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27/01/2023 | FRANCE | N°19/07281

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 27 janvier 2023, 19/07281


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 19/07281 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MU2Z





[J]

C/

Société COGERIM







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Septembre 2019

RG : F 15/03819











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 27 JANVIER 2023













APPELANTE :



[L] [J]

née le 31 AoÃ

»t 1959 à [Localité 6] ([Localité 6])

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Véronique FOURNIER de la SELARL ARTEM AVOCATS, avocat au barreau de LYON



INTIMÉE :



Société COGERIM

[Adresse 4]

[Localité 2]



représentée par Me Charlotte FOURNET, avocat postul...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/07281 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MU2Z

[J]

C/

Société COGERIM

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Septembre 2019

RG : F 15/03819

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 27 JANVIER 2023

APPELANTE :

[L] [J]

née le 31 Août 1959 à [Localité 6] ([Localité 6])

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Véronique FOURNIER de la SELARL ARTEM AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société COGERIM

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Charlotte FOURNET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON,

et représentée par Me Laurence DE BREUVAND, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Béatrice REGNIER, Présidente

Catherine CHANEZ, Conseiller

Régis DEVAUX,

Assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La S.A.R.L. Cogerim exerce, sous le nom commercial « Tassimo ' Agence Gruel » une activité de gestion de biens immobiliers. Elle applique la convention collective nationale des administrateurs de biens, sociétés immobilières et agents immobiliers (IDCC 1527). Elle a embauché Mme [L] [J] en qualité de comptable, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 16 août 2011.

Par courrier du 9 juillet 2015 remis à son employeur, Mme [J] a démissionné de son poste, précisant qu'elle cesserait ses fonctions le 9 septembre 2015 au soir. Par un second courrier du 13 juillet 2015 adressé à son employeur, Mme [J] a explicité les raisons qui l'avaient conduite à présenter sa démission.

Le 13 octobre 2015, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins principalement de voir requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et recevoir le paiement d'heures supplémentaires.

Par jugement du 14 octobre 2019, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Lyon a :

- requalifié la démission équivoque de Mme [L] [J] en une prise d'acte de rupture emportant les effets d'une démission ;

- débouté Mme [L] [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société Cogerim de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [J] aux entiers dépens de l'instance.

Mme [J] a interjeté appel de ce jugement, par déclaration formée par voie électronique le 23 octobre 2019. L'acte d'appel précise que Mme [J] demande l'infirmation du jugement, en ce qu'il a :

- requalifié la démission équivoque de Mme [L] [J] en une prise d'acte de rupture emportant les effets d'une démission ;

- débouté Mme [L] [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société Cogerim de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [J] aux entiers dépens de l'instance.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses uniques conclusions, notifiées le 21 janvier 2020, Mme [L] [J] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 24 septembre 2019, en en ce qu'il a considéré que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail emporte les effets d'une démission

- condamner la société Cogerim à lui payer la sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral né de l'exécution déloyale du contrat de travail

- dire et juger que la démission de Mme [J] doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse

- en conséquence, condamner la société Cogerim à lui payer :

- 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3 922,18 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- condamner la société Cogerim à lui payer les sommes suivantes :

- 19 559,12 euros au titre des heures supplémentaires accomplies du 16 septembre 2012 au 16 septembre 2015, ainsi que la somme brute de 1 955,91 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents

- 5 360,01 euros à titre d'indemnité relative à la contrepartie obligatoire en repos, ainsi que la somme de 536 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents

- 21 722,74 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la privation de la visite périodique auprès de la médecine du travail

- 4 000 euros en réparation du préjudice spécifique résultant de la privation de repos hebdomadaire

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- prononcer l'exécution provisoire du jugement, nonobstant opposition, appel et sans caution

- condamner la société Cogerim aux entiers dépens.

Mme [L] [J] fait valoir que sa démission doit s'analyse en une prise d'acte, compte tenu des griefs qu'elle a formulés à l'encontre de son employeur dans le courrier du 13 juillet 2015, griefs dont elle soutient démontrer par ailleurs la réalité.

Dans ses dernières conclusions, portant le n° 3, notifiées le 3 mars 2022, la société Cogerim, intimée, demande pour sa part à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 11 juillet 2019 en toutes ses dispositions

- débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes

En tout état de cause,

- condamner Mme [J] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Cogerim soutient que la démission de Mme [J] était claire et non-équivoque, subsidiairement que, si elle doit être requalifiée en prise d'acte de rupture du contrat de travail, elle produira les effets d'une démission, dans la mesure où les divers manquements à ses obligations que Mme [J] lui impute ne sont pas établis.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 11 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La demande de Mme [J] aux fins de voir prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel, est manifestement sans objet devant la Cour.

Sur les demandes en rappel de salaire pour heures supplémentaires et en paiement d'indemnité compensatrice de repos compensateur :

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. (selon l'interprétation faite par la Cour de cassation de cette disposition légale : Cass. Soc., 18 mars 2020 - pourvoi n° 18-10.919).

En l'espèce, Mme [J] prétend avoir effectué des heures supplémentaires réparties de la manière suivante : 68 heures entre le 16 septembre et le 31 décembre 2012, 504,50 heures en 2013, 500 heures en 2014, 366 heures entre le 1er janvier et le 16 septembre 2015, soit un total de 1 438,50 heures. Plus précisément, elle verse aux débats un décompte, qui mentionne le nombre d'heures travaillées chaque semaine, entre le 16 septembre 2012 et le 16 septembre 2015 (pièce n° 32 de l'appelante).

Ce faisant, Mme [J] présente, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société Cogerim réplique que Mme [J], conformément aux prévisions du contrat de travail, travaillait 39 heures par semaine et que, chaque mois, elle était rémunérée en conséquence pour 17,33 heures supplémentaires (avec un taux horaire majoré de 25%), ainsi que ses bulletins de salaire le mentionnent (pièces n° 6 de l'intimée). Elle ajoute que Mme [J] n'apporte aucun élément de preuve concernant la réalisation des heures supplémentaires de travail qu'elle prétend avoir effectué au-delà de 39 heures par semaine. Elle soutient en effet que, si Mme [J] verse aux débats des pièces, celles-ci n'ont aucune valeur probatoire sur cette question : il y a plusieurs mails du cabinet d'expert-comptable gérant les paies de la société, datant de 2012, donc trop anciens ; des mails adressés à M. [O] [G], qui n'étaient pas justifiés par l'exercice de son activité pour le compte de Cogerim ; d'autres mails, qui ont été envoyés dans le cadre des horaires de travail. En outre, l'intimée affirme que Mme [J], ne disposant pas de connexion à distance, ne pouvait pas se connecter de son domicile, en-dehors des heures de travail au bureau, au logiciel de comptabilité, pourtant nécessaire de l'exercice de son activité. En dernier lieu, la société Cogerim fait observer que les tâches confiées à Mme [J] ne nécessitait pas pour elle de réaliser des heures de travail supplémentaires, au-delà de 39 heures par semaine, et que, si des primes exceptionnelles lui ont été très régulièrement versées, elles récompensaient la qualité de son travail, sans considération du volume horaire de travail prétendument effectué.

Au regard des règles relatives au régime de la charge de la preuve, rappelées ci-dessus, la Cour retient que l'employeur, qui devait pourtant assurer le contrôle des heures de travail effectuées par Mme [J], n'a produit aucun élément propre, en réponse au décompte détaillé des heures supplémentaires que celle-ci prétend avoir travaillées chaque semaine, dans la mesure où la société Cogerim a seulement critiqué la pertinence des pièces versées par Mme [J] et établi que cette dernière ne pouvait pas se connecter au logiciel de comptabilité, en étant à son domicile.

Dès lors, la Cour a la conviction, au visa du texte susvisé, que Mme [J] a effectué, au cours de la période allant du 16 septembre 2012 au 16 septembre 2015, des heures de travail supplémentaire d'un volume tel qu'elles seront rémunérées par le versement de la somme de 18 000 euros.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [J] au titre du rappel de salaire pour les heures supplémentaires ; il convient de condamner la société Cogerim à payer à Mme [J] 18 000 euros, au titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires, outre 1 800 euros au titre de congés payés afférents.

En outre, Mme [J] a effectué un nombre total d'heures supplémentaires, en 2013, 2014 et 2015, qui dépassait le contingent annuel fixé réglementairement à 220 heures. En application des articles L.3121-11 et L. 3121-22 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, elle avait donc droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos, dont elle n'a pas bénéficié. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef ; il convient de condamner la société Cogerim à payer à Mme [J] 5 280 euros, au titre de l'indemnisation due pour l'absence de contrepartie obligatoire sous forme de repos et des congés payés afférents.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Il résulte de l'article L. 8221-5 du code du travail qu' « est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur la société Cogerim ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.»

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l'espèce, si la société Cogerim s'est révélée défaillante dans le contrôle des heures de travail effectuées par Mme [J], il n'est pas établi que c'est intentionnellement qu'elle a omis de mentionner les heures supplémentaires effectuées : Mme [J] ne lui a jamais expressément signalé qu'elle réalisait des heures supplémentaires (il résulte des mails produits par celle-ci qu'elle avait seulement indiqué à son employeur qu'elle était confrontée à une surcharge de travail et qu'elle avait besoin de prendre des congés) et conclut, sans produire une quelconque pièce, que son employeur était parfaitement informé de cette situation.

En conséquence, le rejet de la demande de Mme [J] en dommages et intérêts pour travail dissimulé mérite d'être confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [J] soutient que son employeur s'est comporté de manière déloyale, au cours de l'exécution du contrat de travail, en lui confiant les tâches attribuées auparavant au gestionnaire de location, ce qui a engendré une surcharge de travail mais sans que son employeur lui manifeste de la reconnaissance, puis en lui demandant de mettre en place la comptabilité du cabinet ADB Grand [Localité 5], avec lequel la société Cogerim avait conclu un partenariat.

Le premier grief ne permet de caractériser un comportement déloyal de la part de la part de l'employeur ; la réalité du second grief n'est pas établi, en ce qu'aucune pièce versée aux débats ne permet de prouver que Mme [J] a travaillé pour le compte du cabinet ADB Grand [Localité 5] à la demande de la société Cogerim.

Mme [J] se plaint de l'absence de concertation lors de la migration informatique due à l'utilisation d'un nouveau logiciel comptable, ce qui a engendré du retard dans l'accomplissement de son travail. Outre le fait que la réalité de ces assertions n'est pas établie, le comportement ainsi imputé à l'employeur ne dénote pas de sa part de la mauvaise foi. Il en va de même s'agissant du fait que Mme [J] aurait perdu toute autonomie au profit de Mme [D], comptable de l'agence de [Localité 7], avec qui elle a en outre rencontré des difficultés relationnelles et que, ce faisant, son employeur lui aurait imposé le retrait d'une partie de ses tâches.

Mme [J] souligne qu'elle n'a jamais bénéficié d'entretien annuel périodique. Toutefois, l'organisation d'un entretien d'évaluation ne fait pas l'objet d'une obligation légale ou contractuelle pour l'employeur.

Mme [J] indique que, outre sa charge de travail, elle a été confrontée au refus de son employeur de lui accorder, en 2015, la plupart de ses jours de congés, ce qui fait qu'il lui restait à prendre, au 31 mai 2015, 43 jours de congés payés.

En réalité, l'employeur lui a refusé d'être en position de congé le 30 avril 2015, du 26 mai au 1er juin 2015, du 16 au 25 juin 2015 et lui accordé un jour de congé le 15 juillet 2015, au lieu du 13 juillet, comme cela était demandé (pièces n° 18 et 19 de l'appelante). Il restait à Mme [J] à prendre 13 jours de congés, au 31 mai 2015, ce qui était finalement soldé à la date du 15 juillet 2015 (pièces n° 31 et 15 de l'appelante).

Dès lors, Mme [J] échoue à démontrer le comportement déloyal de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail. Le rejet de demande de dommages et intérêts présentée de ce chef sera confirmé.

Sur les demandes de dommages et intérêts accessoires

En premier lieu, il résulte du premier alinéa de l'article R. 4624-10 du code du travail que le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail et du premier alinéa de l'article R. 4624-16 du même code que le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail, ces examens médicaux ayant pour finalité de s'assurer du maintien de l'aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l'informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.

En l'espèce, la société Cogerim ne conteste pas que la salariée n'a jamais bénéficié d'une visite médicale. Toutefois, Mme [J] ne justifie pas avoir subi un préjudice de ce fait, dans la mesure où elle affirme seulement qu'elle n'a pas pu évoquer avec le médecin du travail son surmenage professionnel, alors qu'elle pouvait d'initiative consulter ce médecin à ce sujet.

En second lieu, l'article L. 3132-2 du code du travail énonce qu'il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine. Le salarié qui est privé des repos hebdomadaires peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

En l'espèce, Mme [J] prétend qu'elle a été amenée de nombreuses fois à travailler le dimanche pour le compte de la société Cogerim, soit en raison de l'absence du gestionnaire de location, soit en raison de sa mise à disposition au profit d'une autre agence immobilière (le cabinet ADB Grand [Localité 5]). Elle ne précise pas le nombre, ni les dates des dimanches concernés, renvoyant simplement à la lecture de calendriers pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015, qu'elle a cochés de manière manuscrite (pièces n° 30 de l'appelante). Elle ne précise pas non plus si le travail supposément accompli un dimanche l'était dans les locaux de l'agence ou à son domicile. Elle n'allègue donc pas les faits propres à fonder sa prétention, en méconnaissance des dispositions de l'article 6 du code de procédure civile.

En conséquence, il n'est pas établi que Mme [J] ait subi, à un moment quelconque de l'exécution du contrat de travail, un préjudice résultant de la privation du repos hebdomadaire.

Le rejet des deux demandes de dommages et intérêts ainsi formulées, lesquelles sont donc infondées, mérite d'être confirmé.

Sur les conséquences pécuniaires de la démission

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission ; il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

En l'espèce, si la lettre de démission, datée du 9 juillet 2015, ne contient aucun motif ni aucune réserve, ainsi que la société Cogerim le fait remarquer, elle a été suivie moins d'une semaine plus tard, le 13 juillet 2015, d'un courrier dans lequel Mme [J] a précisé les griefs l'ayant conduit à rompre son contrat de travail : elle évoquait des problèmes de communication et relationnels, engendrant stress et surmenage, la précipitation qui a accompagné la migration du logiciel de comptabilité, le paiement des heures supplémentaires sous forme de versement de primes, le non-paiement des heures supplémentaires en juin 2015, le refus de l'employeur de lui accorder des congés en mai et juin 2015. Ces éléments démontrent l'existence d'un différend antérieur ou contemporain de la démission, de sorte que celle-ci doit s'analyser comme une prise d'acte de rupture.

Le non-respect des règles concernant le paiement des heures supplémentaires ou encore la prise de repos compensateur après dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires constituent des manquements graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat. En conséquence, la prise d'acte produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant de l'indemnité de licenciement, l'article 33 de la convention collective nationale des administrateurs de biens, sociétés immobilières et agents immobiliers prévoit que, pour un salarié ayant acquis 8 mois d'ancienneté ininterrompue, le montant de celle-ci est égale à un quart de mois de salaire par présence pour les 10 premières années.

En l'espèce, Mme [J] présente, au jour de la fin du préavis, le 9 septembre 2015, une ancienneté de 4 ans. Son salaire moyen, calculé sur les douze derniers mois de septembre 2014 au 31 août 2015, s'élevait à 3 620,48 euros. Dès lors, le montant de l'indemnité de licenciement due par l'employeur, calculé selon les règles conventionnelles, est de : (3 620,48 x 1/4 x 4 ans) = 3 620,48 euros.

Dès lors, la société Cogerim sera condamnée à payer à Mme [J] la somme de 3 620,48 euros, à titre d'indemnité de licenciement.

En application des articles L1235-3 et L1235-5 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, le salarié a droit à des dommages et intérêts lorsque les parties s'accordent sur sa non-réintégration dans l'entreprise, étant rappelé que cette dernière employait moins de onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.

 

En considération de la situation particulière de Mme [L] [J], notamment de son âge (56 ans) et de son ancienneté (4 ans) au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner  la société Marbrerie Carrara à lui verser la somme de 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens

La société Cogerim, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et de l'instance d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La demande de la société Cogerim au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Pour un motif tiré de l'équité, la société Cogerim sera condamnée à payer à Mme [J] 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 14 octobre 2019, en ses dispositions déférées, sauf en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la privation de la visite périodique auprès de la médecine du travail, de sa demande en réparation du préjudice spécifique résultant de la privation du repos hebdomadaire ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Condamne la société Cogerim à payer à Mme [L] [J] 18 000 euros à titre de rappel de salaire, pour les heures supplémentaires effectuées entre le 16 septembre 2012 et le 16 septembre 2015, ainsi que 1 800 euros au titre des congés payés afférents ;

Condamne la société Cogerim à payer à Mme [L] [J] 5 280 euros, au titre de l'indemnisation due pour l'absence de contrepartie obligatoire sous forme de repos et des congés payés afférents ;

Condamne la société Cogerim à payer à Mme [L] [J] les sommes de :

- 3 620,48 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Cogerim aux dépens de première instance et de l'instance d'appel ;

Rejette la demande de la société Cogerim au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Cogerim à payer à Mme [L] [J] la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de Mme [L] [J] aux fins de voir prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/07281
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;19.07281 ?
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