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22/02/2023 | FRANCE | N°19/08026

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 22 février 2023, 19/08026


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/08026 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWUG



[T]

C/

Association AGS CGEA DE [Localité 7] DELEGATION UNEDIC AGS

Société SODICIL

Société MJ SYNERGIE

Société DIALUX



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Octobre 2019

RG : 16/01704

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2023





APPELANT :



[J] [T]
r>né le 27 février 1962 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 2]



représenté par Me Sébastien PONCET de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Nadine PICCA ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/08026 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWUG

[T]

C/

Association AGS CGEA DE [Localité 7] DELEGATION UNEDIC AGS

Société SODICIL

Société MJ SYNERGIE

Société DIALUX

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 24 Octobre 2019

RG : 16/01704

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2023

APPELANT :

[J] [T]

né le 27 février 1962 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représenté par Me Sébastien PONCET de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Nadine PICCA de la SCP PICCA - MOLINA, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Jean KOECHLIN, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉES :

Société SODICIL

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Béatrice CHAINE-FILIPPI, avocat au barreau de LYON substituée par Me Fabien DUFFIT-DALLOZ, avocat au barreau de LYON

Société DIALUX

[Adresse 5]

[Localité 4]

non représentée

Société MJ SYNERGIE représentée par Me [E] [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société DIALUX

intervenant volontairement

[Adresse 1]

[Localité 11]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Clémence PALIX, avocat au barreau de LYON

Association AGS CGEA DE [Localité 7] DELEGATION UNEDIC AGS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Me Serge DEYGAS de la SELARL CARNOT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Décembre 2022

Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 22 mai 2001, M. [J] [T] a été embauché par la société Dialux en qualité de responsable d'agence de l'établissement de [Localité 8].

Par avenant en date du 30 mars 2007, il a été convenu qu'à compter du 1er avril 2007, le salarié était engagé comme responsable technique et qualité pour l'agence de [Localité 4], sa rémunération a été modifiée et un véhicule automobile a été mis à sa disposition pour ses déplacements tant professionnels que personnels.

Le 29 juin 2015, le salarié a été placé en arrêt de travail, régulièrement prolongé jusqu'à la date de la visite de reprise en date du 25 octobre 2016 à l'issue de laquelle il a été déclaré inapte en un seul examen par le médecin du travail, le maintien à son poste de travail pouvant entraîner un danger immédiat pour sa santé, sa sécurité ou celle des tiers. L'avis précise que la situation médicale de ce jour ne permet pas de proposer de poste de reclassement dans l'entreprise.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 novembre 2016, la société Dialux a notifié à M. [T] son licenciement.

Par requête en date du 2 mai 2016, le salarié avait fait convoquer la société Dialux et la société Sodicil devant le conseil de prud'hommes de Lyon en demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Dialux et le paiement de diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, de primes de vacances, de dommages-intérêts pour non-respect de la durée légale du travail, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de dommages et intérêts à titre de préjudice moral et d'indemnités et dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail.

Le conseil de prud'hommes a dressé un procès-verbal de partage de voix le 8 mars 2018.

Par jugement en date du 27 juin 2018, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Dialux et désigné Maître [G] en qualité d'administrateur judiciaire et la société MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 19 juin 2019, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Dialux et désigné la société MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement en date du 24 octobre 2019, la formation de départage du conseil de prud'hommes a :

' mis la société Sodicil hors de cause

' débouté Monsieur [T] de ses demandes au titre du rappel d'heures supplémentaires, du repos compensateur et du travail dissimulé

' fixé la créance de Monsieur [T] au passif de la procédure collective de la société Dialux à la somme de 5 000 euros au titre du non-respect des durées maximales de travail, avec intérêts au taux légal à compter du jugement

' déclaré la décision opposable à l'UNEDIC AGS CGEA de [Localité 7] dans les limites des plafonds légaux de sa garantie

' débouté Monsieur [T] de sa demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité

avant-dire droit,

' ordonné la réouverture des débats

' invité la société Dialux, le mandataire judiciaire et l'administrateur judiciaire à communiquer le détail précis des modalités de calcul de la rémunération variable de Monsieur [T] de 2011 à 2015 ainsi que les pièces justificatives, en distinguant le chiffre d'affaires hors taxes relevant de l'activité sur les métrés, celui sur les commandes de direction pris par relationnel et celui sur les commandes directes

' réservé les autres demandes.

Monsieur [T] a interjeté appel de ce jugement, le 21 novembre 2019.

Par jugement en date du 29 octobre 2020, le juge départiteur statuant seul a constaté que le conseil de prud'hommes était dessaisi des demandes sur lesquels il avait sursis à statuer, en raison de l'effet dévolutif de l'appel.

Par conclusions récapitulatives n°5, Monsieur [T] demande à la cour :

' de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé sa créance au passif de la procédure collective de la société Dialux à la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect des durées maximales de travail, outre intérêts à compter du jugement

' d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

* mis hors de cause la société Sodicil comme co-employeur

* rejeté ses demandes relatives aux heures supplémentaires, au non-respect du repos compensateur, au titre du travail dissimulé et au titre du manquement à l'obligation de sécurité

* octroyé 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du dépassement des amplitudes horaires

' de dire que les sociétés Dialux et Sodicil sont en situation de co-emploi

' de condamner la société Dialux représentée par la société MJ Synergie en qualité de liquidateur et la société Sodicil solidairement à lui payer les sommes suivantes :

* 89'391,95 euros bruts au titre des heures supplémentaires impayées outre les congés payés afférents

* 25'233,25 euros bruts au titre du repos compensateur

* 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail

* 20'000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

* 70'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

' d'ordonner à la société MJ Synergie en sa qualité de liquidateur judiciaire de procéder à l'inscription sur le relevé de créances salariales de toutes condamnations sollicitées à l'encontre de la société Dialux

' de déclarer opposable à l'AGS CGA à de [Localité 7] la décision à intervenir

' de déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de la société Dialux représentée par la société MJ Synergie, ce point n'étant pas encore tranché par le premier juge

' de condamner la société Dialux représentée par la société MJ Synergie et la société Sodicil à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions n°4, la société MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Dialux, demande à la cour :

' d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à prescription s'agissant des demandes de rappel de salaires et d'heures supplémentaires et fixé la créance de Monsieur [T] au passif de la procédure collective à la somme de 5 000 euros au titre du non-respect des durées maximales de travail, avec intérêts au taux légal à compter du jugement

' de débouter Monsieur [T] de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail

' de débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes

' de condamner Monsieur [T] à lui restituer ès qualités la somme de 20'734,59 euros

' de confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions

' de condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens

' en tout état de cause, et subsidiairement, de dire que toute somme allouée supportera s'il y a lieu le paiement des prélèvements de charges et contributions.

L'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7] demande à la cour :

' d'infirmer le jugement

' statuant à nouveau, de déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [T]

' subsidiairement, de statuer ce que de droit sur le co-emploi

' en cas de réformation et de co-emploi reconnu, de dire qu'elle n'aura aucune garantie à assumer, en vertu du principe de subsidiarité de la garantie légale de l'AGS

' plus subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [T] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires, de repos compensateur, de dommages-intérêts pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

' plus subsidiairement, d'infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la durée du travail

' statuant à nouveau, de dire que le manquement n'est pas caractérisé et que le principe comme le montant du préjudice ne sont pas démontrés

' plus subsidiairement, de débouter Monsieur [T] de sa demande de résiliation judiciaire d'indemnisation et, subsidiairement, de minimiser dans de très sensibles proportions les dommages et intérêts octroyés

en tout état de cause,

' de dire qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions prévues par la loi

' de la mettre hors dépens.

Par conclusions n° 2, la société Sodicil demande à la cour :

' d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'action en reconnaissance d'une situation de co- emploi n'était pas prescrite

à titre principal,

' de juger irrecevable car prescrite l'action de Monsieur [T] en reconnaissance d'une situation de co-emploi entre les sociétés Sodicil et Dialux

' en conséquence, de débouter Monsieur [T] de l'intégralité des demandes formulées à son encontre

à titre subsidiaire,

' de la mettre hors de cause

' de débouter Monsieur [T] de l'intégralité des demandes qu'il formule à son encontre

à titre infiniment subsidiaire,

' de déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [T] au titre d'heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs afférents antérieurs au 2 mai 2013 comme étant prescrites

' de réduire le surplus des demandes de Monsieur [T] en rappel d'éléments de salaire ainsi que celles à titre indemnitaire à de plus justes et légitimes proportions

' de dire que les sommes allouées supporteront s'il y a lieu les prélèvements de cotisations et contributions sociales applicables

en tout état de cause,

' de condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2022.

SUR CE :

Sur les demandes de M. [T] à l'égard de la société Sodicil

M. [T] expose que le gérant de la société Dialux, M. [B], a créé la société Sodicil dans le courant de l'année 2012 et qu'il a créé une confusion de gestion entre ces deux entités.

Il soutient que le co-emploi peut être retenu lorsqu'il existe un état de subordination juridique entre le salarié et le co-employeur, que les sociétés Sodicil et Dialux lui donnaient l'une et l'autre des instructions puisqu'il travaillait indifféremment pour ces deux sociétés, que M. [B] le sollicitait régulièrement pour qu'il intervienne sur les chantiers de la société Sodicil, que cette dernière société n'a jamais embauché de salariés et utilisait les moyens humains de la société Dialux et que les agents commerciaux répartis sur l'ensemble du territoire pour développer la société Sodicil le sollicitaient régulièrement afin d'obtenir des devis.

La société Sodicil soulève la prescription de l'action en reconnaissance d'une situation de co-emploi pour la période antérieure à mai 2014 et fait par ailleurs observer que la société Dialux a été vendue par M. [B] à M. [H] en juillet 2013 de sorte qu'à compter de cette date, les deux sociétés n'avaient plus le même gérant.

Elle explique que M. [B] ou ses agents commerciaux ont parfois été en lien avec M. [T] afin qu'il leur transmette ses conditions tarifaires pour une prestation donnée et que les courriels produits mettent en évidence que les deux sociétés étaient en relation d'affaires mais n'établissent pas l'existence d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre elles.

Elle ajoute que M. [T] ne démontre pas non plus l'existence d'un lien de subordination avec elle.

Le liquidateur judiciaire de la société Dialux, ès qualités, soutient qu'en sa qualité de salarié de la société Dialux, M. [T] était nécessairement en relation avec les partenaires commerciaux de son employeur, dont faisait partie la société Sodicil, et que cette dernière société n'avait aucun chantier, compte-tenu de l'activité de négoce qu'elle exerçait.

****

Les demandes en paiement d'heures supplémentaires de M. [T] dirigées contre la société Sodicil sont recevables à compter du 2 mai 2011, comme l'a justement relevé le conseil de prud'hommes, compte-tenu de la date de la requête.

Les autres demandes relatives à l'exécution d'un contrat de travail qui n'a été rompu que le 25 novembre 2016 sont également recevables.

M. [T] ne justifie pas de ce que sa participation à un (ou deux) salon professionnel en novembre 2012 l'a été pour le compte de la société Sodicil et non celui de la société Dialux, ni que lors de sa visite d'une usine en République tchèque en 2013, il se trouvait en réalité sous la subordination de la société Sodicil.

En tout état de cause, les faits ainsi invoqués ne sont pas susceptibles de démontrer que M. [T] était employé conjointement par les sociétés Dialux et Sodicil au cours des périodes visées par ses demandes.

Pour le surplus, M. [T] ne présente pas devant la cour, à l'appui de ses demandes, d'autres éléments que ceux qui ont été analysés par les premiers juges.

C'est par de justes motifs que la cour adopte que le conseil de prud'hommes a mis la société Sodicil hors de cause et donc rejeté les demandes tendant à voir condamner cette société à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution de son contrat de travail.

Il convient, pour les mêmes motifs, ajoutant au jugement, de rejeter les demandes formées à l'égard de la société Sodicil au titre de la rupture du contrat de travail.

Sur la demande en rappel d'heures supplémentaires

La fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes concernant la période de mai 2012 à avril 2013 soulevée par le liquidateur judiciaire, ès qualités, doit être rejetée, comme il a été dit ci-dessus.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des dispositions de l'article précité et de celles des articles L. 3171-2, alinéa 1er, et L. 3171-3 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le contrat de travail signé le 22 mai 2001 stipule que la durée mensuelle du travail de M. [T] est de 152 heures.

L'avenant au contrat de travail en date du 30 mars 2007 ne contient aucune clause relative à la durée du travail.

M. [T] était donc soumis à l'horaire hebdomadaire légal de travail de 35 heures.

Il affirme qu'il a été contraint d'effectuer de nombreuses heures supplémentaires afin de visiter tous les chantiers, à la demande de l'employeur, et que son amplitude de travail a été très importante.

Il sollicite des rappels d'heures supplémentaires pour les périodes suivantes :

- mai 2012 à mai 2013

- mai 2013 à mai 2014

- mai 2014 à mai 2015

- mai 2015 à juin 2015,

en revendiquant l'accomplissement de 25 heures supplémentaires par semaine pendant 47 semaines, chaque année sur ladite période, soit 5 heures supplémentaires par jour (ce qui porte à 12 heures la durée journalière de travail).

Il expose dans ses conclusions qu'il commençait son travail vers 7 heures du matin et le finissait vers 20 heures et qu'il dépassait très souvent les 10 heures de travail par jour.

Il produit la copie de ses agendas des années 2011, 2012 et 2013 sur lesquels sont reproduits certains rendez-vous, par exemple :

- sur la page du 29 mars 2012 : un rendez-vous à 14 heures30,

- sur la page du 4 mai 2012 : un rendez-vous à 8 heures 30

- sur la page du 29 mai 2012 : un rendez-vous à 8 heures

- sur la page du 20 septembre 2012 : un rendez-vous à 14 heures

- sur la page du 3 avril 2013 : un rendez-vous à 11 heures

- sur la page du 23 avril 2013 : un rendez-vous à 11 heures et un rendez-vous à 14 heures

- sur la page du 4 juin 2013: trois rendez-vous à 8 heures, 10 heures et 11 heures.

Sur la semaine du 24 septembre 2012 est mentionné un rendez-vous le lundi à 16 heures. Aucun rendez-vous n'est mentionné pour les quatre jours suivants.

Sur la semaine du 19 septembre 2012 sont mentionnés les rendez-vous suivants : lundi 18 heures, mardi 10 heures 30, mercredi 8 heures 30, jeudi : 14 heures, vendredi : 8 heures 30, 10 heures et de 14 heures à 16 heures.

Ces éléments sont suffisamment précis en ce qui concerne les heures de travail accomplies par le salarié pour permettre à l'employeur de répondre en apportant ses propres éléments.

Le 18 avril 2016, l'employeur a répondu à la lettre du 31 mars 2016 dans laquelle M. [T] lui annonçait qu'il réalisait de très nombreuses heures supplémentaires qui ne lui étaient jamais réglées alors que, travaillant environ 12 heures par jour, cinq jours sur sept, 47 semaines par an, il effectuait approximativement près de 1 175 heures supplémentaires par an, qu'il ne lui avait pas demandé d'exécuter des heures supplémentaires, que le salarié était autonome dans son emploi qui s'exécutait principalement hors des locaux de l'entreprise, que s'il bénéficiait de dix jours de réduction du temps de travail par an, c'était pour compenser les éventuels dépassements d'horaires dans des proportions résiduelles et que la durée du travail alléguée était incohérente et incompatible avec le chiffre d'affaires géré par le salarié qui avait d'ailleurs diminué depuis 2014.

L'employeur fait observer notamment que, déduction faite des 25 jours de congés payés, des 3 jours d'ancienneté et des 10 jours d'ITT, les agendas produits ne font apparaître :

* en 2012 : aucune activité sur 7,8 semaines de travail, 5 semaines calendaires restant entièrement blanches

* en 2013 : aucune activité sur 18,2 semaines de travail, 6 semaines calendaires restant entièrement blanches.

L'employeur a produit les factures mensuelles établies par la société d'autoroute AREA mentionnant le nombre et les lieux des trajets effectués par les salariés de la société Dialux ainsi que leurs dates et indique qu'il n'a pas pu obtenir les horaires de passage, les données n'étant conservées que pendant un an, comme en atteste la société AREA par courriel versé aux débats.

Ces factures n'apportent toutefois pas de renseignements sur la nature et la durée des déplacements effectués par le salarié.

Dans son avis spécialisé du 25 juin 2015, le docteur [S], médecin psychiatre, reprend les propos du salarié selon lesquels, depuis 2007, il fait les trajets [Localité 11] (lieu de travail)-[Localité 9] (lieu du domicile) tous les jours.

Or, M. [T] inclut dans ses demandes, ainsi qu'il ressort de ses conclusions, des temps de trajet domicile-travail et des temps de déplacement professionnel dont il n'est pas démontré qu'il s'agit de temps de travail effectif.

Les agendas produits n'indiquent souvent qu'un seul rendez-vous par jour dont aucun ne commence à 7 heures ou finit à 20 heures.

Les pages des semaines des 2, 9 et 16 septembre 2013, par exemple, sont barrées, de sorte que M. [T] ne peut prétendre avoir accompli 25 heures hebdomadaires supplémentaires chaque semaine pendant 47 semaines en 2013.

De nombreuses annotations figurent sur les agendas sans précision d'horaires.

Les agendas des années 2014 et 2015 ne sont pas produits.

Dès lors, au vu des éléments apportés de part et d'autre, l'accomplissement par le salarié d'heures supplémentaires non rémunérées sur la période de trois ans revendiquée n'est pas démontré.

Il convient de rejeter les demandes en fixation de créances d'heures supplémentaires et les demandes connexes au titre de la contrepartie en repos et du travail dissimulé.

Dans la mesure où le temps de travail du salarié était de 7 heures par jour et de 35 heures par semaine, la demande en rappel d'heures supplémentaires étant rejetée, le jugement qui a alloué des dommages et intérêts au salarié au motif que l'employeur ne démontrait pas qu'il avait respecté les dispositions légales et conventionnelles applicables en matière de durée du travail doit être infirmé et ce chef de demande rejeté.

Sur la demande fondée sur le manquement à l'obligation de sécurité

M. [T] soutient que la société n'a pas respecté ses obligations en matière de sécurité, puisque, d'une part il a dû réaliser de nombreuses heures supplémentaires et les amplitudes horaires de ses journées de travail ont été de plus en plus importantes, d'autre part le calcul de son salaire était particulièrement flou et la société ne l'a jamais mis en mesure de contrôler le montant de la part variable qui lui était versée.

Il reproche à l'employeur d'avoir modifié son lieu de travail en 2007 en lui demandant d'aller travailler à l'agence de [Localité 4] alors que, depuis son embauche, il exerçait ses fonctions à [Localité 8].

Il affirme que ses conditions de travail délétères ont gravement nui à sa santé, observant que le médecin du travail a conclu qu'il se trouvait dans une situation de 'burn-out' et que le certificat du docteur [S] du 25 juin 2015 fait état d'un surmenage intensif et du début d'un syndrome d'épuisement professionnel.

Il invoque l'absence de mesures individuelles prises pour faire cesser la situation qu'il a dénoncée à son employeur pendant son arrêt-maladie et fait valoir que ce dernier n'a jamais produit le document unique des risques, ni son plan de prévention.

L'employeur expose que M. [T] a perçu des avances sur commissions et qu'entre 2011 et 2015, il lui a été versé des avances excédant le montant des commissions dûes.

Il fait observer que le salarié ne l'a jamais alerté de l'existence de difficultés avant la suspension de son contrat de travail en juin 2015 et qu'il n'est pas démontré que les conditions de travail du salarié ont été à l'origine de la dégradation de son état de santé.

****

En application de l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'avenant au contrat de travail modifiant le lieu de travail du salarié a été accepté par le salarié le 30 mars 2007.

Les demandes aux fins de fixation d'une créance de rappel d'heures supplémentaires et d'une créance de dommages et intérêts en raison du non-respect des durées maximales de travail ont été rejetées.

M. [T] s'est plaint auprès de l'employeur de dysfonctionnements, pour la première fois dans sa lettre du 31 mars 2016, alors qu'il se trouvait en arrêt de travail depuis le 29 juin 2015.

Lors de l'examen réalisé par le médecin du travail le 22 juin 2015 à la demande du salarié, il est indiqué en conclusion : avis d'aptitude, pas d'avis (agent commercial).

Le salarié ne peut reprocher à l'employeur de ne pas avoir mis en oeuvre de mesures de prévention d'un risque qui ne lui a jamais été signalé.

Aux termes du jugement dont appel, le conseil de prud'hommes a ordonné la réouverture des débats et, avant-dire droit sur les demandes relatives à la rémunération variable, a invité l'employeur à communiquer le détail précis des modalités de calcul de la rémunération variable du salarié de 2011 à 2015 ainsi que les pièces justificatives.

Bien que les tableaux unilatéraux produits en cause d'appel par le liquidateur judiciaire, ès-qualités, intitulés 'suivi du CA et des encaissements' pour les exercices 2013-2014 et 2014-2015, non corroborés par des pièces comptables, ne permettent pas de vérifier que le salarié a bien perçu les commissions auxquelles il était en droit de prétendre, de son côté, M. [T] n'apporte aucun élément de nature à prouver que, comme il le soutient, les produits vendus par lui étaient intégrés dans les lots d'autres collègues.

Mais si l'absence de justification par l'employeur des modalités de calcul des commissions versées au salarié est susceptible de donner lieu à un rappel de rémunération, elle ne constitue pas en elle-même un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, d'autant plus que ce dernier n'a jamais été questionné sur ce point avant la lettre citée ci-dessus du 31 mars 2016 et que le salarié a régulièrement perçu des avances sur commissions pendant toute la durée de la relation contractuelle.

Enfin, le salarié ne démontre pas l'existence d'un préjudice personnellement subi en lien avec l'absence de justification par l'employeur de l'élaboration d'un document d'évaluation des risques et d'un plan de prévention.

Il convient de confirmer le jugement qui a rejeté la demande en fixation d'une créance de dommages et intérêts fondée sur le manquement à l'obligation de sécurité.

Sur la demande aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail

Le salarié fait valoir à l'appui de sa demande que la société Dialux a gravement manqué aux obligations qui étaient les siennes en matière de santé et de sécurité en lui imposant notamment de travailler dans des conditions délétères qui ont nécessité plusieurs arrêts de travail.

Les manquements n'ayant pas été démontrés, la demande aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail n'est pas fondée et, ajoutant au jugement, il y a lieu de la rejeter.

Sur la demande reconventionnelle

Les tableaux versés par l'employeur devant la cour et les listes de chantiers, non corroborés par des pièces comptables et des factures, ne suffisent pas à démontrer que les avances sur commissions versées à M. [T] au titre des exercices 2010 à 2015 étaient supérieures aux commissions effectivement dues.

Ajoutant au jugement, il convient de rejeter la demande reconventionnelle en restitution d'avances sur commissions.

Compte-tenu de la solution apportée au présent litige, M. [T] et le liquidateur judiciaire, ès qualités, conserveront la charge de leurs dépens respectifs de première instance et d'appel et celle de leurs frais irrépétibles respectifs de première instance et d'appel.

Il convient de condamner M. [T] aux dépens de première instance et d'appel de la procédure à l'égard de la société Sodicil.

L'équité ne commande pas de condamner M. [T] à payer une indemnité de procédure à la société Sodicil.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a fixé une créance de dommages et intérêts au titre du non-respect des durées maximales de travail

STATUANT à nouveau sur ce point,

REJETTE la demande de dommages et intérêts fondée sur le non-respect des durées maximales de travail

AJOUTANT au jugement,

REJETTE la demande aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail

REJETTE la demande reconventionnelle en paiement formée par le liquidateur judiciaire, ès qualités,

CONDAMNE M. [T] aux dépens de première instance et d'appel de la procédure à l'égard de la société Sodicil

DIT que M. [T] et le liquidateur judiciaire, ès qualités, conserveront la charge de leurs dépens respectifs de première instance et d'appel en ce qui concerne la procédure à l'égard de la liquidation judiciaire de la société Dialux

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/08026
Date de la décision : 22/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-22;19.08026 ?
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