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18/01/2023 | FRANCE | N°20/00957

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 18 janvier 2023, 20/00957


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 20/00957 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M3DJ



[L]

C/

Société LES [N]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 28 Janvier 2020

RG : 18/00223





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 18 JANVIER 2023







APPELANT :



[Y] [L]

né le 03 Juillet 1961 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]


r>représenté par Me Dominique MONIER, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Géraldine CASINI, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉE :



Société LES [N]

[Adress...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/00957 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M3DJ

[L]

C/

Société LES [N]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 28 Janvier 2020

RG : 18/00223

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 18 JANVIER 2023

APPELANT :

[Y] [L]

né le 03 Juillet 1961 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Dominique MONIER, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Géraldine CASINI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Société LES [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Maud VERNET, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Novembre 2022

Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [Y] [L] a été engagé par la société [N] ASD par un contrat de travail à durée indéterminée en date du 13 mai 2013 en qualité de «Directeur Commercial l» en charge de la famille des équipements de protection individuelle.

Par avenant du 21 janvier 2015, il a accepté une modification de la part variable de sa rémunération.

Par courrier du 6 juin 2016 Monsieur [L] était informé du transfert de son contrat de travail au sein de la société LES [N].

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale des commerces de gros.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [L] percevait une rémunération de 8 451,35 euros.

Par lettre recommandée du 30 octobre 2017, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, prévu le 14 novembre 2017.

Par lettre recommandée du 20 novembre 2017, M. [L] a été licencié.

Par requête du 24 janvier 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon.

Le 4 avril 2019, le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix.

Par jugement du 28 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de LYON, présidé par le juge départiteur a dit que le licenciement de M. [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la société LES [N] à lui verser la somme de 42 256,75 euros et la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

Le 6 février 2020, M. [L] a fait appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 4 mai 2020, M. [L] demande à la cour de :

confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a dit que le licenciement dont il a fait l'objet de la part de la SAS L.E.S. [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné la SAS L.E.S. [N] à lui verser la somme de 42 256,75 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

l'infirmer pour le surplus,

condamner la société LES [N] à lui verser les sommes suivantes :

dommages-intérêts pour travail dissimulé : 60 000,00 euros

Dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 30 000,00 euros

heures supplémentaires : 77 657,62 euros

congés payés sur heures supplémentaires : 7 765,00 euros

Article 700 du CPC dans le cadre de la procédure d'appel : 3 000,00 euros

Par conclusions notifiées le 15 juillet 2020, la société LES [N] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires au titre du travail dissimulé, de l'exécution fautive du contrat de travail et du rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents et de l'infirmer en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [L] ne reposait sur aucun cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire, elle demande que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit limitée à la somme de 25 354,05 euros, conformément au montant minimal prévu par les dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail.

A titre éminemment subsidiaire, elle demande à la cour de limiter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 42 265,75 euros, conformément au montant maximal prévu par les dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail.

A titre reconventionnel elle demande la condamnation de M. [L] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de Maître LAFFLY, LEXAVOUE, sur son affirmation de droit.

SUR CE,

Sur les heures supplémentaires :

Le salarié fait valoir qu'il verse aux débats tous ses agendas depuis 2014 et qu'il a établi un récapitulatif des heures supplémentaires réalisées sur la période non prescrite en appliquant la clause sur la durée de travail insérée dans son contrat. Il ajoute qu'il produit également ses plannings journaliers à compter de l'année 2014, ce qui permet ainsi de déterminer de manière rigoureuse les heures effectuées sur toute cette période.

Il soutient que ses missions le conduisaient à effectuer de très fréquents déplacements en voiture (40 000 km/an), mais aussi en train et en avion et que toutes les notes de frais sont consignées chez [N] avec les justificatifs correspondants.

L'employeur réplique :

que les demandes de M. [L] ne sont pas réalistes et ne correspondent pas aux horaires effectués entre 2015 et 2018 ;

que les heures déclarées ne sauraient être comptabilisées comme du temps de travail effectif car elles correspondaient en réalité à du simple temps de trajet entre son domicile et la gare ou l'aéroport, ou encore entre son domicile et son lieu d'intervention ;

que le salarié avait fait le choix de conserver son domicile en Vendée et consacrait les lundis et les vendredis après-midi à ses trajets entre la Vendée et le Rhône

***

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La durée du travail est fixée à 160H34 par mois et il est expressément mentionné dans le contrat de travail que le salarié bénéficiera de la bonification en temps de 25% pour les heures accomplies de la 36ème à la 37ème heure et d'un forfait de 5 jours supplémentaires de RTT. Les fiches de paie font apparaître une rubrique « solde heures RTT » et « solde jours RTT ». Le salarié a été rémunéré sur le base de 160H34 soit 37 heures par semaines et la majoration de 25% en temps lui a été attribuée, conformément au contrat de travail.

M. [L] verse aux débats des tableaux établis à compter de la semaine 45 de l'année 2014 et jusqu'à la semaine 39 de l'année 2017 : ces tableaux font apparaître, pour chaque jour, le lieu du travail (bureau domicile, bureau [Localité 8], Bureau [Localité 12]) ou un trajet (départ [Localité 9] et Bureau [Localité 8] ou Accompagnement [Localité 12] départ pour [Localité 5], accompagnement [Localité 12], départ pour [Localité 10]). Parfois, des horaires de départ et de retour sont mentionnés (par exemple : le 3 novembre 2014 : accompagnement [Localité 12] départ pour [Localité 7] 5H30 retour Hôtel [Localité 12] 18H00, suivi d'une mention relative aux heures : 10H30). La plupart du temps, aucun horaire n'est précisé concernant le début ou la fin de la journée mais une amplitude horaire est toujours mentionnée.

Pour la période du 2 octobre 2017 et s'achevant le 27 octobre 2017, le salarié a minuté quotidiennement le temps passé à chacune de ses activités, sans faire de total quotidien, et a fait un total horaire hebdomadaire.

Il comptabilise et réclame paiement des heures supplémentaires dès la 36ème heure.

Le salarié qui réside en Vendée, a mentionné ses temps de trajets entre son domicile et son lieu de travail, sans qu'il soit possible de savoir s'il les a comptabilisés comme temps de travail. Il a aussi mentionné d'autres trajets dont il est impossible de vérifier s'il les a pris en compte comme temps de travail.

La copie de ses agendas n'éclaire pas davantage sur son emploi du temps.

C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a considéré que ces éléments ne permettaient pas à l'employeur de répondre utilement et a débouté M. [L] de ses demandes au titre des heures supplémentaires.

Sur le travail dissimulé :

Le salarié fait valoir que comme il n'a volontairement pas été réglé des heures supplémentaires dont l'employeur était informé puisqu'il en était à l'initiative, il est légitime à solliciter une indemnisation à ce titre soit la somme de 60 000euros.

L'employeur répond que la demande est dénuée de toute justifications et n'établit pas l'élément intentionnel de l'infraction de travail dissimulé.

La réalisation d'heures supplémentaires non rémunérées n'étant pas établie, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

Sur le licenciement :

M. [L] souligne :

que les motifs invoqués quant à l'insuffisance de résultat sont confus ;

qu'il a toujours permis aux commerciaux de développer leur chiffre d'affaire au bénéfice de la société ;

que le grief concernant le développement commercial n'a été formulé qu'au mois de juillet 2017 ;

qu'il n'a jamais remis en cause la politique du groupe et a toujours été moteur dans la promotion et les perspectives de succès du groupe

qu'il a toujours entretenu de très bonnes relations de travail avec ses collègues ainsi qu'en attestent les témoignages versés aux débats.

L'employeur réplique que :

le prévisionnel VEPIA n'a pas été atteint pour l'année 2016 tant en termes de marge que de chiffre d'affaire ;

M. [L] a été mis en garde lors de son entretien annuel mais que la situation est demeurée préoccupante

cette insuffisance était liée à l'absence de stratégie de développement commercial alors que M. [L] disposait seul des compétences et des connaissances pour mettre en 'uvre un plan d'action commercial

qu'en 4 années d'activité, M. [L] n'a jamais fourni un compte rendu d'activité ;

qu'aucune de ces personnes témoignant en faveur de M. [L] n'atteste de son investissement et de son implication dans la définition d'un plan commercial ;

qu'il avait été alerté lors de son entretien annuel, sur la nécessité de corriger son relationnel, notamment à l'égard de sa hiérarchie.

***

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Si la preuve est partagée en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, il incombe à l'employeur d'apporter au juge des éléments objectifs à l'appui des faits qu'il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective, non fautive et durable, d'un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c'est-à-dire conformément à ce qu'on est fondé à attendre d'un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d'emploi et dans la même situation

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

« Vous avez intégré le groupe [N] en 2013 en qualité de Directeur Commercial en charge de l'activité VEPIA, avec pour mission de développer cette gamme de produits. Pour rappel, vous étiez déjà en charge de cette activité en qualité de gérant d'une société lorsque le groupe [N] l'a reprise en 2013 et c'est en raison de votre expérience dans ce domaine que nous vous avons embauché.

Or, malgré plusieurs années écoulées durant lesquelles nous vous avons laissé le temps de définir une stratégie de développement et de la mettre en 'uvre, nous constatons aujourd'hui votre incapacité à atteindre pleinement l'objectif de développement que nous pouvions légitimement attendre de votre part, tant en termes de chiffre d'affaires et de marges qu'en gain de nouveaux clients.

Vos résultats sont en ce sens en inadéquation avec les projections que vous aviez vous-même établies. Ainsi, sur la seule année 2016, vous aviez annoncé un chiffre d'affaires de 2,950 millions d'euros avec une marge amont supérieure à 20% pour un résultat qui s'est avéré finalement très inférieur de 0,879 millions d'euros de chiffre d'affaires et une marge brute de 17%. Sur 2017, à fin septembre, la situation du taux de marge, tant amont que totale groupe devient préoccupante. Ainsi, la marge amont est de nouveau en-deçà du budget arrêté par vos soins en début d'année à seulement 16,5%, elle régresse de - 0,96 points et la marge totale du groupe en très forte baisse à -4,6 points.

Lors de votre entretien annuel qui s'est tenu le 24 juillet 2017, nous avions mis en évidence la non atteinte du budget 2016 mais également souligné votre carence totale en termes de développement commercial, particulièrement en termes de prospection. Nous vous avions alors informé des changements impératifs qui devaient intervenir pour corriger la situation, avec la proposition par vos soins d'un plan d'action pour le développement de la gamme VEPIA, le développement commercial via des actions de prospections et l'atteinte du budget VEPIA 2017.

Face à l'absence de prise de conscience de votre part sur les insuffisances alors relevées, nous vous avions confirmé nos attentes par un courrier en date du 18 septembre 2017 par lequel nous vous rappelions entre autres la nécessité d'établir en votre qualité de Directeur commercial un plan d'action pour le développement de la gamme VEPIA ainsi que la réalisation de missions de prospections.

Nous attendions donc des signes rapides de changement, lesquelles demandes avaient déjà été portées à votre connaissance au tournant des années 2016 et 2017. Nous vous avions en effet fait part à cette époque de nos attentes à l'occasion de l'établissement du budget VEPIA 2017, comme en témoignent les mails de Madame [H] [J] du 28 novembre 2016 ou encore celui du 9 janvier 2017, et celui de Monsieur [Z] [B], Directeur Général, du 3 décembre 2016.

Nous vous avions informé de la nécessité de définir les moyens et les pistes de développement de la gamme VEPIA pour impulser une réelle croissance du chiffre d'affaires en 2017, et notamment l'identification de comptes régionaux à prospecter en 2017.

A la suite d'un courrier que vous nous aviez adressé le 25 septembre, nous vous avions invité une nouvelle fois à travailler, avec le soutien de Madame [H] [J], sur les préconisations qu'il vous appartenait de faire dans le cadre de la construction d'un plan d'action commercial.

Au terme d'un nouveau bilan de votre activité que nous avons organisé le 30 octobre dernier, nous avons malheureusement dû constater un statu quo de la situation. Tant l'entretien annuel que nos échanges ultérieurs dans le cadre d'un suivi plus régulier de votre activité n'ont pas eu d'effet positif sur le contenu de votre activité et vous semblez persévérer dans une forme de déni. Absolument aucune action, proposition, plan, ni document ne nous a été présenté en réponse aux insuffisances observées et portées à votre connaissance à de multiples reprises depuis de nombreux mois.

Vous n'avez ainsi engagé aucune action de prospection, et prétextez aujourd'hui ne pas avoir les moyens de mener à bien cette mission alors même que vous n'avez jamais pris aucune initiative dans ce domaine. En effet, malgré nos demandes, aucun scénario chiffré, argumenté, assorti d'un plan d'actions, n'a été proposé de votre part, ni aucune proposition de nouvelle organisation ou articulation de votre fonction avec le reste des fonctions commerciales du Groupe.

Plus inquiétant, vous en venez aujourd'hui à mettre en cause la politique du groupe pour expliquer vos carences en terme de missions de prospection, ce qui n'est pas recevable tant vous avez été régulièrement incité à développer votre gamme de produits et que vous disposiez de tous les moyens à votre disposition pour assurer des missions de prospection.

Les perspectives que la situation s'améliore sur le plan du développement commercial sont donc compromises. Vous n'avez pas été en capacité de construire le plan d'action commercial demandé et le développement de la prospection s'avère fortement remis en cause par l'absence de volonté de votre part de réaliser des actions dans ce domaine.

En outre, nous regrettons que vous vous défaussiez de vos responsabilités, notamment sur l'échec de la promotion VEPIA que vous aviez mise en place sur les mois de mars à août 2017. Il vous appartenait en votre qualité de Directeur Commercial VEPIA d'en faire la promotion et d'assurer le suivi de cette action. En effet, étant présent sur tous les sites et accompagnant les commerciaux sur le terrain toutes les semaines, vous aviez toute la latitude nécessaire pour faire de cette promotion un réel succès.

La situation n'est aujourd'hui plus tenable en ce qu'elle influe sur le potentiel de développement de la gamme VEPIA. »

L'employeur reproche au salarié des résultats qui ne sont pas en adéquation avec les projections établies mais ne verse pas d'éléments relatifs à ces projections ni d'éléments sur le chiffre d'affaire et « la marge amont » en deçà du budget.

M. [L] verse aux débats les chiffres d'affaire VEPIA de 2013 à 2017 : le chiffre d'affaire est en augmentation constante.

Un seul compte-rendu d'entretien annuel, en date du 24 juillet 2017 est versé aux débats. Ce document n'est pas signé. Il est relevé qu'il existe des écarts sur la non atteinte du budget VEPIA 2016 et sur le développement commercial. Il est indiqué qu'il est attendu «de la part de [Y] non seulement un réel accompagnement dans le ciblage, l'identification d'opportunités, le suivi des clients, mais aussi une réelle démarche de prospection de comptes régionaux en collaboration avec les directeurs de site» .

Le mail du 3 décembre 2016 de M. [B] directeur général à M. [L], s'inscrit dans des échanges relatifs à la fixation des tarifs pour l'année 2017 et de la situation de «VEPIA» et des lourdes charges fixes pesant depuis 3 ans. M. [B] demande à M. [L] s'il y a des espoirs de CA en augmentation sur 2017.

Le mail du 28 novembre 2016 de Mme [J], directrice marketing et Communication porte sur les budgets que M. [L] envoie aux directeurs de site, qui suscitent des interrogations et sur la nécessité de proposer aux directeurs de site des axes de développement. Mme [J] indique encore à M. [L] que «les sites ont davantage besoin de votre expertise sur la manière de développer et les pistes de croissance plutôt que des propositions d'objectifs Vepia arbitraires».

A la suite d'un courrier du 18 septembre 2017, par lequel la société LES [N] faisait état des insuffisances dans l'activité de M. [L], notamment dans la réalisation de missions de prospection, ce dernier a sollicité de Mme [J] des précisions concernant les missions de prospection (secteur d'activité, dimension des entreprises, potentiel CA etc').

Mme [J] a répondu le 6 octobre 2017 en indiquant « les réponses que vous demandez sont justement la construction du plan d'action commerciale que nous attendons légitimement de votre part » éludant la question de la prospection.

Pourtant, dans la lettre de licenciement, il est de nouveau reproché à M. [L] de n'avoir engagé aucune action en matière de prospection.

« Par ailleurs, nous vous avions également alerté lors de votre entretien annuel sur la nécessité de corriger votre relationnel en interne à la suite de remontées de difficultés émanant de plusieurs salariés.

Or, nous avons constaté que vous avez continué à adopter une forme de communication inadaptée tant vis-à-vis de vos collègues que de votre hiérarchie.

Sur ce point, nous vous avons fait remarquer à plusieurs reprises notre désapprobation, comme par exemple le 22 septembre 2017 lorsque vous vous êtes adressé sur un ton qui n'est pas acceptable à plusieurs animateurs des ventes ainsi qu'au Directeur de site de [Localité 11]. »

Il est effectivement demandé, lors de l'entretien annuel, à M. [L] d'améliorer son relationnel, sans plus de précision.

Par courrier du 22 août 2017, M. [L] a sollicité des précisions sur ce point.

Par courrier du 18 septembre 2017, l'employeur a répondu « la remontée de difficultés relationnelles par certains salariés est réelle et nous vous invitons à améliorer votre relationnel en interne. »

L'employeur ne permet pas au salarié d'améliorer ce point puisque le reproche est flou et que ce flou est maintenu malgré les demandes de clarification de la part du salarié.

« Au-delà, vous vous êtes inscrit dans une forme de contestation à l'égard de votre hiérarchie, notamment à l'encontre de Mme [J], avec laquelle vous n'avez pas hésité à avoir des échanges assez vifs en tentant de remettre en cause son autorité.

Cette attitude, associée à l'expression d'une désapprobation de la politique Groupe sur la gamme VEPIA, est de nature à altérer durablement le lien de confiance nécessaire dans la poursuite d'une relation de travail et présente le risque d'impacter directement les projets et objectifs du Groupe ['] »

Il est versé aux débats des échanges de mail entre Mme [J] et M. [L] : celle-ci estime déplacé un mail du 23 octobre 2017 de M. [L] relatif au développement de la gamme « VEPIA » au motif que le mail a été envoyé à M. [P] [N] (lequel ne se plaint pas d'être destinataire du mail) et que M. [L] a donné « sa vision sur le devenir de l'EPI durable».

Ces échanges de mail ne traduisent pas une volonté de la part de M. [L] de remettre en cause l'autorité de Mme [J].

En résumé, après un seul entretien mené le 24 juillet 2017, des demandes d'amélioration formulées de manière imprécise et un refus de clarification de la part de l'employeur, plaçant le salarié dans l'incapacité d'apporter les améliorations sollicitées, l'employeur a procédé au licenciement pour insuffisance professionnelle.

C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Au jour de son licenciement, M. [L] comptait 4 années complètes d'ancienneté dans l'entreprise.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 en vigueur jusqu'au 1er avril 2018, applicable à la présente espèce compte tenu de la date du licenciement, en l'absence de réintégration comme tel est le cas en l'espèce, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 3 mois et 5 mois de salaire brut.

En considération de la situation particulière de M. [L], notamment de son âge, des circonstances de la rupture, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation du préjudice subi par le salarié. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

L'employeur s'oppose à la demande au motif que M. [L] invoque un préjudice sans en rapporter la preuve.

En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

M. [L] n'indique pas en quoi l'employeur aurait eu un comportement déloyal et ne fait pas état d'un préjudice distinct de celui résultant du licenciement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de la demande en dommages-intérêts à ce titre.

Sur les autres demandes :

M. [L], qui succombe en cause d'appel sera condamné aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement :

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement ;

CONDAMNE M. [L] aux dépens d'appel ;

REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 20/00957
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-18;20.00957 ?
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