AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/06696 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTRC
[E]
C/
Société SAS L ENTRECOTE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 12 Septembre 2019
RG : 16/1708
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 25 JANVIER 2023
APPELANTE :
[TV] [E]
née le 02 Septembre 1975 à [Localité 6]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Karine THIEBAULT de la SELARL CABINET KARINE THIEBAULT, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société L'ENTRECOTE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Karen MOURARET, avocat au barreau de LYON
et ayant pour avocat plaidant Me Maïr BENDAYAN de la SELASU MAIR BENDAYAN, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Victoire BERN, avocat au barreau de LYON,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Novembre 2022
Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme [TV] [E] a été embauchée par la société L'Entrecôte le 18 mai 2009, en qualité de directrice, niveau V, échelon 1 de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.
Le 22 décembre 2015, la société l'Entrecôte a notifié un avertissement à Mme [E] en lui reprochant des dysfonctionnement dans la gestion du restaurant.
Par lettre recommandée en date du 15 février 2016, la société l'Entrecôte a convoqué Mme [E] à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 29 février 2016, et lui a notifié une mise à pied conservatoire.
Mme [E] a été licenciée pour faute grave le 15 mars 2016.
Par requête en date du 2 mai 2016, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de condamner la société à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'adaptation, dommages et intérêts pour avertissement injustifié, rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, indemnité compensatrice de préavis, indemnité légale de licenciement et indemnité réparant l'ensemble de ses préjudices en lien avec son licenciement.
Par jugement en date du 12 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a :
- débouté Mme [E] de sa demande en dommages et intérêts au titre des manquements de la société l'Entrecôte à son obligation d'adaptation à son égard, de sa demande d'annulation de l'avertissement prononcé le 22 décembre 2015 et de sa demande en dommages et intérêts à ce titre
- dit que le licenciement de Mme [E] est justifié par une cause réelle et sérieuse mais non par une faute grave
- condamné la société l'Entrecôte à payer à Mme [E] les sommes suivantes :
* 7 052,83 euros outre 705,28 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
* 21 158,49 euros outre 2 115,84 euros de congés payés afférents à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 9 986,81 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples et contraires
- fixé la moyenne brute des salaires des trois derniers mois à la somme de 7 052,83 euros
- condamné la société l'Entrecôte à payer à Mme [E] la somme de 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Mme [E] a interjeté appel de ce jugement, le 1er octobre 2019.
Elle demande à la cour :
- 'de fixer son salaire brut mensuel à la somme de 7 052,83 euros'
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes en dommages et intérêts au titre des manquements de la société l'Entrecôte à son obligation d'adaptation à son égard, en annulation de l'avertissement prononcé le 22 décembre 2015, en dommages et intérêts à ce titre et en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
en conséquence,
- de condamner la société l'Entrecôte à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'adaptation
- d'annuler l'avertissement prononcé le 22 décembre 2015
- de condamner la société l'Entrecôte à lui verser la somme de 5 000 euros à titre dommages et intérêts
- de dire que le licenciement notifié le 15 mars 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse
- de condamner la société l'Entrecôte à lui verser la somme de 98 740 euros nets de toutes charges, correspondant à 14 mois de salaire, en réparation de l'ensemble des préjudices professionnels, financiers et moraux subis dans le cadre de son licenciement
- de confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions
- de condamner la société l'Entrecôte, outre aux dépens de l'instance, au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
Elle soutient :
- qu'avant son embauche pour la société l'Entrecôte, elle n'avait jamais occupé de fonction de directrice de restaurant d'une telle envergure, qu'elle n'a bénéficié que de quatre formations, qu'elle n'a pas participé à la formation sur la gestion administrative du personnel du mois de mai 2014 et qu'elle n'a jamais refusé de participer aux formations qui lui étaient proposées
- qu'elle a pleinement assuré ses fonctions de directrice et géré le personnel de l'établissement avec intelligence et fermeté quand cela s'avérait nécessaire, tout en sachant faire preuve de mansuétude lorsque les circonstances l'exigeaient, en exerçant comme il se doit le pouvoir disciplinaire dont elle était investie avec discernement et proportionnalité
- que son avertissement du 22 décembre 2015, dont la contestation n'est pas tardive, repose sur des griefs infondés dans leur intégralité, ayant donné lieu à la notification d'une sanction manifestement disproportionnée
- qu'hormis les griefs relatifs à la congélation du pain et au dégât des eaux du 13 février 2016, les faits qui lui sont imputés ne sont jamais datés et sont évoqués en termes particulièrement imprécis et pour la plupart parfaitement subjectifs, ce qui équivaut à une absence de motifs
- qu'à l'exception du dégât des eaux du 13 février 2016, tous les griefs sont antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement
-qu'elle n'avait jamais fait l'objet d'aucune critique sur ses méthodes de travail ou sa gestion du personnel, ni d'aucun avertissement avant celui du 22 décembre 2015 et que la société se contredit lorsqu'elle prononce un avertissement en raison d'un prétendu manque de fermeté dans la gestion du personnel avant de lui reprocher à l'appui de son licenciement mis en oeuvre moins de deux mois plus tard une prétendue gestion du personnel autoritariste et procédant d'abus de pouvoir
- qu'elle conteste avec la plus grande vigueur avoir commis un délit d'entrave en dissuadant un salarié de se présenter aux élections de délégué du personnel
- que s'agissant de l'hygiène et la sécurité, la société l'Entrecôte ne peut la rendre responsable des choix qu'elle a elle-même opérés
- qu'elle conteste les reproches formulés par la société l'Entrecôte à son encontre au titre d'une négligence et d'une défaillance dans la gestion de son établissement
- que, sur l'utilisation à titre personnel de matériels de l'établissement, non seulement la société l'Entrecôte ne peut se fonder sur des griefs non datés et imprécis, mais encore il s'agit d'usages pratiqués dans le milieu de la restauration
- que son licenciement n'est pas isolé, venant s'ajouter à ceux de la directrice de l'établissement de [Localité 7], du chef de cuisine de [Localité 8] et du précédent chef de cuisine de [Localité 6]
- qu'un licenciement prononcé pour un motif erroné et dont la nature ne pouvait être disciplinaire est privé de cause réelle et sérieuse.
La société l'Entrecôte demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [E] un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, une indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés afférents une indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité de procédure
- de dire que le licenciement de Mme [E] repose bien sur une faute grave
- de débouter Mme [E] de l'intégralité de ses demandes dirigées contre elle de ce chef, en ce compris sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- de confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions
Y ajoutant :
- de condamner Mme [E] à payer à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Elle soutient :
- qu'elle n'était pas légalement obligée d'assurer une formation initiale à Mme [E] qui devait disposer des capacités nécessaires lorsqu'elle a postulé pour cet emploi, qu'en tout état de cause, la salariée a été longuement initiée aux procédures internes de la société par son prédécesseur dans le poste, qu'elle s'est vu proposer chaque année de nombreuses formations dispensées par des organismes extérieurs, auxquelles elle a choisi de sa seule initiative de ne pas participer et qu'elle recevait le soutien et l'appui de la direction générale mais surtout des directrices plus expérimentées d'autres villes
- que Mme [E] n'apporte aucun élément permettant la contestation de l'avertissement notifié le 22 décembre 2015
- que, pour l'essentiel, les fautes ont été découvertes le 13 février 2016, soit moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, et que, pour le surplus, il s'agit de manquements dans lesquels la salariée a persisté
- que la lettre de licenciement vise un motif disciplinaire puisque le non-respect délibéré des consignes constitue une faute grave ne permettant pas le maintien à son poste de la directrice
- que le comportement de Mme [E] a gravement porté atteinte aux conditions de travail et aux droits du personnel et a entraîné pour les salariés souffrance morale et stress
- que Mme [E] n'a pas appliqué les procédures internes harmonisées mises en place et portées à sa connaissance lors de son embauche, a délégué aux serveuses des tâches fondamentales qui ne peuvent être exercées que par le directeur, a trompé la clientèle en lui servant des produits surgelés, a procédé à une utilisation personnelle de biens professionnels et a fait preuve de désordre administratif et de laxisme absolu
- que le fait de persister dans un comportement que la direction générale a expressément interdit constitue un acte d'insubordination caractérisé et donc une faute grave.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.
SUR CE :
Sur l'obligation d'adaptation au poste
L'article L6321-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue des lois du 8 août 2016, 7 octobre 2016 et 5 septembre 2018, visé par la salariée à l'appui de sa demande, énonce que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail, veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisation, peut proposer des formations qui participent au développement des compétences et que les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L6312-1.
Dans le cadre de cette obligation, l'employeur n'est pas tenu de faire bénéficier le salarié nouvellement embauché d'une formation initiale. La société justifie cependant que, lors de l'embauche de Mme [E], la précédente directrice est restée en poste pendant deux mois et était donc en mesure d'apporter, le cas échéant, son aide à la nouvelle directrice.
La société démontre par ailleurs qu'en 2010, elle a inscrit Mme [E] aux trois formations suivantes: paie de la restauration, prévention et gestion des agressions verbales et physiques, bases fondamentales du management, que la salariée a participé à une journée de formation le 17 janvier 2014 sur le thème: 'le manager, acteur de la prévention des risques', en avril 2014 à deux journées de formation 'la gestion administrative du personnel', le 24 juin 2015 à une journée de formation sur l'entretien individuel et que la directrice générale a proposé à Mme [E], le 9 février 2016, une formation sur le recrutement et la façon de mener un entretien d'embauche que celle-ci a acceptée,
Le manquement de l'employeur à son obligation n'est pas démontré et le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la salariée de ce chef doit être confirmé.
Sur la demande en nullité de l'avertissement
Aux termes de l'avertissement notifié le 22 décembre 2015, l'employeur reproche à Mme [E] :
1) une défaillance dans la gestion du personnel
- des difficultés à prendre les bonnes décisions :
* Vous restez sans réaction notable face à l'attitude outrancière de la pâtissière . Il est indéniable que celle-ci profite de votre manque de fermeté à son égard et contribue à créer un climat fort détestable au sein de la cuisine. Mais pour autant, vous n'avez jamais pris à son encontre une quelconque sanction (...)
* à plusieurs reprises, vous avez fait remonter auprès de la direction des difficultés rencontrées avec le chef. Mais pour autant, jamais avant l'avertissement du mois de novembre, vous ne l'aviez sanctionné
* vous avez évoqué le manque de professionnalisme et une certaine démotivation de la maître d'hôtel sans qu'elle n'ait fait l'objet de sanctions avant l'incident du 7 décembre 2015. Vos fonctions de directrice vous imposent la prise de décisions quant aux licenciements, sanctions et autres avertissements (...)
- un personnel démotivé : pour preuve, l'enchaînement d'incidents qui se sont produits dans la journée du 7 décembre 2015 lors de la visite de la dirigeante de l'Entrecôte; cette accumulation d'erreurs de la part du personnel démontre bien un réel désintérêt des salariés pour l'entreprise (...)
- des recrutements peu efficaces : depuis le début de l'année 2015, il est constaté un turn over important dans le restaurant. Les contrats à durée déterminée et à durée indéterminée s'enchaînent sans jamais que l'effectif ne puisse trouver une stabilité pourtant indispensable à la bonne marche du restaurant (...)
2) problème dans la gestion du restaurant
lors de la visite de la dirigeante, il a été soulevé deux points :
- une odeur désagréable et persistante dès l'entrée dans le restaurant ; il vous a semblé régler le problème en masquant l'odeur nauséabonde mais vous n'avez pas recherché les causes et les origines de ces émanations. Il s'est avéré qu'un problème de canalisation était à l'origine de cette odeur. Problème que vous n'aviez pas identifié et nécessitant l'intervention d'un professionnel
- un éclairage déficient : des spots manquaient et d'autres clignotaient . Vous auriez dû les faire changer avant que votre hiérarchie ne vous le fasse remarquer.
La société n'apporte pas d'éléments de nature à établir le bien-fondé des griefs ci-dessus énoncés.
De son côté, Mme [E] verse aux débats les deux avertissements qu'elle a délivrés à la pâtissière (Mme [SP]), le 6 août 2014 et le 4 août 2015 pour des absences ou retards injustifiés, son courriel à la société Solylec du 24 novembre 2015 pour lui demander de poser la guirlande de Noël, le courriel reçu le 21 décembre 2015 dans lequel cette société lui écrit que, lors de son intervention pour la pose de la guirlande, elle a constaté des transformateurs défectueux en salle qu'elle a commandés et remplacés quand elle les a reçus, la facture d'assainissement pour des toilettes bouchées du 13 novembre 2015 et le message téléphonique écrit du 24 décembre 2015 fixant un rendez-vous d'expertise au 20 janvier 2016.
Il ressort des échanges de courriels du 15 décembre 2015 que le cabinet ACS a rédigé les lettres d'avertissement destinées à Mme [PF] (maître d'hôtel) Mme [L] et M. [AM] à la suite de la visite du 7 décembre 2015 dans le restaurant de la directrice générale, Mme [I] [D], laquelle a estimé que ces avertissements ne lui convenaient pas et a demandé à Mme [E] d'attendre qu'elle les reformule avant de les remettre en mains propres aux intéressés.
Il est ainsi établi que la directrice générale exerçait un contrôle sur la nature et le contenu des mesures disciplinaires notifiées par et au nom de la directrice, ce qui est confirmé par le courriel de la première en date du 12 juin 2014 dans lequel elle demande à la seconde son avis sur la lettre qu'elle se propose d'envoyer à son chef pour lui recommander de faire confiance à leurs fournisseurs habituels et d'être vigilant en ce qui concerne les quantités de viande servies.
Les trois avertissements étaient quant à eux principalement fondés sur le fait qu'il a été servi à la directrice générale et à ses deux invités le 7 décembre 2015 une viande bleue aux lieu et place de la viande saignante qui avait été commandée, que le plat est resté sur la table alors qu'il aurait dû être remporté en cuisine, que l'assiette a été restituée semble-t-il dans son état, qu'il était inadmissible pour la maître d'hôtel d'expliquer au client que la taille du morceau de viande servi n'était pas prévue pour la cuisson demandée, afin de justifier une erreur sur la cuisson, que le cuisinier qui avait mal cuit la viande, a retourné la même viande bleue et que la directrice générale a fait remarquer que le calibrage de la pomme de terre était bien inférieur à celui préconisé lors des visites du chef référent.
Cet incident regrettable dont il n'est pas démontré qu'il s'était déjà produit antérieurement ne peut en lui-même caractériser une démotivation du personnel dont Mme [E] serait responsable.
Enfin, aucun document n'est versé permettant d'établir l'existence du 'turn over' important invoqué.
Les fautes reprochées n'étant pas prouvées, il convient d'annuler l'avertissement.
Cette mesure disciplinaire injustifiée a causé à Mme [E] un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation de la somme de 800 euros, à titre de dommages et intérêts.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement est rédigée ainsi qu'il suit :
« Madame,
Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 29 février 2016, en présence de M [U] [R], conseiller du salarié, qui vous assistait, entretien en vue duquel vous avez été convoquée par lettre qui vous a été remise en mains propres le 15 février 2016.
Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les différents éléments qui nous amenaient à envisager de rompre votre contrat de travail. Toutefois, il s'est avéré impossible de vous entendre en vos explications car votre attitude a consisté quasi exclusivement à répondre « c'est faux ».
Nous avons néanmoins repris l'intégralité des éléments et, après réflexion, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement à effet immédiat.
Les motifs de cette décision sont les suivants :
Vous êtes salariée de notre établissement en qualité de directrice, niveau N5 échelon 1 de la convention collective des Hôtels Cafés Restaurants. Vous recevez une rémunération mensuelle de 6.702,07 euros hors primes particulières.
Vous avez bénéficié, à votre arrivée il y a presque 7 ans, d'une période de transition de deux mois complets avec la directrice dont vous preniez la suite, afin de vous assurer la formation nécessaire sur les procédures internes que vous vous deviez de respecter ainsi que sur les outils internes.
Vous avez également bénéficié de l'assistance de la directrice de notre établissement de [Localité 8] et des services de la direction générale, dans tous les aspects de votre fonction.
Votre contrat de travail met à votre charge la gestion comptable et commerciale de l'établissement et notamment les relations avec les fournisseurs, la responsabilité exclusive de la caisse, dépôts bancaires, paiement des fournisseurs, préparation et contrôle de toutes les pièces justificatives nécessaires à la comptabilité vous devez transmettre à l'Entrecôte Gestion à l'échéance déterminée, le contrôle des recettes et du service, la gestion du personnel salle et cuisine, les embauches, le contrôle et le suivi du personnel salle et cuisine, les relations clients pendant le service, le contrôle et le suivi
du service, la bonne tenue de l'établissement dans son ensemble.
Vous vous êtes montrée lourdement défaillante dans toutes ces missions qui vous incombent.
Déjà, le 22 décembre 2015, un avertissement disciplinaire vous a été délivré à raison de vos dysfonctionnements préjudiciables à la bonne marche de notre établissement étaient alors stigmatisées votre gestion du personnel et votre gestion du restaurant.
Ce n'est qu'à la suite de l'entretien que nous avons eu le 29 février dernier que vous avez cru devoir contester cette sanction, en des termes qui démontrent que vous n'entendez aucunement vous remettre en question. Vous comprendrez que nous ne pouvons prendre en considération vos dénégations tardives, surtout à la lumière des événements plus récents qui nous ont conduits à engager une procédure de licenciement à votre encontre.
Le 13 février 2016, une équipe de la direction s'est rendue dans l'établissement. Nous avions fait venir notre Chef référent, attaché à notre établissement de [Localité 5], afin de s'assurer de la bonne tenue de l'établissement dont vous avez la charge, malgré le départ du chef.
Vous étiez en repos et la délégation a été confrontée au désarroi du personnel, certaines salariées s'étant même écroulées en larmes en voyant arriver l'équipe de la direction générale.
L'état de l'établissement et la situation retrouvée sur place ont conduit les équipes à nous alerter, à telle enseigne que la représentante légale a dû organiser de toute urgence son déplacement.
Nous vous reprochons tout d'abord une gestion du personnel autoritariste et procédant d'abus de pouvoirs. Ainsi, vous avez délégué à vos salariés des tâches qu'il vous appartient de réaliser vous-même.
C'est le cas de la procédure de caisse, de la procédure de bureau, de la procédure de passation des commandes de la salle notamment.
Vous demandez au personnel de salle, qui plus est après le service, à un moment où il est fatigué, de réaliser les opérations de comptage d'espèce, des tickets restaurants, de les scanner et de les tamponner. Vous seule y êtes habilitée.
Ce faisant, vous violez les procédures internes connues de vous.
Au cours de notre entretien, vous avez prétendu ne pas connaître ces procédures car elles n'étaient pas écrites. Nous ne pouvons accorder le moindre crédit à de telles déclarations. Ces procédures vous ont longuement été exposées par la précédente directrice, durant les deux mois de formation et de transmission de poste qui vous ont été assurés. Par ailleurs si vous aviez le moindre doute, vous aviez tout loisir d'interroger Madame [P], qui vous a régulièrement assistée.
De la même façon, vous demandez aux hôtesses de faire l'inventaire de salle et de passer les commandes de salle (vaisselles, couverts, produits d'entretien) alors que c'est votre travail.
Au cours de notre entretien, vous avez fait valoir que vous leur demandez de préparer les commandes mais que c'est vous qui les validez. Or ce travail d'inventaire et de préparation des commandes vous incombe en totalité. Parce que vous vous déchargez de vos tâches sur vos équipes, vous êtes incapable, à l'inverse des autres directrices, de répondre à nos questions simples qui ont trait au quotidien de la gestion de l'établissement (une commande anormale d'argenterie, ou de cartes menu par exemple).
Lorsque nous vous interrogeons précisément sur un point, vous répondez de manière inexacte et imprécise, comme ce fût le cas par exemple lorsque nous vous avons demandé d'identifier les modèles de couverts non conformes.
Si vous accomplissez votre travail vous-même, vous seriez à même de nous répondre, et la réponse serait exacte et précise. Nous estimons être en droit d'attendre d'une directrice de votre niveau de poste et de rémunération qu'elle accomplisse elle-même les tâches qui lui incombent, et pas qu'elle s'en décharge sur des collaborateurs déjà accaparés par leurs propres attributions.
Les salariés déclarent aussi que vous les maintenez dans la crainte permanente d'une fermeture de l'établissement, disant que « le restaurant va fermer » et qu'il faut que l'on entende parler le moins possible de [Localité 6] au siège sinon « ils vont nous fermer ». Vous n'avez pas à maintenir une ambiance aussi pénible et à diffuser des informations alarmistes auprès du personnel.
Le personnel témoigne du fait que vous « punissez » telle ou telle, en lui ordonnant de réaliser à nouveau des tâches pendant l'heure du déjeuner, la privant de la faculté de se restaurer.
Vous modifiez les plannings ou imposez une réduction de temps de travail ou un carré surchargé pendant le service à telle ou telle, toujours par mesure de représailles, par exemple à la suite d'arrêts de travail pour maladie, ce qui n'est pas acceptable.
Vous avez fait réaliser à des serveuses, dont ce n'est pas le travail, des travaux de rénovation au motif de « restrictions budgétaires » qui n'existent que dans votre imagination, car vous savez bien que nous ne lésinons pas sur les travaux d'amélioration des restaurants. Ces travaux étaient dangereux de surcroit car réalisés en haut d'une échelle.
Vous faites des promesses de promotion à telle ou telle, pour obtenir d'elle qu'elle réalise à votre place des tâches qui vous incombent, en soutenant que la direction générale est informée et saura les récompenser.
Vous falsifiez les feuilles de pointage de certains salariés de la cuisine pour ne pas faire apparaître leurs heures supplémentaires car vous les estimez trop nombreuses, bien qu'elles aient été effectuées.
De tels agissements exposent l'entreprise à de lourdes sanctions civiles et pénales, et sont aberrants, alors que nous nous sommes dotés de méthodes pour tenir de manière fiable le décompte du temps de travail des salariés. Du fait de vos agissements, ces méthodes sont falsifiées et ne nous offrent plus la sécurité requise. Ces faits lèsent les droits des salariés. Il vous a été demandé de rationaliser les plannings pour vous assurer qu'il n'y ait pas d'heures supplémentaires non nécessaires effectuées. Au lieu d'effectuer ce travail de fond et d'analyse, vous avez choisi de spolier le personnel en refusant de prendre en compte des heures supplémentaires effectuées. Il était attendu de vous que vous mettiez tout en 'uvre dans l'organisation du travail, pour limiter le nombre d'heures supplémentaires, notamment celles du chef, alors que l'activité ne justifiait pas autant d'heures.
Vous ne l'avez pas fait. Nous avons été contraints de le faire nous-même. Nous nous sommes aperçus qu'il consacrait un temps considérable à remplir des tableaux complètement inutiles (comme
le fait de recopier les traçabilités de la viande alors que l'information est déjà conservée grâce aux étiquettes des lots de viande collées sur un cahier !). C'était à vous de savoir à quoi il occupait son temps et à mettre un terme à ces occupations dérisoires et inutiles.
De même, avec un minimum de contrôle, vous auriez relevé des badgeagescomplètement incohérents (départ à 1 h du matin du service du soir ou à 16 h 30 du service du midi, ce qui ne se voit dans aucune affaire !!!).
Vous déployez de l'autoritarisme malvenu et agressif avant nos visites, allant jusqu'à demander au personnel de trier une par une les frites qui seront dans nos assiettes et à modifier les plannings, encore à la dernière minute, pour que nous ne risquions pas d'être en contact avec certains membres du personnel.
Enfin, vous vous êtes rendue coupable de délit d'entrave en dissuadant un salarié de se présenter aux élections des délégués du personnel, annonçant qu'il perdrait toute perspective d'avancement et que vous y veilleriez. Un tel acte engage la responsabilité pénale personnelle des dirigeants de l'entreprise.
L'établissement dont la direction vous est confiée à des responsabilités envers le personnel ; dont celle de lui offrir un cadre de travail et une ambiance de travail sereines, propices à ta bonne réalisation de leurs missions.
Le personnel montre des signes d'épuisement, de stress important, de désarroi, et tout cela est en relation avec votre gestion.
Nous vous reprochons ensuite de gérer l'établissement au mépris des règles
d'hygiène et des procédures les plus élémentaires, comme au mépris de nos
instructions
Par exemple, vous demandez au personnel de dresser les tables le soir, après le service, pour le repas du lendemain midi.
Faire dresser les tables aux serveuses le soir après le service, là encore quand elles sont fatiguées, est une hérésie sur le plan de l'hygiène : la poussière est ainsi faite au-dessus des couverts et de la verrerie. Vous avez été alertée plusieurs fois sur ce point mais vous n'avez pas voulu tenir compte de nos alertes et, lorsque l'équipe de la direction s'est présentée, elle a encore vu le personnel dresser les tables après le service ...
Au cours de notre entretien, vous avez répondu « c'était comme ça quand je suis arrivée». Une telle réponse est inacceptable, d'une part parce qu'à votre arrivée les procédures normales étaient respectées, d'autre part parce que nous vous avons plusieurs fois fait la remarque et que vous n'avez pas jugé utile de modifier votre façon de faire.
Encore, nos restaurants prennent soin de préciser qu'il n'est servi que des produits frais et pas des produits congelés.
A votre arrivée, ces consignes étaient respectées scrupuleusement, notamment pour le pain, qui était livré frais par le boulanger fournisseur, deux fois par jour, avant chaque service.
Vous avez changé de fournisseur au profit d'un boulanger qui offre un service médiocre, qui ne livre qu'une fois par jour et qui est plus onéreux ...
Vous avez organisé la congélation du pain qui n'a pas été servi, pour le décongeler ensuite et le servir à /a clientèle. Vous avez même fait tenir « un cahier de pain ».
D'une part, c'est contraire à nos procédures. Ensuite, c'est une tromperie de la clientèle qui expose l'entreprise à des scandales inacceptables et qui peut nuire à sa réputation.
Encore, cela nuit à la qualité des produits et du service. Des plaintes de clients ont été reçues par les serveuses.
Enfin, ce système que vous avez mis en place a montré ses limites : Il est arrivé que le pain ne soit pas décongelé et que la clientèle dîne sans pain.
Il a été porté à la connaissance du chef référent, lorsqu'il s'est entretenu avec le personnel le 13 février 2016, que cette situation s'était déjà produite le week-end du 1 er mai 2015, toujours sans que la direction n'en soit informée.
De la même façon, vous passez outre, sans aucune raison, les instructions qui vous sont données, ce qui est constitutif à tout le moins d'une insubordination caractérisée dont le caractère délibéré est évident.
A titre d'exemple, vous avez mis en place un panneau « veuillez patienter » pour « parquer » la clientèle qui arrive en attendant qu'une hôtesse l'accueille.
Cette pratique n'est pas conforme aux standards de notre établissement et nous vous avons demandé d'y mettre un terme.
Au lieu de cela, vous avez donné comme instruction au personnel de continuer à installer ce panneau chaque jour, mais de le faire disparaître lorsque des membres de la direction viennent dans l'établissement. Il est alors remisé dans la cave. Ceci démontre bien que vous avez bien compris nos ordres mais que vous avez décidé de passer outre et de n'en faire qu'à votre idée.
Vous avez reconnu ces derniers faits lors de notre entretien. Encore, des mails vous demandant d'investiguer sur les consommations anormales de viande vous ont été adressés. Vous n'avez rien fait. Non seulement le fait de ne pas agir est inexplicable, mais de plus, si vous assumiez votre fonction de directrice, c'est vous-même qui devriez identifier la dérive ET dans les consommations de viande, ET dans le prix facturé par le fournisseur.
Vous avez subi sans broncher une augmentation du prix de la viande de 4 euros par kilo, ce qui est invraisemblable et qui aurait conduit n'importe quelle autre directrice à convoquer le fournisseur, à contester voire à chercher un fournisseur alternatif. Un tel laxisme est grave et inacceptable. Vous n'avez ni détecté, ni signalé ce problème à la direction et lorsqu'il vous est demandé expressément de réagir, vous ne le faites pas. Au cours de notre entretien, vous vous êtes contentée, sans nier votre inaction, de dire que cette surconsommation n'était pas significative. Vous aviez reçu des instructions, il vous appartenait soit de nous faire savoir que vous ne vouliez pas les suivre et d'argumenter votre point de vue, soit de vous y conformer. Vous vous êtes contentée de ne rien faire. Pour donner un autre exemple, il vous a été demandé de redoubler de vigilance sur les process en cuisine. Vous n'en avez rien fait.
Résultat de votre laxisme : des problèmes d'hygiène, des gâchis indescriptibles, de la nourriture jetée en pagaille. Un exemple révélateur se retrouve dans votre comportement face à une demande précise de vous faire remettre des échantillons de Côte du Rhône Rosé par votre fournisseur. Non seulement vous ne l'avez pas fait, mais un mois après cet ordre, vous avez déclaré que vous ne l'aviez pas encore fait parce que « vous aviez encore du stock de vin de [Localité 5] que vous deviez terminer».
Les vérifications menées le 15 février 2016 ont établi que vous avez fait passer de nouvelles commandes de [Localité 5] APRES nos consignes de ne plus en commander. Ce stock de [Localité 5] recommandé, vous l'avez mis en vente, alors qu'il vous avait été exposé qu'il n'était pas bon et qu'il ne fallait plus en commander. Vous avez volontairement caché cette commande à la direction en dissimulant sa livraison et en expliquant ne pas avoir les clés du bureau du chef, dans lequel sont stockés les boissons et les vins. Par la suite, on a pu vérifier que les clés du bureau du chef étaient bien sur votre trousseau.
Lorsque nous vous avons demandé, au cours de la dernière réunion des directrices, si vous aviez amené l'échantillon de Côtes du Rhône Rosé que vous deviez vous procurer, vous avez répondu que non.
En réalité, vous avez acheté et mis en vente dans le restaurant un Côte de Provence choisi par vous, acheté par vous et payé deux fois le prix que nous payons dans les autres affaires, sans nous en aviser et contrairement à nos directives.
Ce faisant, vous vendez un produit qui ne correspond pas à nos procédures (on vend un bordeaux et un vin local, il n'est pas question de vendre un Côte de Provence à [Localité 6]), mais de plus vous violez la réglementation en commercialisant un produit qui ne figure pas à la carte.
Et encore, lorsque le personnel vous a fait part d'accusations de vol de viande de la part du chef, vous n'avez ni relayé ces informations à la direction, ni agi. Pourtant, nous avons découvert le 13 février 2016 que des remarques concordantes émanant de plusieurs salariés vous ont été transmises sur le comportement suspect du chef, qui quittait tous les soirs le restaurant avec un sac à dos manifestement très chargé, attitude anormale et non tolérée dans notre activité.
Vous vous montrez par ailleurs négligente et défaillante dans tous les aspects de votre gestion:
- par un temps de présence limité dans l'établissement (ce qui explique sans doute pourquoi vous déléguez vos tâches à vos serveuses et hôtesses),
- par une absence de maîtrise des logiciels propres à notre activité, malgré le temps consacré à vous l'enseigner,
- en ne vous assurant pas que vous disposez en permanence d'un chéquier et de papier en tête de la société, afin de pouvoir faire face aux demandes imprévues
(paiement d'acomptes sur salaires, etc ....),
- par un désordre administratif complet qui conduit votre reporting mensuel à être souvent en retard mais surtout souvent faux et imprécis (inventaires faux, factures non comptabilisées, etc ...),
- par un manque d'attention aux détails (il n'y a plus de sucettes à offrir aux enfants, et ce depuis au moins 6 mois. Vous ne vous en préoccupez pas).
Le restaurant a été victime d'un dégât des eaux samedi 13 février 2016. Alertée par le personnel, vous ne vous êtes pas déplacée, vous avez laissé le personnel le gérer seul alors que de l'eau ruisselait en cuisine. Vous ne vous êtes même pas préoccupée des nuisances et risques que cela pouvait entraîner en plein service et des mesures de sécurité à prendre.
Mais mieux encore, le lundi 15 février 2016 lorsque vous êtes arrivée, vous n'avez RIEN fait : ni prévenu le siège, ni prévenu le syndic, ni pris des mesures de préservation des biens et personnes, ni fait établir de constat.
Vous savez l'attention toute particulière que nous attachons à la présentation et à la tenue de nos restaurants, qui sont notre vitrine, notre réputation et quelque part notre fonds de commerce. Or, les toilettes d'un voisin se déversant dans les murs des toilettes du restaurant, il régnait une odeur proprement pestilentielle. On était en droit d'attendre de vous que vous résolviez ce problème sans délai. La clientèle s'en est plainte sur internet, dans les revues du restaurant. Tout ce que vous avez trouvé à faire a été de demander l'achat de désodorisants.
Vous êtes demeurée passive face à un problème aussi grave qui nécessitait un traitement urgent.
Tout cela est indigne d'une directrice, à ce niveau de fonction et de salaire en plus.
Vous ne connaissez pas le nom des fournisseurs historiques de l'entreprise (ex PATISFRANCE), ce qui est à mettre en lien avec votre absence de travail administratif de vérification des Bons de livraison, de saisine de ces bons, de validation des factures, etc ...
Vous vous avérez incapable de retrouver les factures que nous vous demandons, vous ne savez pas combien vous coûte le blanchissage d'un chemisier (deux fois ce qu'il coûte ailleurs, parce que vous ne vous êtes jamais préoccupée de surveiller les coûts), vous ne savez pas où sont les bons de livraisons, vous réglez des factures que vous ne rentrez pas dans les stocks, vous ne respectez pas les procédures de vérification des livraisons. Les stocks sont faux.
Enfin, nous avons découvert encore le 13 février 2016, que vous vous êtes permis de faire des biens de l'entreprise un usage personnel, sans en référer à quiconque :
- vous avez fourni gracieusement des bacs de glace au restaurant l'Hyppopotamus, pour dépanner votre époux, qui en est le directeur et qui était en panne de glaces. Vous n'en avez rien dit à votre direction et vous n'avez jamais assuré à l'entreprise le remboursement de ces produits, qui sont achetés pour être incorporés dans les profiteroles vendues à la clientèle et pas pour être servis chez un concurrent qui ne les paye pas.
- au vu et au su de tout le personnel vous emportez des chaises avec votre époux (qui n'a rien à venir faire dans notre établissement) pour asseoir des convives chez vous, lors d'un dîner que vous donnez à votre domicile avec des amis à vous.
- Vous avez autorisé une dénommée Madame [S] à venir acheter de la viande dans l'établissement. Nous ne sommes pas une boucherie de détail.
Tous ces faits ont été portés à notre connaissance par les salariés lors de la visite inopinée des 13, 14, 15 février 2016.
Votre comportement dans son ensemble a dégradé l'ambiance et les conditions de travail du personnel, a constitué des non respects délibérés de nos consignes claires et de nos procédures, a nui à l'image de marque de l'établissement et s'avère désinvolte et irresponsable.
Investie de la plénitude des fonctions de direction de l'établissement, vous ne pouvez vous défausser sur une méconnaissance de méthodes de travail que vous connaissez depuis sept ans, ni sur le personnel.
Les plaintes de clients, relayées sur internet, la démotivation du personnel, l'instauration de procédures aberrantes de service de pain congelé ou de vente de vin ne figurant pas à la carte, l'absence de communication avec la direction générale, le défaut de maîtrise et de contrôle de tous les aspects de la gestion de l'établissement, votre désintérêt pour votre travail et le traitement réservé au personnel, constituent une faute grave tant par votre comportement irresponsable et désinvolte.
Ces faits sont constitutifs de manquements graves à vos obligations professionnelles qui rendent inconcevable votre maintien dans l'entreprise. (...)
La société reproche ainsi à Mme [E], directrice de l'établissement l'Entrecôte à [Localité 6], trois séries de faits :
1) une gestion du personnel autoritariste et procédant d'abus de pouvoirs
2) une gestion de l'établissement au mépris des règles d'hygiène et des procédures les plus élémentaires et au mépris des instructions de l'employeur, une négligence et une défaillance dans tous les aspects
3) un usage personnel des biens de l'entreprise.
Elle affirme que ces faits ont été portés à sa connaissance le 13 février 2016, jour d'une visite inopinée des délégués du siège (situé à [Localité 8]) en l'absence de la salariée dont c'était le jour de repos.
1) A l'appui de ce grief, la société verse aux débats des attestations rédigées par quatorze salariés les 18, 19, 20, 21 et 26 février 2016, dont la plupart travaillent avec Mme [E] dans ce restaurant depuis plusieurs années. Une personne n'était plus employée à la date de rédaction de son témoignage (Mme [X], serveuse de janvier 2012 à juillet 2013).
Mme [OA] atteste que la directrice a 'fait subir des pressions morales envers certains de ses collègues', Mme [C], hôtesse, (salariée depuis le 13 juin 2006) atteste que, lorsque Mme [E] a été embauchée, elle l'a convoquée pour lui demander de choisir entre son remplacement au poste de maître d'hôtel ou son voyage de noces d'un mois qui avait été autorisé par la précédente directrice, que 'faire les toilettes pendant trois mois, midi et soir était pour elle une méthode afin de la mettre à bout' et que la directrice lui a dit que la directrice générale souhaitait peut-être fermer le restaurant, Mme [SP], commis de cuisine (salariée depuis 1992), atteste que ses feuilles de pointage étaient régulièrement modifiées, que la directrice l'a harcelée en lui refusant des congés et une 'semaine d'anticipation' pour la fin de vie de sa mère, qu'elle a fait des crises d'angoisse dûes à ce harcèlement, que les pompiers se sont présentés plusieurs fois à l'Entrecôte, que Mme [E] lui a 'interdit de parler à [G] quand il vient rendre visite', Mme [H] atteste que Mme [E] avait pour habitude de changer continuellement les vacances déjà posées, n'a jamais hésité, soit à retirer les vacances, soit à prévenir au dernier moment, qu'elle fait preuve de méchanceté gratuite pour punir son personnel, Mme [M], serveuse et chef de rang, atteste que Mme [E] punissait les serveuses qu'elle n'appréciait pas en changeant leurs repos sans prévenir et avait la faculté d'annuler sans aucun scrupule les vacances du personnel, M. [N], commis de caisse, atteste qu'il a constaté ces derniers temps 'une pression de plus en plus intense sur l'ensemble du personnel lorsque notamment la directrice nous parle de fermeture envisagée ou lors d'une avalanche de sanctions disciplinaires à l'encontre de mes collègues sur un mois', qu'il a subi des pressions pour ne pas se présenter aux élections de délégué du personnel et que, par peur, il ne s'est pas présenté, M. [F], chef de rang, atteste qu'il a été victime de beaucoup de tensions et de pressions injustifiées de la part de la directrice pour avoir demandé un jour de repos supplémentaire et a été menacé d'avertissement, Mme [J], serveuse, atteste que 'depuis quelques mois, Mme [E] a complètement changé d'attitude à notre égard; nous devions être de plus en plus impeccables dans notre service, sinon les sanctions tomberaient régulièrement; nous avons toujours été sous pression et Mme [E] très dure; le barman [OM] a été remercié au motif qu'il avait trop d'affinités avec l'équipe', Mme [PF] [K], maître d'hôtel, atteste qu'elle a subi depuis son arrivée dans l'établissement (à une date non précisée) un harcèlement moral, que la directrice changeait ses jours de repos, que tout ce qu'elle entreprenait n'allait pas, que Mme [E] mettait une pression et une tension constantes, lui faisait des réflexions constantes, 'au moment de passer à table avant le service du midi, il fallait que je lui fasse les remises ce qui faisait que je sautais le repas ; il arrivait que le dimanche je travaille seule 'pour me punir', Mme [X], ancienne serveuse, atteste que pendant la relation de travail (de janvier 2012 à juillet 2013), elle a été victime d'un harcèlement moral par Mme [E] 'cette personne se prêtait à des méthodes visant à me nuire ou à me punir', M. [C] , second de cuisine, atteste que la directrice a changé une soirée qui lui avait été donnée 'c'est M. [AM] (chef de cuisine) qui m'a passé cette information comme étant la sienne et m'a demandé de ne rien dire' et qu'il a été convoqué 'afin que l'un de mes collègues ne soit pas délégué du personnel et qu'il n'y ait aucune élection organisée', Mme [Y] atteste qu'elle a été victime d'une chute pendant son service mais que Mme [E] a refusé de remplir une déclaration d'accident du travail, qu'elle est venue au travail avec une attelle à la cheville et que la directrice a refusé qu'elle porte des talons plats.
Mmes [M] (chef de rang), [PF] (maître d'hôtel) et [H] (serveuse et hôtesse d'accueil) attestent par ailleurs 'que Mme [E] déléguait à son maître d'hôtel et aux chefs de rang le contrôle de la caisse du soir, qu'elle n'a jamais appliqué les procédures établies par la haute direction : compte et vérification des caisses le matin et que depuis la venue de Mme [E] en tant que directrice, il leur a été demandé de vérifier les caisses le soir (espèces, tickets restaurant, cartes bancaires).'
Ces quatorze témoignages, qui ne mentionnent aucune date, ne sont ni suffisamment précis et circonstanciés, ni suffisamment objectifs, au regard du lien de subordination de leurs auteurs à l'égard de l'employeur, pour constituer la preuve du comportement fautif attribué à la directrice et en particulier des abus dénoncés en matière de gestion des congés, de calcul des heures supplémentaires, de distribution des tâches, du 'harcèlement', de 'l'entrave' et du fait que Mme [E] se déchargeait de sa tâche de contrôle des recettes et du service et qu'elle n'aurait pas assumé la responsabilité exclusive de la caisse, des dépôts bancaires, du paiement des fournisseurs, de la préparation, du contrôle de toutes les pièces justificatives nécessaires à la comptabilité qu'elle devait transmettre à l'Entrecôte gestion à l'échéance déterminée telles que mentionnées dans son contrat de travail.
La procédure de fermeture (pièce 25 de l'employeur) établie par la directrice, 'scanner les tickets resto, vérifier les espèces et faire signer le tickets d'annulation par les serveuses' ne signifie pas que celle-ci se déchargeait sur ses subordonnés de sa responsabilité concernant la caisse.
Les éléments du débat montrent que la direction générale visitait régulièrement l'établissement (la directrice générale était venue le 7 décembre 2015 et avait relevé des dysfonctionnements qui ont donné lieu à l'avertissement ci-dessus du 22 décembre 2015) et que la directrice rapportait très régulièrement à la directrice générale, conformément à son contrat de travail stipulant que les fonctions de la salariée seront exercées en liaison étroite avec la direction générale.
Dès lors, la société ne peut prétendre avoir soudainement découvert le 13 février 2016 des faits aussi graves que ceux dénoncés par les salariés, lesquels se seraient produits de manière habituelle et constante depuis l'arrivée de Mme [E] à la direction du restaurant en 2009, sans réaction, ni signalement des intéressés et sans que la direction générale en soit informée.
Les quatorze attestations sont en tout état de cause contredites par celles d'anciens salariés que produit Mme [E] (Mme [V] [W], Mme [Z], Mme [B], Mme [RK], M. [O], Mme [T]) dont il ressort que la directrice était présente et à l'écoute, qu'elle savait motiver son personnel, qu'elle ne persécutait personne et était très appréciée par l'équipe, que les plannings étaient respectés et qu'elle ne changeait jamais les jours de repos sans l'accord des salariés concernés.
Dans son témoignage produit par l'employeur, M. [A], serveur, atteste lui-même qu'embauché en septembre 2015, il est arrivé au sein d'une équipe soudée et fière de faire partie du restaurant.
Mme [E] produit également le compte-rendu d'une réunion du personnel en date du 26 mars 2015 à laquelle elle participait avec l'équipe salle (sept salariés dont certains ont rédigé les attestations produites par l'employeur) en la présence d'un consultant (Co'incidence) faisant apparaître que sont appréciées la bonne ambiance et l'entraide et que le collectif apprécie les valeurs de la structure.
La réalité du premier grief n'est pas établie.
2) La société ne justifie d'aucune plainte de la clientèle en ce qui concerne le pain mal décongelé qu'il est reproché à Mme [E] de faire servir qui viendrait corroborer les attestations des employés sur ce point.
La société ne démontre pas en quoi le fait de dresser les tables à la fin du service du soir ou de mettre un panneau d'attente pour les clients n'est pas conforme aux instructions données et présente un caractère fautif.
Les courriels produits par l'employeur, datés de mai, juin et décembre 2015, janvier, février et mars 2016, établissent que la directrice générale contrôlait les prix de revient et les procédures et demandait régulièrement des justifications à la salariée.
Les réponses apportées par Mme [E] n'étant pas versées aux débats par l'employeur (par exemple à son courriel du 9 octobre 2015 'avez-vous ces factures'') et aucun reproche, ni mise en garde n'ayant été adressés à la directrice dans le cadre de ces échanges constants relatifs à la gestion du restaurant, ces courriels, d'une part démontrent que les écarts ou difficultés constatés faisaient partie du fonctionnement courant d'un restaurant, d'autre part n'établissent pas que Mme [E] ne respectait pas les instructions données, ne transmettait pas les documents qui lui étaient demandés et n'effectuait pas les vérifications et corrections attendues.
Dans un tel contexte, il n'apparaît pas que la cherté de la viande puisse être reprochée à la salariée et les courriels échangés sur ce point ne démontrent pas que Mme [E] a de son propre chef procédé à l'achat de vin non agréé par la direction générale et servi aux clients des vins qui n'étaient pas sur la carte.
Mme [E] justifie de ce que, contrairement à ce qui lui est reproché dans la lettre de licenciement, elle a fait le nécessaire pour faire réparer le plus vite possible le dégât des eaux qui s'était produit le 13 février 2016 (attestation du plombier déclarant qu'il est intervenu le dimanche 14 février 2016 pour une fuite dans le restaurant, échanges de messages téléphoniques écrits des 15 et 22 février 2016 avec l'entreprise de plomberie et confirmation de prise en charge par l'assurance en date du 22 février 2016).
La réalité de problèmes d'hygiène au vu du seul compte-rendu d'essai en date du 23 juin 2015 concluant à une qualité insatisfaisante pour un critère d'hygiène des procédés dont la direction générale a été destinataire le 30 juin 2015 (neuf mois avant l'introduction de la procédure de licenciement) et celle d'un gâchis indescriptible (sans plus de précision) que la société aurait découverts le 13 février 2016 ne sont pas établies.
La société affirme avoir découvert le 13 février 2016 que la directrice savait que le chef de cuisine partait tous les soirs avec un sac à dos empli de nourriture volée mais n'avait jamais rien fait.
Or, la société produit elle-même un courriel adressé à Mme [E] le 19 janvier 2016 dans lequel elle lui demande de vérifier les 'papiers' de rupture conventionnelle de ce salarié : 'votre chef a vraiment lâché, on se retrouve ce mois avec le prix de revient du plat le plus élevé de tous les restos, il manque 60 bouteilles de vin, il a acheté plus de fromage qu'à [Localité 8] je trouve qu'il fait beaucoup d'heures sup vu le travail qu'il a . Il faudra surveiller ça de plus près ce n'est pas normal', de sorte qu'elle ne peut prétendre ne pas avoir eu connaissance des difficultés rencontrées plus de deux mois avant l'introduction de la procédure de licenciement et que l'absence de réaction à des vols dont la matérialité ne ressort d'aucune autre pièce que des affirmations d'autres salariés, imputée à faute à Mme [E], est prescrite.
Les griefs de gestion de l'établissement au mépris des règles d'hygiène et des procédures les plus élémentaires et au mépris des instructions de l'employeur et de négligence et défaillance dans tous les aspects ne sont pas établis.
3) Mme [E] admet la matérialité des faits visés à cet égard par l'employeur.
Mais le caractère fautif de ces faits, au demeurant non datés, n'est pas établi et le grief n'est pas sérieux.
L'employeur ne rapporte pas la preuve d'une faute grave commise par Mme [E] dans l'exercice de ses fonctions de directrice de restaurant.
Le licenciement pour faute grave n'est en conséquence pas justifié.
En l'absence de toute faute prouvée, même simple, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Il convient d'infirmer le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement injustifié.
Au regard de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise (6 ans et 10 mois), de son âge à la date du licenciement (40 ans), de son salaire des six derniers mois (7 052,83 euros) et de ce qu'elle n'a pas retrouvé ensuite d'emploi stable au même niveau de rémunération, le préjudice subi en raison de la perte injustifiée de l'emploi doit être évalué à la somme de 50 000 euros bruts, que la société l'Entrecôte doit être condamnée à payer à Mme [E], le jugement étant confirmé en ce qui concerne les condamnations prononcées à titre d'indemnités de rupture et de remboursement du salaire retenu pendant la mise à pied conservatoire.
En application de l'article L 1235-4 ancien du code du travail, il convient de condamner d'office la société à rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage qui ont été versées à la salariée, dans la limite de trois mois d'indemnités.
La société, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme [E] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en annulation de l'avertissement, la demande en dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'avertissement nul et la demande en dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement injustifié
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,
ANNULE l'avertissement notifié le 22 décembre 2015
DIT que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNE la société l'Entrecôte à payer à Mme [TV] [E] les somme suivantes :
- 800 euros en réparation du préjudice causé par l'avertissement injustifié
- 50 000 euros bruts en réparation du préjudice causé par le licenciement injustifié
CONDAMNE d'office la société l'Entrecôte à rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage qui ont été versées à la salariée, dans la limite de trois mois d'indemnités
CONDAMNE la société l'Entrecôte aux dépens d'appel
CONDAMNE la société l'Entrecôte à payer à Mme [TV] [E] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE