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27/01/2023 | FRANCE | N°19/05470

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 27 janvier 2023, 19/05470


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/05470 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQUA





Société [I] [G]

C/

[Y]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Juillet 2019

RG : F17/02197











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 27 JANVIER 2023







APPELANTE :



Société [I] [G]

[Adresse 8]

[Localité 1

0]



représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON,

et représentée par Me Pauline LARROQUE DARAN de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS substitu...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/05470 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQUA

Société [I] [G]

C/

[Y]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Juillet 2019

RG : F17/02197

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 27 JANVIER 2023

APPELANTE :

Société [I] [G]

[Adresse 8]

[Localité 10]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON,

et représentée par Me Pauline LARROQUE DARAN de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS substituée par Me Marine GUILLE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

[U] [Y]

née le 29 Novembre 1962 à [Localité 13]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 7]/FRANCE

représentée par Me Olivia LONGUET, avocat au barreau de LYON substitué par Me Edouard NEHMAN, avocat au barreau de LYON

PARTIE INTERVENANTEES :

SELARL FHB représentée par Me [A] [H] ès qualité d'administrateur judiciaire de la SAS [I] [G]

[Adresse 2]

[Localité 9]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

SCP THEVENOT PARTNERS représentée par Me [A] [N] ès qualité d'administrateur judiciaire de la SAS [I] [G]

[Adresse 4]

[Localité 11]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

SCP BTSG représentée par Me [M] [J] ès qualité de mandataire judiciaire de la SAS [I] [G]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON,

et représentée par Me Pauline LARROQUE DARAN de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS substituée par Me Marine GUILLE, avocat au barreau de PARIS

SELARL [X][F] représentée par Me [X] [F] ès qualité de mandataire judiciaire de la SAS [I] [G]

[Adresse 3]

[Localité 11]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON,

et représentée par Me Pauline LARROQUE DARAN de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS substituée par Me Marine GUILLE, avocat au barreau de PARIS

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 12]

PARTIE INTERVENANTE FORCEE

[Adresse 6]

[Localité 12]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Novembre 2022

Présidée par Régis DEVAUX, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, président

- Catherine CHANEZ, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La S.A.S. [I] [G] exerçait une activité d'organisation et vente de voyages et séjours. Elle appliquait la convention collective nationale de travail du personnel des agences de voyage et de tourisme du 12 mars 1993 (IDCC 1710). Mme [U] [Y] a été embauchée par la société Havas Voyages, à compter du 21 février 1987, en qualité d'employée de tourisme débutante, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. La société [I] [G] est venue ensuite aux droits de la société Havas Voyages. Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [Y] occupait un emploi de vendeuse expérimentée, niveau C1.

A compter du 5 janvier 2009, Mme [Y] travaillait dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique.

Par courrier du 6 décembre 2016, Mme [U] [Y] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 16 décembre 2016. Elle a été licenciée, par lettre recommandée avec accusé réception du 10 janvier 2017, pour insuffisance professionnelle.

Le 18 juillet 2017, Mme [U] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une contestation de ce licenciement,

Par jugement du 8 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit et jugé que le licenciement de Mme [U] [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SAS [I] [G] à verser à Mme [U] [Y] la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés par la SAS [I] [G] à Mme [U] [Y] ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de l'entier jugement ;

- ordonné d'office, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement par la S.A.S. [I] [G] aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par Mme [U] [Y] dans la limite de 3 mois ;

- condamné la S.A.S. [I] [G] à verser à Mme [U] [Y] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la S.A.S. [I] [G] aux dépens.

Le 26 juillet 2019, la société [I] [G] a interjeté appel de ce jugement, en chacune de ses dispositions, expressément visées dans la déclaration d'appel.

Par jugement du 1er octobre 2019, la société [I] [G] a été placée en redressement judiciaire. Par jugement du 28 novembre 2019, cette procédure collective a été convertie en liquidation judiciaire.

Par acte d'huissier signifié le 26 novembre 2019, Mme [Y] a fait assigner l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de [Localité 12], en intervention forcée.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses uniques conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2020, la société [I] [G], la SELARL [X] [F] et la SCP BTSG, agissant en qualité de mandataires liquidateurs de la société [I] [G], demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 8 juillet 2019, en toutes ses dispositions

- statuant à nouveau, dire et juger que le licenciement de Mme [U] [Y] était parfaitement justifié

- en conséquence, débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes à ce titre.

Les appelants [G] soutiennent que le licenciement de Mme [U] [Y] était parfaitement motivé au regard de son insuffisance professionnelle, qui était établie par le fait qu'à compter de 2013, elle n'a que rarement atteint les objectifs qui lui étaient régulièrement fixés, en dépit de l'accompagnement personnalisé dont elle a bénéficié.

Dans leurs uniques conclusions, notifiées le 26 février 2020, l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France Ouest, intervenant volontaire, et l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de [Localité 12], intervenant forcée, demandent à la Cour de :

- dire et jugée recevable l'intervention volontaire de l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France Ouest

- mettre hors de cause l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de [Localité 12]

- débouter Mme [Y] de son appel incident

Subsidiairement

- s'il n'était pas fait droit à l'appel de la société [I] [G] représentée par ses mandataires judiciaires ès qualités, confirmer le jugement entrepris

En tout état de cause,

- dire et juger que l'article 700 du code de procédure civile n'est pas garanti par l'AGS

- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21, L. 3253-15 et L. 3253-17 du code du travail

- dire et juger l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement

- les mettre hors dépens.

Ces parties intervenantes s'en rapportent, au principal, aux explications de fait et droit développées par les appelants, tout en soulignant que l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de [Localité 12] est incompétente territorialement.

Dans ses uniques conclusions notifiées le 27 juin 2020, Mme [U] [Y], intimée, demande pour sa part à la Cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 8 juillet 2019 en ce qu'il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse

- fixer au passif de la société [I] [G] les condamnations suivantes :

- 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dire et juger que l'AGS-CGEA de [Localité 12] devra sa garantie pour l'ensemble des condamnations.

Mme [Y] fait valoir que l'appréciation de ses qualités professionnelles ne peut pas se faire uniquement au regard de ses performances par rapport aux objectifs fixés par son employeur, d'autant plus que celles-ci n'étaient pas aussi négatives que ce qui était mentionné dans la lettre de licenciement et que son employeur n'a pas pris en compte les circonstances qui ont entouré, le cas échéant, la réalisation de contre-performances.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 11 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien-fondé du licenciement

En application de l'article L1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes de l'article L. 1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire. L'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.

Plus particulièrement, l'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective, non fautive et durable, d'un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c'est-à-dire conformément à ce qu'on est fondé à attendre d'un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d'emploi et dans la même situation.

L'insuffisance professionnelle, pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Si la preuve est partagée en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, il incombe à l'employeur d'apporter au juge des éléments objectifs à l'appui des faits qu'il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

En l'espèce, il y a lieu de rappeler le texte de la lettre de licenciement de Mme [Y], datée du 10 janvier 2017 :

« (') Nous vous informons que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

Pour rappel, vous occupez au dernier état l'emploi de « Vendeur expérimenté » au sein de notre point de vente [I] [G] de [Adresse 15]. Dans le cadre de vos fonctions, vous êtes entre autre en charge d'assurer le conseil et la vente aux clients des services et produits que nous proposons. Vous avez à ce titre des objectifs commerciaux qui vous sont fixés et êtes sous la responsabilité de votre responsable d'agence.

Vos résultats sur l'exercice 2014-2015 ont été non seulement inférieurs à nos attentes mais ont été aussi bien inférieurs aux résultats des autres vendeurs de notre agence.

En effet, à la fin de notre dernier exercice fiscal, soit du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, votre résultat de « marge normalisée » était de 45 344 € (en équivalent temps complet), avec une atteinte de 60,8 % de votre objectif.

Du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2015, vous avez généré un volume de « marge normalisée » de 2 140 € (en équivalent temps complet), alors que votre objectif s'élevait à 16 636 € (en équivalent temps complet), soit une atteinte de seulement 12,86 % de votre objectif.

Sur cette même période, Mme [C] [T] avait réalisé 11 042 € de « marge normalisée » (avec 66,37 % d'atteinte de son objectif), Mme [V] [K] avait réalisé 18 961 € de « marge normalisée » (avec 113,98 % d'atteinte de son objectif), Mme [R] [D] avait réalisé 17 556 € de « marge normalisée » (en équivalent temps complet)(avec 105,53 % d'atteinte de son objectif), Mme [P] [B] avait réalisé 22 456 € de « marge normalisée » (en équivalent temps complet) (avec 134,98 % d'atteinte de son objectif).

Au regard de ce constat, vous avez eu un entretien avec votre responsable d'agence, Mme [O] [S], et votre chef de vente, M. [L] [E], le 11 février 2016 pour mettre en place un plan d'accompagnement afin d'améliorer vos résultats.

Au-delà des actions commerciales et des moyens mis à votre disposition pour accroître vos résultats, l'accompagnement, mis en place pour la période de 7 mois soit de mars à septembre 2016, était le suivant :

1) Afin d'améliorer vos techniques de vente, votre responsable d'agence vous a coaché sur les techniques de vente et la trame de vente « Adeptes » [I] [G] et notamment sur les phases de l'accueil, de l'engagement, de la découverte et de la satisfaction. Vous avez également travaillé sur les ventes d' « ancillaries » et les techniques du « phoning ». Ces coachings ont eu lieu tout au long de votre accompagnement.

2) Afin d'améliorer votre performance sur les outils de réservation, vous avez effectué la formation « Nurvis débutant » le 8 mars 2016 et « Nurvis perfectionnement » le 11 mars 2016. Vous avez souhaité annuler la formation sur notre logiciel « Club Med »qui devait avoir lieu le 23 mai 2016.

3) Afin d'améliorer vos connaissances des produits, il a été mis en place des formations dispensées par nos partenaires, ce qui fut notamment le cas de la formation « Royal Carribean Cruise Line » en date du 15 avril 2016, et des formations que vous avez eues au cours du « Forum vendeur » à [Localité 14] en date du 8 avril 2016. Il vous a été demandé de suivre les formations « webex » organisées par notre service formation sur les lignes de produits et destinations proposés par « Jet tours ».

4) Vous avez également été inscrite à la formation « Réussir les transformations » les 25 et 26 mai 2016, afin de vous permettre de mieux appréhender votre environnement de travail. Néanmoins, vous nous avez demandé d'annuler cette formation.

5) Dans le cadre d'un échange des bonnes pratiques, vous êtes allée sur l'agence de voyage de [Localité 16] le 22 mars 2016 afin de vous inspirer des bonnes pratiques commerciales.

6) Vous avez défini avec votre responsable d'agence une campagne d'appels sortants, afin de faire part à nos clients des offres de « dernière minute » proposées par nos partenaires.

Néanmoins, malgré toutes ces mesures d'accompagnement et toutes les actions mises en place afin de vous permettre de réaliser vos objectifs, vous n'avez pas crû devoir tenir compte des recommandations de votre responsable d'agence et de votre chef des ventes. Vos objectifs de « marge normalisée » des mois de mars 2016 à septembre 2016 n'ont pas été atteints mais pire, ils se sont encore dégradés sur cette période par rapport à l'année dernière :

- votre objectif de « marge normalisée » du mois de mars 2016 s'élevait à 7 078 € (en équivalent temps complet). Vous avez réalisé une « marge normalisée » de 7 694 € (en équivalent temps complet), soit 108,7% de l'objectif.

- votre objectif de « marge normalisée » du mois d'avril 2016 s'élevait à 7 774 € (en équivalent temps complet). Vous avez réalisé une « marge normalisée » de 2 486 € (en équivalent temps complet), soit 31,98% de l'objectif.

- votre objectif de « marge normalisée » du mois de mai 2016 s'élevait à 4 868 € (en équivalent temps complet). Vous avez réalisé une « marge normalisée » de 1 626 € (en équivalent temps complet), soit 33,40% de l'objectif.

- votre objectif de « marge normalisée » du mois de juin 2016 s'élevait à 4 818 € (en équivalent temps complet). Vous avez réalisé une « marge normalisée » de 1 430 € (en équivalent temps complet), soit 29,68% de l'objectif (sachant que vous étiez en congé une grande partie de ce mois).

- votre objectif de « marge normalisée » du mois de juillet 2016 s'élevait à 5 619 € (en équivalent temps complet). Vous avez réalisé une « marge normalisée » de 988 € (en équivalent temps complet), soit 17,58% de l'objectif.

- votre objectif de « marge normalisée » du mois d'août 2016 s'élevait à 4 277 € (en équivalent temps complet). Vous avez réalisé une « marge normalisée » de 2 162 € (en équivalent temps complet), soit 50,55% de l'objectif.

- votre objectif de « marge normalisée » du mois de septembre 2016 s'élevait à 5 206 € (en équivalent temps complet). Vous avez réalisé une « marge normalisée » de 398 € (en équivalent temps complet), soit 7,65% de l'objectif.

Sur la période de mars à septembre 2016, votre objectif de « marge normalisée » n'a pas été atteint et se retrouve être en deçà de nos attentes. En effet, au global, votre objectif réaliste et atteignable s'élevait à 39 639 € (en équivalent temps complet). Vous n'avez réalisé que 16 784 € de « marge normalisée » (en équivalent temps complet) sur la période, soit une atteinte de l'objectif de 42,34%.

Pour rappel, sur l'exercice fiscal précédent et sur la même période, vous aviez réalisé un résultat de « marge normalisée » de 21 658 € (en équivalent temps complet), soit une vaisse supplémentaire de vos résultats d'environ 22,5% entre les 2 années et sur les mêmes périodes.

Votre contre-performance s'est également poursuivie sur les mois d'octobre à novembre 2016, avec une atteinte de seulement 22,11 % de vos objectifs, soit un résultat individuel de « marge normalisée » de 3 086 € (en équivalent temps complet) pour un objectif de 13 959 € (en équivalent temps complet).

En conséquence, sur l'exercice précédent et sur la période de mars à novembre 2016, vous n'avez pas pu remplir les objectifs fixés par l'entreprise, en dépit d'un accompagnement renforcé de la part de votre responsable d'agence.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous sommes malheureusement contraints de constater votre insuffisance professionnelle à votre emploi de vendeur. Vos résultats demeurent insuffisants et vos carences rendent impossible votre maintien dans l'entreprise. (') »

Il en résulte que l'employeur justifiait le licenciement de Mme [Y], au regard de résultats insuffisants, en termes des « marges normalisés », appréciés sur l'exercice 2014/2015, puis sur l'exercice 2015/2016, malgré des actions d'accompagnement de la salariée, mises en place entre mars à septembre 2016, plutôt qu'en raison de son insuffisance professionnelle entendue au sens propre. Le reproche fondé sur une absence de résultats au regard des objectifs suppose que des objectifs aient été fixés, qu'ils soient réalistes et que l'absence de résultats résulte de la faute ou de l'insuffisance professionnelle du salarié 

La lettre de licenciement n'évoque pas le fait, mentionné dans les conclusions des appelants, que l'employeur avait constaté, dès l'année 2013, que Mme [Y] n'était pas parvenue à atteindre ses objectifs ; ce fait n'entre donc pas dans les termes du litige soumis à l'appréciation de la Cour.

Le 12 novembre 2014, Mme [W], chef des ventes Grand Est, s'est entretenue avec Mme [Y] et, par mail du même jour, lui a fixé des objectifs chiffrés, selon elle réalisables et cohérents, pour les mois de novembre 2014, décembre 2014 et janvier 2015, et lui rappelait les moyens mis à sa disposition pour atteindre ces objectifs (pièce n° 6 des appelants).

Par mail du 13 avril 2015, Mme [W] actait que Mme [Y] avait dépassé les objectifs fixés, atteignant le taux de 117 % en novembre 2014 et de 140 % en décembre 2014. En revanche, celle-ci ne l'avait pas atteint en janvier 2015 (taux de 34 %). Mme [W] annonçait la mise en 'uvre de deux actions d'accompagnement et fixait les objectifs chiffrés, pour les mois de avril 2015, mai 2015 et juin 2015 (pièce n° 7 des appelants).

Les appelants rapportent la preuve que Mme [Y] a accusé une contre-performance en avril 2015 mais qu'elle a atteint pleinement son objectif en mai 2015 (pièce n° 23 des appelants). Ils ne disent rien pour le mois de juin 2015.

Par la suite, le 1er mars 2016, l'employeur s'est montré inquiet des résultats de Mme [Y] pour les mois d'octobre 2015, novembre 2015 et décembre 2015, puisque elle a réalisé sur ce trimestre 12,8 % de son objectif, alors que ses collègues d'agence ont tous largement dépassé ses résultats (pièce n° 8 des appelants), chiffre au demeurant repris dans la lettre de licenciement.

Les appelants ne disent rien des résultats de Mme [Y] entre juin et septembre 2015, pas plus que pour les mois de janvier et février 2016.

Par mails des 1er mars 2016 et 16 juillet 2016, Mme [S], responsable d'agence, fixait à Mme [Y] ses objectifs à atteindre pour les mois de mars 2016, avril 2016, mai 2016, juillet 2016, août 2016 et septembre 2016 (pièces n° 8 et 10 des appelants).

Ainsi que la lettre de licenciement le précise, Mme [Y] a réalisé 108 % de son objectif en mars 2016, puis n'a plus jamais atteint son objectif mensuel, d'avril 2016 à novembre 2016. Toutefois, l'employeur ne fournit aucune indication quant à la manière dont, chaque mois, l'objectif était déterminé, ce qui ne permet pas à la Cour d'apprécier si les résultats étaient raisonnables et réalisables au regard de l'état du marché, ainsi que des horaires de travail de Mme [Y] : celle-ci rappelle qu'elle travaillait à mi-temps, en l'occurrence chaque jour de la semaine, 10 h 30 à 14 h 00 ; que, de mars à septembre 2016, elle a été absente chaque mois plusieurs jours, alternativement pour cause de formation, de détachement, de congés payés ou d'arrêt-maladie (en mai 2016). Mme [Y] ajoute que, depuis plusieurs mois, l'agence où elle travaillait connaissait une baisse de son chiffre d'affaires de l'ordre de 70 %

En outre, la Cour relève des incohérences concernant les objectifs de marge normalisée fixés à Mme [Y], au fil des documents produits par l'employeur, pour les mois suivants :

- mai 2016 : Mme [S] indiquait à Mme [Y] qu'il était de 4 636 € (base temps plein) (selon mail du 4 mai 2016, pièce n° 9 des appelants), avant de lui reprocher de n'avoir réaliser que 33 % de cet objectif, alors fixé à 4 868 € (base temps plein) (selon mail du 16 juillet 2016, pièce n° 10 des appelants) ;

- juillet 2016, Mme [S] indiquait à Mme [Y] qu'il était de 5 351 € (équivalent base temps plein) (selon mail du 16 juillet 2016, pièce n° 10 des appelants), tandis que la lettre de licenciement mentionne un objectif fixé à 5 619 € (équivalent temps complet) ;

- août 2016, Mme [S] indiquait à Mme [Y] qu'il était de 4 073 € (équivalent base temps plein) (selon mail du 16 juillet 2016, pièce n° 10 des appelants), tandis que la lettre de licenciement mentionne un objectif fixé à 4 277 € (équivalent temps complet) ;

- septembre 2016, Mme [S] indiquait à Mme [Y] qu'il était de 4 958 € (équivalent base temps plein) (selon mail du 16 juillet 2016, pièce n° 10 des appelants), tandis que la lettre de licenciement mentionne un objectif fixé à 5 206 € (équivalent temps complet) ;

L'employeur ne démontre pas quels objectifs chiffrés ont été fixés et portés en temps utile à la connaissance de Mme [Y] pour les mois de février et mars 2015, de juillet à décembre 2015, de janvier et février 2016, de juin 2016. Sur ce point, il est versé aux débats deux mails datés du 30 septembre 2015 et 3 octobre 2016, dont l'auteur était le responsable du contrôle de gestion, concernant l'intégration des objectifs dans le logiciel ADV (pièce n° 19 et 20 des appelants). Mme [Y] n'apparaît pas comme destinataire de ces mails et l'employeur n'établit pas si Mme [Y] avait accès à ce logiciel, ni, si tel était le cas, dans quelles conditions. Le seul mail rédigé le 22 février 2016 par une conseillère voyages d'une agence de [Localité 13], qui fait apparaître que celle-ci avait connaissance de son objectif de marge individuelle (pièce n° 21 des appelants), ne permet pas de déduire que Mme [Y] avait, pour la période considérée, connaissance de ses objectifs individuels personnels.

En conséquence, il est établi que Mme [Y] n'a pas atteint l'objectif qui lui avait été préalablement fixé par l'employeur, en termes de « marges normalisées », pour les mois de janvier 2015, avril 2016, mai 2016, juillet 2016, août 2016 et septembre 2016, sans que la Cour puisse déterminer si ces objectifs étaient réalisables, alors que Mme [Y] a par ailleurs atteint, voire dépassé, ses objectifs en novembre et décembre 2014, en mai 2015 et en mars 2016.

Le compte-rendu d'entretien d'évaluation 2015/2016, validé le 23 décembre 2016, note que si Mme [Y] est en-dessous de ses objectifs (baisse de 30 % du chiffre d'affaire) , cela peut s'expliquer par le fait qu'elle manque totalement de confiance en elle, qu'elle a un problème de concentration. En outre, son temps partiel dû à une invalidité ne favorise pas la concrétisation de ses projets. L'évaluateur relève le souci de Mme [Y] de bien faire, sa volonté de ne pas reculer devant le travail et également sa disponibilité (pièce n° 24 de l'intimée).

Pour l'ensemble de ces motifs, la cause du licenciement de Mme [Y], à savoir une insuffisance de résultats, n'apparaît pas réelle et sérieuse, au regard des termes de la lettre de licenciement. L'analyse des premiers juges sur ce point mérite d'être confirmé.

Mme [Y] a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [Y] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de son licenciement et celle-ci employant habituellement au moins onze salariés, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, soit en l'espèce 4 586 euros.

En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (54 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture (presque 30 ans), des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation (elle n'a pas retrouvé d'emploi à ce jour et n'est plus indemnisée par Pôle emploi, étant bénéficiaire d'une pension d'invalidité), il y a lieu de confirmer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixé à 18 000 euros par les premiers juges.

Sur la mise hors de cause de l'UNEDIC, délégation de [Localité 12]

L'UNEDIC, délégation de [Localité 12], intervenant forcé, sera mise hors de cause, à raison de son incompétence territoriale, qui n'est pas contestée.

Sur les dépens

La SELARL [X] [F] et la SCP BTSG, agissant en qualité de mandataires liquidateurs de la société [I] [G], parties perdantes, seront condamnées aux dépens, en application du principe énoncé par l'article 696 du code de procédure civile.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Pour un motif d'équité, la SELARL [X] [F] et la SCP BTSG, agissant en qualité de mandataires liquidateurs de la société [I] [G] seront condamnées à payer à Mme [Y] 3 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de Lyon du 8 juillet 2019, en toutes ses dispositions déférées, sauf à dire que :

- le montant de 18 000 euros alloué Mme [U] [Y] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse constitue une créance à inscrire au passif de la liquidation de la société [I] [G] ;

- le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par Mme [U] [Y], dans la limite de 3 mois, constitue une créance à inscrire au passif de la liquidation de la société [I] [G] ;

- le montant de 1 200 euros alloué à Mme [U] [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est mis à la charge de la SELARL [X] [F] et la SCP BTSG ;

Ajoutant,

Met hors de cause l'UNEDIC, délégation de [Localité 12], intervenante forcée ;

Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France Ouest, dans les limites de sa garantie légale telle que fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D. 3253-5 du même code ;

Dit que l'obligation de l'UNEDIC, délégation A.G.S.-C.G.E.A. d'Ile-de-France Ouest, de faire l'avance des sommes garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire et justification de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;

Condamne la SELARL [X] [F] et la SCP BTSG, agissant en qualité de mandataires liquidateurs de la société [I] [G] aux dépens de l'instance d'appel ;

Condamne la SELARL [X] [F] et la SCP BTSG, agissant en qualité de mandataires liquidateurs de la société [I] [G] seront condamnés à payer à Mme [U] [Y] 3 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/05470
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;19.05470 ?
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