AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/01112 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M3N7
Société ADIATE SUD EST
C/
[N]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON CEDEX
du 24 Septembre 2019
RG : F17/00381
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 18 JANVIER 2023
APPELANTE :
Société ADIATE SUD EST
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[I] [N]
né le 09 Juin 1963 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Mickaël PHILIPONA, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Novembre 2022
Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société ADIATE SUD EST (A.S.E) a pour activité le transport de personnes par véhicules légers (moins de neuf places).
L'essentiel des marchés qu'elle exécute concerne le transport scolaire d'enfants affectés d'un handicap.
Suivant contrat à durée indéterminée du 4 septembre 2012, la société ASE a embauché Monsieur [I] [N] en qualité de «Conducteur en période scolaire», Groupe 7 bis, Coefficient 137 V, de la convention collective des Transports Routiers.
Ce contrat prévoit une durée de travail à temps partiel minimale de 550 heures par an, comptant au moins 180 jours de travail « conformément aux dispositions de la convention collective des Transports Routiers (article 25 de l'accord ARTT du 18.04.2002), et celles de la législation en vigueur. ».
Le 30 juin 2016, le Conseil Général du Rhône a retiré à la société ASE la délégation de marché public de transport scolaire dont elle était titulaire pour la confier à la société VORTEX.
Par lettre du 11 octobre 2016, la société ASE a licencié M. [N] pour faute grave.
Le 14 février 2017, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON de demandes de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de rappel de salaire et d'heures supplémentaires et de contestation du licenciement.
Le bureau de conciliation s'est déclaré en partage de voix pour statuer sur les demandes provisionnelles.
Par décision du 6 juillet 2017, le juge départiteur a débouté M. [N] de ses demandes provisionnelles.
Par procès-verbal du 30 juillet 2018, le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix.
Par jugement du 24 septembre 2019, le juge départiteur, après avoir recueilli l'avis des conseillers présents a notamment :
requalifié le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en temps complet,
dit que le licenciement dont Monsieur [I] [N] a fait l'objet de la part de la société SASU A.S.E est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
condamné en conséquence la société SASU A. S.E à verser à Monsieur [I] [N] les sommes de :
30 998,32 euros bruts, à titre de rappels de salaire pour l'année 2013 à 2016 (période de mise à pied comprise),
4 224,95 euros bruts de rappels de salaires au titre du 13ème mois, outre 422,50 euros bruts au titre des congés payés afférents,
201,64 euros à titre de rappel de salaire pour majoration ancienneté, outre 20,16 euros au titre des congés payés afférents,
171,17 euros bruts à titre de rappel de salaires sur minima conventionnel, outre celle de 17,12 euros bruts au titre des congés payés afférents,
3 071,94 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 307,19 euros au titre des congés payés afférents,
1 254,37 euros à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
9 215,82 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
300,00 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
fixé le salaire de référence à la somme de 1 535,97 euros, (')
dit que la société SASU A.S.E devra transmettre à Monsieur [I] [N] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif,
débouté les parties du surplus de leurs demandes
condamné la société SASU A.S.E à verser à Maître Mickael PHILIPONA, avocat au barreau de Lyon, la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,
dit qu'il sera procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
condamné la société SASU A.S.E aux dépens.
Le 12 février 2020, la SASU ASE a fait appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 16 juillet 2020, la SASU ASE demande à la cour de
confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Lyon en date du 24 septembre 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur [N] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,
Le réformer pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
dire que les demandes de M. [I] [N] sont infondées,
dire le licenciement pour faute grave de M. [I] [N] justifié en faits et en droit,
débouter M. [I] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
ordonner le remboursement des sommes provisionnelles versées,
A titre subsidiaire,
dire le licenciement de Monsieur [I] [N] pour cause réelle et sérieuse justifié en faits et en droit,
déduire les éventuelles condamnations prononcées à son encontre des condamnations provisionnelles déjà prononcées et exécutées,
En tout état de cause,
condamner Monsieur [I] [N] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 32-1 du Code de Procédure Civile,
condamner M. [I] [N] à lui verser la somme de 3 000 euros des dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1 240 du Code civil ;
condamner M. [I] [N] à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile,
condamner M. [I] [N] aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de la SELARL LAFFLY & Associés en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
Par conclusions notifiées le 2 octobre 2020, M. [I] [N] demande à la cour de confirmer le jugement du 24 septembre 2019 du Conseil de Prud'hommes de LYON sauf le montant des dommages intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et exécution déloyale du contrat de travail et statuant à nouveau demande de :
CONDAMNER la société A.S.E à lui payer les sommes de :
6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DIRE ET JUGER que son licenciement est intervenu dans des conditions particulièrement brutales et vexatoires et condamner la société A.S.E à lui payer la somme de 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts ;
Constater que la société A.S.E a sciemment omis de déclarer et payer de nombreuses heures de travail, dire que le délit de travail dissimulé par dissimulation partielle d'activité salariée est caractérisé en tous ses éléments et condamner la société A.S.E à payer la somme de 9 215,82 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
Ordonner la remise des documents de fins de contrats rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
Condamner la société ASE à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.
SUR CE,
Sur la requalification du contrat de travail en contrat à temps plein :
La SASU ASE soutient que M. [N] ne remplit pas les conditions conventionnelles pour prétendre à la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein car il n'a jamais atteint 90% d'un temps plein, que l'on se base sur une année civile ou une année scolaire et que cela ressort du visa des bulletins de paie.
Elle conteste que M. [N] se tenait à sa disposition et affirme :
que ses feuilles de route démontrent des horaires stables et réguliers ;
que l'annexe du contrat de travail comportait l'horaire sur la semaine ;
que le contrat de travail prévoyait une durée annuelle minimum et que le salarié travaillait toutes les semaines de l'année sauf pendant les vacances scolaires, périodes au cours desquels l'exécution du contrat de travail était suspendue conformément à l'accord du 24 septembre 2004 relatif aux conducteurs en période scolaire ;
qu'à aucun moment, il n'a atteint la durée d'un temps plein.
M. [N] réplique :
que le contrat de travail ne précise ni la durée du travail ni la répartition de cette durée dans l'année ;
qu'il n'est produit que deux avenants, pour les années scolaires 2012/2013 et 2013/2014, qui ne précisent pas les horaires des journées de travail ni la répartition des jours et semaines de travail dans l'année ;
que l'employeur n'apporte aucun élément pour renverser la présomption de travail à temps plein et ne produit aucun élément objectif ;
qu'il devait se tenir à disposition permanente de son employeur, ne disposait d'aucune visibilité sur ses horaires et période de travail et ne pouvait exercer aucune autre activité en journée, professionnelle ou non ;
que ces circonstances suffisent à entrainer la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein ;
qu'il est fondé à solliciter, à titre de rappel de salaire, la somme de 30.998,32 euros, pour la période de septembre 2013 à octobre 2016, intégrant les congés payés afférents ainsi que la période de mise à pied conservatoire
***
Selon l'article L. 3123-14 1° du code du travail dans sa version applicable jusqu'au 17 juin 2013, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner, notamment, la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
En l'absence d'un contrat écrit ou de l'une des mentions légales requises, le contrat de travail à temps partiel est réputé à temps plein et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, peu important qu'il ait occasionnellement travaillé pour une autre société ou que les plannings aient tenu compte de sa disponibilité.
Aux termes de l'article L 3123-33 du code du travail, dans sa rédaction applicable jusqu'au 10 août 2016, «le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée. Ce contrat est écrit.
Il mentionne notamment :
1° La qualification du salarié ;
2° Les éléments de la rémunération ;
3° La durée annuelle minimale de travail du salarié ;
4° Les périodes de travail ;
5° La répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes.»
L'article 4 de l'accord du 24 septembre 2004 relatif à la définition, au contenu et aux conditions d'exercice de l'activité des conducteurs en périodes scolaires des entreprises de transport routier de voyageurs dispose que
«doivent figurer dans le contrat de travail des conducteurs en périodes scolaires :
- la qualification (y compris la classification) ;
- les éléments de rémunération ;
- la durée annuelle minimale contractuelle de travail en périodes scolaires, qui ne peut être inférieure à 550 heures pour une année pleine comptant au moins 180 jours de travail ;
- le volume d'heures complémentaires dans la limite du quart de la durée annuelle minimale de travail fixée au contrat de travail ;
- la répartition des heures de travail dans les périodes travaillées ;
- la référence, lorsqu'il existe, à l'accord d'entreprise ou d'établissement instituant la modulation du temps de travail ;
- le lieu habituel de prise de service.
Le contrat de travail précise ou renvoie à une annexe mentionnant les périodes travaillées. Cette annexe est mise à jour à chaque rentrée scolaire lorsque l'évolution du calendrier scolaire le nécessite.»
Le contrat de travail signé entre les parties stipule, au titre de la durée de travail, que « la durée annuelle du travail ne peut être inférieure à 550 heures pour une année pleine comptant au moins 180 jours de travail en fonction des jours d'ouvertures des établissements scolaires. La durée du travail ainsi que la répartition hebdomadaire sont précisées dans une annexe horaire jointe au contrat de travail pour chaque année de référence'cette répartition pourra être modifiée en cas de surcroit d'activité, transport urgent, absence d'un ou plusieurs salariés, réorganisation des horaires collectifs de l'entreprise »
L'annexe au contrat de travail pour l'année 2012 /2013 mentionne un horaire hebdomadaire de 12 heures réparties entre les lundi, mardi, jeudi et vendredi.
L'annexe au contrat de travail pour l'année 2013/2014 versée aux débats par l'employeur est illisible.
L'annexe 2014/2015, en date du 20 septembre 2014 indique la répartition des horaires entre les jours de la semaine, du lundi au vendredi.
Il n'est pas versé d'annexe pour l'année scolaire 2015 /2016.
Aucune des annexes produites ne précise les périodes travaillées, alors que le contrat de travail prévoit un nombre de jours de travail minimum de 180 jours.
Il appartient dès lors à l'employeur de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition.
La consultation des fiches de paie permet de constater que le salarié n'effectuait jamais le même nombre d'heure d'un mois à l'autre : par exemple septembre 2013 : 89,92 heures, octobre 61,17 heures, novembre : 73,25 heure, décembre 68,50 heures.
En 2014/2015, l'annexe du 30 septembre 2014 prévoit un horaire hebdomadaire de 22h20 et le nombre d'heures travaillées figurant sur les fiches de paie est de 94,25 en novembre, 94,25 en janvier 2015, 33,17 au mois de février, 104,1 au mois de mars 2015.
C'est à juste titre que le juge départiteur a requalifié le contrat de travail en contrat à temps plein et a condamné la société ASE à payer à M. [I] [N] la somme de 30 993,32 euros à titre de rappel de salaire. Le jugement sera confirmé.
Sur le rappel de salaire au titre du 13ème mois et au titre de la prime d'ancienneté :
L'employeur s'oppose à la demande au motif que le salarié n'était pas à temps plein.
Le salarié s'appuie sur l'article XXVI de la convention collective des Transports routiers, fixant le principe d'un treizième mois et sur l'article 13 de l'Annexe I « ouvriers », complété par l'avenant n°103 du 13 février 2014, détaillant le calcul de la prime d'ancienneté.
Il ajoute que la requalification en contrat de travail à temps plein entraîne une revalorisation de sa rémunération mensuelle servant de base au calcul du treizième mois et de la prise d'ancienneté
***
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé à M. [N] un rappel de salaire sur le treizième mois, en conséquence de la requalification.
Sur le rappel de salaire pour non-respect des minimas conventionnels :
L'employeur soutient s'être acquitté de ce rappel par chèque transmis à M. [N] le 15 mars 2017 de sorte que la demande de ce chef est devenue sans objet.
Le salarié admet que la somme lui a été réglée par l'employeur après l'audience de conciliation mais souligne que le non-respect des minimas conventionnels pendant plusieurs années est une faute, qui justifie la condamnation de l'employeur au paiement des sommes de 171,17 euros au titre du rappel de salaire outre congés payés afférents.
***
L'employeur a reconnu le bien-fondé de la demande, en payant spontanément une somme de 132,68 euros, à ce titre au salarié. Le jugement sera confirmé. Il appartiendra à la SASU ASE de faire valoir ce paiement au stade de l'exécution de l'arrêt.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé
La SASU ASE souligne que M. [N] ne démontre pas avoir accompli des heures non déclarées ni l'intention et la volonté manifeste de l'employeur de ne pas les payer : qu'il ne détaille pas le calcul opéré pour arriver à un écart d'heures et omet de décompter 30 minutes par jour au titre du temps de trajet.
Le salarié réplique que la lecture des feuilles de route qu'il a établies révèle qu'il a effectué de nombreuses heures non rémunérées ; que la société ASE a sciemment omis de déclarer ses heures de travail et que cela ressort du caractère systématique de la non déclaration.
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La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 2°du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Il ne résulte pas des éléments du dossier que l'employeur aurait entendu se soustraire à ses obligations déclaratives et aurait sciemment omis de rémunérer des heures de travail dont il avait connaissance qu'elles avaient été accomplies.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.
Sur le licenciement :
La SASU ASE soutient que le salarié, étant resté taisant sur une première proposition de circuit puis ayant refusé plusieurs propositions de circuit qui lui ont été faites, elle a considéré qu'il ne pouvait plus rester dans ses effectifs et l'a licencié pour indécision sur le transfert vers la société VORTEX et refus de valider les propositions de réaffectation.
Elle ajoute que le salarié ne l'a pas informée de son refus de transfert de son contrat vers la société VORTEX.
Le salarié, s'appuyant sur les dispositions de la convention collective des transports routiers et l'accord national du 7 juillet 2009 objecte qu'il est en droit de refuser le changement d'employeur et le transfert du contrat de travail. Il ajoute qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir refusé le transfert conventionnel ni la proposition de mutation à [Localité 6] alors que son contrat de travail ne comporte aucune clause de mobilité.
Il relate que la société ASE n'a rempli aucune de ses obligations d'information quant au transfert du contrat de travail ; que la société ASE a été informée dès le mois d'août 2016 de son refus de transfert.
***
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement est ainsi libellée
« Suite à la perte du Marché de transport scolaire du CG 69 par notre entreprise au cours du mois de Juillet 2016, nous avons transféré votre contrat de travail et dossier individuel auprès de la société ayant récupéré ce marché.
Nous avons appris de la part de cette entreprise que vous avez été reçu afin de vous voir proposer un avenant de transfert au sein de leur entreprise.
A ce jour, c'est-à-dire plus de 5 semaines après le début de l'exécution de la prestation nous ne sommes toujours pas informé de votre décision d'accepter ou non ce transfert. Nous vous rappelons que l'accord du 7 juillet 2009 de la CCN des transports prévoit effectivement la possibilité au salarié concerné de refuser le transfert auprès de la nouvelle société, dans des délais raisonnables. Cette information ne nous étant toujours pas parvenu nous considérons à juste titre être largement hors des délais raisonnables imposés par la convention collective.
Toutefois, afin de remplir notre obligation d'employeur nous vous avons tout d'abord proposé une mission par téléphone le 3/09/2016 que vous avez catégoriquement refusé. Surpris par cette réaction nous nous sommes interrogés sur votre intention de nuire à notre entreprise. C'est pourquoi en date du 13/09/2016 nous vous avons adressé une nouvelle proposition de réaffectation par RAR afin de formaliser cette action. Votre conseil prétendant dans un courrier daté du 20/09/2016 que vous seriez resté sans nouvelles de notre part depuis le 01/09/2016, nous confirmons donc que cette information est erronée. Dans ce même courrier votre conseil nous fait part entre autres, de votre refus concernant notre proposition d'affectation.
Nous aurions aimé vous entendre à ce sujet.
Ce manque de sérieux ne peut plus être toléré.
Il devient évident au travers de votre attitude que vous souhaitez nuire à notre entreprise.
Votre indécision concernant le fait de bénéficier du transfert de personnel, ainsi que vos multiples refus de valider nos propositions de réaffectation en sont la preuve.
Pour ces motifs, nous prononçons votre licenciement pour faute grave. »
La société ASE ne justifie pas avoir transféré le contrat de travail et le dossier individuel de M. [N] à la société VORTEX, ni que cette société aurait reçu M. [N] et à quelle date.
Au 19 août 2016, elle a adressé à M. [N] un mail pour lui proposer un circuit dans l'Isère et sans réponse de sa part ; elle l'a relancé le 25 août « ' Je suis toujours en attente d'une réponse de votre part pour la reprise d'un circuit dans l'Isère. En effet, suite à votre refus de transfert vers la société VORTEX, je vous ai fait une proposition de circuit pour le conseil général de l'Isère. Merci de de fait de m'apporter une réponse à ma question en retour de ce mail ».
Ainsi, au 19 août, la société ASE avait connaissance du refus de transfert de son contrat de travail par M. [N], alors que la perte du marché remonte à « juillet 2016 » sans plus de précision. Il n'est pas établi que le salarié a refusé le transfert de son contrat de travail dans un délai qui ne serait pas raisonnable.
Le 13 septembre 2016, la société ASE a informé M. [N] qu'à compter du 21 septembre il serait affecté dans le VAR, soit à plus de 300 kilomètres de son domicile.
Le refus du salarié n'est pas fautif.
L'intention de nuire à la société ASE n'est pas non plus établie.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les indemnités de rupture :
L'employeur soutient qu'il y a lieu de les calculer en tenant compte du salaire à temps partiel de M. [N].
Le salarié expose :
que, comme il avait plus de deux ans d'ancienneté à la date de son licenciement, l'invalidation du licenciement lui ouvre droit à une indemnité compensatrice de 2 mois ;
qu'il avait 4 ans et un mois d'ancienneté à la date du licenciement, ce qui lui ouvre droit à une indemnité de licenciement de 0,82 mois.
***
La base de calcul des indemnités doit être le salaire qu'aurait dû percevoir le salarié, en tenant compte de la requalification du contrat de travail en contrat à temps plein, soit la somme mensuelle de 1 535,97 euros.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé à M. [N] la somme de 3071,94 euros, correspondant à deux mois de salaire, à titre de préavis, outre 307,19 euros pour congés payés afférents et en ce qu'il a alloué une indemnité de licenciement calculée sur la base du salaire à temps plein.
Sur la mise à pied conservatoire :
L'employeur soutient qu'il y a lieu de calculer le salaire pendant la mise à pied conservatoire en tenant compte du temps partiel.
Le salarié répond qu'il a intégré cette somme dans les demandes de rappel de salaire.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué le salaire pendant la mise à pied conservatoire sur la base d'un temps plein.
Sur les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
L'employeur soutient que la base de calcul doit être la moyenne des salaires des douze derniers mois, à temps partiel soit 767,05 euros par mois.
M. [N] fait valoir qu'il se trouvait dans un état de grande précarité matérielle qui s'est aggravée par son licenciement ; que, compte tenu de son âge et de son niveau de formation, il rencontre de grandes difficultés à trouver un emploi ; que la société ASE s'est contentée de supprimer les postes des salariés ayant refusé le transfert et de fermer l'établissement de [Localité 4] ; qu'elle aurait dû procéder à un licenciement économique et qu'en ne le faisant pas, elle l'a privé d'aides auxquelles il aurait pu prétendre pour retrouver un emploi.
***
M. [N] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de son licenciement et celle-ci employant habituellement au moins onze salariés, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (53 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, le juge départiteur a fait une exacte appréciation du préjudice en condamnant la société ASE à verser à M. [N] la somme de 9 215,82 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé.
Sur le licenciement brutal et vexatoire
L'employeur s'oppose à cette demande en raison du comportement fautif du salarié.
Le salarié relate que lorsqu'il a voulu reprendre son poste, au mois de septembre 2016, il a trouvé l'établissement de [Localité 4] fermé et a été laissé sans travail et sans rémunération, l'employeur le laissant dans une situation d'attente insoutenable pour ensuite le licencier .
Le jugement n'a pas statué sur ce chef demande.
La proposition tardive d'une affectation dans le VAR, formulée le 13 septembre 2016, pour un poste que le salarié aurait dû rejoindre le 21 septembre s'il l'avait accepté est déloyale. Elle a été suivie d'une mise à pied conservatoire et d'un licenciement pour faute grave injustifiés.
Le licenciement est ainsi intervenu dans des conditions brutales causant au salarié un préjudice distinct de celui qui a été réparé par les dommages et intérêts alloués au titre de la perte injustifiée de l'emploi, ce qui justifie que la société ASE soit condamnée à verser à M. [N] une somme de 1 000euros à titre de dommages-intérêts.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
L'employeur s'oppose à cette demande au motif que M. [N] ne rapporte pas la preuve des fautes qu'il impute à l'employeur ni du préjudice.
Le salarié souligne que tout au long de la relation contractuelle, l'employeur a commis de nombreux manquements (retard dans le paiement des salaires, non indemnisation des coupures entre deux vacations, déduction de 30 minutes de travail par jour, décalage systématique des minimas conventionnels, absence de visite médicale en 4 années de travail, obligation de stationner son véhicule de service à proximité de son domicile).
Il estime que l'indemnisation allouée par le conseil de prud'hommes est inadaptée.
***
En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Aux termes de l'article R4624-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la relation contractuelle, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.
En application de l'article L4121-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable alors, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
M. [N] verse aux débats les nombreux mails adressés par une autre salariée de l'entreprise, Mme [T] : celle-ci relance régulièrement l'employeur pour obtenir attestation de salaire et fiche de paie.
M. [N] verse aux débats un courrier de Pôle Emploi du 26 septembre 2016 lui indiquant que n'ayant pas reçu le bulletin de salaire du mois d'août 2016, l'avance d'allocation faite au mois d'août sera récupérée car considérée comme non due.
Il n'établit pas le retard récurrent dans le paiement du salaire, ni l'obligation de stationner son véhicule à proximité de son domicile.
Le retard dans l'application des minimas conventionnels a fait l'objet d'un versement de la part de l'employeur, après audience devant le bureau de conciliation.
Il est établi que l'employeur n'a pas respecté les règles relatives au temps partiel.
L'absence de visite médicale d'embauche et pendant la relation contractuelle n'est pas contredite par l'employeur.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué une somme au salarié au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, sauf à porter le montant des dommages-intérêts à la somme de 2 000 euros.
Sur la délivrance des bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés :
Le salarié fait valoir qu'il est impératif pour lui de disposer sans délai de l'ensemble de ses bulletins de paie ainsi que de ses documents de fin de contrat rectifiés, afin notamment de pouvoir faire régulariser sa situation auprès de Pôle Emploi. Il souligne que la SASU ASE n'a réglé aucune des condamnations de première instance ni produit aucun des documents ordonnés par le Conseil de Prud'hommes. Il demande la condamnation de la Société A.S.E à établir et lui communiquer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard au-delà d'un mois à compter de l'arrêt, les documents de fin de contrat.
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Il y a lieu d'ordonner à la SASU ASE de remettre à M. [N] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce, dans le mois de sa signification, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, qui courra pendant une durée de quatre mois, l'employeur n'ayant pas exécuté le jugement du conseil de prud'hommes, nonobstant l'exécution provisoire.
Sur les autres demandes :
L'exercice d'une action en justice est un droit, qui ne dégénère en abus qu'en cas de faute.
Les demandes de M. [N] ont été accueillies. La demande en dommages intérêts de la SASU ASE sera rejetée, de même que sa demande fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile.
La SASU ASE qui succombe en son recours sera condamnée aux dépens d'appel.
Il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a alloué à M. [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné l'employeur aux dépens.
Il est équitable d'allouer à M. [N], en cause d'appel, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement
CONFIRME le jugement, sauf à porter le montant des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail à la somme de 2 000 euros ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SASU ASE à payer à M. [N] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts à raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;
ORDONNE à la SASU ASE de remettre à M. [N] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce, dans le mois de sa signification, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, qui courra pendant un délai de quatre mois
CONDAMNE la SASU ASE aux dépens d'appel
CONDAMNE la SASU ASE à payer à M. [I] [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE