AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/05573 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQ4K
[U]
C/
Société MJ SYNERGIE
Société SOGAS PREVENTION
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 09 Juillet 2019
RG : F 16/02571
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 25 JANVIER 2023
APPELANT :
[G] [U]
né le 01 Août 1966 à [Localité 10] (ALGER)
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
Société SOGAS PREVENTION
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Jeanne CIUFFA de la SELARL CABINET CIUFFA, avocat au barreau de LYON
Société MJ SYNERGIE, représentée par Me [X] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SOGAS PREVENTION
assignée en intervention forcée
[Adresse 2]
[Localité 5]
non représentée
PARTIE ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 8]
représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Novembre 2022
Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Sogas Prévention a consenti à M. [G] [U] des contrats de travail à durée déterminée soumis à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité (IDCC 3196) pour les périodes des 2 au 31 octobre 2014, 5 au 30 novembre 2014 et 1er au 30 décembre 2014, en qualité d'agent de sécurité à temps partiel.
Un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (50 heures par mois) a été conclu entre les parties le 2 janvier 2015, M. [U] étant embauché au poste d'agent de prévention et de sécurité.
Par avenant en date du 25 février 2015, le temps de travail mensuel de M. [U] a été porté à 120 heures.
Par requête en date du 15 juillet 2016, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et condamner l'employeur à lui verser diverses sommes à titre :
- d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement abusif
- de rappels de salaire
- de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail
- de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales obligatoires
- de dommages et intérêts pour non-respect des pauses obligatoires
- d'indemnité pour travail dissimulé
- de dommages et intérêts pour non-respect du coefficient hiérarchique
- d'indemnité de requalification.
M. [U] a été placé en arrêt maladie du 20 septembre 2016 au 16 février 2017.
Lors de la visite médicale de reprise du 21 février 2017, le médecin du travail a déclaré M. [U] inapte à son poste de travail.
M. [U] a de nouveau été placé en arrêt de travail du 21 au 26 février 2017.
A l'issue de la visite médicale du 27 février 2017, le médecin du travail a émis un second avis d'inaptitude au poste de travail.
Par lettre recommandée en date du 5 avril 2017, la société Sogas Prévention a convoqué M. [U] à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 14 avril 2017.
Le 25 avril 2017, M. [U] a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Un procès verbal de partage de voix a été dressé le 6 juillet 2018.
Au dernier état de la procédure, M. [U] a formé une demande subsidiaire tendant à ce que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et ajouté les demandes en paiement de diverses sommes à titre de :
- dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité
- rappel d'heures complémentaires non majorées et congés payés afférents
- rappel de salaire au titre de la requalification et congés payés afférents.
Par jugement en date du 9 juillet 2019, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage a :
- débouté M. [U] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
- dit que le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement de M. [U] reposait bien sur une cause réelle et sérieuse
- condamné la société Sogas Prévention à verser à M. [U] :
* outre intérêts légaux à compter de la demande (21 juillet 2016, date d'émargement par l'employeur de la lettre recommandée de convocation devant le bureau de conciliation valant mise en demeure)
512,30 euros bruts à titre de rappel de salaire contractuel (avenant du 25 février 2015)
51,23 euros bruts au titre des congés payés afférents
* outre intérêts légaux à compter du jugement
500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
- ordonné la capitalisation des intérêts en vertu de1'article 1343 -2 du code civil
- ordonné la délivrance par la société Sogas Prévention d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire conformes aux condamnations et ce sous astreinte de 5 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification du jugement
- débouté M. [U] du surplus de ses demandes
- fixé à 1 275 euros la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [U]
- débouté la société Sogas Prévention de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné l'exécution provisoire de la décision en sus de l'exécution provisoire
de droit
- condamné la société Sogas Prévention aux dépens de l'instance.
M. [U] a interjeté appel de ce jugement, le 31 juillet 2019.
Par jugement en date du 3 novembre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société Sogas Prévention et désigné la SELARL MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.
M. [U] demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a :
condamné la société Sogas Prévention à lui verser un rappel de salaire contractuel et les congés payés afférents
condamné la société Sogas Prévention à lui verser des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
ordonné la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil
ordonné la délivrance d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire conformes aux condamnations sous astreinte
condamné la société Sogas Prévention aux dépens
débouté la société Sogas Prévention de sa demande 'reconventionnelle'.
- d'infirmer le jugement pour le surplus
statuant à nouveau,
- à titre principal, de prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de la société Sogas Prévention produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de fixer les effets de la rupture à la date du licenciement intervenu le 25 avril 2017
- à titre subsidiaire, de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse
- de requalifier les contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée
- de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein
- d'inscrire au passif de la société Sogas les sommes suivantes :
* 25 820 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 3 002 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 300 euros au titre des congés payés afférents
* 2 625 euros nets à titre d'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
* 5 871 euros bruts de rappel de salaire au titre de la requalification en temps plein
* 587 euros au titre des congés payés afférents
* 740 euros bruts de rappel de salaire au titre du contrat de travail
* 74 euros au titre des congés payés afférents
* 9 006 euros nets au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
* 2 500 euros nets de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause
* 2 500 euros nets de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales obligatoires
* 15 000 euros nets de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail
* 174 euros nets au titre des indemnités de panier
- de dire que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes
- d'ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil
- de condamner le liquidateur judiciaire à lui remettre une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes à la décision dans les 15 jours de la signification de l'arrêt et passé ce délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard
- de se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte
- de condamner le liquidateur judiciaire à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance
- de dire que l'arrêt sera opposable à l'AGS CGEA qui devra sa garantie conformément à la loi.
La société Sogas Protection, par conclusions notifiées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions.
L'Unedic délégation AGS-CGEA demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [U]
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes de M. [U]
- subsidiairement, en cas de réformation, de minimiser les sommes octroyées
en tout état de cause,
- de dire que l'AGS-CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles
L. 3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des articles L. 3253-20, L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail
- de dire l'AGS-CGEA hors dépens.
Assignée en intervention forcée par acte d'huissier en date du 2 mars 2022, remis à une personne se déclarant habilitée à le recevoir, la société MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sogas Prévention, n'a pas constitué avocat.
Le présent arrêt sera réputé contradictoire.
L'ordonnance de clôture a été rendue 13 octobre 2022.
SUR CE :
Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée
En vertu de l'article L1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
En application de l'article L1242-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l'article L1242-3, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans certains cas, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié et l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.
En application de l'article L1245-1 du code du travail est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L1242-1 et L1242-2.
C'est à l'employeur qu'il appartient de justifier de la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée.
Le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de requalification au motif que le salarié ne produisait pas les contrats de travail à durée déterminée litigieux.
Or, l'employeur admet l'existence des trois contrats à durée déterminée invoqués (qui ont donné lieu à trois bulletins de paie) puisqu'en première instance, il s'est opposé à la demande de requalification en faisant valoir qu'il n'avait pas de clients stables sur la période desdits contrats et qu'il faisait appel à des salariés en fonction des vacations qu'il pouvait conclure.
Mais il ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité des motifs de recours à ces contrats à durée déterminée.
Dans ces conditions, les contrats à durée déterminée doivent être requalifiés en un contrat à durée indéterminée ayant pris effet le 2 octobre 2014.
Il ressort des bulletins de paie des mois d'octobre, novembre et décembre 2014 que M. [U] a perçu les rémunérations respectives de 1 576,98 euros, 636,13 euros et 1 356,13 euros.
En application de l'article L 1245-2 du code du travail, il convient de fixer la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société Sogas Prévention au titre de l'indemnité de requalification à la somme de 1 576,98 euros.
Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet
En application de l'article L3123-14 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit et il doit mentionner notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
Il résulte de ces dispositions que l'absence d'écrit mentionnant la répartition de la durée du travail fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler, d'autre part qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
Le contrat de travail et l'avenant souscrits par le salarié mentionnent simplement la durée mensuelle du travail convenue, mais non la répartition des heures de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
Les premiers juges, pour rejeter la demande aux fins de requalification, ont relevé que l'employeur avait communiqué les plannings pour la période de janvier 2015 à octobre 2016, tandis que M. [U] avait produit un seul planning prévisionnel pour le mois de février 2016 et qu'il ressortait d'un courriel émanant du salarié produit par l'employeur qu'il réalisait des vacations pour d'autres sociétés, de sorte qu'il ne s'était pas tenu à la disposition de l'employeur.
Il ressort des bulletins de salaire de M. [U] qu'il a effectué :
- 134,50 heures de travail en mars 2015
- 136 heures en avril 2015
- 128,22 heures en mai 2015
- 138,83 heures en juin 2015
- 142 heures en juillet 2015
total : 679, 55 heures
- 104,25 heures en janvier 2016
- 121,17 heures en février 2016
- 107,80 heures en mars 2016
- 103,46 heures en avril 2016
- 112 heures en mai 2016
- 122,41 heures en juin 2016
- 131,71 heures en juillet 2016.
total : 802,80 heures.
Dans la mesure où les bulletins de salaire des mois de mars à juillet 2015 et janvier à juillet 2016 montrent que le nombre d'heures de travail accomplies par le salarié, non seulement n'est pas conforme au nombre d'heures mentionnées au contrat et à l'avenant, mais encore varie chaque mois, il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a bien remis à M. [U] ses plannings à l'avance pour lui permettre de prévoir chaque mois à quel rythme il devait travailler.
Or, le planning de la période du 1er au 29 février 2016 intitulé 'planning provisoire à titre indicatif sous réserve de modifications' produit par M. [U] est daté du 28 janvier 2016, soit trois jours avant le début du mois suivant.
Et il ne ressort pas du jugement que l'employeur a justifié de la date à laquelle il avait remis au salarié ses autres plannings.
Dans ces conditions, l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur et il y a lieu de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du 1er mars 2015.
Le rappel de salaire de M. [U] consécutif à cette requalification s'élève aux sommes de :
- pour l'année 2015
151,67 heures x 5 mois travaillés = 758,35 heures
758,35 - 679,55 = 78,80 heures non rémunérées
78,80 x 9,61 euros (taux horaire en 2015) = 757,26 euros
- pour l'année 2016
151,67 x 7 mois travaillés = 1 061,69 heures
1 061,69 - 802,80 euros =258,89 heures non rémunérées
258,89 heures x 9,76 euros (taux horaire en 2016) = 2 526,76 euros.
Il convient de fixer la créance de rappel de salaire de M. [U] à la somme de 3 284,02 euros, outre l'indemnité de congés payés afférents.
Compte-tenu du rappel de salaire ainsi accordé, la demande tendant à l'allocation d'un rappel de salaire correspondant à la différence entre le nombre d'heures effectivement réalisées et les 120 heures contractuelles fait double-emploi et doit être rejetée, le jugement étant infirmé en ce qu'il l'a accueillie.
Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé
M. [U] fait valoir que la société Sogas ne démontre pas avoir effectué une déclaration d'embauche en ce qui le concerne pour les mois de novembre et décembre 2014 et qu'elle n'a pas déclaré l'intégralité de ses salaires , son avis d'imposition pré-rempli sur la base des informations transmises par l'employeur mentionnant un salaire inférieur à celui qu'il a effectivement perçu.
Il fait également observer que l'employeur ne démontre pas avoir envoyé à l'URSSAF les déclarations annuelles des données sociales (DADS) des années 2015 et 2017 et que la DADS produite pour l'année 2016 ne correspond pas aux salaires réellement perçus par lui.
L'Unedic délégation AGS CGEA fait valoir que M. [U] ne démontre ni l'élément matériel ni l'élément intentionnel de nature à justifier une indemnisation au titre du travail dissimulé.
****
L'article L8221-5 du code du travail énonce qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur, notamment, de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Les premiers juges ont relevé que le listing TESE de M. [U] d'octobre 2014 à février 2015 et les DADSU de 2015 et 2016 établissent que le salarié a été régulièrement déclaré, que la déclaration préalable à l'embauche a été réalisée le 28 octobre 2014 pour le contrat à durée déterminée du 2 octobre 2014 et le 23 janvier 2015 pour le contrat à durée indéterminée du 2 janvier 2015.
Certes, aucune pièce n'est versée par l'employeur ou par le liquidateur judiciaire pour justifier que la déclaration préalable à l'embauche a été effectuée pour les deux contrats à durée déterminée de novembre et décembre 2014.
Mais les contrats à durée déterminée n'étant produits ni par le salarié ni par les autres parties, il n'est pas possible de vérifier s'il s'agissait de renouvellements du premier contrat si bien qu'une nouvelle déclaration préalable à l'embauche aurait dû être effectuée pour les mois de novembre et décembre 2014.
Par ailleurs, l'avis d'impôt 2015 sur les revenus de l'année 2014 contient une ligne salaires (1794) et une ligne autres revenus salariaux (4591), de sorte que rien ne démontre que l'employeur n'a pas déclaré tous les salaires perçus par M. [U] en 2014.
Enfin, les premiers juges ont constaté que l'URSSAF avait indiqué dans une lettre du 6 mars 2019 que le compte de la société était à jour, si bien que les affirmations du salarié relatives aux DADS des années 2015 et 2017 ne sont pas justifiées, tandis qu'aucun élément ne permet de déterminer que la DADS pour l'année 2016 (non produite devant la cour) ne correspond pas aux salaires réellement perçus par lui.
Il convient de confirmer le jugement qui a dit que la dissimulation d'emploi n'était pas établie et qui a rejeté la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.
Sur la demande au titre du non-respect des temps de pause
M. [U] fait valoir qu'il n'a jamais bénéficié des trente minutes de pause rémunérées auxquelles il pouvait prétendre et que, s'il a reçu lors de l'audience du 4 mai 2018 une rémunération correspondant aux temps de pause, il n'a pas été dédommagé du préjudice subi du fait de l'absence de pause, à savoir l'accumulation de fatigue engendrée par des vacations régulières et répétitives.
L'employeur a admis devant les premiers juges que le salarié avait été privé de 50 pauses de trente minutes.
Le préjudice résultant de l'atteinte au droit au repos du salarié est établi.
Il convient de fixer la créance de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice à la somme de 500 euros.
Sur la demande au titre de l'absence de visites médicales
Les premiers juges ont constaté que l'employeur n'avait justifié d'aucun rendez-vous auprès de la médecine du travail, ce qui constituait un manquement à ses obligations.
Le salarié, qui n'a pu bénéficier d'une visite médicale pendant les deux premières années de la relation de travail avant d'être placé en arrêt-maladie, a subi un préjudice dont la réparation doit être fixée à la somme de 500 euros.
Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail
M. [U] invoque les manquements suivants commis par l'employeur :
1) le non-respect du délai de prévenance de sept jours pour lui transmettre son planning
2) le non-remboursement de ses frais de transport en métro de la station Charpennes à la station Part Dieu quand il était affecté sur le site TCL de la gare de[9]u
3) le non versement de l'indemnité de panier prévue à l'article 6 de l'annexe IV de la convention collective aux mois d'octobre 2014 et avril 2016, alors qu'il effectuait des vacations supérieures à 6 heures
4) l'absence de remise par l'employeur de sa tenue de travail (l'achat des tenues était à la charge des salariés) et la non prise en charge des frais d'entretien de la tenue
5) l'absence de représentant du personnel, bien que l'entreprise compte une centaine de salariés
6) son sous-positionnement puisque lui ont été appliqués le coefficient 120, puis à compter du 1er janvier 2016, le coefficient 130, alors que ces coefficients sont les plus faibles de la convention collective.
L'Unedic délégation AGS CGEA fait valoir que M. [U] reprend les manquements précédemment invoqués pour solliciter, sur un autre fondement, une deuxième indemnisation pour les mêmes manquements et que l'exécution déloyale doit s'entendre de l'existence d'une intention malicieuse ou d'intention de nuire de la part de l'employeur, laquelle n'est pas démontrée en l'espèce.
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1) Ce grief est établi comme il a été dit ci-dessus.
2) La pièce 11 de M. [U] produite à cet effet ne permet pas de démontrer que le salarié devait se déplacer entre deux lieux de mission à ses propres frais.
3) Le salarié ne prouve pas que les conditions de versement de l'indemnité de panier dont il soutient avoir été indûment privé étaient réunies. Il ne justifie pas de la demande formée à ce titre dans le dispositif de ses conclusions d'appel (174 euros nets), laquelle sera rejetée.
4) Le salarié ne démontre pas, au moyen d'une facture, par exemple, qu'il a dû acheter lui-même la tenue de travail qu'il devait porter pour exercer ses missions et n'apporte aucun élément sur les frais qu'il a exposés pour entretenir sa tenue professionnelle. Aucun manquement de l'employeur n'est dès lors caractérisé.
5) L'absence de représentant du personnel dans l'entreprise n'est pas discutée.
6) En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, le juge doit rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu'il requiert. La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle qui lui a été attribuée.
Le salarié ne peut prétendre obtenir la classification qu'il revendique que s'il remplit les conditions prévues par la convention collective.
Pour affirmer qu'il exerçait des fonctions relevant du coefficient 140 (échelon 2), le salarié verse aux débats une copie de main courante datée du 12 avril 2016, sans nom et sans signature, dont rien ne permet de déterminer qu'il l'a rédigée lui-même et qui en tout état de cause est insuffisante à prouver que les missions qu'il accomplissait répondaient aux conditions définies ainsi qu'il suit : le travail est caractérisé à la fois par l'exécution de manière autonome d'une suite de tâches selon un processus déterminé et l'établissement sous la forme requise des documents qui en résultent.
La réalité d'un sous-positionnement n'est pas démontrée.
M. [U] a subi un préjudice en lien avec la remise tardive de ses plannings de travail résultant de ce qu'il ne pouvait pas prévoir suffisamment à l'avance à quel rythme il devait travailler et organiser en conséquence sa vie personnelle.
Par ailleurs, l'employeur qui n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à réparer le préjudice causé au salarié par l'exécution déloyale du contrat de travail, sauf à porter la créance de dommages et intérêts de M. [U] en réparation des préjudices ainsi subis à la somme de 1 000 euros.
Sur la demande aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail
L'article 1224 nouveau du code civil énonce que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice .
En application de l'article 1226 du même code, le juge peut constater ou prononcer la résolution du contrat.
Il appartient au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de rapporter la preuve de manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations contractuelles pour empêcher la poursuite du contrat de travail et ainsi justifier la rupture à ses torts.
M. [U] soutient qu'il résulte de l'ensemble des manquements graves suivants, pris tant individuellement que collectivement :
- absence de majoration des heures complémentaires
- non-respect de la législation à temps partiel
- non fourniture du travail convenu
- dissimulation d'une partie de son activité
- non-respect des temps de pause
- non-respect des visites médicales obligatoires
- exécution fautive du contrat de travail
qu'ils empêchaient la poursuite de la relation contractuelle.
Un rappel de salaire au titre de la majoration des heures complémentaires a été versé en cours de procédure de première instance et il n'a pas été démontré de dissimulation d'une partie de l'activité du salarié.
Les autres manquements ont en revanche été établis.
Ils étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail.
Il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, avec effet à la date du licenciement prononcé le 25 avril 2017.
Les créances du salarié au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de congés payés afférents seront fixées aux sommes de 3 002 euros et 300 euros telles que sollicitées.
Le préjudice causé au salarié par la perte injustifiée de son emploi, compte-tenu de son ancienneté (deux ans et sept mois) et de son âge à la date de la rupture (50 ans), doit être indemnisé par l'allocation d'une somme de 9 500 euros.
L'AGS devra sa garantie dans les conditions prévue par la loi, la résiliation judiciaire étant prononcée aux torts de l'employeur.
Il y a lieu d'infirmer le jugement qui a ordonné la capitalisation des intérêts, le cours de ceux-ci étant arrêté à la date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Le liquidateur judiciaire, ès qualités, devra remettre à M. [U] un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle emploi rectifiés en fonction des dispositions du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Il convient de condamner le liquidateur judiciaire, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire :
INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité pour travail dissimulé et la demande de dommages et intérêts pour non-respect du coefficient hiérarchique
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,
REQUALIFIE les trois contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 2 octobre 2014
REQUALIFIE le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du 1er mars 2015
FIXE les créances suivantes au profit de M. [U] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Sogas Prévention :
- 1 576,98 euros à titre d'indemnité de requalification
- 3 284,02 euros au titre du rappel de salaire consécutif à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et 328,40 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents
- 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le non-respect des temps de pause
- 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'absence de visites médicales
- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'exécution déloyale du contrat de travail
REJETTE la demande en fixation d'une créance de rappel de salaire contractuel
PRONONCE la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur avec effet au 25 avril 2017
FIXE les créances suivantes au profit de M. [U] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Sogas Prévention :
- 3 002 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 300 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents
- 9 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la perte de l'emploi
REJETTE la demande relative aux intérêts et à leur capitalisation
DIT que l'AGS CGEA devra sa garantie dans les conditions prévues par la loi
Y AJOUTANT,
REJETTE la demande de fixation d'une créance à titre de rappel d'indemnité de panier
DIT que le liquidateur judiciaire, ès qualités, devra remettre à M. [U] un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle emploi rectifiés en fonction des dispositions du présent arrêt
REJETTE la demande en fixation d'une astreinte
CONDAMNE le liquidateur judiciaire, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel
CONDAMNE le liquidateur judiciaire, ès qualités, à payer à M. [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE