de bilan d'exercice : 2 500 euros à discrétion du PDG.'
En outre, la société Foederis a notifié à Mme [Z] l'augmentation sus-visée et la suppression du variable sur objectif de chiffre d'affaires par lettre du 30 septembre 2017, précisant que le changement prenait effet au 1er septembre 2017.
Il en résulte que l'augmentation de la partie fixe de la rémunération de la salariée est conforme aux souhaits que cette dernière a exprimés et que si la dernière prime sur objectif a été calculée sur le chiffre d'affaires arrêté au 27 avril 2017, Mme [Z] ne formule pas de demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable pour la période du 27 avril 2017 au 1er septembre 2017, au cours de laquelle les nouvelles modalités de rémunération n'étaient pas en vigueur .
En conséquence, Mme [Z], qui s'est vu attribuer une rémunération variable de 21 000 euros au titre de l'exercice 2017/2018, dont la partie fixe du salaire a été augmentée à compter du 1er septembre 2017, pour être portée de 6 667 euros à 8 154 euros, qui pouvait prétendre en outre à l'avenir à une prime de bilan d'exercice de 2 500 euros à la discrétion du PDG et qui n'établit pas l'existence du manque à gagner qu'elle invoque, ne démontre pas que la société Foederis aurait exécuté déloyalement le contrat de travail.
Le jugement déféré qui a débouté Mme [Z] de sa demande de dommages-intérêts au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve d'une dégradation de la relation contractuelle lui causant un préjudice sera confirmé.
- Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Foederis les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à Mme [Z] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Foederis, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d'appel.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré
CONDAMNE la société Foederis à payer à Mme [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,
CONDAMNE la société Foederis aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE