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25/01/2023 | FRANCE | N°19/06669

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 25 janvier 2023, 19/06669


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/06669 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTOS



[J]

C/

Société SERNED



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 02 Septembre 2019

RG : 16/01042





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 25 JANVIER 2023







APPELANT :



[Y] [J]

né le 14 Avril 1955 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



repré

senté par Me Olivia LONGUET, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société SERNED

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau d...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/06669 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTOS

[J]

C/

Société SERNED

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 02 Septembre 2019

RG : 16/01042

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023

APPELANT :

[Y] [J]

né le 14 Avril 1955 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté par Me Olivia LONGUET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société SERNED

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Yann BOISADAM de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Novembre 2022

Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [Y] [J] a été embauché par la société Serned suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 2 janvier 2003, soumis à la convention collective activités du déchet, en qualité de conducteur poids lourd de coefficient 212 non cadre

M. [J] a déclaré un accident du travail, le 6 février 2013, lequel a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par décision du 19 février 2013 de la caisse primaire d'assurance maladie.

Le 5 juin 2014, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude définitive de M. [J] au poste de chauffeur poids lourd, en une seule visite.

Le 28 juillet 2014, la société Serned a proposé à M. [J] deux postes de reclassement que ce dernier a refusés par lettre du 1er août 2014. Il a confirmé son refus le 25 novembre 2014.

Par lettre en date du 4 décembre 2014, la société Serned a convoqué M. [J] à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 17 décembre 2014, puis, le 23 décembre 2014, elle l'a licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Elle a précisé au salarié qu'elle considérait que son refus des deux postes de reclassement proposés était abusif et qu'elle ne lui verserait pas l'indemnité spéciale de licenciement ni l'indemnité compensatrice de préavis prévues à l'article L.1226-14 du code du travail.

M. [J] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Lyon qui, par ordonnance en date du 6 août 2015 a constaté l'existence d'une contestation sérieuse

Par requête en date du 16 mars 2016, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes en lui demandant de condamner la société Serned à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, solde d'indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement en date du 2 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes.

- débouté la société Serned de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné M. [J] aux dépens de l'instance.

M. [J] a interjeté appel de ce jugement, le 30 septembre 2019.

Il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement

statuant à nouveau,

- de condamner la société Serned à lui payer les sommes suivantes :

* 3 954,82 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 395,49 euros bruts au titre des congés payés afférents

* 12 547,34 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement

- de fixer son salaire moyen à hauteur de 2 150,59 euros bruts

- de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- de condamner la société Serned à lui payer une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts

- de la condamner au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner la société Serned aux dépens.

Il soutient :

- que le poste de reclassement peut être refusé par le salarié, qu'il soit compatible ou non avec les préconisations du médecin du travail, s'il constitue une modification de son contrat de travail

- que c'est à la société Serned de démontrer que son refus de postes de reclassement est abusif

- qu'il a refusé ces postes de reclassement en ce qu'ils constituaient une modification radicale de son contrat de travail, par l'instauration d'un nouveau rythme de travail, l'utilisation d'outils informatiques qu'il ne maîtrisait pas et la modification de sa rémunération

- que les propositions de reclassement de la société Serned ne démontrent pas qu'elle a accompli son devoir de reclassement avec loyauté.

La société Serned demande à la cour de confirmer le jugement qui a débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient :

- que les propositions de postes formulées ont scrupuleusement respecté les préconisations du médecin du travail, que M. [J] ayant été déclaré inapte à tout poste nécessitant une manutention du bras, la seule possibilité de reclassement était un poste de bureau, ce qui impliquait nécessairement une modification de ses missions

- que ces postes n'auraient pas entraîné, si M. [J] les avaient acceptés, la modification de l'un des éléments essentiels de son contrat de travail tel que sa rémunération, sa classification et sa durée de travail

- que M. [J] ne motive pas ses refus successifs et ne donne aucun motif légitime de refus

- que M. [J] ne souhaitait pas être reclassé, puisqu'il n'avait pas l'intention de répondre favorablement à une quelconque proposition de reclassement

- qu'elle a sollicité les préconisations du médecin du travail en vue d'orienter convenablement ses recherches de reclassement, que ces préconisations étaient particulièrement restrictives et que les sociétés interrogées ont des activités, une organisation et un lieu d'exploitation ne permettant pas d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.

SUR CE :

Sur la demande en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis

Les indemnités prévues par l'article L1226-14 ancien du code du travail, à savoir l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L1234-5 et l'indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L1234-9, ne sont pas dûes par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation de reclassement, de rechercher un autre emploi approprié aux capacités du salarié, en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail, notamment des indications qu'il formule sur l'aptitude de l'intéressé à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi de reclassement doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L'emploi de reclassement ne doit en principe entraîner aucune modification du contrat de travail.

Si l'employeur ne peut offrir qu'un poste de reclassement comportant une modification du contrat, il doit en faire la proposition au salarié qui est en droit de refuser.

Il ne peut y avoir de refus abusif en présence d'une modification du contrat de travail, même si la modification du contrat de travail est imposée à l'employeur par les restrictions de l'avis d'inaptitude.

En l'espèce, le 5 juin 2015, le médecin du travail a émis l'avis suivant :

inaptitude définitive et immédiate au poste de chauffeur poids lourd (danger immédiat).

article R4624-31 modifié par le décret n°2012-135 du 30 janvier 2012

contre-indication à toute manutention

pas de 2ème visite à prévoir.

Après avoir consulté les délégués du personnel (le compte-rendu de la réunion de consultation du 21 juillet 2014 est versé aux débats) et interrogé le médecin du travail par lettres du 6 juin et du 13 juin 2014, le médecin du travail ayant répondu à la lettre du 6 juin 2014 qu'au vu des postes de l'entreprise Serned, la seule possibilité de reclassement était un poste de bureau, la société a proposé à M. [J] les deux postes de reclassement suivants :

- société Serned : poste d'assistant d'exploitation situé au siège social à [Localité 5] avec maintien de la classification, maintien de la durée de travail et maintien de la rémunération

- société Serdex : poste d'agent d'accueil et de réception situé Port [2] à [Localité 3] avec maintien de la classification, maintien de la durée de travail et maintien de la rémunération.

Le médecin du travail a indiqué par courriel du 25 juillet 2014 que le poste d'assistant d'exploitation était compatible avec l'état de santé de M. [J].

Mais dans la mesure où les deux postes proposés emportaient modification de la fonction exercée précédemment par le salarié, même s'ils étaient compatibles avec l'état de santé de ce dernier et conformes aux préconisations du médecin du travail, le refus exprimé par M. [J] ne pouvait être qualifié d'abusif.

Il convient de condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 3 954,92 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L1234-5 du code du travail, laquelle n'ouvre pas droit à une indemnité de congés payés afférents, et la somme de 12 547,34 euros, à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement, ces sommes n'étant pas discutées en leur montant.

Sur le licenciement

En application de l'article L1226-12 ancien du code du travail, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié dans les conditions prescrites par l'article L1226-10 ancien, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement et l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

Ainsi, si le médecin du travail a constaté l'inaptitude physique d'origine professionnelle d'un salarié, l'employeur est tenu de lui faire des propositions de reclassement loyales et sérieuses dans la limite des postes disponibles.

Il appartient donc à l'employeur de tirer les conséquences du refus du salarié en formulant de nouvelles propositions de reclassement et, si cela s'avère impossible, en procédant au licenciement de l'intéressé.

En l'espèce, il résulte des deux procès-verbaux de consultation des délégués du personnel des 21 juillet 2014 et 19 novembre 2014 que le poste de reclassement d'assistant d'exploitation proposé à M. [J] était le seul poste disponible au sein de l'entreprise compatible avec les aptitudes physiques et professionnelles de ce dernier et que le poste de reclassement d'agent d'accueil et de réception était le seul poste disponible au sein du groupe compatible respectant ces mêmes conditions.

L'employeur justifie en effet avoir envoyé des lettres de recherche de reclassement le 23 juin 2014 aux sociétés Albertazzi, Berthod, Biovalis, Chambard, Fileppi, Giroud Garampon, MBPT, Bosvet, Nantet, Nouvetra, Satif, Serdex, Serfim, Serpol, Serpollet et RMBTP/Bosvet, sociétés du groupe auquel elle appartient et n'avoir reçu que des réponses négatives.

Il produit également les lettres de recherche de reclassement envoyées à ces mêmes sociétés les 4 et 5 août 2014, puis à nouveau le 17 octobre 2014 avec relance le 24 octobre 2014 adressée aux sociétés qui n'avaient pas répondu, ainsi que les réponses des sociétés l'informant de l'absence de postes disponibles correspondant aux restrictions médicales énoncées.

L'impossibilité de reclassement est dès lors établie.

Il convient de confirmer le jugement qui a dit que le licenciement de M. [J] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et qui a rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts.

M. [J] obtenant partiellement gain de cause en son recours, il convient de condamner la société aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer au salarié la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts fondée sur le caractère injustifié du licenciement

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société Serned à payer à M. [Y] [J] les sommes suivantes :

- 3 954,92 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice

- 12 547,34 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement

REJETTE la demande en paiement d'une indemnité de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice

CONDAMNE la société Serned aux dépens de première instance et d'appel

CONDAMNE la société Serned à payer à M. [Y] [J] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/06669
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;19.06669 ?
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