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25/01/2023 | FRANCE | N°19/06603

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 25 janvier 2023, 19/06603


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/06603 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTKI



[H]

C/

Société HASLER GROUP



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Septembre 2019

RG : F 16/00902



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 25 JANVIER 2023







APPELANT :



[J] [H]

né le 28 Mars 1960 à BONE (ALGERIE)

[Adresse 1]

[Localité 3]



reprÃ

©senté par Me Séverine MARTIN de la SELARL MARTIN SEYFERT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lucile AUBERTY JACOLIN de l'ASSOCIATION AMIGUES, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocat au barreau de PARIS





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AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/06603 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTKI

[H]

C/

Société HASLER GROUP

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Septembre 2019

RG : F 16/00902

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023

APPELANT :

[J] [H]

né le 28 Mars 1960 à BONE (ALGERIE)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Séverine MARTIN de la SELARL MARTIN SEYFERT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lucile AUBERTY JACOLIN de l'ASSOCIATION AMIGUES, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Société HASLER FRANCE anciennement dénommée HASLER GROUP venant aux droits de la société RPA PROCESS

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Olivier LACROIX de la SELARL CEFIDES, avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Novembre 2022

Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 31 mars 2008, M. [J] [H] a été embauché par la société RPA Process Technologies (aux droits de laquelle se trouve désormais la société Hasler Group), en qualité de responsable commercial régional, statut cadre, position II, indice 100 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie (IDCC 650).

Une convention de forfait annuelle en jours a été signée par les parties selon avenant au contrat de travail en date du 7 août 2009.

Le contrat de travail de M. [H] a été transféré à la société RPA Process le 5 avril 2011 à la suite d'un plan de cession arrêté dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la société.

Par avenant en date du 11 février 2013, il a été convenu qu'en contrepartie de l'utilisation par le salarié de son domicile pour la réalisation des tâches administratives et d'études de marché pour la société, une indemnité mensuelle de résidence de 200 euros par mois lui était attribuée à compter du 1er janvier 2013 pour une durée minimum de 24 mois.

M. [H] a été placé en arrêt de travail du 10 mars au 12 mai 2014, puis à nouveau le 27 juin 2014, prolongé sans interruption en dernier lieu le 15 décembre 2015 jusqu'au 31 mars 2016.

Par lettre en date du 14 mars 2014, la société RPA Process lui a notifié un avertissement.

Le 7 septembre 2015, la société RPA Process a convoqué M. [H] à un entretien préalable, fixé au 18 septembre 2015, auquel le salarié ne s'est pas présenté en raison de son état de santé.

Le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 5 octobre 2015.

Par requête en date du 7 mars 2016, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant :

- d'annuler son avertissement

- de condamner la société RPA Process à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié, dommages et intérêts pour utilisation abusive de la convention de forfait, indemnité pour travail dissimulé, dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

- de condamner la société Hasler Groupe à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 5 septembre 2019, le conseil de prud'hommes, a :

- débouté M. [H] de toutes ses demandes

- débouté M. [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la société Hasler Group venant aux droits de la SAS RPA Process de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.

M. [H] a interjeté appel de ce jugement, le 26 septembre 2019.

Il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement

statuant de nouveau :

- d'annuler l'avertissement et de condamner la société Hasler Group venant aux droits de la société RPA Process à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié

- de dire que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et de condamner la société Hasler Group venant aux droits de la société RPA Process à lui verser la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts

- de condamner la société Hasler Group venant aux droits de la société RPA Process à lui verser :

la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour utilisation abusive de la convention de forfait annuel en jours,

la somme de 26 469 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

- de condamner la société à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

- de condamner la société Halser Group au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et au paiement de la somme de 2 250 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux dépens avec distraction au profit de Maître Séverine Martin, avocat constitué

- de dire que toutes les sommes au titre des condamnations porteront intérêt à compter de la date de la saisine du conseil de prud'hommes avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année

- d'ordonner la capitalisation des intérêts année après année.

Il soutient :

- que l'insuffisance de résultats n'a pas un caractère fautif et ne peut donner lieu à la notification d'une sanction disciplinaire

- qu'il n'a bénéficié que d'une seule formation durant toutes ses années d'exercice alors qu'il intervient dans un secteur où les techniques et les produits évoluent

- qu' aucune mesure efficiente n'a été prise pour assurer son adaptation son poste, obligation pesant pourtant sur l'employeur

- qu'il n'a pas disposé des moyens nécessaires à l'exercice de ses fonctions

- qu'il a également dû faire face à l'instabilité et à une absence de définition claire de sa zone de prospection

- que ses résultats étaient parfaitement en adéquation avec l'état du marché, que la société ne peut en tout état de cause se baser sur 3 mois d'activité pour apprécier les résultats d'un salarié alors que ses objectifs sont annuels, qu'elle ne pouvait faire une comparaison avec les objectifs et résultats des autres responsables de zones qui sont disparates et que les objectifs fixés étaient difficilement atteignables

- que la société a volontairement entravé son action pour justifier une prétendue insuffisance de résultats

- que les mesures mises en 'uvre par la société pour provoquer la rupture du contrat de travail l'ont profondément affecté et l'ont plongé dans un état dépressif sévère et que la détérioration de son état de santé est directement liée au comportement de la société RPA Process à son égard

- que la société ne rapporte pas la preuve que son absence prolongée était de nature à perturber le fonctionnement de l'entreprise, qu'elle imposait son remplacement définitif et que le remplacement a bien été effectif à une période proche du licenciement.

La société Hasler Group venant aux droits de la société RPA Process demande à la cour :

à titre principal,

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

à titre subsidiaire :

si par extraordinaire la cour annulait l'avertissement du 14 mars 2014,

- de débouter M. [H] de sa demande de dommages et intérêts

si par extraordinaire et impossible, la cour estimait le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- de débouter M. [H] de toute demande de dommages et intérêts qui excéderait le strict seuil fixé par l'article L.1235-3 du code du travail

'reconventionnellement',

- de condamner M. [H] au paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Elle soutient :

- que depuis plusieurs mois M. [H] n'avait pas enregistré la moindre commande, que ses prévisionnels pour les trois mois à venir étaient particulièrement faibles, voire médiocres et largement inférieurs à ceux des autres membres de la force commerciale

- qu'il disposait de tous les moyens nécessaires lui permettant d'accomplir sa mission de manière conforme tels qu'un téléphone portable, des outils informatiques et un véhicule de fonction changé régulièrement, que ces outils étaient les mêmes que ceux dont disposaient ses collègues et que M. [H] n'a pas été isolé

- qu'en notifiant un avertissement à M. [H], elle n'a fait qu'agir dans le strict respect de son pouvoir de direction, qu'elle était en droit de le sanctionner en raison de la faiblesse de son activité et de ses résultats, établie de manière objective

- qu'elle n'a pas exercé de pression sur M. [H], ne lui a pas interdit de prendre des décisions commerciales et ne lui a pas fait part de sa volonté de rompre son contrat de travail à son retour au mois de mai 2014

- qu'à la suite de la fusion de la société, il y avait le même nombre de commerciaux qu'avant le licenciement de M. [H], qu'elle n'a pas procédé à un seul recrutement pour deux départs et qu'elle n'a eu aucune volonté de réduire la force commerciale.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.

SUR CE :

Sur l'avertissement du 14 mars 2014

L'article L1331-1 du code du travail énonce que constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L'insuffisance d'activité, lorsqu'elle procède d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée est constitutive d'une faute disciplinaire.

La société reproche à M. [H] de ne pas avoir établi la moindre commande au profit de l'entreprise depuis plusieurs mois, d'avoir du mal à établir un plan d'action commerciale rigoureux et performant et de ne pas être en mesure de développer son secteur d'activité.

'Cette insuffisance de résultats me contraint de vous notifier par la présente un avertissement formel.'

Aux termes de sa lettre de contestation de cette mesure en date du 7 mai 2014, M. [H] expose que ses résultats sont tout à fait satisfaisants dans le contexte actuel et au regard des moyens que l'employeur lui donne, puisqu'en 2012, il a réalisé plus de 139 % du budget et que pour 2013, ses performances restent bonnes et seraient excellentes si on ne l'avait pas privé injustement d'une des deux affaires (Ecophos Belgique) attribuée à d'autres personnes.

Pour démontrer l'absence de résultat 'depuis plusieurs mois' qu'elle impute à faute au salarié en mars 2014, la société produit deux pièces :

- deux tableaux intitulés 'monthly report RPA Process- june 2014" transmis par courriel du 25 juillet 2014 (pièce 19) :

* un tableau ORDERS comprenant 5 salariés, (comportant l'annotation au crayon cumul depuis janvier 2014) faisant apparaître que M. [H] n'a effectué aucune commande et a donc réalisé 0% de son YTD Budget de 800 000 euros et 0 % de son Year Budget de 1 610 000 euros

* un tableau COTATIONS comprenant les 5 mêmes salariés faisant apparaître pour M. [H] une affaire d'un montant de 867 000 euros et 11 YTD Qty d'un montant de 5 321 060 euros, soit 33 % duYTD Budget d'un montant de 16 000 000 euros et 17 % du Year budget de 32 000 000 euros

- les deux mêmes tableaux ORDERS et QUOTATIONS datés de mai 2014 reprenant une partie des chiffres ci-dessus (pièce 20)

- un prévisionnel 'forecast for the 3 coming months' : mai, juin, juillet, document incompréhensible et inexploitable.

Il ressort des tableaux qu'un autre salarié, M. [M], n'avait effectué aucune commande en juin 2014. La société déclare que cette personne n'était pas son salarié. Elle n'explique pas dès lors pour quel motif il figure dans ses tableaux.

Il apparaît également au vu de ces tableaux, sans que soit fourni d'élément permettant d'effectuer une comparaison entre leurs objectifs, leurs zones d'activité, leurs performances et ceux de M. [H], que les trois autres salariés n'ont atteint respectivement que 64 %, 25 % et 35 % de leur objectif ORDER, que seul M. [M] a atteint son objectif QUOTATIONS (à 104 %), son objectif étant fixé à 2 000 000 alors que celui de M. [H] était fixé à 32 000 000, et que les trois autres salariés ont respectivement obtenu 42%, 21% et 5 % de leur objectif QUOTATIONS.

M. [H] ayant été placé en arrêt de travail le 10 mars 2014, la période visée par l'avertissement couvre en réalité environ deux mois.

La pièce 41 produite à cet effet n'est pas de nature à démontrer que le salarié aurait eu une activité commerciale insuffisante en 2013, alors que l'employeur n'établit pas, ni ne prétend du reste que M. [H] n'avait pas atteint ses objectifs de l'année 2013.

Par ailleurs, le salarié objecte à juste titre que l'employeur ne justifie pas lui avoir fixé des objectifs pour l'année 2014.

Dans ces conditions, l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une carence fautive du salarié à la date à laquelle il a délivré l'avertissement.

Il convient de prononcer l'annulation de l'avertissement.

L'arrêt de travail de M. [H] est antérieur à la notification de l'avertissement mais postérieur à l'entretien disciplinaire qui l'a précédé.

Le préjudice subi par M. [H] en lien avec cette sanction injustifiée doit être évalué à la somme de 1 000 euros que la société sera condamnée à payer à celui-ci, à titre de dommages et intérêts, et qui sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt fixant la créance indemnitaire, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

Sur la convention de forfait en jours

L'article L3121-46 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 20 août 2008 dispose qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année et que cet entretien porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

L'article 14.2 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie relatif au régime juridique du forfait défini en jours contient notamment les dispositions suivantes :

Le salarié doit bénéficier d'un temps de repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives, sauf dérogation dans les conditions fixées par les dispositions législatives et conventionnelles en vigueur.

Le salarié doit également bénéficier d'un temps de repos hebdomadaire de 24 heures auquel s'ajoute le repos quotidien de 11 heures, sauf dérogation dans les conditions fixées par les dispositions législatives et conventionnelles en vigueur.

Le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés. Afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises, l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n'a pas renoncé dans le cadre de l'avenant à son contrat de travail visé au 2e alinéa ci-dessus. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur.

Le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail.

En outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés. A cet effet, l'employeur affichera dans l'entreprise le début et la fin de la période quotidienne du temps de repos minimal obligatoire visé à l'alinéa 7 ci-dessus. Un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir d'autres modalités pour assurer le respect de cette obligation.

L'avenant au contrat de travail, en date du 7 août 2009, stipule que, le salarié disposant d'un degré d'autonomie dans l'organisation de son emploi du temps, la durée du travail en vigueur est de 218 jours travaillés par an, 'ce nombre étant fixé par les articles L212-15-3, III du code du travail, l'article 14 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie par année complète d'activité et en tenant compte du nombre maximum de jours de congé défini à l'article 223-2 du code du travail.'

Le salarié soutient que l'employeur n'est pas en mesure de rapporter la preuve de l'existence d'un document de contrôle du nombre de jours travaillés tel que prévu par l'article 14 de l'accord du 28 juillet 1998, qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien annuel sur l'organisation et la charge de travail et que l'employeur n'a pas respecté son temps de repos quotidien et hebdomadaire.

Il n'invoque donc ni la nullité, ni l'inopposabilité à son égard de la convention de forfait en jours, mais sa mauvaise exécution.

La société ne verse aucun compte-rendu d'entretien annuel conforme aux prescriptions ci-dessus, dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, la référence à la tenue d'entretiens dans ses propres correspondances des 23 juin et 24 juillet 2014 n'étant pas de nature à rapporter la preuve qu'elle s'est acquittée de ses obligations à cet égard.

Le compte-rendu d'un entretien d'évaluation qui a eu lieu le 17 avril 2012 produit par le salarié montre que seules les réalisations professionnelles de l'année ont été évaluées (points forts, points à améliorer, objectifs, résultats).

La société ne justifie pas non plus avoir établi un document de contrôle des jours de travail et des jours de repos du salarié, ni avoir vérifié que le salarié avait bénéficié de ses temps de repos quotidien et hebdomadaire.

Le droit à la santé et au repos étant au nombre des exigences constitutionnelles, le manquement de la société à ses obligations ainsi relevé a causé un préjudice au salarié.

Il y a lieu de condamner la société à payer au salarié la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice ainsi causé, laquelle sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt fixant la créance indemnitaire. Le jugement qui a rejeté ce chef de demande sera infirmé.

Sur le travail dissimulé

En application de l'article L8221-1 du code du travail, est interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L 8221 -3 et L 8221-5.

Le salarié ne prétend pas avoir effectué des heures de travail que l'employeur, en connaissance de cause, n'aurait ni déclarées, ni rémunérées.

L'absence de mise en oeuvre par l'employeur des instruments permettant de contrôler la charge de travail du salarié et sa bonne répartition dans le temps n'est pas un élément constitutif de l'infraction de travail dissimulé.

Le jugement qui a rejeté la demande d'indemnité pour travail dissimulé doit être confirmé.

Sur l'obligation de sécurité

Dans ses conclusions devant la cour, M. [H] soutient que la société a manifestement manqué à son obligation de sécurité de résultat vis à vis de lui et que son état de santé s'est détérioré en raison du comportement adopté par son employeur à son égard.

Il ajoute que la société n'a pris aucune mesure pour s'assurer de sa charge de travail et du respect de son temps de repos quotidien et hebdomadaire.

Le salarié ne précise pas, hormis le second manquement qui a déjà été réparé par l'allocation de dommages et intérêts, quels autres manquements de l'employeur à son obligation de sécurité définie par les articles L4121-1, L4121-2, L4644-1 du code du travail il invoque au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, telle qu'énoncée au dispositif de ses conclusions et il ne présente aucun moyen sur ce point susceptible d'être examiné par la cour.

Le jugement qui a rejeté la demande doit être confirmé.

Sur le licenciement

En application de l'article L1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

L'article L1132-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de santé ou de son handicap.

Néanmoins, aucune disposition légale ne fait obstacle au licenciement motivé par la situation objective de l'entreprise se trouvant dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent le fonctionnement.

Il appartient alors à l'employeur d'apporter la preuve tant de la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise que de la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié malade, compte tenu des effectifs de l'entreprise et des spécificités des fonctions de l'intéressé.

La perturbation de l'entreprise en raison des arrêts maladie du salarié s'apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur.

La lettre de licenciement du 5 octobre 2015 est ainsi rédigée :

(...) Les motifs sont les suivants :

- votre absence prolongée perturbe le fonctionnement de l'entreprise et nous avons la nécessité de pourvoir à votre remplacement définitif

- en effet, nous accusons réception du 10ème certificat de prolongation de votre arrêt de travail initial ayant débuté le 27 juin 2014 prolongeant ainsi votre absence jusqu'au 31 octobre 2015

- vous êtes désormais absent de votre poste depuis le 27 juin 2014, soit depuis 15 mois

- à l'issue de cette prolongation d'arrêt de travail, vous aurez été absent 16 mois de votre poste de travail comprenant 10 prolongations d'arrêt de travail

- nous constatons ainsi votre longue absence qui perturbe l'organisation de la société.

Votre poste de responsable commercial de zone est un poste clé dans la société, poste indispensable à l'activité de la société.

(...)

La société RCA Process comprend trois postes d'activités commerciales dont le vôtre. Du fait de votre absence, la société se voit privée d'un tiers de son activité commerciale.

Sur l'année 2013, votre activité a engendré 1,5 millions d'euros de chiffre d'affaires, soit 9 % du chiffre d'affaires total de la société.

Votre objectif de vente sur l'année 2014 était de l'ordre de 2 millions d'euros. Du fait de votre absence depuis le 27 juin 2014, nous estimons la perte de chiffre d'affaires sur l'année 2014 de l'ordre de 1,8 millions.

Le chiffre d'affaires sur l'année 2014 est de 16,3 millions d'euros soit un million de moins que sur l'année 2013.

Sur l'année 2015, nous estimons que votre absence du 1er au 31 octobre 2015 engendrera directement une perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 1,4 million d'euros.

(...)

Nous avons la nécessité de pourvoir à votre remplacement définitif

(...)

En effet, l'activité des deux autres salariés commerciaux sur leur zone ne leur permet pas d'absorber l'activité sur votre zone.

Votre poste de responsable commercial zone en raison de l'évolution de nos produits de plus en plus techniques nécessite à ce jour des qualifications commerciales avec des compétences en process industriels.

Cet exigence de technicité et de compétences commerciales ne nous permet pas de procéder à votre remplacement de manière temporaire. Le recrutement en intérim ou en CDD de 15 jours ou de 2 mois et demi est impossible sur votre poste.

(...)

Dans ses conclusions d'appel, la société soutient qu'elle s'est immédiatement mise en recherche d'un remplaçant, dès la fin du mois de septembre 2015, mais que cette recherche a été difficile, si bien qu'elle a procédé à l'intégration de M. [R], responsable commercial de la société Lumpp, par avenant du 1er janvier 2016, date de prise d'effet de la fusion entre les sociétés Hasler group et RPA Process, puis a embauché un autre responsable commercial, M. [I], le 1er février 2016.

Elle explique que, lors du départ de M. [H], les responsables commerciaux de zones étaient les suivants :

- société Hasler International : MM. [W] et [K]

- société RPA Process : MM. [H] et [O]

- société Lumpp : M. [R],

et qu'après ce départ et après l'opération de fusion, les responsables commerciaux de zones au sein de la société Hasler Group étaient MM. [K], [W], [O], [R] (remplaçant M. [H]) et [I] (remplaçant M. [R]).

Comme le fait observer M. [H], la société ne mentionne pas M. [M], bien qu'il n'ait quitté l'entreprise que le 31 décembre 2015.

Elle ajoute qu'il existait antérieurement à la fusion trois sociétés (RPA Process, Hasler International, Lumpp) intervenant dans trois domaines distincts, que la fusion a permis de concentrer ces trois domaines dans une seule et même structure et que la société Hasler Group dispose aujourd'hui de treize responsables commerciaux de zone.

Toutefois, les affirmations de la lettre de licenciement sur la nécessaire désorganisation de l'entreprise liée à l'absence du salarié ne sont pas corroborées par des éléments de preuve.

La société, qui ne justifie pas du nombre de ses responsables commerciaux, ni de leurs zones respectives d'intervention avant et après le licenciement de M. [H] et qui se trouvait en phase de réorganisation à la date du licenciement de M. [H] , ce que confirme un courriel de la société de recrutement en date du 24 mars 2017 indiquant qu'en octobre 2015, cinq recrutements ont été lancés : ASM France Nord Grande-Bretagne ou France Nord Belgique, ASM Asie du Sud-Est, ASM Allemagne, ASM Moyen-Orient et ASM Afrique, ne démontre ni la réalité de la perturbation invoquée, ni qu'elle a procédé au remplacement définitif du salarié malade.

Elle produit son bilan des exercices 2012 et 2013, antérieurs de près de trois et deux ans au licenciement du salarié, mais non ceux de 2014 et 2015.

M. [R] avait été embauché par la société Lumpp en qualité de responsable commercial de zone le 2 avril 2015.

Un nouveau contrat de travail lui a été consenti par la société Hasler International le 12 janvier 2016, toujours en qualité de responsable commercial de zone, lequel précise que dans le cadre de l'absorption de la société Lumpp par Haseler International, le transfert de son contrat de travail est confirmé, ce qui n'établit pas que M. [R] a remplacé M. [H] et qu'il a lui-même été remplacé par M. [I] embauché par la société Hasler International selon contrat de travail du 19 janvier 2016 à effet du 1er février 2016.

Le licenciement de M. [H] est en conséquence sans cause réelle et sérieuse, contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes.

En application de l'article L1235-3 ancien du code du travail applicable à la date du licenciement, au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (7 ans et demi), de son âge à la date de la rupture (55 ans), du salaire des six derniers mois d'un montant de 4411,48 euros et du fait qu'il n'a pas retrouvé d'emploi et a été placé en invalidité de catégorie 2 le 1er mars 2020, le préjudice causé au salarié par la perte injustifiée de son emploi doit être réparé par l'allocation de la somme de 36 000 euros, qui sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt fixant la créance indemnitaire.

Il n'y a pas lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts.

La société Hasler Group, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. [H] la somme de 4 000 euros à titre d'indemnité de procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et la demande fondée sur le manquement à l'obligation de sécurité

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

ANNULE l'avertissement du 14 mars 2014

DIT que le licenciement de M. [J] [H] est sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société Hasler Group venant aux droits de la société RPA Process Technologies à payer à M. [J] [H] les sommes suivantes :

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'avertissement injustifié

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la mauvaise exécution de la convention de forfait en jours

- 36 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement injustifié

DIT que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

REJETTE la demande de capitalisation de intérêts

CONDAMNE la société Hasler Group venant aux droits de la société RPA Process Technologies aux dépens de première instance et d'appel

DIT que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Maître Séverine Martin, avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Hasler Group venant aux droits de la société RPA Process Technologies à payer à M. [J] [H] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/06603
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;19.06603 ?
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