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27/01/2023 | FRANCE | N°19/05568

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 27 janvier 2023, 19/05568


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/05568 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQ36





[M]

C/

Société HOTEL DE L'UNIVERSITE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 09 Juillet 2019

RG : F 14/03640











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 27 JANVIER 2023





APPELANTE :



[W] [M]

née le 05 Août 1967 à [Loca

lité 3] (Algérie)

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Laurent GINTZ de la SCP SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE D'AVOCATS BLANCHARD - GINTZ - ROCHELET, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



Société HOTEL DE L'UNIVERSITE

[Adresse 1]

[Loca...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/05568 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQ36

[M]

C/

Société HOTEL DE L'UNIVERSITE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 09 Juillet 2019

RG : F 14/03640

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 27 JANVIER 2023

APPELANTE :

[W] [M]

née le 05 Août 1967 à [Localité 3] (Algérie)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent GINTZ de la SCP SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE D'AVOCATS BLANCHARD - GINTZ - ROCHELET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société HOTEL DE L'UNIVERSITE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON

et représentée par Me Olivier MARTIN de la SELARL MARTIN & ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Novembre 2022

Présidée par Régis DEVAUX, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, président

- Catherine CHANEZ, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La S.A.S. Hôtel de l'université exploite un établissement hôtelier à [Localité 4]. Elle applique la convention collective des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997, dite HCR (IDCC 1979). Elle a embauché Mme [W] [M] en qualité de femme de chambre, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à compter du 1er avril 2010, puis à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2010.

Par lettre recommandée du 31 août 2013, Mme [M] a indiqué à son employeur qu'elle entendait prendre des congés sans solde jusqu'au 29 septembre 2013, pour des raisons familiales. Par courrier du 2 septembre 2013, la société Hôtel de l'université a refusé de donner suite à cette demande. Mme [M] ne s'est dès lors plus présentée sur son lieu de travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 octobre 2013, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 6 novembre 2013. Mme [M] ne s'est pas présentée à cet entretien. Par lettre recommandée avec accusé réception du 12 novembre 2013, elle a été licencié pour faute grave, au motif de son absence non-justifiée depuis le 2 septembre 2013.

Le 17 septembre 2014, Mme [W] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une contestation de ce licenciement.

Par jugement du 9 juillet 2019, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit que le licenciement de Mme [W] [M] est fondé sur une faute grave ;

- débouté Mme [W] [M] de l'ensemble de ses demandes ;

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

- dit qu'il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [W] [M] aux dépens de l'instance.

Mme [W] [M] a interjeté appel de ce jugement, par déclaration formulée par voie électronique le 31 juillet 2019 ; toutes les dispositions de la décision étaient expressément critiquées dans l'acte d'appel.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses uniques conclusions notifiées le 31 octobre 2019, Mme [W] [M] demande à la Cour de :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 9 juillet 2019, en toutes ses branches

Statuant à nouveau,

En conséquence, à titre principal

- requalifier le contrat de travail à temps partiel de Mme [M] en contrat de travail à temps plein ;

- condamner la SAS Hôtel de l'université à lui payer les sommes suivantes :

- 5 000 euros à titre d'indemnité de requalification

- 9 283,43 euros à titre de rappel de salaire, ainsi que 928,35 euros au titre des congés payés afférents

A titre subsidiaire,

- condamner la SAS Hôtel de l'université à lui payer la somme de 22,28 € à titre de rappel de salaire, ainsi que 2,23 € au titre des congés payés afférents

En tout état de cause,

- dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- condamner la SAS Hôtel de l'université à lui verser les sommes suivantes :

- 5 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

- 1 010,73 € au titre de l'indemnité de licenciement

- 2 887,80 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 288,78 euros au titre des congés payés afférents au préavis

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- ordonner la remise des bulletins de salaire rectifiés par la SAS Hôtel de l'université, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt, ladite astreinte étant liquidée par la Cour

- dire et juger que les sommes allouées à caractère de salaire porteront intérêts légaux à compter de l'introduction de l'instance

- ordonner la capitalisation des intérêts légaux à compter de l'introduction de l'action, par application de l'article 1343-2 du code civil

- condamner la SAS Hôtel de l'université au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [M] fait valoir que son contrat de travail ne mentionne pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, ni entre les semaines du mois, et qu'en outre, son employeur rééditait plusieurs fois par mois le planning, en modifiant du jour au lendemain ses horaires de travail. Elle soutient subsidiairement qu'au mois de juin 2013, elle a travaillé 2,34 heures, qui n'ont pas été rémunérées. Elle prétend que son employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail, en ne positionnant pas correctement son emploi au sein de la classification conventionnelle, en ne payant pas intégralement ses heures complémentaires en juin 2013, en modifiant ses plannings de travail du jour au lendemain, en lui communiquant les départs en congés payés du jour au lendemain, sans tenir compte de son avis, en ne lui payant pas l'intégralité de ses congés payés non pris.

Dans ses uniques conclusions notifiées le 23 janvier 2020, la S.A.S. Hôtel de l'université, intimée, demande pour sa part à la Cour de :

-confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 9 juillet 2019

En conséquence,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave de Mme [W] [M] est parfaitement régulier et justifié

- débouter Mme [W] [M] de l'intégralité de ses demandes

- condamner Mme [W] [M] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Hôtel de l'université fait observer que le contrat de travail de Mme [M] prévoyait la répartition de la durée du travail entre les semaines du mois. Elle soutient que la salariée ne démontre pas que ses horaires de travail étaient incessamment modifiés du jour au lendemain. Elle prétend que Mme [M] ne démontre pas avoir accompli en juin 2013 2,34 heures de travail complémentaires, sans être rémunérée, pas plus que la réalité des griefs qu'elle invoque pour affirmer qu'elle-même a exécuté de manière déloyale le contrat de travail. En dernier lieu, elle affirme que l'absence prolongée et injustifiée de Mme [M] justifie son licenciement pour faute grave.

La clôturé de la procédure a été ordonnée le 11 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification du contrat de travail

L'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de travail de Mme [M], énonce que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit, qui mentionne notamment la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ; les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.

Le contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel, conclu le 7 avril 2010, mentionne que la durée de travail de Mme [M] « comprendra 86,66 heures de travail par mois, temps de repas exclu » et que « cet horaire sera réparti à raison de 20 heures par semaine ».

Dès lors, le contrat de travail de Mme [M] était conforme aux prescriptions de l'article L. 3123-14 du code du travail qui n'exige pas, lorsque le contrat prévoit un durée de travail mensuelle, que soit précisée la répartition de la durée du travail entre entre les jours de la semaine (selon l'interprétation de cette disposition légale retenue par la Cour de cassation : Cass. Soc, 25 novembre 2015 ' pourvoi n° 13-26.417). Il n'y a donc pas lieu de présumer qu'il s'agissait d'un contrat de travail à temps complet.

En outre, Mme [M], au-delà de ses allégations, ne démontre pas que ses plannings de travail étaient systématiquement modifiés, de telle manière qu'elle ne pouvait pas prévoir son rythme de travail  : en effet, si elle verse aux débats deux versions de son planning de travail pour les mois de mai 2013 et juillet 2013 (pièces n° 35 et 36 de l'appelante), ainsi que les plannings des mois de janvier 2012, février 2012, juillet 2012 et mars 2013 portant des ratures, (pièce n° 37 de l'appelante), il n'est pas établi pour autant à quelle date les modifications sont intervenues ou les ratures ont été portées sur les plannings en question. Ainsi, Mme [M] ne rapporte pas la preuve que son employeur modifiait systématiquement et de manière impromptue ses plannings de travail, ce qui lui aurait imposé de rester en permanence à disposition de ce dernier.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [M] aux fins d'obtenir une indemnité de requalification et un rappel de salaire, ainsi que les congés payés afférents, réclamés au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

Sur la demande subsidiaire de rappel de salaire au titre des heures complémentaires

Mme [M] fait valoir que les feuilles de travail journalières la concernant (pièces n° 37 de l'appelante) font apparaître qu'au cours du juin 2013, elle a effectué 2,34 heures de travail complémentaires qui ne lui ont pas été payées.

A la lecture de ses feuilles de travail, portant le visa de la direction de l'entreprise, il apparaît que Mme [M] a travaillé au total 89 heures entre le 1er et le 30 juin 2013. Son bulletin de paie pour le mois de juin 2013 mentionne qu'elle a travaillé 86,66 heures.

Dès lors, il convient de faire droit à la demande de Mme [M] en rappel de salaire à ce titre. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point, la société Hôtel de l'université sera condamnée à lui payer : 2,34 heures x 9,52 euros = 22,38 euros, outre 2,23 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [M] prétend que son employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail, en ne positionnant pas correctement son emploi au sein de la classification conventionnelle, en ne payant pas intégralement ses heures complémentaires en juin 2013, en modifiant ses plannings de travail du jour au lendemain, en lui communiquant les départs en congés payés du jour au lendemain, sans tenir compte de son avis, en ne lui payant pas l'intégralité de ses congés payés non pris.

La société Hôtel de l'université admet qu'elle a omis de passer Mme [M] de l'échelon 1 à l'échelon 2 lorsque son ancienneté a atteint trois ans mais que cette omission a été réparée à l'occasion du versement d'un rappel de salaire en mars 2014. Il est effectivement établi, par la production du bulletin de paie de mars 2014 (pièce n° 34 de l'appelante) que Mme [M] a alors reçu 7,80 euros, à titre de rappel de salaire pour la période allant de juin à août 2013. Cette erreur, ainsi réparée, ne caractérise pas la mauvaise foi de l'employeur. Le non-paiement de 2,34 heures de travail en juin 2013 ne démontre pas non plus la mauvaise foi de l'employeur.

Mme [M] n'a pas rapporté la preuve que son employeur modifiait ses plannings de travail de manière très fréquente et sans respect du délai de prévenance. Elle ne produit aucune pièce de nature à établir que son employeur lui communiquait les départs en congés payés du jour au lendemain, sans tenir compte de son avis. Il est établi, par la production du bulletin de paie de mars 2014 (pièce n° 34 de l'appelante) que Mme [M] a alors reçu 76,93 euros, à titre d'indemnité pour deux jours de congés payés non pris au cours de l'année 2013. Cette erreur, ainsi réparée, ne caractérise pas la mauvaise foi de l'employeur. Les attestations versées aux débats par Mme [M] (pièces n° 39 à 42 de l'appelante), qui pour l'essentiel mentionnent que cette dernière procédait régulièrement au nettoyage de quinze chambres, au lieu de douze, ne viennent nullement corroborer l'état de fait dénoncé par l'appelante dans ses conclusions.

En définitive, le rejet de la demande de Mme [M] en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail mérite d'être confirmé.

Sur le bien-fondé du licenciement

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes de l'article L. 1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire. L'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.

Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

En outre, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, la lettre de licenciement, datée du 12 novembre 2013, mentionne :

« (') Vous êtes absente de votre poste de travail depuis le 2 septembre 2013.

Le 2 septembre 2013, nous avons refusé votre demande de congés sans solde reçu par fax le 1er septembre à 18 h 00 et nous vous avons demandé de reprendre votre poste sans délai.

Le 9 septembre 2013, nous avons fait suite à votre courrier du 4 septembre vous confirmant notre décision de ne pas vous accorder des congés sans solde, et nous vous avons demandé de reprendre votre poste dès réception du courrier.

Le 16 septembre 2013, nous vous avons mis en demeure de nous fournir un justificatif expliquant votre absence.

Le 18 septembre 2013, nous avons répondu à votre courrier du 16 septembre 2013 nous avons à nouveau confirmé notre position concernant votre demande de congés sans solde et nous vous avons demandé de reprendre votre poste dès réception du courrier.

Le 25 septembre 2013, nous avons répondu à votre courrier du 22 septembre n vous expliquant que votre demande portait sur un congé de solidarité familiale mais que pour bénéficier de ce congé vous deviez respecter certaines conditions et un certain formalisme et nous vous avons demandé de régulariser votre demande.

Depuis ces courriers tous nos autres courriers avec AR sont restés lettre morte :

Le 2 octobre 2013, nous vous avons mis en demeure de justifier votre absence.

Le 9 octobre 2013, nous vous avons réitérés notre mise en demeure de justifier votre absence.

Le 16 octobre 2013,nous vous avons une nouvelle fois mis en demeure de justifier votre absence et de reprendre avec instance votre travail.

Vous avez réceptionné ces courriers respectivement les 9/10/13 et 17/10/13 et 17/10/13.

C'est dans ces conditions que sans aucune nouvelle de votre part, nous vous avons convoqué à un entretien préalable.

Votre absence depuis le 2 septembre 2013, constitutive à l'évidence d'un abandon de poste, a nécessairement perturbé l'organisation du service étages et altéré par voie de conséquence la qualité des services que nous nous devons de proposer à notre clientèle. Par ailleurs, votre absence a occasionné un surcroît de travail pour le restant de l'équipe ce que nous ne pouvons à l'évidence admettre.

Nous considérons que votre comportement, constitutif d'une violation flagrante de vos obligations contractuelles, s'analyse en une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans notre établissement. (...) »

La société Hôtel de l'université verse aux débats tous les courriers énumérés dans la lettre de licenciement (pièces n° 4 à 14 de l'intimée).

Mme [M] ne conteste pas la chronologie des échanges écrits intervenus entre son employeur et elle, telle qu'elle est retracée dans la lettre de licenciement. Elle fait uniquement valoir que celui-ci ne pouvait pas s'opposer à l'octroi d'un congé de solidarité familiale ou de soutien familial, qui est de droit, alors qu'à l'époque, sa mère souffrait d'une grave pathologie mettant en jeu son pronostic vital ou a minima elle subissait une perte d'autonomie d'une particulière gravité.

Toutefois, d'une part, Mme [M], bien que ne se rendant plus sur son lieu de travail depuis le 2 septembre 2013, n'a formulé que le 16 septembre 2013 une demande de congé de solidarité familiale ou de soutien familial.

D'autre part, si Mme [W] [M] produit un certificat médical daté du 10 septembre 2013, qui mentionne que Mme [S] [M] « est porteuse de plusieurs pathologie cardio-vasculaires, d'un diabète insulino-dépendant, d'une claudication des membres inférieurs d'origine diabétique » et que « l'état clinique de la patiente impose la présence de sa fille auprès d'elle jour et nuit », elle ne justifie pas avoir respecté, à la date du 16 septembre 2013, les conditions légales pour se voir accorder un congé pour soutien familial ou de solidarité familiale.

En effet, le congé pour soutien familial supposait, à l'époque des faits, que le salarié s'occupe d'un proche présentant un handicap ou une perte d'autonomie d'une particulière gravité, que ce proche réside en France de manière stable et régulière et ne pas être placé en établissement ou chez un tiers autre que le salarié. En outre, la demande aux fins de congé pour soutien familial devait être formulée, par principe, au moins deux mois avant la date prévue du début de ce congé.

Le congé de solidarité familiale était conditionné par le fait qu'un proche du salarié souffre d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, ce qui doit être attesté par un certificat médical rédigé précisément dans ces termes. La demande aux fins de congé pour soutien familial devait être formulée au moins quinze jours avant la date prévue du début de ce congé.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que la société Hôtel de l'université a retenu que Mme [M] ne justifiait pas légalement de son absence depuis le 2 septembre 2013, malgré ses mises en demeure et même le rappel des textes applicables en matière de congé pour soutien familial et de congé de solidarité familiale.

Cette absence prolongée et injustifiée, sans que Mme [M] n'ait au surplus pris le soin d'annoncer à son employeur une date prévisible de son retour au travail, constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La décision licenciement pour faute grave était fondée, le rejet des demandes de Mme [M] motivée sur le fait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse mérite d'être confirmé.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu d'ordonner la remise à Mme [M] un bulletin de salaire rectifié conformément à la présente décision, sans qu'il soit toutefois nécessaire d'assortir cette disposition du prononcé d'une astreinte.

Il sera dit que la condamnation prononcée, qui est au titre d'une créance salariale, portera intérêts au taux légal de droit, sans qu'il y ait lieu à capitalisation, à compter du 24 Septembre 2014, date de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Sur les dépens

Mme [M], partie perdante pour le principal, sera condamnée aux entiers dépens, en application du principe énoncé par l'article 696 du code de procédure civile.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Pour un motif d'équité, les demandes de Mme [M] et de la société Hôtel de l'université en application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 9 juillet 2019 en ses dispositions déférées, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [W] [M] en rappel de salaire au titre des heures complémentaires, ainsi que des congés payés afférents ;

Statuant sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Condamne la société Hôtel de l'université à payer à Mme [W] [M] 22,38 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de juin 2013, outre 2,23 euros au titre des congés payés afférents ;

Dit que cette condamnation à payer une créance à caractère salarial portera intérêts au taux légal de droit, à compter du 24 Septembre 2014, sans capitalisation des intérêts ;

Ordonne à la société Hôtel de l'université de remettre à Mme [W] [M] un bulletin de salaire rectifié conformément au présent arrêt, sans qu'une astreinte ne soit prononcée ;

Condamne Mme [W] [M] aux dépens de première instance et de l'instance d'appel ;

Rejette la demande de Mme [W] [M] et de la société Hôtel de l'université en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/05568
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;19.05568 ?
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