La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2023 | FRANCE | N°19/08166

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 22 février 2023, 19/08166


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/08166 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MW67



Association CAPSO

C/

[L]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 15 Novembre 2019

RG : F 17/03869







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2023







APPELANTE :



Association CAPSO anciennement dénommée ADAEAR

[Adresse 1]

[Localité 3]


<

br>représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



[G] [L]

...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/08166 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MW67

Association CAPSO

C/

[L]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 15 Novembre 2019

RG : F 17/03869

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2023

APPELANTE :

Association CAPSO anciennement dénommée ADAEAR

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric RENAUD de la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[G] [L]

née le 04 mars 1972 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Elsa MAGNIN de la SELARL CABINET ADS - SOULA MICHAL- MAGNIN, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 décembre 2022

Présidée par Joëlle DOAT, présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [G] [L] a été embauchée par le Comité Roannais de Vacances pour l'établissement Maison d'Enfants à caractère social La Bruyère en qualité d'ouvrière qualifiée, plus spécialement chargée de la cuisine, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 24 septembre 1998.

Par avenant en date du 30 juin 2011, l'association départementale d'aide à l'enfance et à l'adolescence du Rhône (ADAEAR) a promu Mme [L] au poste de maîtresse de maison.

A compter du 20 mai 2015, Mme [L] a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle.

A l'issue de la seconde visite de reprise en date du 17 mai 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [L] inapte à son poste de travail.

Le 1er juin 2017, l'association a écrit à Mme [L] que les délégués du personnel de l'établissement La Bruyère consultés avaient rendu un avis favorable sur l'impossibilité d'aménager son poste de travail et qu'elle était contrainte de constater l'impossibilité de la reclasser sur un autre poste, sous réserve qu'un tel poste existe et soit à la fois compatible avec son état de santé et ses compétences professionnelles, et disponible au sein de l'association.

Le 3 juillet 2017, l'association a licencié la salariée pour inaptitude physique avec impossibilité de reclassement.

Par requête en date du 8 novembre 2017, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de dire que son licenciement est nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'association Adaear à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et dommages et intérêts pour violation des droits à la portabilité.

Par jugement en date du 15 novembre 2019, le conseil de prud'hommes, a :

- rejeté la demande en nullité du licenciement

- dit que le licenciement de Mme [L] est sans cause réelle et sérieuse

- condamné l'association Adaear à verser à Mme [L] les sommes suivantes :

7 182,69 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

718,29 euros à titre de conges payés afférents

36 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des droits à la portabilité des garanties frais de santé

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté les parties du surplus de leurs demandes

- fixé la moyenne brute des salaires des trois derniers mois à la somme de 2 394,23 euros

- condamné l'association Adaear aux dépens de l'instance.

L'association Adaear désormais dénommée Capso a interjeté appel de ce jugement, le 27 novembre 2019.

Elle demande à la cour :

à titre principal,

- d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande aux fins de nullité du licenciement

- de dire que le licenciement pour inaptitude de Mme [L] était justifié

- de débouter Mme [L] de l'intégralité de ses demandes afférentes,

à titre subsidiaire,

- de limiter le montant des dommages et intérêts à la somme de 14 166,30 euros, conformément aux dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail,

- de limiter le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 4 722,10 euros,

en tout état de cause,

- de limiter le montant des dommages et intérêts pour violation des droits à la portabilité des garanties de frais de santé à la somme de 444 euros,

- de condamner Mme [L] au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme [L] aux entiers dépens de l'instance et d'appel, ces derniers au profit de Maître LAFFLY, avocat sur son affirmation de droit.

Mme [L] demande à la cour :

- de débouter l'association Capso de l'ensemble de ses demandes

à titre principal,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que son licenciement n'était pas entaché de nullité et en ce qui concerne le montant des dommages alloués au titre de la rupture du contrat de travail

statuant à nouveau,

- de dire que son licenciement est nul

à titre subsidiaire,

- de confirmer le jugement qui a dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse

- de condamner l'association à lui verser la somme de 48 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse

en toute hypothèse,

- de confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions

- de condamner l'association Adaear à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2022.

SUR CE :

L'article L 1226-2 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2017 au 24 septembre 2017, énonce que :

- lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités,

- cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté

- l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Aux termes de l'avenant au contrat de travail signé le 30 juin 2011, il a été convenu que Mme [L] occupait à compter du 1er janvier 2011 un poste de maîtresse de maison aménagé de façon à ce qu'elle puisse assurer l'économat des deux sites ([Localité 5] et [Localité 6]) et que cet aménagement plaçait la salariée dans la grille des techniciens supérieurs au coefficient 517 avec prime d'internat.

A l'issue de la seconde visite de reprise du 17 mai 2017, le médecin du travail a émis l'avis suivant :

poste de travail : agent technique cuisine

date de l'étude de poste : 17 mai 2017

revue ce jour à la demande du médecin du travail suite à la visite de reprise du 11 mai 2017

inapte à son poste, apte à un poste sans manutention supérieure à 3 kg, sans station debout supérieure à 1 heure, trajet professionnel inférieur à 50 km, pas de (illisible) en hauteur.

La fiche d'étude de poste et des conditions de travail réalisée le 15 mai 2017 par le médecin du travail en présence de la cheffe de service montre que seul le poste de cuisinière a été étudié, puisque sont uniquement mentionnées les contraintes physiques inhérentes à ce poste, à savoir manutention, déplacements avec dénivelé, contraintes articulaires fortes lors de la cuisine, du nettoyage, du stockage et station debout permanente, les risques professionnels identifiés étant les risques spécifiques à l'activité de cuisine.

Il apparaît ainsi que la partie 'économat' des fonctions de la salariée, telle qu'elle lui avait été attribuée par l'avenant, qu'elle est décrite par la fiche de poste annexée à l'avenant et qu'elle est reprise dans le certificat de travail (période du 6 novembre 2011 au 3 juillet 2017 : économe 2ème classe), n'a pas été étudiée par le médecin du travail qui ne s'est donc pas prononcé sur l'aptitude de Mme [L] à exercer les fonctions d'économe.

Il n'est pas établi en conséquence que le constat d'inaptitude au poste d'agent technique cuisine interdisait à l'employeur de proposer un poste d'économe à la salariée, au besoin adapté et à temps partiel, pour tenir compte de l'avis d'aptitude à un autre poste avec restrictions émis par le médecin du travail.

L'employeur ne justifie pas de ce qu'aucun poste d'économe, fût-ce à temps partiel, compatible avec les restrictions médicales énoncées, n'était disponible dans l'établissement La Bruyère où travaillait la salariée ou dans ses autres établissements.

L'employeur a écrit le 15 juin 2017 qu'il ne pouvait envisager l'adaptation à la fonction d'économe car les tâches n'existaient plus dans la configuration actuelle de l'emploi d'agent technique cuisine, ce qui résulte de ses seules affirmations.

Il a répondu le 28 août 2017 à l'avocate de la salariée que 'le poste d'économe n'existait plus dans la structure suite à une réorganisation réalisée depuis plusieurs années', alors que ce poste figure dans l'organigramme produit en pièce 15 par la salariée qui l'occupait pour partie de ses fonctions avant son arrêt-maladie.

L'employeur ne mentionne pas dans les lettres de recherche de reclassement produites, comme dans le cadre de la consultation des délégués du personnel, la qualification de la salariée et les attributions partielles d'économe précédemment exercées et il n'apporte aucun élément démontrant qu'il a interrogé le médecin du travail sur les possibilités de reclasser la salariée sur un poste d'économe.

Il ne démontre pas non plus avoir interrogé le médecin du travail sur la compatibilité avec l'état de santé de la salariée d'autres postes disponibles dans l'association à la date du licenciement (agents de service, agents qualifiés, techniciens administratifs, surveillants de nuit) au vu du registre d'entrée et de sortie du personnel.

Il résulte de ces éléments que l'employeur n'a pas respecté l'obligation mise à sa charge de recherche sérieuse et loyale de reclassement pour Mme [L].

Le licenciement n'encourt pas la nullité, le médecin du travail ayant rendu un avis d'inaptitude au poste de travail, mais il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

L'employeur fait valoir que l'indemnité compensatrice de préavis doit être limitée à deux mois, la salariée ne l'ayant jamais informé du statut de travailleur handicapé qui lui avait été attribué.

L'article L 5213-9 du code du travail dispose qu'en cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapître II sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis.

Aucune condition tenant à l'information préalable de l'employeur sur la qualité de travailleur handicapé du salarié n'est édictée par ce texte, étant observé que les renseignements relatifs à l'état de santé du salarié ne peuvent être confiés qu'au médecin du travail, de sorte que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur à payer à Mme [L] une indemnité compensatrice correspondant à trois mois de préavis.

Compte-tenu de son ancienneté dans l'association (18 ans et 10 mois), de son âge à la date de la rupture (45 ans), des circonstances de son licenciement et de la situation professionnelle postérieure dont elle justifie, le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation du préjudice causé à la salariée par la rupture injustifiée de son contrat de travail.

Enfin, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à 1 000 euros le montant des dommages et intérêts alloués à la salariée en réparation du préjudice matériel et moral subi par elle en raison de l'absence de transmission à la mutuelle par l'employeur de sa demande de maintien des garanties de santé.

En application de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient de condamner d'office l'association à rembourser à POLE EMPLOI les allocations de chômage qui ont été versées à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnités.

Le recours de l'employeur étant entièrement rejeté, il convient de condamner celui-ci aux dépens d'appel et à payer à la salariée la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement

Y AJOUTANT,

CONDAMNE d'office l'association CAPSO à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage qui ont été versées à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnités

CONDAMNE l'association CAPSO aux dépens d'appel

CONDAMNE l'association CAPSO à payer à Mme [G] [L] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/08166
Date de la décision : 22/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-22;19.08166 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award