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18/01/2023 | FRANCE | N°20/00930

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 18 janvier 2023, 20/00930


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 20/00930 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M3BH



Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

C/

[Z]

Société MJ SYNERGIE

Société [U]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 23 Janvier 2020

RG : 16/02536



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 18 JANVIER 2023







APPELANTE :



Association UNEDIC DÉLÉGATION

AGS CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



représentée par Me Jean-bernard PROUVEZ de la SELARL CARNOT AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉES :



[W] [Z] épouse [C]

née le 08 Février 1975 à [Local...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/00930 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M3BH

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

C/

[Z]

Société MJ SYNERGIE

Société [U]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 23 Janvier 2020

RG : 16/02536

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 18 JANVIER 2023

APPELANTE :

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Jean-bernard PROUVEZ de la SELARL CARNOT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

[W] [Z] épouse [C]

née le 08 Février 1975 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Sylvaine CHARTIER de la SELARL CHARTIER-FREYCHET AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Société MJ SYNERGIE représentée par Me [T] [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ALPA BIO NOSO CONSEIL

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Benjamin GUY de la SELARL LINK ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Léa BAYER, avocat au barreau de LYON

Société [U] représentée par Me [O] [U] , ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ALPA BIO NOSO CONSEIL

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Benjamin GUY de la SELARL LINK ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Léa BAYER, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Novembre 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [C] a été embauchée par le laboratoire Marcel Mérieux d'abord suivant un contrat de mission du 14 juin 2004 comme Assistante Administrative, puis suivant un contrat de travail à durée déterminée du 11 août 2004.

A compter du 29 mars 2005, Mme [C] a été embauché par le GIE Biosphere suivant un contrat à durée indéterminée, en qualité d'assistante commerciale, statut non cadre.

Suivant un avenant du 29 août 2007, Mme [C] a été nommée à compter du 1er juillet 2007, au poste de responsable groupe administratif commercial.

En 2008, le laboratoire Mérieux devenait le laboratoire Biomnis.

Le 1er juillet 2010, la société Biomnis a cédé à la société Alpabio Noso Conseil (ci-après dénommée Alpabio) la branche d'activité hygiène et environnement, conduisant au transfert du contrat de travail de Mme [C] de la société Biomnis à la société Alpabio.

La convention collective applicable était celle des Bureaux d'Etudes Techniques, Cabinets d'Ingénieurs Conseils, en lieu et place de l'accord d'entreprise en vigueur au sein de la Société Biosphere signé le 25 septembre 2003.

De janvier 2010 à septembre 2010, Mme [C] a été en arrêt de travail pour maladie, puis a repris son poste au sein de la société Alpabio au terme de son arrêt de travail le 6 septembre 2010 en mi-temps thérapeutique.

A compter de janvier 2011, Mme [C] a repris son poste à temps plein.

Mme [C] a été placée en arrêt maladie du 20 janvier 2011 au 4 février 2011 puis du 16 février 2011 au 30 septembre 2011, et du 30 septembre 2011 au 23 mars 2012, en congé

maternité.

Mme [C] n'a jamais repris son poste et a été en arrêt maladie de manière

ininterrompue.

Le 4 juillet 2012, Mme [C] a saisi le Conseil des Prud'hommes de Lyon aux fins de voir condamner la société Alpabio à lui verser des dommages-intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de santé et de sécurité, ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Une visite médicale de reprise a été organisée le 21 mai 2015 aux termes de laquelle Mme [C] a été déclarée inapte temporairement.

Après une étude de postes réalisée le 9 juin 2015, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise le 18 juin 2015.

Le 22 juin 2015, la société Alpabio a adressé à Mme [C] plusieurs propositions de reclassement que le médecin du travail a déclarées incompatibles avec l'état de santé de la salariée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juin 2015, Mme [C] a refusé les propositions de reclassement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juillet 2015, la société Alpabio a convoqué Mme [C] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juillet 2015, la société Alpabio a notifié son licenciement à Mme [C] pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le contrat de travail a pris fin le 21 juillet 2015.

Par jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 12 septembre 2018, la société

Alpabio a été placée en redressement judiciaire, Maître [P] et la SELARL AJ UP étant désignés administrateurs judiciaires et la SELARL MJ SYNERGIE et Maître [B] mandataires judiciaires.

Par jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 31 janvier 2019, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, les SELARL MJ SYNERGIE et Maître [B] étant désignés liquidateurs judiciaires.

Par jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 19 décembre 2019, la SELARL

[U] a été désignée liquidateur judiciaire de la société Alpabio Noso Conseil en remplacement de Maître [B].

Par jugement rendu le 23 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- Dit et jugé que la société Alpabio Noso Conseil n'a pas manqué gravement à ses obligations en matière de santé et sécurité au travail à l'égard de Mme [C] et débouté la demanderesse de sa demande de dommages et intérêts,

- Dit et jugé que la société Alpabio Noso Conseil a été déloyale dans l'exécution de son contrat de travail de Mme [C],

- Fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Alpabio Noso Conseil les sommes de :

* 14 295,48 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné aux organes de la procédure collective la remise du bulletin de paie de

Mme [C] du mois d'avril 2013 portant mention des congés payés, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard au-delà de 3 mois date de notification du jugement,

- Dit et jugé que la demande de résiliation judiciaire n'est pas justifiée et a débouté Mme [C] de sa demande,

- Dit et jugé que le licenciement de Mme [C] est bien un licenciement pour inaptitude et l'a déboutée de ses demandes,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Débouté les parties de toutes les autres demandes plus amples et contraires.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 6 février 2020 par l'association UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 6].

Par conclusions notifiées le 7 octobre 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, l'UNEDIC DÉLÉGATION AGS-CGEA de [Localité 6] conclut à ce qu'il plaise à la Cour d'Appel de Lyon de bien vouloir :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- Rejeter l'appel incident de Mme [C] sur le manquement à l'obligation de sécurité,

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de Mme [C] au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- Rejeter la demande de confirmation de Mme [C] sur l'exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau

- Débouter Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Subsidiairement,

- Minimiser dans de sensibles proportions les dommages et intérêts octroyés,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

- Rejeter l'appel incident de Mme [C] sur la résiliation judiciaire du contrat de travail,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de contestation du licenciement pour inaptitude,

- Rejeter l'appel incident de Mme [C] sur le licenciement,

En tout état de cause,

- Dire et juger que la garantie de l'AGS-CGEA de [Localité 6] n'intervient qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles ;

- Dire et juger que l'AGS-CGEA de [Localité 6] ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des articles L. 3253-20, L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du Travail ;

- Dire et juger que l'obligation de l'AGS CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des éventuelles créances garanties, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du code du travail ;

- Dire et juger que l'AGS CGEA de [Localité 6] ne garantit pas les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dire et juger l'AGS-CGEA de [Localité 6] hors dépens.

Par conclusions notifiées le 17 juillet 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, Mme [C], appelante incidente, demande à la cour de :

- Confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a :

- Fixé au passif du redressement judiciaire de la Société Alpabio la somme de

14 295,48 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- Ordonné en outre aux organes de la procédure collective la remise du bulletin de salaire de Mme [C] du mois d'avril 2013 portant mention des congés payés, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- Infirmer la décision du conseil de prud'hommes pour le surplus et

- Fixer au passif du redressement judiciaire de la Société Alpabio la somme de 14 295,48 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de santé et de sécurité

A titre principal, en raison de la demande légitime et préalable au licenciement de résiliation judiciaire du contrat de travail :

- Fixer au passif du redressement judiciaire de la Société Alpabio les sommes suivantes :

* Indemnité conventionnelle de préavis (3 mois) 7 147,74 euros

* Congés payés sur préavis 714,77 euros

* Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois de salaire) 57 181,92 euros

A titre subsidiaire en raison de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Madame [C] :

- Fixer au passif du redressement judiciaire de la Société Alpabio les sommes suivantes :

* Indemnité conventionnelle de préavis (3 mois) 7 147,74 euros

* Congés payés sur préavis 714,77 euros

* Dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois de salaire) 57 181,92 euros

Outre intérêts de droit à compter du jour de la demande,

-Fixer au passif du redressement judiciaire de la Société Alpabio la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celui de première instance, outre les dépens

- Déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 6].

- Débouter l'UNEDIC AGS CGEA de l'intégralité de ses demandes.

Par conclusions régulièrement notifiées le 4 août 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la SELARL MJ Synergie et la SELARLU [U] demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de Lyon du 23 janvier 2020 en ce qu'il a :

' Dit et jugé que la société Alpabio Noso Conseil n'a pas manqué gravement à ses obligations en matière de santé et sécurité au travail à l'égard de Mme [C] et débouté celle-ci de sa demande de dommages intérêts ;

' Dit et jugé que la demande de résiliation judiciaire n'est pas justifiée et débouté Mme [C] de ses demandes à ce titre ;

' Dit et jugé que le licenciement de Mme [C] est bien un licenciement pour inaptitude et l'a débouté de ses demandes à ce titre ;

- Infirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de Lyon du 23 janvier 2020 en ce qu'il a :

' rejeter leur demande de voir condamner Mme [C] à leur payer les sommes suivantes :

- 3 000 euros à titre de dommages intérêts au titre de la procédure abusive,

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

' Dit et jugé qu'elle a été déloyale dans l'exécution du contrat de travail de Mme [C] et fixé à son passif les sommes de :

- 14 295,48 euros à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 1 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

' Débouter Mme [C] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' Condamner Mme [C] à leur payer, es qualités, les sommes de:

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 2.000 euros euros au titre de la procédure d'appel.

' Condamner Mme [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.

MOTIFS

- Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité :

Mme [C] soulève un manquement de la société Alpabio à son obligation de santé et de sécurité au travail au visa des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail. La salariée fait valoir que :

- elle a été convoquée, pendant une période de congés acceptés par l'employeur, à un entretien préalable à une procédure de licenciement initiée sans aucune raison, dans le seul but de faire pression sur elle afin qu'elle accepte une rupture conventionnelle de son contrat ;

- elle a été menacée de perdre son emploi sans indemnité ;

- elle a fait l'objet d'une rétrogradation au poste d'assistante administrative ;

- elle a été convoquée à trois reprises pendant son congé maternité, le 24 février, le 5 mars et le 22 mars 2012, aux mêmes fins de rupture conventionnelle ;

- elle a été informée le 24 févier 2012 de la suppression de son poste ;

- elle a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement pour faute grave, le 25 avril 2012 ;

- l'attitude brutale et anormale de M. [M], directeur scientifique de la société Alpabio, est à l'origine de la dégradation de son état de santé et de ce qu'elle a développé un syndrome dépressif nécessitant un traitement médicamenteux et son hospitalisation pendant plusieurs mois.

Les sociétés MJ Synergie et [U], es qualités, soutiennent que :

- les premiers arrêts de travail de Mme [C] sont antérieurs au début de l'exécution de son contrat de travail avec la société Alpabio Noso Conseils, de sorte que cette dernière ne saurait être tenue pour responsable de faits éventuels survenus antérieurement à la cession et qui, à les supposer établis, ne pourraient engager que la responsabilité de la seule société Biomnis ;

- les arrêts de travail ont une origine non professionnelle et Mme [C] n'a jamais établi une quelconque déclaration d'accident du travail ni engagé de procédure de reconnaissance de maladie professionnelle ;

- aucune des pièces produites ne permettent d'établir un quelconque lien entre un prétendu état dépressif et les fonctions exercées par Mme [C] ;

- Mme [C] n'invoque aucun événement précis susceptible de constituer un manquement à l'article L. 4121-1 du code du travail après sa brève reprise du travail en septembre 2010 ;

- l'unique convocation du 25 avril 2012, à une éventuelle sanction disciplinaire à laquelle il n'a définitivement été donné aucune suite, ne saurait constituer un manquement à l'article L. 4121-1 du code du travail ;

- la prétention de Mme [C] est injustifiée tant dans son principe que dans son quantum.

L'UNEDIC conclut dans le même sens que les sociétés Synergie et [U], ajoutant que Mme [C] a refusé de se rendre aux visites médicales de reprise et conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande d'indemnité au titre du manquement à l'obligation de sécurité.

A titre subsidiaire, l'UNEDIC demande à la cour de ramener la demande à de plus justes proportions.

****

Il résulte des débats que Mme [C] invoque des pressions de sa hiérarchie dans le contexte de la vente du département Hygiène & environnement à la société Alpabio en décembre 2009. Elle soutient que l'absence de prise en compte de cette pression par M. [M], responsable du service hygiène a conduit son médecin à lui prescrire un arrêt de travail pour dépression à compter du mois de janvier 2010 jusqu'au mois de septembre 2010.

La cour observe que sur cette première partie, Mme [C] ne produit que ses propres écrits, à l'exception de tout élément objectif de nature à matérialiser les pressions dont elle fait état.

Mme [C] a repris le travail à compter du mois de septembre 2010 et indique qu'elle a fait l'objet d'une rétrogradation dans le cadre de la réorganisation survenue.

La société Alpabio a contesté de façon constante cette rétrogradation, notamment dans son courrier du 2 avril 2012, mais il résulte d'un courrier remis à la salariée le 21 octobre 2010, que la société Alpabio a cependant admis 'une adaptation temporaire des conditions de travail de la salariée afin de tenir compte de son mi-temps thérapeutique.' La société Alpabio a ainsi demandé à Mme [C] de consacrer en priorité son activité aux fonctions techniques et opérationnelles et lui a indiqué qu'elle reprendrait pleinement ses fonctions d'encadrement et de management si elle était en mesure de reprendre une activité à temps plein.

Il en résulte qu'en aménageant le poste de travail de Mme [C] par suppression des fonctions d'encadrement et de management sans justification objective du choix ainsi opéré, alors que ces fonctions sont l'essence même d'un chef de groupe, et que la mise en oeuvre d'un temps partiel thérapeutique n'imposait en aucun cas un tel choix, la société Alpabio a de fait, rétrogradé la salariée dans des fonctions exclusivement techniques, même si le salaire est resté inchangé.

Dans son courrier du 2 avril 2012, la société Alpabio confirmait sa position en indiquant à Mme [C] qu'elle avait repris son poste avec l'ensemble des tâches qui lui étaient dévolues avant son arrêt, excepté l'encadrement de deux assistantes administratives.

Concernant les convocations pendant des périodes de congés ou pendant le congé maternité, il résulte d'un échange de courriels du 23 mars 2012 entre Mme [C] et M. [M] que ce dernier a proposé deux rencontres au cours du mois de mars 2012, soit le 5 et le 22 mars; que Mme [C] n'ayant pas reçu la convocation pour le 22 mars en temps utile, n'a pu honorer cette convocation; que la salariée a informé sa direction que son congé maternité prenait fin le 24 mars 2012 de sorte qu'elle serait de retour à son poste de travail le 26 mars 2012; que M. [M] a alors fait la réponse suivante à Mme [C] :

' Je prends note de votre message, je ne partage pas votre analyse par rapport à vos congés. Nous avons convenu lors de notre réunion du 24 février à [Localité 8] que vous purgeriez l'ensemble de vos congés annuels avant votre reprise de poste, il n'est donc pas souhaitable que vous reveniez de votre congé maternité ce lundi 26 mars.(...) Je souhaite fixer une nouvelle date de rendez-vous dans les prochains jours afin de faire un point sur les modalités de votre retour et ainsi redéfinir votre fiche de poste et vos fonctions au sein du groupe Alpabio.'

Mme [C] qui manifestait le 23 mars 2012 son intention de reprendre son poste de travail ne saurait considérer que des propositions de rendez-vous pour définir les modalités de la reprise du travail constituerait des pressions. A défaut de tout autre élément, la salariée ne démontre pas que ces convocations relèveraient de pressions aux fins d'obtenir une rupture conventionnelle.

En ce qui concerne le refus de se rendre à une ultime convocation pour un entretien fixé le 11 avril 2012, Mme [C] exposait dans un courriel du 6 avril 2012 qu'elle était en congés, à la demande de son employeur jusqu'au 21 mai et qu'elle n'était pas en mesure de se rendre à la convocation du 11 avril compte tenu de la garde de ses jumeaux. Elle ajoutait à cette occasion :

' Je n'ai pas la possibilité de faire garder mes enfants, et toujours pas de place en crèche en raison notamment du fait que je ne dispose pas de l'ensemble de mes bulletins de salaire pour constituer le dossier impératif à leur inscription.

Je ne souhaite pas polémiquer plus avant sur les intentions que vous me prêtez et qui ne sont corroborées par aucun fait, d'autant plus que c'est vous même qui par deux fois m'avez demandé de régulariser une rupture conventionnelle ce que j'ai refusé de faire.

Je ne me rendrai donc pas à l'entretien du 11 avril prochain pour les raisons exposées précédemment.'

La réponse de l'employeur à ce refus a été le maintien par lettre recommandée avec accusé de réception de la réunion du 11 avril, et la convocation par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 avril 2012 de la salariée à un entretien préalable à son licenciement fixé à la date du 14 mai 2012.

Si les sociétés MJ Synergie et [U] soutiennent que cette unique convocation en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire ne saurait constituer un manquement à l'article L. 4121-1 du code du travail, il apparaît cependant que Mme [C] qui était effectivement en congés à la date proposée par l'employeur, n'avait aucune obligation de répondre à cette convocation, étant précisé que c'est à la demande de sa direction qu'elle purgeait ses congés annuels ainsi qu'il le lui était rappelé dans le courriel sus-visé. Sa convocation à un entretien préalable à son licenciement, a fortiori pendant ses congés annuels, apparaît dés lors totalement injustifiée.

A la suite de cet entretien préalable, Mme [C] était destinataire d'une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mai 2012 lui indiquant :

'Faute de reprise de vos fonctions le 21 mai à 8h30 dans nos locaux d'[Localité 7], nous serons alors contraints de poursuivre la procédure engagée pour le motif de votre absence irrégulière et injustifiée en conséquence de votre refus à exercer vos fonctions caractéristiques d'une insubordination.'

La menace qui résulte d'une telle formulation, de poursuivre la procédure de licenciement mise en oeuvre le 25 avril 2012 sans raison valable, au motif d'une possible absence irrégulière à compter du 21 mai, et ce alors même que la salariée avait manifesté son souhait de reprendre le travail dés le 26 mars, et qu'elle en a été empêchée par l'employeur qui souhaitait qu'elle solde ses congés, constitue une pression directe.

Dans ces conditions, la suppression des fonctions de management et d'encadrement pendant le mi-temps thérapeutique, la mise en oeuvre injustifiée de la procédure de licenciement à compter du 25 avril 2012 et la persistance de la société Alpabio à vouloir mener à son terme ladite procédure en invoquant un manquement hypothétique, caractérisent les pressions dénoncées par Mme [C] et le lien avec un nouvel arrêt maladie à compter du 21 mai 2012 est suffisamment établi par ces circonstances.

La société Alpabio a ainsi manqué à son obligation de protéger la santé physique et mentale de sa salariée laquelle est fondée en sa demande. La cour estime que le préjudice subi par Mme [C] doit être réparé par une indemnité de 3 000 euros.

Le jugement déféré qui a débouté Mme [C] de sa demande au titre du manquement à l'obligation de santé et de sécurité sera donc infirmé et Mme [C] sera déboutée de sa demande pour le surplus.

- Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail :

Mme [C] invoque à ce titre :

1°) sa rétrogradation à un poste d'assistante administrative sans plus aucune responsabilité, décision constitutive d'une modification unilatérale de son contrat de travail ;

2°) le manque de diligence de la société dans la transmission des attestations justificatives de son emploi, ce qui a eu pour effet de la priver de ses indemnités journalières de sécurité sociale en temps utile ;

3°) le manque de diligence aux fins d'ouverture d'un dossier de prévoyance pour le versement d'un complément de salaire.

Mme [C] expose par exemple qu'à la fin du mois de juillet 2012, elle n'avait toujours pas reçu ses indemnités journalières pour la période du 21 mai au 25 juin 2012 ; que l'employeur n'a régularisé la situation qu'à compter du mois de novembre 2012 et qu'elle a à nouveau été privée de ses indemnités à partir du 14 décembre 2012.

Mme [C] soutient qu'il ne s'agit pas d'un fait isolé dés lors que la société Alpabio a omis de lui transmettre ses bulletins de salaire pendant son congés maternité.

L'UNEDIC s'oppose à cette demande en soutenant :

- à titre principal, que Mme [C] ne démontre pas les manquements qu'elle invoque,

- à titre subsidiaire, que le principe et le quantum du préjudice ne sont pas démontrés.

Les sociétés MJ Synergie et [U], es qualités, font valoir qu'au delà de son caractère disproportionné et injustifié dans son montant, la condamnation prononcée à l'encontre de la société Alpabio Noso Conseil ne repose sur aucun élément probant, mais sur de simples allégations. Elles soutiennent que :

- la société Alpabio produit les attestations de salaires transmises à Mme [C];

- le préjudice financier invoqué n'est pas établi par Mme [C] ;

- la société a effectué les démarches nécessaires auprès de l'organisme de prévoyance dés lorsqu'elle a disposé des éléments fournis par la salariée, étant précisé que la société ne pratiquait pas la subrogation et qu'elle ne pouvait donc procéder au paiement du complément patronal sans les attestations de paiement des indemnités journalières de la sécurité sociale que Mme [C] devait lui adresser, ce qu'elle ne faisait pas ;

- la société a bien fourni les bulletins de paie de Mme [C] des mois de janvier, février et mars 2102 à échéance.

Les sociétés MJ Synergie et [U] contestent toute rétrogradation en soutenant que :

- aucune modification n' a été portée à la durée du contrat, ni aux horaires de travail,

- Mme [C] a conservé l'intégralité de ses fonctions, attributions et responsabilités, son rattachement hiérarchique, sa classification conventionnelle et sa rémunération,

- la seule modification apportée concernait la nécessaire adaptation temporaire de ses fonctions à un temps de présence réduit du fait de son mi-temps thérapeutique, sans retrait de tâches ou de responsabilité ;

- le partage du contrôle fonctionnel et opérationnel avec le directeur technique et scientifique était temporaire et cet aménagement a cessé lorsque Mme [C] a repris ses fonctions à temps plein au mois de janvier 2011, avec l'intégralité de ses prérogatives d'encadrement et de management.

****

Il résulte des pièces versées aux débats que pour la période du 21 mai 2012 au 25 juillet 2012, Mme [C] n'a perçu aucune indemnité journalière et que cette période a fait l'objet d'un règlement par la CPAM le 1er août 2012.

Les sociétés MJ Synergie et [U] es qualités, versent aux débats une attestation de salaire établie par la société Alpabio le 31 mai 2012 pour la période du 1er février 2012 au 30 avril 2012 et une attestation établie par l'employeur le 30 mai 2013 dans le cas d'une interruption de travail continue supérieure à 6 mois.

Si les sociétés MJ Synergie et [U] considèrent que les nombreux courriers d'avocat produits par Mme [C], sollicitant de la société Alpabio qu'elle transmette à la CPAM l'attestation de salaire, ne constituent pas des éléments de preuve, il n'en reste pas moins que l'obligation d' établir l'attestation de salaire et de la transmettre au salarié ou à la CPAM aux fins du paiement des indemnités journalières, repose sur l'employeur et qu'il appartient par conséquent à ce dernier de prouver qu'il s'est acquitté de cette obligation dans les meilleurs délais.

En l'espèce, aucune justification d'une transmission en temps utile des attestations de salaire n'est apportée en dépit de la demande expresse de justification résultant des courriers d'avocats des 26 juillet 2012 et 17 juin 2013.

En ce qui concerne le complément de salaire prévu par le contrat de prévoyance entre la société Axa et la société Alpabio, il apparaît que Mme [C] a écrit à son employeur le 19 novembre 2012 pour lui indiquer notamment :

'(...) En outre, j'ai pris attache auprès de notre organisme de prévoyance AXA afin d'obtenir le complément de salaire prévu par la convention collective postérieurement au maintien de salaire que vous auriez dû appliquer.

Axa m'indique que vous auriez dû ouvrir à mon nom un dossier afin que me soit versé le complément de salaire prévu.

Or, à ce jour ils constatent qu'aucune démarche n'a été faite de votre part me concernant, pour que je puisse bénéficier de la prévoyance. (...)'

La société Alpabio a répondu à Mme [C] le 3 décembre 2012, qu'elle avait transféré tous les documents nécessaires à sa prise en charge par la prévoyance du laboratoire, mais qu'il manquait certaines pièces, soit un certificat médical et les IJSS versées après le 6 novembre 2012.

Cette chronologie révèle l'absence de toute diligence de la société Alpabio avant la réclamation de la salariée, alors même qu'il est constant que Mme [C] n'a cessé, depuis le mois de juillet 2012 de se plaindre des retards de paiement des indemnités journalières et des conséquences sur sa situation financière.

En définitive, compte tenu de ce qui a été retenu ci-dessus, l'exécution déloyale résulte à la fois de la suppression des fonctions de management et d'encadrement de Mme [C], et du manque de diligence de la société Alpabio, tant dans la transmission des attestations de salaire que dans l'ouverture d'un dossier en application du contrat de prévoyance pour le versement d'un complément de salaire à la salariée.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que la société Alpabio avait été déloyale dans l'exécution du contrat de travail, sauf à ramener l'indemnité allouée à Mme [C] à de plus justes proportions, soit en l'espèce, la somme de 3 000 euros.

- Sur la demande de résiliation judiciaire :

Mme [C] invoque les manquements sus-visés à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire et indique qu'après avoir été en arrêt maladie pour une grave dépression liée à la manière dont elle a été traitée par la société Alpabio, elle a finalement été déclarée inapte à son poste sans avoir pu reprendre ses fonctions, ce qui démontre, selon la salariée, que la poursuite du contrat de travail était impossible.

Les sociétés MJ Synergie et [U] font valoir que la demande de résiliation judiciaire a été formulée tardivement puisqu'elle ne figurait pas dans la saisine du conseil de prud'hommes le 4 juillet 2012.

Elles soutiennent que si Mme [C] a pu, momentanément, ne plus être prise en charge au titre du régime de prévoyance, ce n'est pas à raison d'une faute imputable à la société Alpabio, mais à raison de son refus de répondre aux convocations à expertise.

Les sociétés MJ Synergie et [U] exposent en tout état de cause, qu'à la date du bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Lyon, plus aucun des manquements invoqués n'existait et n'était d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Alpabio Noso Conseil.

L'Unedic soutient que :

-à les supposer établis, les manquements invoqués par la salarié ne sont pas suffisamment graves pour justifier une résiliation judiciaire ;

- si la résiliation judiciaire était prononcée, elle ne prendrait effet qu'à la date du prononcé du jugement constatant la résiliation judiciaire, ce dont il résulte que les créances éventuelles de Mme [C] seraient hors des périodes de sa garantie légale.

L'Unedic fait observer, dans l'hypothèse où sa garantie serait retenue que :

* l'indemnité compensatrice revendiquée était calculée sur la base d'une rémunération brute mensuelle de 2 382,58 euros alors que la rémunération mensuelle brute était de 2 247,72 euros,

*l'indemnité conventionnelle de licenciement était sollicitée alors qu'elle avait été versée dans le cadre du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, de sorte que cette demande sera rejetée,

*les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois de salaires) n'étaient ni justifiés sur le principe, ni sur le quantum.

****

Sur le fondement de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.

Le manquement suffisamment grave de l'employeur est de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

En l'espèce, il résulte de la chronologie procédurale que Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes le 4 juillet 2012, par une requête visant le harcèlement moral mais sans demande de résiliation judiciaire. Cette requête a fait l'objet d'une décision de radiation le 10 avril 2014 et l'affaire a été réintroduite le 11 juillet 2016, soit postérieurement à la notification de son licenciement à Mme [C], par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juillet 2015.

Or, la demande de résiliation judiciaire est formulée dans le dernier état des conclusions postérieurement à la réinscription de l'affaire devant le conseil de prud'hommes, c'est à dire postérieurement au licenciement, de sorte que cette demande est tardive et qu'il appartient en conséquence à la cour de se prononcer sur le licenciement notifié à la salariée.

- Sur le licenciement :

Il résulte des articles L.1232-1 et L 1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs ; en vertu de l'article 1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse lorsque le comportement fautif de l'employeur est à l'origine de l'inaptitude du salarié.

En l'espèce, Mme [C] conteste son licenciement en soutenant que le comportement fautif de la société Alpabio a directement causé son inaptitude; que l'employeur n'a pris aucune mesure nécessaire afin d'assurer la sécurité et protéger la santé mentale de sa salariée, voire pire, a cherché à la déstabiliser et à l'empêcher de reprendre son emploi.

Les sociétés MJ Synergie et [U] concluent à la confirmation du jugement sur le rejet de cette demande aux motifs que les arrêts de travail de Mme [C] ont débuté avant même le transfert de son contrat de travail au sein de la société Alpabio Noso Conseil et qu'elle n'a jamais établi médicalement un lien entre son travail et son état de santé.

L'Unedic conclut dans le même sens, à la confirmation du jugement.

***

S'il est constant que le premier arrêt maladie de Mme [C], en janvier 2010 est antérieur au transfert de son contrat au sein de la société Alpabio, il n'en reste pas moins que la salariée a repris le travail en mi-temps thérapeutique à compter de septembre 2011, puis à temps plein à compter de janvier 2011, qu'elle a à nouveau été placée en arrêt maladie du 20 janvier 2011 au 30 septembre 2011, puis en congé maternité jusqu'au 23 mars 2012.

Il résulte des développements ci-dessus que Mme [C] a exprimé son désir de reprendre le travail à l'issue de congé de maternité le 24 mars 2012 et que la société Alpabio a refusé cette reprise et a, dans les quelques jours qui ont suivi, mis en oeuvre une procédure de licenciement sans justification, procédure qu'elle a abandonnée tout en menaçant la salariée de la poursuivre si elle ne se présentait pas à un rendez-vous.

Les manquements de la société Alpabio à son obligation de santé et de sécurité ainsi que les manquements à une exécution loyale du contrat de travail tels qu'ils ont été retenus ci-avant sont directement en lien avec l'arrêt maladie du 21 mai 2012, avec les prolongations successives de cet arrêt maladie et l'avis d'inaptitude qui en est résulté, de sorte que le licenciement de Mme [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Sur l'indemnité de préavis :

Si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La créance de Mme [C] au titre de l'indemnité de préavis sera donc fixée à la somme de 6 743,16 euros outre la somme de 674, 31 euros de congés payés afférents sur la base du salaire qu'elle aurait perçu si elle avait exécuté son préavis, soit 2 247,72 euros.

- Sur les dommages-intérêts :

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, Mme [C] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [C] âgée de 40 ans lors de la rupture, de son ancienneté de dix années et trois mois, de ce que la salariée justifie avoir été bénéficiaire de l'allocation d'aide au retour à l'emploi jusqu'au 7 septembre 2017, mais ne produit pas d'élément sur l'évolution de sa situation professionnelle depuis cette date, la cour estime que le préjudice résultant pour cette dernière de la rupture doit être évalué à la somme de 15 000 euros.

Le jugement qui a débouté Mme [C] de sa demande de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse sera infirmé en ce sens et la créance de la salariée au passif de la société Alpabio sera fixée à la somme de 15 000 euros.

- Sur les demandes accessoires :

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, sont à la charge de la liquidation judiciaire de la société Alpabio Noso Conseil.

Compte tenu de l'issue du litige, les sociétés MJ Synergie et [U] seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en première instance et en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire la somme de 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant d'une créance née postérieurement au jugement d'ouverture.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement

STATUANT à nouveau et y ajoutant

DIT que le licenciement notifié à Mme [C] le 18 juillet 2015 est sans cause réelle et sérieuse

FIXE la créance de Mme [C] au passif de la liquidation judiciaire de la société Alpabio Noso Conseil comme suit :

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

- 3 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'exécution loyale du contrat de travail

- 6 743,16 euros à titre d'indemnité de préavis outre

- 674,31 euros de congés payés afférents

- 15 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DIT que l'AGS-CGEA de [Localité 6] devra sa garantie dans les conditions prévues par la loi

CONDAMNE les sociétés MJ Synergie et [U], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel

CONDAMNE les sociétés MJ Synergie et [U], ès qualités, à payer à Mme [C] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 20/00930
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-18;20.00930 ?
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