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27/01/2023 | FRANCE | N°19/07494

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 27 janvier 2023, 19/07494


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 19/07494 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MVMM





[P]

C/

Société TRANS BK LOGISTIQUE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 14 Octobre 2019

RG : F17/02833











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 27 JANVIER 2023





APPELANT :



[V] [P]

né le 26 Janvier 1988 à [Localité 5]>
[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Thomas NOVALIC de la SELARL TN AVOCATS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



Société TRANS BK LOGISTIQUE

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 4]



représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JA...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/07494 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MVMM

[P]

C/

Société TRANS BK LOGISTIQUE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 14 Octobre 2019

RG : F17/02833

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 27 JANVIER 2023

APPELANT :

[V] [P]

né le 26 Janvier 1988 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Thomas NOVALIC de la SELARL TN AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société TRANS BK LOGISTIQUE

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON,

et représentée par Me Florian GROBON de la SELARL ELECTA JURIS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON substituée par Me Laetitia LOPEZ, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Béatrice REGNIER, Présidente

Catherine CHANEZ, Conseiller

Régis DEVAUX,

Assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La S.A.S. Trans BK Logistique exerce une activité de transport et de logistique. Elle applique la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport (IDCC 16). Elle a embauché M. [V] [P] par la société Trans BK Logistique en qualité de préparateur de commande, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 16 août 2011.

A compter du 4 novembre 2016, M. [P] travaillait dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Il était en arrêt de travail du 6 janvier au 20 février 2017. Le 21 février 2017, le médecin du travail a prononcé l'inaptitude de M. [P], en précisant que l'état de santé de ce dernier faisait obstacle à tout reclassement.

Par courrier du 1er mars 2017, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 10 mars 2017. Il a été licencié, par lettre recommandée avec accusé réception du 15 mars 2017, pour inaptitude.

Le 22 septembre 2017, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins principalement de voir reconnaître qu'il a été victime de harcèlement moral et de contester son licenciement, estimant que son inaptitude était d'origine professionnelle.

Par jugement du 14 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit et jugé que le harcèlement moral à l'encontre de M. [V] [P] n'est pas fondé ;

- dit et jugé que le licenciement de M. [V] [P] est régulier et repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [V] [P] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société Trans BK Logistique de sa demande reconventionnelle sur ke fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [P] aux entiers dépens de l'instance.

M. [V] [P] a interjeté appel de ce jugement, par déclaration formée par voie électronique le 31 octobre 2019. L'acte d'appel précise qu'il est demandé l'infirmation du jugement, en ce qu'il a :

- dit et jugé que le harcèlement moral à l'encontre de M. [P] n'est pas fondé ;

- dit et jugé que le licenciement de M. [P] est régulier et repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes, qui sont expressément rappelées;

- condamné M. [P] aux entiers dépens de l'instance.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, portant le n° 3 et notifiées le 20 octobre 2022, M. [V] [P] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 14 octobre 2019 en toutes ses dispositions critiquées

Statuant à nouveau,

- condamner la société Trans BK Logistique à lui payer 9 257,16 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- condamner la société Trans BK Logistique à lui payer la somme de 37 028,64 euros, soit 24 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la société Trans BK Logistique à lui payer la somme de 3 085,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 308,57 euros au titre des congés payés afférents

- condamner la société Trans BK Logistique à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V] [P] fait valoir que son employeur a mis en 'uvre, de manière répétée et abusive, des sanctions disciplinaires à son égard, que celui-ci s'est montré verbalement agressif et menaçant, outre le refus réitéré de ne pas tenir compte de son état de santé, en lui imposant le port de charges lourdes, malgré la prescription contraire du médecin du travail. Il soutient que l'inaptitude qui a justifié son licenciement trouve ainsi sa cause dans le comportement fautif de l'employeur.

Dans ses conclusions, notifiées le 20 avril 2020, la société Trans BK Logistique, intimée, demande pour sa part à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 14 octobre 2019

- débouter M. [E] [P] de l'ensemble de ses demandes

A titre reconventionnel,

- condamner M. [P] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [P] aux dépens de l'instance.

La société Trans BK Logistique soutient qu'elle a toujours respecté les prescriptions du médecin du travail. Elle estime qu'elle ne peut se voir imputer aucun comportement constitutif de harcèlement moral et que M. [P] a fait l'objet de sanctions disciplinaires justifiées.

La clôture de la procédure est intervenue le 17 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi précitée, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [P] explique que, le 21 novembre 2012, il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire, en l'occurrence un avertissement, pour deux motifs : le fait d'avoir quitté soudainement son lieu de travail le 12 novembre 2012, désorganisant le service, et de ne pas avoir informé son employeur dans le délai de 48 heures de son arrêt de travail courant du 12 au 15 novembre 2012. Il dénonce les termes selon lui excessivement sévères utilisés pour formuler cet avertissement (« vous n'avez pas daigné rappeler pour nous avertir que vous étiez en arrêt maladie » et « nous ne pouvons tolérer un tel comportement qui désorganise le service et une telle désinvolture vis-à-vis de votre supérieur hiérarchique ainsi que des consignes »), qui est venu sanctionner au demeurant des comportements qui n'étaient pas matériellement établis (pièce n° 2 de l'appelant).

En outre, M. [P] observe qu'en octobre 2012, pour la première fois, il n'a pas perçu la prime de qualité de service, son employeur lui reprochant plusieurs retards et des temps de pause non respectés, alors même que ces faits étaient totalement étrangers aux critères d'attribution de la prime.

Ultérieurement, alors qu'à l'occasion de la visite de reprise, le 5 novembre 2013, le médecin du travail avait préconisé qu'il bénéficiât d'une aide à la manutention, afin qu'il n'ait pas à porter des charges supérieures à 25 kg pendant un mois (pièce n° 10 de l'appelant), M. [P] allègue que son employeur n'a pas tenu compte de cette réserve.

En une autre occasion suite à un nouvel arrêt de travail, le médecin du travail indiquait qu'il était apte au sein d'une équipe de travail, « dans le cadre d'un temps thérapeutique voisin d'un mi-temps, 5 j/5 pendant un mois ». M. [P] affirme que pourtant son employeur l'a continué à obliger à porter seul de lourdes charges.

La Cour relève que ce second avis médical n'est pas versé au dossier. En outre, même à supposer que l'employeur n'ait pas respecté les préconisations du médecin du travail, en l'absence de tout autre document de nature médicale concernant ce point précis, il n'est pas établi que ce manquement ait eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible en particulier d'altérer la santé physique ou mentale du salarié. Le non-respect allégué des recommandations du médecin du travail ne peut donc pas s'analyser comme un agissement constitutif de harcèlement moral.

M. [P], dans un courrier du 19 novembre 2013, dont le destinataire n'est pas désigné (pièce n° 12 de l'appelant), affirme que, suite à son refus d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail, son interlocuteur a exprimé la certitude de parvenir à son départ par quelque moyen que ce soit.

La Cour relève que ce document, rédigé par M. [P] lui-même, à une date incertaine, et adressé à une personne qui n'est pas identifiée, ne saurait en aucun cas prouver que son employeur a exprimé le projet de lui faire quitter l'entreprise par n'importe quel moyen.

M. [P] ajoute que, dans un courrier du 2 décembre 2013, son employeur s'est montré blessant à son égard, en écrivant : « Fait malheureux mais également surprenant, vous vous êtes accidenté deux jours après votre prise de poste » et encore « Vous réapparaissez aujourd'hui, 10 mois plus tard, avec une restriction de manutention « pas de port de charge supérieure à 25 kg » (pièce n° 13 de l'appelant).

M. [P], par un courrier du 18 février 2015 (pièce n° 15 de l'appelant), signalait à son employeur qu'il subissait quotidiennement un harcèlement moral de la part de M. [M] [J], relativement à une restriction médicale tenant à ce qu'il ne porte pas une charge de plus de 20 kg, ce salarié lui répétant : « si tu n'es pas apte à porter, tu n'as qu'à rester chez toi » ou alors « tu nous sers à rien ici ! ». Il indiquait également que M. [U], directeur de la société, lui a dit, le 17 février 2015 : « votre médecin, c'est de la merde ! », « si vous êtes inapte, rentrez chez vous ! », « vous dégagez ! Je vais vous faire dégager d'ici ! », ajoutant que ce manque de respect l'avait fortement affecté.

M. [P] dénonce le fait que, dans sa réponse du 27 février 2015, son employeur lui a demandé d'effectuer correctement son travail et de seulement demander l'aide d'un autre manutentionnaire pour le port d'une charge de plus de 20 kg (pièce n° 16 de l'appelant).

M. [P], par un courrier du 4 mars 2015 (pièce n° 17 de l'appelant), réitérait l'imputation à M. [U] des paroles mentionnées dans le courrier du 18 février précédent, en précisant que M. [J] avait été témoin de ce fait. Dans un autre courrier, non daté (pièce n° 22 de l'appelant), il affirmait que, le 4 avril 2016, M. [U] lui a dit : « allez trouver du boulot », « dégager d'ici », « vous en avez pas marre de venir ici », « dégagez de mon bureau ».

M. [P], dans un autre courrier du 14 septembre 2015 (pièce n° 20 de l'appelant), indiquait qu'il avait été amené à manutentionner des matelas d'un poids supérieur à 50 kg et que M. [U] lui avait dit : « vous vous en foutez de l'entreprise, je ne sais pas où je vais vous foutre ».

La Cour retient toutefois, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même, que M. [P] n'offre aucunement de prouver par d'autres moyens que ses seules assertions la réalité des paroles qu'il impute à M. [J] et à M. [U], ni au demeurant qu'il a été amené à porter seul des charges de plus de 50 kg. Les faits ainsi dénoncés ne sont donc matériellement pas établis.

M. [P] note que, le 8 novembre 2016, moins d'un mois après avoir repris le travail, il a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable, ainsi que d'une mise à pied conservatoire, puis, le 29 novembre suivant, a été sanctionné par une mise à pied disciplinaire de 5 jours, pour avoir notamment mis 27 minutes à balayer l'entrée de l'entreprise, alors que cette tâche ne prend habituellement qu'à peine 10 minutes (pièce n° 26 de l'appelant).

S'agissant des faits dont M. [P] établit la matérialité, la société Trans BK Logistique fournit les explications suivantes. Elle souligne qu'au cours de l'exécution du contrat de travail de ce dernier, elle a décidé de sanctions disciplinaires à son égard à deux reprises, les 21 novembre 2012 et 29 novembre 2016, lesquelles étaient parfaitement justifiées et proportionnées (s'agissant d'un avertissement et d'une mise à pied de 5 jours), sans que M. [P] n'en ait d'ailleurs jamais contesté judiciairement le bien-fondé. Elle souligne que les termes employés dans le courrier de notification de l'avertissement sont exclusifs de toute dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale. La société Trans BK Logistique produit des attestations d'autres salariés, M. [A], M. [J], M. [Z] et M. [S] (pièces n° 5, 37 38 et 39 et de l'intimée), pour corroborer la réalité des comportements reprochés en 2012 et en 2016 à M. [P].

La société Trans BK Logistique ajoute, de même, que les extraits des courriers du 2 décembre 2013 et du 27 février 2015, cités par M. [P] ne sauraient s'analyser comme des ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, l'appelant ne produisant strictement aucun certificat médical sur ce point, ou encore de compromettre son avenir professionnel..

La société Trans BK Logistique précise que, si à la fin de l'année 2012, elle n'a pas versé ponctuellement à M. [P] les primes de présentéisme et de qualité, c'est en raison du comportement de ce dernier, qui ne remplissait alors plus les conditions d'obtention de celles-ci, étant arrivé plusieurs fois en retard au travail et n'ayant pas respecté les temps de pause.

En définitive, la société Trans BK Logistique prouve que les agissements invoqués par M. [P], dont celui-ci a établi la matérialité, pris en leur ensemble, ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et que ses décisions critiquées (soit les deux sanctions disciplinaires et le non-versement ponctuel de primes) sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dès lors, le jugement déféré, en ce qu'il a dit que le harcèlement moral à l'encontre de M. [V] [P] n'est pas fondé et débouté ce dernier de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, sera confirmé.

Sur le bien fondé du licenciement

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

En l'espèce, M. [P] a été victime d'un accident du travail le 10 janvier 2013. Il a été en arrêt de travail pour cause de maladie du 6 janvier au 20 février 2017 (pièce n° 38 de l'appelant). Aucune pièce de nature médicale relative à cet arrêt de travail n'étant versé aux débats, il n'est pas établi que cette maladie était d'origine professionnelle.

Le 21 février 2017, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de M. [P], en précisant que l'état de santé de ce dernier « faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

La Cour relève que le médecin a rédigé deux fois la fiche d'aptitude médicale, datée du 21 février 2017 : la première indiquait qu'il s'agissait d'une visite de reprise suite à « maladie ou accident non professionnel » ; la seconde, précisant qu'elle annulait et remplaçait l'avis précédent, mentionnait que la visite faisait suite à un « accident du travail » (pièce n° 35 de l'intimée et pièce n° 30 de l'appelant), sans que le médecin ne justifie la raison de cette modification.

Avant cette déclaration d'inaptitude, le médecin du travail s'est exprimé à deux reprises, au sujet d'un aménagement du poste de M. [P], en recommandant, le 6 novembre 2013, de limiter les charges de 25 kg pendant un mois (pièce n° 10 de l'appelant). Puis, dans la fiche d'aptitude du 17 octobre 2016, il est indiqué qu'il est apte à la reprise, en mi-temps thérapeutique, en demie-journée, en limitant de préférence la manutention lourde, ou en favorisant le port en charge en binôme (pièce n° 24 de l'intimée).

M. [P] allègue que son employeur a, au préalable de l'avis d'inaptitude, refusé de respecter les préconisations ou réserves formulées par le médecin du travail, s'agissant des restrictions quant au port de charges lourdes : postérieurement au 14 novembre 2013, la société Trans BK Logistique lui aurait confié des tâches impliquant le port d'une charge de plus de 25 kg. M. [P] ne conteste pas que son employeur a procédé à un aménagement de son poste de travail, pour qu'il puisse alors travailler à mi-temps.

Toutefois, la Cour observe que le courrier du médecin du travail du 6 novembre 2013 recommandait seulement de limiter pendant un mois, et non pas interdisait, le port de charges de plus de 25 kg, et que la fiche d'aptitude du 17 octobre 2016 préconise également de limiter la manutention de charges lourdes et aussi de recourir à un binôme pour une opération de ce type.

En tout cas, M. [P] disposait d'un transpalette électrique pour le déchargement des marchandises, notamment d'un poids de plus de 20 kg, ainsi qu'il le reconnaît dans un courrier du 18 février 2015 (pièce n° 18 de l'intimée) et a pu se faire aider par des collègues pour porter les colis lourds, conformément aux instructions de l'employeur (pièces n° 19 et 21 de l'intimée), ainsi que le salarié l'admet dans un courrier du 28 novembre 2016 (pièce n° 27 de l'intimée).

Ainsi, l'employeur démontre qu'il a respecté son obligation de sécurité à l'égard de M. [P] en le dotant d'un équipement adéquat pour le port des charges lourdes, et qu'il s'est conformé aux préconisations du médecin du travail, en demandant à un collègue d'assister celui-ci pour le port de charges lourdes.

La Cour relève enfin qu'aucun médecin n'a attesté que l'état de santé de M. [P] se serait aggravé en raison du fait que celui-ci aurait manipulé des charges trop lourdes, ni d'une manière plus générale que l'inaptitude de M. [P] soit d'origine professionnelle.

S'il n'est pas démontré que l'inaptitude de M. [P] ait été causée, même pour partie, par le comportement de son employeur, alors le licenciement est bien fondé. Dès lors, le jugement déféré, en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [V] [P] est régulier et repose sur une cause réelle et sérieuse et a débouté ce dernier de ses demande afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sera confirmé.

Sur les dépens

M. [P], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens, conformément au principe énoncé à l'article 696 du code de procédure civile.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La demande de M. [P] en application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Pour un motif tiré de l'équité, M. [P] sera condamné à payer à la société Trans BK Logistique 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 14 octobre 2019, en toutes ses dispositions déférées ;

Ajoutant,

Condamne M. [V] [P] aux dépens de l'instance d'appel ;

Rejette la demande de M. [V] [P] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [V] [P] à payer à la société Trans BK Logistique 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/07494
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;19.07494 ?
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