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02/02/2023 | FRANCE | N°19/00274

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 02 février 2023, 19/00274


N° RG 19/00274 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MEIP









Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 04 octobre 2018

( chambre 3 cab 3 D)





RG : 13/12966





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 02 Février 2023







APPELANTS :



M. [M] [R]

né le 01 Juin 1937 à [Localité 6] (ESPAGNE)

[Adresse 2]

[Localité 7]<

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Mme [V] [U] épouse [R]

née le 28 Juillet 1937 à [Localité 8] (E

[Adresse 3]

[Localité 7]



Représentés par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547

Et ayant pour avocat plaidant Me Olivier...

N° RG 19/00274 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MEIP

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 04 octobre 2018

( chambre 3 cab 3 D)

RG : 13/12966

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 02 Février 2023

APPELANTS :

M. [M] [R]

né le 01 Juin 1937 à [Localité 6] (ESPAGNE)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Mme [V] [U] épouse [R]

née le 28 Juillet 1937 à [Localité 8] (E

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentés par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547

Et ayant pour avocat plaidant Me Olivier GARDETTE, avocat au barreau de LYON, toque : 299

INTIMEES :

SARL AMERICAN-FITNESS

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par la SELARL TILSITT AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1635

SAS REGIE CENTRALE IMMOBILIERE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-christophe BESSY, avocat au barreau de LYON, toque : 1575

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 07 Janvier 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Décembre 2021

Date de mise à disposition : 3 Février 2022 prorogée au 17 mars 2022, puis 5 mai 2022,30 juin 2022, 29 septembre 2022, 15 décembre 2022,16 mars 2022 avancée au 2 février 2022 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Annick ISOLA, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Suivant bail commercial du 3 septembre 2012, la société Régie Centrale Immobilière (ci-après la régie), mandataire de M. et Mme [R], a loué pour 9 ans à la société Bodydream des locaux situés à [Localité 7], destinés à des activités de gestion d'installation sportive et de cours collectifs. La société Bodydream a changé de dénomination pour celle d'American Fitness, ce qui a donné lieu à la conclusion le 23 septembre 2012 d'un avenant au bail.

La société preneuse a aménagé les lieux puis a déposé le 13 mai 2013 auprès de la mairie une demande d'aménagement ou de modification d'un établissement recevant du public. Sa demande a fait l'objet d'un refus le 28 mai 2013 au motif que le projet se situait dans le périmètre de zone de protection rapprochée des risques technologiques inscrit au plan local d'urbanisme, une canalisation de transport de gaz naturel à haute pression se situant à moins de 30 mètres de l'ouvrage, dans la bande des effets létaux. Par lettre du 1er juillet 2013, la commune a demandé à la société preneuse de fermer le bâtiment au public avant le 31 décembre 2013.

La société American Fitness a régularisé un nouveau bail commercial le 19 février 2014 et a quitté les lieux en mai 2014.

Elle a saisi le juge des référés afin d'obtenir la suspension du paiement des loyers. Par ordonnance du 20 janvier 2014, il a été fait droit à sa demande à compter d'octobre 2013. M. et Mme [R] ont relevé appel de cette décision, qui a été confirmée par arrêt de cette cour du 20 octobre 2015.

Le 3 décembre 2013, la société American Fitness a saisi le tribunal de grande instance de Lyon afin d'obtenir la résolution judiciaire du bail commercial aux torts de la régie et des bailleurs pour défaut de délivrance conforme à compter de la conclusion du bail et la condamnation de la régie et des bailleurs à lui payer 101'011,03 euros en réparation de son préjudice.

Par jugement du 4 octobre 2018, le tribunal a :

- dit que les époux [R] ont manqué à leur obligation de délivrance conforme et que la régie a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard des bailleurs et quasi contractuelle à l'égard de la preneuse,

- prononcé la résiliation du bail aux torts des bailleurs à effet du 6 septembre 2012, et a fixé la créance de la société American Fitness sur les époux [R] et sur la régie aux sommes de :

- 40'722,56 euros hors-taxes au titre des loyers versés,

- 4746 euros au titre des frais de déménagement,

- 2794,60 au titre des frais d'aménagement,

- 20'830,25 euros au titre de la perte d'exploitation,

soit à la somme totale de 69 093,41 euros,

- fixé la créance des bailleurs sur la société American Fitness à la somme de 37'800 euros au titre de l'indemnité d'occupation,

- après compensation, condamné in solidum les époux [R] et la régie à payer à la société American Fitness la somme résiduelle de 31'293,41 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la régie à relever et garantir les époux [R] de l'ensemble des condamnations prononcées à leur détriment et à leur payer 600 euros à titre de dommages et intérêts et 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la régie et les bailleurs in solidum à supporter les dépens et à payer à la société American Fitness la somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné l'exécution provisoire de sa décision.

Les époux [R] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 janvier 2019.

Par conclusions déposées au greffe le 9 septembre 2019, les époux [R] sollicitent la réformation du jugement en ses dispositions qui leur sont défavorables et demandent à la cour de :

- dire et juger que la société American Fitness a commis cinq fautes exclusives de toute responsabilité des bailleurs qui sont directement et exclusivement à l'origine des préjudices qu'elle prétend avoir subis, à savoir 1 - l'absence de vérification préalable de la possibilité d'ouvrir un établissement recevant du public, 2- la tardiveté de la vérification après la signature du bail, 3 - l'absence de contestation de l'interdiction d'ouvrir un ERP à moins de 30 mètres de la canalisation de gaz, 4- l'absence d'adaptation des lieux loués à l'interdiction qui ne concerne que 32 m² sur 400 m² de la surface louée et 5- l'exploitation en infraction des lieux loués après le 31 décembre 2013,

- en conséquence, débouter la société American Fitness de sa demande de résolution /résiliation judiciaire et de son appel incident,

Subsidiairement,

- prendre acte de ce qu'ils acceptent la résiliation du bail pour défaut d'objet au 31 mai 2014, jour de la libération des lieux et à défaut prononcer la résiliation judiciaire du bail devenu sans objet à cette date,

- dire qu'ils n'ont commis aucune faute ou subsidiairement une faute mineure par rapport à celle d'American Fitness et ordonner un partage de responsabilité largement en leur faveur;

- débouter la société American Fitness de l'ensemble de ses demandes de remboursement et à défaut les réduire en de sensibles proportions et la débouter de son appel incident ;

- en cas de condamnation, condamner la régie à les relever et garantir de toute condamnation, sans qu'elle puisse leur proposer une compensation de sa dette avec leur créance personnelle reconventionnelle sur la société American Fitness ;

- condamner in solidum la société American Fitness et la régie à leur payer 10'000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Faisant droit à leur demande reconventionnelle :

- condamner la société American Fitness in solidum avec la régie à leur verser au titre des loyers et charges, soit à titre d'indemnité d'occupation ou d'indemnisation de l'enrichissement sans cause du 1er octobre 2013 au 31 mai 2014 la somme de 20'358,72 euros,

- condamner la société American Fitness et la régie à leur payer 9 182,23 euros, coût de la remise en état des lieux ;

- en cas d'admission de tout ou partie de la demande de la société American Fitness de remboursement de toutes sommes versées sur le fondement du bail, condamner la régie à leur payer cette somme à titre de dommages et intérêts ou à parfaire suivant le montant alloué à la société American Fitness ;

- confirmer le jugement sur la condamnation prononcée à leur profit sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter les intimées de toute demande de ce chef ;

- condamner in solidum la société American Fitness et la régie ou qui des deux mieux le devra à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

- dire et juger que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, l'exécution forcée devait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par lui en application des articles A444-32 et suivants du code de commerce portant modification du décret du 12 décembre 1996 doit être mis à la charge de la partie condamnée en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 17 juin 2019, la société American Fitness demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail à compter du 6 septembre 2012 ;

- le réformer en ce qu'il a fixé sa créance à l'encontre des époux [R] et de la régie à la somme de 69'093,41 euros,

- statuant à nouveau, condamner solidairement la régie et les époux [R] à lui payer la somme totale de 114'352,18 euros en indemnisation de son préjudice se décomposant en 40'722,56 euros au titre des loyers, taxes et autres, 29'389,47 euros de dépenses et travaux d'aménagement, 4746 euros de frais de déménagement et 39'494,15 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires

- débouter les époux [R] de leurs demandes ;

- condamner la régie et les époux [R] à lui payer 6 000 euros en application de l'article 700 ainsi qu'à supporter les dépens.

Par conclusions déposées au greffe le 11 juillet 2019 la société Régie Centrale Immobilière demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à relever et garantir les époux [R] de l'ensemble des condamnations prononcées à leur détriment et en ce qu'il l'a condamnée à payer les sommes de 600 euros à titre de dommages et intérêts, 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux époux [R] ainsi que celle de 4 500 euros sur le même fondement à la société American Fitness ;

- la décharger de toute condamnation ;

Subsidiairement:

- dire et juger que la résolution judiciaire ne saurait prendre effet qu'à la date du 31 mai 2014;

- débouter la société American Fitness de l'ensemble de ses demandes de remboursement au titre des loyers versés, frais de déménagement et d'aménagement, perte d'exploitation;

- dire et juger que toute condamnation de la régie au profit des époux [R] ne saurait s'entendre qu'après compensation des créances réciproques entre la société American Fitness et les époux [R]

- rejeter les demandes de dommages et intérêts et pour frais de procédure formées par les époux [R] à son encontre ;

- condamner in solidum la société American Fitness et les époux [R] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 janvier 2020.

MOTIVATION

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire » ou « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

- sur l'obligation de délivrance

Aux termes de l'article 1719, alinéas 1 et 2 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

L'obligation de délivrance s'entend d'une délivrance matérielle de la chose louée mais aussi d'une mise à disposition d'un local permettant un usage conforme à sa destination (cf notamment 3ème Civ, 21 décembre 1987, n°86-13.861, 3ème Civ., 19 décembre 2012, n° 11-28.170). Pour que la chose louée puisse être affectée à l'usage prévu au bail, elle doit être conforme aux normes de sécurité (par ex., 3e Civ.,16 septembre 2008, n 07-18.303).

Le bailleur est donc tenu d'effectuer l'ensemble des travaux nécessaires à l'exercice de l'activité stipulée au contrat, et de vérifier que les diverses autorisations nécessaires pour l'exercice de l'activité projetée sont réunies, que les réglementations administratives sont respectées (3 ème Civ., 26 mars 1997, n° 95-14.103) et que les conditions imposées par les règlements pour exercer l'activité prévue sont remplies (3ème Civ., 19 décembre 2012, n° 11-28.170).

A la différence des obligations d'entretien et de réparation, l'obligation de délivrance, d'ordre public, ne peut faire l'objet d'aménagements conventionnels dans

la mesure où elle est de l'essence même du bail. Ainsi, selon une jurisprudence

constante, le bailleur ne peut s'affranchir de son obligation de délivrance par le biais

d'une clause relative à l'exécution de travaux ou d'une clause selon laquelle le locataire prend les locaux en l'état.

Il a enfin été jugé que si, dans un contrat synallagmatique à exécution successive, la résiliation judiciaire n'opère pas pour le temps où le contrat a été correctement exécuté, la résolution judiciaire pour absence d'exécution, ou exécution dès l'origine imparfaite, entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat (3 Civ., 30 avril 2003, n° 01-14.890).

Par des motifs pertinents qui répondent aux moyens soulevés en appel et que la cour adopte, le premier juge a considéré qu'il est établi que les locaux pris à bail sont impropres à la destination exclusive convenue au contrat de bail et à l'exploitation projetée par la société locataire en raison de leur localisation et des règles d'urbanisme et de sécurité correspondantes, ce qui caractérise le manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance.

C'est également à juste titre, par des motifs pertinents qui répondent aux moyens soulevés en appel et que la cour adopte, que le tribunal a retenu que la société American Fitness n'avait pas à vérifier s'il lui était possible de recevoir le public dans les lieux pris à bail ou à solliciter l'autorisation administrative d'aménager les locaux avant la conclusion du contrat, et que la régie, en sa qualité de mandataire professionnel en vertu d'un mandat de gestion confié le 16 avril 2006 par les époux [R], a méconnu ses obligations de mandataire et engagé sa responsabilité contractuelle envers ses mandants et sa responsabilité quasi délictuelle envers la société American Fitness en s'abstenant de s'assurer, avant la conclusion du bail, que les locaux étaient en état de servir à l'usage convenu entre les parties et de joindre au contrat l'état des risques naturels et technologiques comme l'article L 125-5 II du code de l'environnement dans sa version issue de la loi du 22 mars 2012 lui en faisait l'obligation, ce qui lui aurait permis de constater que les locaux se trouvaient sur une zone de risques technologiques et qu'il est impossible d'exploiter un établissement ouvert au public compte tenu des dispositions du plan local d'urbanisme prohibant toute nouvelle exploitation sur cette zone.

Le moyen soulevé par les bailleurs sur ce point, et tendant à faire juger que la société preneuse aurait commis des fautes qui seraient exclusivement à l'origine du préjudice qu'elle déplore est sans emport au regard du périmètre de l'obligation de délivrance tel qu'il est déterminé par la jurisprudence, étant observé qu'est constitutif d'une faute mais sans incidence sur l'obligation de délivrance des bailleurs le caractère tardif de la demande administrative d'aménagement des locaux, formée par la société preneuse plus de huit mois après son emménagement et après l'achèvement des travaux en mai 2013, alors que la demande aurait dû être effectuée avant la réalisation de ces aménagements.

Les bailleurs soutiennent que la société preneuse a pu exploiter les lieux loués jusqu'au 31 mai 2014 et qu'elle aurait en outre pu s'y maintenir sous réserve de neutraliser 32 m² sur la surface de 400 m² donnée à bail, afin qu'aucune activité ne se déroule dans la zone des 30 mètres de la canalisation de gaz. Ils en concluent que la résiliation doit être prononcée à la date de départ de la société, le 31 mai 2014. Toutefois, le non-respect par les bailleurs de l'obligation de délivrance qui leur incombait sans qu'ils puissent s'en exonérer d'aucune manière date de la conclusion du contrat, de sorte que la résiliation doit être prononcée à la date du 3 septembre 2012 et non à une date postérieure.

C'est pourquoi le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail à la date de sa conclusion, et jugé que la régie doit en supporter les conséquences in solidum avec les époux [R].

- sur les conséquences de la résiliation du bail

- les loyers

Le bail étant résilié à la date du 3 septembre 2012, les bailleurs sont tenus de restituer à la société preneuse le montant du loyer et des frais versés à compter de cette date, soit la somme correspondant aux frais d'agence de 1 500 euros, au dépôt de garantie de 5 000 euros, aux loyers de septembre 2012 au 30 août 2013 inclus soit 33 706,75 euros, et à la taxe foncière 2012 de 515,81 euros soit la somme totale de 40'722,56 euros, ainsi que l'a exactement énoncé le premier juge.

- l'indemnité d'occupation

La société preneuse qui a occupé les lieux loués jusqu'au 31 mai 2014 est redevable à ce titre d'une indemnité d'occupation. Les bailleurs contestent la fixation de cette indemnité par le tribunal à la somme de 1800 euros par mois et réclament une somme équivalente au montant du loyer et des charges, soit 2 544,84 euros par mois, en faisant observer que la société American Fitness a exploité normalement les lieux. La société preneuse ne conteste pas avoir débuté son activité mais soutient qu'au vu des manquements avérés des défendeurs aucune indemnité d'occupation ne saurait leur être attribuée et fait observer que compte tenu de la précarité de son occupation, le développement de son activité a été considérablement compromis.

Confrontée à l'interdiction d'exploiter à compter du 31 décembre 2013, la société American Fitness n'a pu exercer son activité dans les conditions normales, de sorte que c'est à juste titre que l'indemnité d'occupation a été fixée à un montant inférieur à celui du loyer par le premier juge dont la fixation de cette indemnité à la somme mensuelle de 1 800 euros doit être approuvée.

- les dépenses au titre de l'aménagement des locaux

La société American Fitness qui s'est vu allouer en première instance la somme de 2794,60 euros à ce titre réclame une indemnisation de 29'389,47 euros HT au titre des dépenses d'aménagement qu'elle a engagées en vain.

Le tribunal a retenu qu'elle justifiait à ce titre de dépenses d'un montant de 5582,19 euros pour celles dont la réalité était établie par le grand livre général, excluant l'acquisition de matériels qu'elle a pu conserver, tels les appareils sportifs, et de nombreux postes de dépenses dont il n'a pu déterminer s'ils étaient bien en relation avec la réalisation de travaux, et a réduit son droit à indemnisation de moitié en raison de sa faute.

Devant la cour, la société American Fitness produit des factures à son nom et comportant pour adresse de livraison celle des lieux loués. Elle justifie ainsi de l'installation de robinets, d'un dispositif de chauffage et de parois de verre (p 10 à 14) et de frais de location à hauteur de 6 154,29 euros, le surplus de sa demande n'étant étayé que par les indications du grand livre et par une liste manuscrite de dépenses.

Les bailleurs et la régie concluent au rejet de la demande au motif que la société preneuse a engagé les travaux avant d'avoir obtenu l'autorisation de la mairie, les bailleurs faisant observer en outre que les dépenses ne sont pas justifiées au regard des dispositions de l'article 1315 du code civil.

En effet, les sommes portées au grand livre général ne sont pas corroborées par la production des factures, au contraire des nouveaux justificatifs produits en appel, de sorte que la somme à prendre en considération est celle de 6154,29 euros à l'exclusion de toutes les autres dépenses qui ne sont pas justifiées par des factures.

La société preneuse pouvant légitimement penser que les bailleurs avaient satisfait à leur obligation de délivrance est fondée à solliciter la réparation du préjudice qu'elle a subi, sauf à ce que soit réduit son droit à indemnisation de 50 % dans la mesure où elle a commis une faute en sollicitant tardivement l'autorisation d'aménager les lieux, ainsi que l'a à juste titre retenu le premier juge. Son préjudice sera en conséquence chiffré à 3077,15 euros.

- les dépenses liées au transfert d'activité

Le tribunal a alloué à ce titre à la société preneuse la somme de 4 746 euros au titre de ses frais de déménagement, au vu du devis produit par cette dernière, ainsi qu'une somme de 20'803,25 euros au titre de la perte d'exploitation liée au déplacement de l'activité à une autre adresse.

Les bailleurs font valoir que les frais de déménagement ne sont pas justifiés, que la société preneuse a disposé d'une année entière pour aviser sa clientèle constituée d'abonnés, que la perte dont elle se prévaut n'est pas une perte de chiffre d'affaires mais une perte de marge brute et que le préjudice qu'elle a subi lui est imputable car elle a poursuivi l'exploitation après le 31 décembre 2013, date à laquelle devait y mettre fin, de sorte que ses demandes doivent être rejetées.

Faute pour la société preneuse de produire en appel la facture acquittée de son déménagement, sa demande sur ce point sera rejetée, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge.

Le déplacement de son activité, même à une adresse proche, lui a occasionné un préjudice certain en raison du délai nécessaire au transfert d'activité qui a entraîné la fermeture temporaire de ses locaux, de la perte de certains abonnés et du redémarrage corrélatif de son exploitation à sa nouvelle adresse. Toutefois, elle a exercé moins de deux ans dans les lieux loués et s'est réinstallée à proximité, de sorte que son préjudice ne peut équivaloir à trois mois de marge brute d'exploitation comme l'a décidé le premier juge. Au regard des éléments rappelés ci-dessus, ce préjudice sera évalué à la somme de 15'000 euros qui correspond à un peu plus de deux mois de marge brute d'exploitation.

- sur le compte entre les parties

La créance de la société American Fitness s'établit aux sommes suivantes :

- 40'722,56 euros HT au titre des loyers

- 3 077,15 euros HT au titre des frais d'aménagement exposés en vain,

- 15'000,00 euros au titre de la perte d'exploitation.

La créance des bailleurs au titre de l'indemnité d'occupation leur revenant s'élève à 1800 euros par mois pour la période de septembre 2012 à mai 2014 inclus, soit 37'800 euros.

Les bailleurs font valoir que le non-règlement des loyers constitue pour eux un préjudice en lien direct avec l'inexécution contractuelle fautive commise par leur mandataire à leur égard, et sollicitent la condamnation in solidum de la société preneuse et de la régie à leur payer la somme de 20'358,72 euros correspondant aux loyers qu'ils auraient dû percevoir entre le 1er octobre 2013 et le 31 mai 2014, hors compensation. Toutefois, il convient de rappeler comme l'a fait le premier juge, qu'il a été alloué à ce titre aux bailleurs pour réparer leur préjudice né de l'occupation des lieux des indemnités d'occupation qui sont à déduire de la dette de restitution des loyers et que la régie ne peut être condamnée à leur régler une somme excédant ce préjudice.

La régie ayant été condamnée in solidum avec les bailleurs à restituer à la société preneuse les loyers qu'elle a versés 2 septembre 2012 à octobre 2013, la compensation doit s'opérer entre les créances respectives des parties qui découlent de la résiliation du bail sans que la régie puisse être exclue de son bénéfice, comme le demandent les bailleurs. Après compensation, les époux [R] et la régie seront condamnés in solidum à payer à la société American Fitness la somme de 58 799,71 - 37 800 = 20 999,71 euros.

- sur la demande de garantie formée par les époux [R] à l'encontre de la régie

La régie fait valoir qu'elle avait accompli toutes ses obligations contractuelles prévues dans le mandat qui lui a été confié et que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle avait commis un manquement à ses obligations. Comme rappelé ci-dessus, l'article L 125-5 II du code de l'environnement dans sa version en vigueur du 24 mars 2012 au 27 mars 2014 exigeait qu'en cas de mise en location d'un immeuble situé dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques, l'état des risques fourni par le bailleur soit joint aux baux commerciaux mentionnés aux articles L 145-1 et L 145-2 du code de commerce.

Le manquement de la régie à ses obligations légales étant parfaitement établi, constituant une faute de gestion au sens de l'article 1992 du code civil, et étant à l'origine de la résiliation du contrat de bail, c'est à juste titre que le premier juge a condamné la régie à garantir les époux [R] de l'intégralité des condamnations mises à leur charge au titre du présent litige.

- sur les demandes reconventionnelles des bailleurs

Se prévalant de l'article 1.2.2 3ème du bail, les bailleurs réclament la condamnation in solidum de la société preneuse et de la régie à leur payer la somme de 9182,23 euros correspondant aux travaux de remise en état des lieux loués.

La société American Fitness répond qu'elle n'est pas débitrice de cette somme dans la mesure où les bailleurs ont violé leur obligation de délivrance et où les travaux ne sont pas justifiés au vu de l'état des lieux d'entrée, précisant que ceux-ci n'hésitent pas à inclure dans ses travaux les frais liés à la recherche du tracé exact de la canalisation de gaz qui ne sauraient être mis à sa charge.

Le tribunal a rejeté cette demande au motif que la résiliation ab initio du bail produit en pratique les effets d'une résolution et anéantit la clause contractuelle invoquée dès sa conclusion.

Au surplus, le procès-verbal de constat de sortie, établi le 3 juin 2014 par un huissier de justice, fait état d'un choc en partie basse sur la porte et sur le portail côté rue et de l'absence de poignées d'ouverture sur les portes situées à l'arrière du bâtiment. Or, le constat d'état des lieux d'entrée du 6 septembre 2012 indique que les six portes permettant d'accéder aux locaux sont à l'état d'usage et présentent ' plusieurs chocs importants intérieurs et extérieurs sur les grandes portes coulissantes, plusieurs trous sur une porte d'acier, pas de clés pour 3 portes, une porte soudée et un choc important en bas de la porte acier grise côté cour'.

Il en résulte que les lieux n'étaient pas en meilleur état lors de la conclusion du bail qu'à la sortie de la société preneuse et que les travaux allégués ne sont pas justifiés, ainsi que le fait valoir la société American Fitness.

Les bailleurs à qui le tribunal a alloué 600 euros à ce titre réclament la condamnation de la régie à leur payer la somme de 10'000 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondues, en faisant valoir qu'ils ont subi des récriminations de la locataire, le tracas des procédures et la privation des revenus de leur bien entre octobre 2013 et la conclusion d'un nouveau bail. Or, ils ne versent aux débats aucun courrier de réclamation émanant de la société American Fitness, aucune preuve de l'importance de la perte des revenus dont ils se plaignent et ne justifient pas de la date du bail conclu avec le nouveau locataire. C'est pourquoi, faute de preuve d'un préjudice plus important que celui indemnisé par le premier juge, le jugement sera confirmé sur ce point.

Pour des raisons tirées de l'équité, la demande formée par les appelants à l'égard de la régie sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

M. et Mme [R] et la régie, parties perdantes, supporteront les dépens d'appel et seront condamnés in solidum à payer à la société American Fitness la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, leurs propres demandes sur ce point étant rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Lyon le 4 octobre 2018 en ce qu'il a condamné in solidum M. et Mme [R] et la société Régie Centrale Immobilière à payer à la société American Fitness la somme de 4746 euros au titre des frais de déménagement, celle de 2794,60 euros au titre des frais d'aménagement exposés en vain et celle de 20'830,25 euros au titre de la perte d'exploitation ;

Et, statuant à nouveau de ces chefs :

Condamne in solidum M. et Mme [R] et la société Régie Centrale Immobilière à payer à la société American Fitness la somme de 3077,15 euros au titre des frais d'aménagement exposés en vain et celle de 15'000 euros au titre de la perte d'exploitation ;

Rejette la demande au titre des frais de déménagement ;

Après compensation entre les créances respectives des parties, condamne in solidum M. et Mme [R] et la société Régie Centrale Immobilière à payer à la société American Fitness la somme de 20 999,71 euros ;

Confirme le jugement sur le surplus et, y ajoutant :

Condamne in solidum M. et Mme [R] et la société Régie Centrale Immobilière aux dépens d'appel et à payer à la société American Fitness la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, leurs propres demandes sur ce point étant rejetées.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 19/00274
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;19.00274 ?
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