AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/01150 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M3RF
[D]
C/
Société CANON FRANCE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 30 Janvier 2020
RG : 18/00773
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 25 JANVIER 2023
APPELANT :
[Z] [D]
né le 01 Août 1967 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Sylvaine CHARTIER de la SELARL CHARTIER-FREYCHET AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société CANON FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Laurence BERNARD GOUEL, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Novembre 2022
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société Canon France est spécialisée dans le domaine de l'imagerie grand public, des produits de bureautique et d'optique. Elle fonctionnait avant le 1er juillet 2012 avec un réseau de filiales en région, lesquelles ont été réintégrées à la société à compter du 1er juillet 2012.
M. [D] a été embauché temporairement par la société Canon France, en qualité de Technicien S.A.V, coefficient 225 Niveau III échelon 2, suivant un contrat à durée déterminé à compter du 5 juin 1989, lequel a été renouvelé le 18 janvier 1990.
La relation de travail se poursuivait à durée indéterminée à compter du 1er Mars 1990.
Par un avenant du 24 juin 2003, M. [D] était promu au poste d'attaché commercial et disposait alors du statut cadre de la classification 100, position 1, groupe 5.
Le 16 décembre 2003, le contrat de travail était transféré à la société Canon Ile de France SAS, puis le 6 janvier 2004, à la société Canon Business Solution Center Ile de France.
Le 1er mars 2008, le contrat de travail était transféré à la société Canon Business Center Canon Rhône-Alpes. M. [D] était promu attaché commercial 3. Son lieu de travail était transféré à [Localité 7].
Le 1er juillet 2008 il était affecté au CBSC Rhône-Alpes District de Lyon en qualité d'Ingénieur Commercial 1, statut cadre C2 coefficient 108.
Le 15 juin 2010, le contrat de travail était transféré à la société Canon France Sud-Est, puis à nouveau transféré à la société Canon France SAS à compter du 1er juillet 2012.
La convention collective nationale applicable est celle des Ingénieurs et Cadres de la métallurgie (IDCC 650).
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [D] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 3 170,51 euros pour un forfait jours de 207 jours annuels, outre des primes fixées dans un plan de rémunération variable dénommé « Pay Plan ».
Le 1er mars 2016, M. [P], Responsable Régional des Ventes et supérieur hiérarchique de M. [D] lui transmettait un plan de retour à la performance mis en place pour une durée de trois mois, compte tenu de l'insuffisance de son activité et de ses réalisations, soit un taux de 20, 12% d'atteinte de ses objectifs sur la période de juillet 2015 à février 2016 (45 775,87 euros de réalisations cumulées pour un objectif cumulé de 227 500,00 euros).
Le 31 août 2016, M. [D] était victime d'un accident du travail et était en placé en arrêt de travail jusqu'au 17 octobre 2016.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mars 2017, la société Canon France a convoqué M. [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 23 mars 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 mars 2017, la société Canon France a notifié à M. [D] son licenciement pour insuffisance professionnelle générant une insuffisance de résultats.
Par acte du 20 mars 2018, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon et demandé la condamnation de la société Canon France à lui verser :
- 19 023,06 euros à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 76 092,24 euros a titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- les intérêts de droit à compter de la demande,
- 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 30 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Lyon a débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.
La cour est saisie de l'appel interjeté le 13 février 2020 par M. [D].
Par conclusions notifiées le 11 octobre 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [D] à la cour de :
- Infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Lyon,
- Condamner la Société Canon France à lui verser la somme de 19 023,06 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
- Condamner la Société Canon France à lui verser la somme de 76 092,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- Dire que les condamnations porteront intérêt de droit à compter du jour de la demande
- Débouter la Société Canon France de ses demandes
- Condamner la Société Canon France à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens
Par conclusions notifiées le 24 juillet 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la SAS CANON France demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le-jugement du Conseil de Prud'hommes de Lyon du 30 janvier 2020 en ce qu'il a jugé qu'elle a exécuté loyalement le contrat de travail de M. [D], que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et1'a débouté de l'intégralité de ses demandes,
Ce faisant,
- Débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Y ajoutant,
- Condamner M. [D] à lui verser la somme de 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Le condamner aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.
MOTIFS
M. [D] soutient que la société Canon France a eu une attitude déloyale à son égard, comme à l'égard d'autres commerciaux, en :
- lui attribuant un secteur dit 'Poids de Zone' ou PDZ constitué de listes de clients non à jour et triés de manière à ce que le commercial ne puisse pas atteindre ses objectifs
- lui fixant des objectifs inatteignables,
- le stigmatisant par le reproche de ne pas atteindre son objectif et en lui imposant un plan de retour à la performance sans aucun suivi réel et sans soutien,
- le licenciant pour insuffisance de résultats ou insuffisance professionnelle.
Il soutient que son éviction a été imaginée par la société Canon pour redistribuer les secteurs de ses commerciaux sur la région Rhône-Alpes dés lors que concomitamment à son licenciement, cette redistribution a eu lieu, son secteur étant confié à Mme [F] et Mme [Y], elle-même licenciée pour insuffisance professionnelle.
M. [D] conclut à l'exécution déloyale du contrat de travail résultant de :
1°) la fixation d'objectifs inatteignables doublée de l'attribution d'un secteur géographique sinistré, et régulièrement modifié en cours et/ou fin d'année
2°) l'absence de soutien et de moyens pour atteindre ses objectifs
3°) l'absence de visite de reprise après l'accident du travail dont il a été victime le 31 août 2016.
Il conclut, pour les mêmes motifs, à l'absence de toute justification de la réalité et du sérieux des reproches qui lui sont faits, privant son licenciement de cause réelle et sérieuse.
1°) Sur les objectifs, M. [D] soutient que :
- le secteur géographique qui lui a été attribué à la fin de l'année 2015, comprenant des cantons de Savoie et de Haute Savoie avait un potentiel restreint ;
- il a été exclu du marché des communes du bassin annecien dont relevaient pourtant certaines communes de son secteur ;
- en octobre 2016, les comptes des clients 'Migros'et 'Trimet' lui ont été retirés au bénéfice de Mme [F], puis réattribués ;
- l'année suivante, il se voyait encore confier un secteur sinistré, et la liste des clients censés constituer son poids de zone comportait des clients perdus ou disparus depuis de nombreuses années ;
- un autre ingénieur commercial, M. [B] a prospecté sur les communes de [Localité 5] et de [Localité 9], appartenant à son secteur et a remporté courant mai 2016 ces marchés publics en toute irrégularité avec l'aval du directeur régional de la région Rhône-Alpes, M. [U] et du responsable régional des ventes, M. [P].
M. [D] souligne qu'il a régulièrement alerté sa hiérarchie sur l'impossibilité dans laquelle il se trouvait d'atteindre ses objectifs compte tenu du manque de potentiel commercial de son secteur, sans obtenir de réponse.
M. [D] en déduit que l'exécution déloyale résulte d'une part des décisions collectives de la société Canon consistant à privilégier les grands comptes au détriment des petites entreprises, d'autre part des décisions individuelles relatives au découpage de son secteur. Il ajoute que l'exécution déloyale résulte aussi de ce que l'employeur a accepté que M. [B] prospecte sur son secteur d'activité.
La société Canon soutient que :
- les territoires et les objectifs sont fixés par l'entreprise aux termes de l'annexe 2 du plan de rémunération variable, conformément à son pouvoir de direction ;
- pour l'année 2016, M. [D] a reçu la détermination de son territoire et la fixation de ses objectifs le 18 décembre 2015 et rien ne démontre que ce territoire n'avait pas une potentialité normale ;
-l'objectif fixé à M. [D] n'a pas varié depuis plusieurs années: il est de 350 KE annuel, soit le plus faible des commerciaux ;
- concernant les comptes 'Migros'et 'Trimet', M. [D] ne justifie d'aucun préjudice puisqu'il indique les avoir finalement conservés, et la mention de l'intervention de deux personnes différentes dans l'outil 'Salesforce' ne peut résulter que d'une simple erreur ;
- si la ville de [Localité 9] faisait effectivement partie du secteur géographique de M. [D], tel n'était pas le cas de Cran Gevrier et les pièces produites par le salarié ne montrent pas une signature par M. [B] avec la mairie de [Localité 9] ;
- sur le nombre de grands comptes attribués : 165 à M. [D], 188 à M. [B] et 246 à Mme [F], le plan de rémunération variable du réseau direct Régions s'applique à tous les commerciaux du réseau direct de Canon France et il n'y a pas de rémunération qui serait propre à une population en charge de grands comptes.
La société Canon France souligne que M. [D] ne procède que par voie d'allégations et ne produit aucune pièce sérieuse, objective et matériellement vérifiable qui justifierait qu'elle lui aurait octroyé des objectifs inatteignables et un secteur sinistré.
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Il résulte des documents contractuels et particulièrement du plan de rémunération variable
(PRV) que chaque ingénieur commercial se voit confier un territoire géographique ou une liste de comptes sur un territoire défini. L'objectif attribué est une part du budget du total réseau et résulte par conséquent du produit entre le coefficient de répartition du budget (CRB) et le budget total réseau.
Le plan de rémunération variable indique que chaque territoire se voit affecter un objectif en KE et que les niveaux d'objectifs vont de 350KE pour le territoire A à 750 KE pour le territoire I.
En ce qui concerne les grands comptes, il est indiqué : 'Lors de la signature d'une affaire 'Grands comptes ou flotte' et dans le cas où le chiffre d'affaires ou la marge de cette affaire représentent plus de 50% de l'objectif annuel du commercial, la décision d'intégrer le chiffre d'affaires ou la marge au-delà de 50% dans la réalisation sera laissée à la décision de la Direction Réseau en fonction des conditions de l'affaire.'
La société Canon soutient que l'objectif fixé à M. [D] était parfaitement réalisable dés lors que son collègue M. [B] avait dépassé ses objectifs en 2016 et que le successeur de M. [D], M. [V], embauché le 4 septembre 2017 et affecté sur le même territoire, est parvenu à réaliser en 2018 un chiffre d'affaires hardware représentant 68% de l'objectif base Pay Plan 2017.
La comparaison avec les résultats de M. [B] apparaît pertinente, ce dernier étant affecté aux autres cantons de Haute Savoie, mais la cour observe, d'une part que la société Canon ne produit aucun élément objectif permettant d'évaluer le potentiel commercial de chacun des secteurs de M. [D] et de M. [B] couvrant la Savoie et la Haute Savoie, de sorte que la cour n'est pas en mesure de déterminer si le découpage est équilibré ou non.
La société Canon ne fournit pas davantage les chiffres de Mme [Y] affectée également pour partie en Savoie et pour une autre partie en Isère et dont M. [D] affirme sans être démenti, qu'elle a également été licenciée pour insuffisance professionnelle, ce qui laisse présumer des difficultés particulières sur le secteur de la Savoie ou à tout le moins, que certains secteurs géographiques étaient moins porteurs que d'autres.
Enfin, la société Canon ne produit, ni ne commente les résultats qu'aurait obtenu le prédécesseur de M. [D] sur le même secteur, ce qui aurait permis d'étudier l'évolution des résultats avant la prise en main du secteur par M. [D] et depuis l'attribution du secteur à ce dernier.
En ce qui concerne les résultats de M. [V] qui a succédé à M. [D], sur l'exercice 2018, la société Canon verse aux débats un document parfaitement inexploitable intitulé :
' base [Z] [D] 2017 et base [O] [V] 2018" qui procède d'un listing de sociétés ou de communes composant le portefeuille de l'un et de l'autre, avec un total de 263 pour M. [D] et de 266 pour M. [V], dont la cour n'est pas en mesure de dire à quoi correspondent ces chiffres. Et le taux de 68% d'atteinte de son objectif par M. [V] n'est objectivé par aucune pièce du dossier.
La cour observe d'autre part, que si l'attribution des grands comptes relève du pouvoir discrétionnaire de l'employeur, M. [D] est celui des commerciaux qui en a le moins dans son portefeuille (à l'exception de M. [P] son supérieur hiérarchique), avec 165 clients grands comptes sur un total de 1319 grands comptes pour la Business Review de [Localité 6].
Or, la société Canon ne fournit aucun critère objectif de répartition des clients grands comptes, ni aucun élément permettant d'évaluer la part des clients grands comptes dans le chiffre d'affaires de chaque commercial.
Il en résulte une totale opacité quant aux critères de fixation des objectifs et le fait que M. [D] se soit vu attribuer de façon régulière le plus faible objectif, ne démontre en aucune façon que ledit objectif était adapté à son périmètre géographique.
Il résulte par ailleurs des entretiens d'évaluation annuels, que M. [D] a régulièrement remis en cause son territoire d'affectation et dénoncé le caractère inatteignable de ses objectifs, et ce depuis l'évaluation du 5 février 2013, sans que la société Canon ne justifie d'aucune réponse aux observations du salarié à ce sujet.
Ainsi à l'issue de son évaluation au titre de l'exercice 2012 qui faisait le constat d'une année honorable avec 75% d'atteinte de l'objectif, M. [D] faisait observer qu'après une année de suivi client et de prospection sur la Savoie, son expérience lui faisait dire que le potentiel n'est pas au rendez-vous afin de pouvoir atteindre les objectifs
Au titre de l'année 2014, il faisait là encore observer:'le potentiel des entreprises privées, deal supérieur à 100KE, n'est pas suffisant selon moi sur le département de la Savoie. Ainsi mon activité est très tournée vers le BAU et ne me permets pas d'atteindre mes objectifs, que je réalisais auparavant sur les autres secteurs confiés.' Il ajoutait que le plus gros client de son secteur,' Léon Grosse' ne lui était pas affecté.
Cette remise en cause du secteur géographique et de son potentiel par le salarié aurait mérité davantage d'attention de la part de la société Canon dés lors que dans le même temps, les évaluations n'identifiaient aucun manquement caractérise du salarié, mais au contraire des points forts. En effet, au titre de l'année 2012, l'employeur indiquait :' [Z] fait une année honorable en 2012 à 75% de son objectif annuel CA PO, étant donné sa prise de fonction en janvier de cette année sur le district des Alpes. C'est un collaborateur impliqué mais doit intégrer rapidement le fonctionnement de son activité dans Salesforces.
Je lui donne en début d'année un secteur en gérance, preuve de ma considération envers son professionnalisme.
[Z] doit être un pilier du district puisque je sais compter sur sa totale implication. Son enthousiasme est apprécié par son encadrement direct et par ses collègues de travail. Que 2013 soit le signe de la réussite!'
Au titre de l'année 2014, l'employeur soulignait les connaissances de M. [D] dans les process de l'entreprise et un bon suivi de ses clients. S'il lui était reproché de ne pas avoir su créer une dynamique en ayant une activité accrue et régulière, d'avoir une activité faible en termes de prospects et pas assez de création de nouvelles opportunités, le constat ne portait que sur les résultats sans remise en cause des méthodes de travail.
Par ailleurs, la mise en place, du 24 mars 2015 au 24 juin 2015 d'un plan de management ou de retour à la performance ne saurait être perçu comme un soutien véritable de la hiérarchie du salarié dés lors qu'il n'a donné lieu ni à un audit de la situation, que ce soit sur la délimitation du secteur géographique ou sur les méthodes de travail de M. [D], pas plus qu'à un bilan à son terme, de sorte que lorsque ledit plan indique au salarié :
' (...) Il faut que tu t'imposes hebdomadairement des sessions de phoning et que tu augmentes le nombre de RDV pour générer plus de new businees', la société Canon s'appuie sur un postulat d'insuffisance de travail qu'elle ne démontre pas faute de toute évaluation objective du temps de 'phoning' ou du nombre de rendez-vous clients exigé.
Enfin, dans un tel contexte, l'évaluation particulièrement lapidaire au titre de l'exercice 2015 est pour le moins surprenante, étant donné le plan de management sus-visé qui aurait mérité quelques développements, de même que la note attribuée, soit la plus faible (1), qui correspond aux collaborateurs qui ont produit des résultats insuffisants et n'ont pas démontré plusieurs des compétences requises. En effet, cette évaluation est dépourvue de toute appréciation littérale de nature à exposer contradictoirement les insuffisances du salarié.
Ces éléments pris dans leur ensemble caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail dés lors d'une part, qu'aucune des observations régulières du salarié sur son périmètre géographique, ni son ancienneté dans l'entreprise, n'ont été prises en compte par l'employeur, d'autre part que, nonobstant deux plans de retour à la performance ou plan de management mis en place, le premier en 2015 et le second en 2016, de bilans d'activité hebdomadaires de mars à novembre 2016, et des félicitations adressées au salarié pour avoir dépassé l'objectif en juillet 2016, aucune action concrète n'a été mise en place pour améliorer effectivement la performance, le dernier plan de management se résumant à prévoir, au titre des 'moyens spéciaux mis en place afin de réaliser les objectifs', des 1/2 journées de rendez-vous accompagnés du RRV.
En revanche, l'absence de visite médicale de reprise après l'accident du travail dont M. [D] a été victime le 31 août 2016, ne relève pas, en l'absence de circonstances particulières de nature à révéler la volonté de l'employeur de se soustraire à son obligation, d'une exécution déloyale.
Au vu de ces éléments, la société Canon sera condamnée à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice causé à ce dernier par l'exécution déloyale du contrat de travail.
Il résulte des développements qui précèdent que la société Canon ne justifie pas que les objectifs fixés à M. [D] étaient réalisables en ce qu'ils avaient été fixés en fonction de critères raisonnables et vérifiables, ni qu'elle avait donné à son salarié les moyens d'atteindre ces résultats et que les mauvais résultats du salarié procéderaient de son insuffisance professionnelle, de sorte que la seule insuffisance de résultats n'est pas en l'espèce de nature à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 anciens du code du travail, M. [D] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [D] âgé de 49 ans lors de la rupture, de son ancienneté de plus de vingt-sept années, de ce qu'il justifie avoir retrouvé un emploi en qualité d'ingénieur technico-commercial à compter du 1er juin 2019 moyennant un salaire mensuel fixe de 2 000 euros outre une partie variable, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 55 000 euros.
Le jugement qui a débouté M. [D] de ses demandes d'indemnisation est infirmé en ce sens et les demandes sont rejetées pour le surplus.
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, dans la limite de trois mois d'indemnisation.
- Sur les demandes accessoires :
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société Canon.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
INFIRME le jugement déféré
STATUANT à nouveau et y ajoutant,
DIT que le licenciement notifié par la société Canon à M. [D] le 27 mars 2017 est sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNE la société Canon à payer à M. [D] les sommes suivantes :
* 55 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'exécution déloyale du contrat de travail
ORDONNE d'office à la société Canon le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [D] dans la limite de trois mois d'indemnisation
CONDAMNE la société Canon à payer à M. [D] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel
CONDAMNE la société Canon aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE