N° RG 22/03167 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OIUH
Décision du Président du TJ de LYON en Référé du 04 avril 2022
RG : 21/01760
Compagnie d'assurance CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DÉNOMMÉE GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE
C/
S.A.R.L. SUPER CARS [Localité 3]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 01 Mars 2023
APPELANTE :
Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles de Rhône Alpes Auvergne dénommée GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, entreprise régie par le Code des Assurances inscrite au RCS de Lyon sous le n°779 838 366, dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
Représentée par Me Jacques VITAL-DURAND de la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : T.1574
INTIMÉE :
SUPER CARS [Localité 3], société à responsabilité limitée immatriculée au RCS de Chartres sous le n° 827 916 495, sise [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Timo RAINIO, avocat au barreau de LYON, toque : 1881
Ayant pour avocat plaidant Me Kevin PUJOL, avocat au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 24 Janvier 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Janvier 2023
Date de mise à disposition : 01 Mars 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Karen STELLA, conseiller
- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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La SARL Super Cars [Localité 3] a une activité de commerce (achat restauration, revente) de véhicules de luxe. Elle a acquis plusieurs véhicules de prestige dont deux véhicules Ferrari.
Dans la nuit du 24 au 25 août 2020, elle a été victime d'un cambriolage dans son hangar d'Eure et Loir. Lui a été volé un véhicule Ferrari d'une valeur de 151 000 euros outre une remorque de marque Anssens et une autre Ferrari a été dégradée.
Par exploit du 18 octobre 2021, elle a assigné la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne (ci-après Groupama), son assureur, pour obtenir sa condamnation à lui payer une provision de 238 928,67 euros soit 150 000 euros pour le véhicule Ferrari volé, 8 728,67 euros pour les frais de réparation de l'autre Ferrari, 1 800 euros pour les frais de récupération de la remorque, 78 400 euros pour le préjudice d'exploitation pour le véhicule volé, somme majorée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 9 mars 2021 outre capitalisation des intérêts et une indemnité de 5 000 euros pour les frais irrépétibles.
La société Super Cars [Localité 3] a exposé avoir souscrit le 13 décembre 2017 une police d'assurance pour se garantir contre les risques de détérioration et vol des véhicules qu'elle entrepose, répare et revend.
Dans la nuit du 24 au 25 août 2020, elle a subi un cambriolage et une plainte a été déposée le 26 août suivant. Le sinistre a été déclaré le 27 auprès de son courtier. Un expert d'assurance a été mandaté. A la suite, l'assureur a résilié sa police sans réponse sur l'indemnisation de son préjudice. La remorque volée a été retrouvée. Elle n'a cessé de réclamer le rapport d'expertise outre une provision. Elle a donc mis en demeure son assurance le 9 mars 2021 de l'indemniser.
Or, Groupama s'est bornée à solliciter des documents dont bon nombre lui avaient déjà été communiqués. D'autres n'avaient aucun rapport avec le sinistre. L'expert a estimé que les frais de réparation du pare brise endommagé s'élèvent à 3 041,42 euros. Il ne s'est pas exprimé sur les autres préjudices. La société Super Cars [Localité 3] a pris l'initiative de faire évaluer le coût de l'ensemble des dommages. Le chiffrage s'est établi à 8 728,67 euros. Pour la remorque, le contrat prévoit que les frais de récupération des véhicules volés sont de 1 800 euros. L'expert n'a communiqué son rapport sur les dommages au pare brise que le 16 septembre 2021. Elle sollicite l'indemnisation de son préjudice d'exploitation car elle n'a pas pu louer deux Ferrari.
La compagnie Groupama s'est s'opposée aux demandes relatives au véhicule dégradé AR 540 SA, à la remorque, et à la perte d'exploitation. Pour le véhicule volé CP 363 QR, sa garantie ne peut être supérieure à 62 425 euros HT. A titre subsidiaire pour la seconde Ferrari, sa garantie des dommages ne se chiffre qu'à 3 216 euros. Elle a, en outre, sollicité la diminution des frais irrépétibles.
Groupama fait valoir que l'expert d'assurance a évalué le coût du véhicule volé à 80 000 euros HT en relevant une incohérence entre le kilométrage affiché et la réalité des kilomètres parcourus au regard de son historique. Le véhicule a été réparé le 8 octobre 2015 et affichait 49 162 km au compteur. Ce véhicule était utilisé pour des circuits de course amateur ce qui abîme et fait baisser la valeur. Il a été acquis pour 120 000 euros avant le sinistre. Il n'a pas pu prendre 30 000 euros de valeur en trois ans. En outre, la société Super Cars [Localité 3] est assujettie à la TVA lors des ventes de véhicules. Il doit être retiré 20'% du prix. Il n'est pas justifié d'une effraction. Ainsi, l'indemnisation d'un véhicule volé sans effraction est indemnisé à 80'% de sa valeur vénale.
Une franchise soit s'appliquer d'un montant de 1 575 euros. Pour la Ferrari dégradée, après expertise, le montant des réparations est de 4 366 euros HT moins une franchise de 1 150 euros. La remorque n'appartient pas à la société Super Cars. Elle n'est pas garantie. La perte d'exploitation n'est pas justifiée. L'assurée est en mauvaise santé financière et son résultat d'exploitation sur 2020 n'était que de 1 874 euros.
En réplique, Super Cars [Localité 3] a demandé le versement de 237 353,67 euros. Elle a répondu point par point à tous les griefs que son assureur lui a adressés': elle a bien signalé à Groupama son changement de lieu d'activité. Ses locaux comprenaient bien des extincteurs. La sécurisation est faite par une clôture extérieure, un portail fermé par un cadenas et des chaînes. Il y a également des caméras, un rideau métallique sécurisé de l'intérieur, une alarme avec sirène, une alerte au gérant. Le premier expert de l'assureur avait estimé le véhicule volé à 151 000 euros. Son kilométrage lors d'un contrôle technique mentionnait 25 358 km au 2 mai 2019. L'argumentation sur le kilométrage montre la mauvaise foi de Groupama. Le véhicule de luxe a été réparé par ses soins et a pris de la valeur. Le remboursement doit se faire TTC au vu du délai écoulé. Il y a nécessairement eu effraction car ses clés n'ont pas été volées. Le véhicule dégradé a reçu des jets de bouteilles de chalumeau sur le pare brise et sur la carrosserie. La perte de chance de réaliser une plus value par la vente du véhicule volé est établie. A titre subsidiaire, il est demandé une passerelle pour un jugement au fond vu l'urgence liée à l'ancienneté des faits et aux circonstances économiques difficiles.
Suivant ordonnance du 4 avril 2022, le président du tribunal judiciaire de Lyon a, après avoir ordonné une réouverture des débats à la demande de Groupama,
condamné la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne à payer à la société Super Cars [Localité 3] la somme provisionnelle de 180 225 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 18 octobre 2021 avec capitalisation des intérêts dus par année entière ;
condamné la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne aux dépens ;
condamné la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne à payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la société Super Cars [Localité 3].
Le juge a retenu essentiellement que':
la valeur du véhicule volé est justifiée par la production de sa proposition de vente au prix de 144 980 euros alors qu'un expert l'a estimé à 151 000 euros ;
la fausseté du kilométrage n'est pas établie compte tenu du procès-verbal du contrôle technique du 2 mai 2019 ;
il n' y a pas d'incohérence à ce qu'un véhicule acheté 120 000 euros prenne de la valeur étant un véhicule de prestige et compte tenu du faible kilométrage ;
une plainte pour vol par effraction a été déposée. L'absence d'effraction n'est pas établie. Les auteurs se sont introduits dans le garage en atteignant les tôles en plexi situées sous le toit ;
le devis de réparation produit par l'assignante pour la Ferrari endommagée justifie d'un préjudice de 8 728,67 euros ;
la remorque a été retrouvée le 15 mars 2021. 1 800 euros sont prévus au contrat pour les frais de récupération des véhicules ;
Super Cars [Localité 3] a justifié avoir proposé à la location ses véhicules Ferrari au prix de 1 000 euros HT par jour. Le défaut d'indemnisation à ce titre depuis plus d'un an crée une perte d'exploitation. En revanche il n'est pas établi que son préjudice est de 70'% de 2 000 euros par semaine soit 112 000 euros. Il y a lieu de ramener la provision à 30 000 euros.
la police prévoit une indemnisation des vols à concurrence du capital de 150 000 euros et des pertes d'exploitation consécutives aux événements couverts.
Le juge a retenu une provision non sérieusement contestable à hauteur de 150 000 euros + 1 800 euros + 30 000 euros déduction faite des 1 575 euros de franchise.
Appel par déclaration électronique du conseil de la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne à l'encontre de l'entier dispositif.
L'affaire a été orientée à bref délai suivant les articles 905 à 905-2 du code de procédure civile et les plaidoiries ont été fixées au 24 janvier 2023 à 9 heures.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 septembre 2022, la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne demande à la Cour de':
Vu l'article 835 du Code de procédure civile et 1353 du code civil,
infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
fixer à la somme de 62 425 euros la provision qu'elle doit à la société Super Cars au titre de la garantie vol du véhicule immatriculé CP 363 QR ;
fixer à la somme de 1 800 euros la provision qu'elle doit à Super Cars au titre de la garantie des dommages au véhicule immatriculé AR 540 SA ;
juger qu'aucune somme ne peut être due à titre provisionnel au titre de la garantie pertes d'exploitation, le montant des pertes n'étant pas justifié et cette demande se heurtant à des contestations sérieuses.
En conséquence,
fixer à 64 225 euros le somme totale due à titre provisionnel tout montant excédant celui-ci se heurtant à des contestations sérieuses ;
rejeter toute demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamner la société Super Cars aux dépens dont «'sic'» distraction au profit de la Selarl Vital Durand & Associés sur son affirmation de droit.
La compagnie Groupama fait notamment valoir que :
la somme de 150 000 euros est le plafond contractuel d'indemnisation des vols. Le juge s'est fondé sur un rapport d'expertise. Or, il n'était pas contradictoire. Il ne s'agissait que d'un document interne destiné à provisionner le litige à venir dans sa totalité. Il s'agit de déterminer la somme maximale. Souvent l'indemnité versée est moindre. Creativ Expertiz lui a indiqué une somme maximale de 151 000 euros à provisionner pour la totalité du litige dépens inclus. Groupama se doit d'anticiper les frais annexes. Ce montant s'appliquait en outre aux deux véhicules avec une évaluation unique. Le rapport d'expert qui a évalué la valeur de la Ferrari volée l'a fixée à 80 000 euros HT en date du 22 mars 2021. Cette somme tient compte de son utilisation dans des courses, et de l'incohérence du kilométrage. Le document du contrôle technique par rapport à la facture de réparation n'est pas opérant car le contrôleur technique n'a pas pour but de vérifier le kilométrage. L'expert a évalué à 90 000 km le kilométrage de la voiture qui était prétendument mis en location chaque semaine, Cela fait une moyenne très raisonnable de 8 000 km /an. Il ne s'agit pas d'un calcul arbitraire. Il y a lieu de tenir compte de l'expertise précise, circonstanciée et individualisée.
sur l'évaluation concrète du véhicule volé, se fonder comme le juge l'a fait sur une proposition de vente est absurde alors qu'il n'y a pas eu d'offre d'achat. Il s'agit d'une appréciation discrétionnaire et unilatérale de la valeur du bien par le vendeur.
en outre le prix est exprimé TTC alors qu'en tant que professionnelle de l'automobile, la société est assujettie à la TVA de 20'%. Seul 80'% de sa valeur lui revient en cas de vente que le véhicule soit neuf ou non.
il est inconcevable qu'un véhicule prenne 30 000 euros en trois ans. Le kilométrage a augmenté durant ces trois ans et il était utilisé sur des circuits, ce qui accélère l'usure. Cette augmentation ne peut se justifier par les quelques travaux d'entretien classiques. (vidange, changement de pneu et plaquette)
sur les limites de la garantie en l'absence d'effraction : selon les conditions particulières en cas de vol sans effraction le sinistre est limité à 80'% de la valeur vénale': le juge n'a pas fait application de ladite clause. Or, rien n'établit l'effraction avec certitude. Un dépôt de plainte pour effraction n'est que déclaratif. Le fait qu'il n'y ait pas eu de plainte en dénonciation calomnieuse, faux et usage de faux n'est pas une preuve de l'effraction. Le véhicule n'a pas été forcé puisqu'il était installé sur une remorque qui attendait d'être tractée. Les voleurs n'avaient donc pas besoin des clefs du véhicule. Il n'y a pas eu effraction car ils n'ont eu qu'à tracter le support. La Cour ne peut retenir une pure supposition. L'effraction est vue comme un moyen, un procédé pour réaliser le vol et non comme un événement postérieur au sinistre.
la valeur est donc de 80'% de 80 000 euros, soit 64 000 euros, déduction faite de la franchise de 1 575 euros soit 62 425 euros.
sur le montant de 1 800 euros': il s'agit du plafond contractuel de l'indemnisation des frais de récupération de véhicule': la société consent à dire que la remorque n'est pas sa propriété. L'assurée pense que l'avoir déclarée au courtier suffit à la garantir. Le contrat ne garantit que les véhicules terrestres à moteur confiés à l'assuré en raison de ses fonctions. Une remorque n'est pas un VTM. La simple déclaration ne suffit pas à obtenir la garantie. Les 1 800 euros ne sont pas dus.
pour les frais de réparation : il ne peut être retenu un simple devis surtout lorsqu'il y a une différence avec le rapport d'expertise': pare brise, reprises des peintures des portes et du capot soit 43 66 euros HT et 5 239 euros TTC. Le devis est surfacturé. Il y a lieu de retenir un montant HT. La société commerciale récupérera la TVA. En outre il y a une franchise de 1 150 euros pour les automobiles endommagés. Le total ne peut être que de 3 216 euros.
pour la perte d'exploitation à 30 000 euros': le juge n'a rien justifié alors même que la somme de 112 000 euros réclamée a été qualifiée d'injustifiée. La somme a été fixée de manière aléatoire et hasardeuse. La perte d'exploitation est inchiffrable en l'état actuel. En tout état de cause, cela ne peut qu'être une somme provisionnelle bien moindre. La perte résultant de l'impossibilité de louer les deux Ferraris ne peut être chiffrée sur la base des seuls documents produits comme des factures incompréhensibles de 1 000 euros par jour et un bilan qui montre qu'elle réalise une marge brute de 70'% sans plus d'explication. La simple déclaration qu'elle les louait une fois par semaine est contredite par celle de Monsieur [I] aux enquêteurs qui a dit «'après on l'a mise en location mais cela nous coûtait'».
elle n'a fourni que six factures en 2019 et 0 en 2020. Le bilan montre une mauvaise santé financière. Son résultat d'exploitation en 2020 est de 1 874 euros. 30 000 euros représente16 fois son résultat d'exploitation. Elle n'a d'ailleurs jamais provisionné une somme de 70 000 euros pour les pertes d'exploitation. Le document n'est fait que pour provisionner le plafond maximal du litige.
les 3000 euros au titre de l'article 700 ne sont pas équitables. Il existe des doutes entourant l'affaire, ce qui justifiait de solliciter des documents.
Suivant ses dernières conclusions n°2 notifiées par RPVA le 9 janvier 2023, la société Super Cars [Localité 3] demande à la Cour de':
Vu les articles 444, 837 et 835 al 2 du Code de procédure civile et 1101, 1103 et 1104 du Code civil,
A titre principal,
infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne à lui payer 180 225 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 18 octobre 2021 avec capitalisation des intérêts,
confirmer l'ordonnance pour le surplus.
Statuant à nouveau,
juger qu'elle détient une créance non sérieusement contestable au titre de sa police d'assurance à hauteur de 248 604,88 euros à l'encontre de la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne,
juger que la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne a exécuté l'ordonnance,
condamner en conséquence la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne à lui verser à titre provisionnel le reliquat de 68 379,88 euros avec intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt et capitalisation des intérêts.
A titre subsidiaire,
confirmer l'ordonnance déférée.
En tout état de cause,
condamner la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne à lui payer 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
La société Super Cars [Localité 3] soutient notamment que':
le vol a bien eu lieu par effraction et elle est bien la propriétaire des deux véhicules Ferrari;
l'expertise de Groupama fait apparaître un montant de 151 000 euros pour la Ferrari volée. On doit l'indemniser de la valeur vénale. Ce document a valeur légale. La théorie du document interne doit être écartée. Cette somme lui est opposable. Il faut se placer à la date du sinistre pour déterminer la valeur vénale et donc l'indemnité d'assurance. Un mois avant, le véhicule a été mis en vente à 144 980 euros. Il existe d'autres estimations. Tous les indices concordent pour une somme de 150 000 euros ;
elle n'a pas daigné faire expertiser la remorque une fois retrouvée ;
elle a dû mettre en demeure son assureur. Groupama n'a pas jugé bon de comparaître à l'audience de référé. Après mise en délibéré elle s'est permise de solliciter la réouverture des débats. Elle a fait preuve de déloyauté depuis la déclaration du sinistre. Or, les contrats doivent s'exécuter de bonne foi. Elle a prétendu faussement qu'elle n'avait pas été informée de son changement de local, elle a refusé d'indemniser s'il n'était justifié de l'achat d'extincteur, ni de la sécurisation des locaux ;
il existe deux rapports d'expertise dont celui d'Auto Expertise de l'Ain qui évalue à 80 000 euros HT la valeur vénale soit 960 00 euros TTC au vu du kilométrage de 90 000 km et non de 26 800 km. La facture de 2015 n'a pas été obtenue de manière loyale. Ce kilométrage est contraire à d'autres éléments comme les factures de révision, le contrôle technique et l'annonce de mise en vente. Le contrôle technique est probant il est fait par des organismes agréés. La facture de 2015 peut être le document qui comporte une erreur. En tout état de cause les 90 000 km proviennent d'un calcul arbitraire sur la base d'une facture de 2015. Souvent ces véhicules sont peu utilisés.
l'évolution des prix de Ferrari': le marché des véhicules de luxe évolue à la hausse chaque année. En outre il y a eu des réparations.
sur l'effraction': les auteurs ont brisé les vitres du local. Il y a bien eu rupture ou forcement. Le dépôt de plainte est un vol par effraction. Le procès-verbal fait foi jusqu'à preuve du contraire. Groupama n'a pas déposé plainte pour faux et usage de faux. L'effraction a été constatée par les gendarmes intervenus sur place à cause du déclenchement de l'alarme. Il est évident que le véhicule a été forcé. La remorque a été abandonnée. Les deux clés ont été remises à l'expert. Ainsi, les clefs n'ont pas été volées. A minima elle lui doit 150 000 x 80'% donc 120 000 euros déduction faite de la franchise (1 575 euros)': 148 425 euros.
sur la remorque': elle a été déclarée et appartient au dirigeant. Elle a été confiée à l'assurée dans le cadre de ses fonctions. La remorque est un VTM au sens de l'article L 211-1 du Code des assurances. Les 1 800 euros sont dus.
sur la Ferrari endommagée': les dégâts ont été constatés. L'expert a estimé à 3 041,42 euros le coût des réparations mais il n'a tenu compte que du pare brise et non des peintures. Le moteur a également été endommagé. Son estimation à hauteur de 8 728,67 euros doit être retenue pour les dommages hors moteur outre 11 251,21 euros pour la partie électrique. En tout cela fait 19 979,88 euros. Ce préjudice est indemnisable à hauteur de la valeur vénale.
sur les pertes d'exploitation':'Groupama a provisionné la somme de 70 000 euros. Elle a été privée, du fait de l'inertie de Groupama, durant deux ans, des sommes qui lui auraient permis de racheter un véhicule pour l'exploiter. Il y a eu immobilisation de la seconde Ferrari pour l'expertise. Le patrimoine professionnel a été amputé de deux Ferrari. Ces deux véhicules étaient loués 1 000 euros chacun une fois par semaine soit 112 000 euros. Si on retient une marge brute de 70'% cela fait 78 400 euros.
elle rappelle qu'elle a subi la pandémie, ce qui l'a privée de deux véhicules et a amputé son chiffre d'affaires.
Pour l'exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l'audience du 24 janvier 2023 à 9 heures.
A l'audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l'affaire a été mise en délibéré au 1er mars 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «'constater'» ou «'dire et juger'» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Selon l'article 484 du Code de procédure civile, «'l'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires'».
Le juge des référés ne peut pas trancher des questions de fond. Il est le juge de l'évidence et de l'urgence. Statuant au provisoire, il ne peut prononcer des mesures définitives.
L'article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que':
« Le président peut (') dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »
Sur la demande de provision au titre de la garantie vol
La garantie vol de véhicule prévoit d'indemniser l'assuré de la valeur vénale sauf à déduire une franchise de 1 575 euros. Le vol sans effraction s'indemnise à hauteur de 80'% de la valeur vénale déduction faite de la franchise de 1 575 euros.
L'assureur n'a pas prévu de définition contractuelle de l'effraction.
En l'espèce, il ressort que si Groupama a sollicité de nombreux documents pour l'instruction du dossier, il n'est jamais apparu que la notion d'effraction avait été mise en doute dans ses échanges avec son assurée. La description de Monsieur [I] dans sa déposition aux services d'enquête des éléments de l'effraction est précise. Par ailleurs, il est constant et non contesté que les deux clefs du véhicules ont été rendues à l'expert d'assurance. Est également produite la preuve d'un signal d'alarme la nuit du vol à 00H15 (pièce 39). La contestation s'agissant de l'absence d'effraction n'est en conséquence pas sérieuse.
S'agissant de la valeur vénale du véhicule Ferrari modèle 458 immatriculé CP 363 QR, le relevé de sinistralité (pièce 11 de Super Cars [Localité 3]) est un document faisant mention d'une provision nette de 150 773,20 euros et d'un total de 151 000 euros. La seconde ligne n'est pas relative à la seconde Ferrari, s'agissant d'une immatriculation différente. Ainsi, ce document ne fait pas mention d'une valeur vénale. Il ne peut être exclu qu'il s'agisse d'un document interne fixant le montant total à provisionner pour l'ensemble du sinistre comme le soutient Groupama.
Il ne peut effectivement pas être tenu compte, comme l'a fait le premier juge, de la proposition de vente non accompagnée d'une option d'achat pour un montant de 144 000 euros s'agissant d'une pièce faite à soi-même pour juger d'une valeur vénale.
Le rapport d'expertise Creativ' en date du 22 mars 2021 fixe la valeur de remplacement à 80 000 euros HT.
En l'espèce, il ne ressort pas du rapport d'expertise la certitude que cette valeur à dire d'expert a été ou non pondérée par l'incohérence supposée du kilométrage. En tout état de cause, il ne peut être exclu que l'erreur de kilométrage ait pu être commise non pas au moment du contrôle technique mais dans la facture dont se prévaut Groupama, le kilométrage figurant sur le contrôle technique pouvant être une donnée relevée de manière parfaitement exacte par le technicien quand bien même cela ne serait pas sa mission première.
Les comparatifs de prix produits par la SARL Super Cars [Localité 3], notamment les pièces 48 et 48 ne comportent aucune indication sur l'origine des annonces ni sur les dates. Ces éléments ne sont ni suffisamment probants ni certains pour être retenus comme non sérieusement contestables. La pièce 57 correspondant au prix moyen d'une Ferrari 458 de 2010 pour un kilométrage moyen de 31 500 km sur Paru Vendu et qui fixe à 197 433 euros le prix moyen d'un véhicule similaire ne saurait être retenue pour la détermination du montant non sérieusement contestable de la valeur vénale du véhicule volé s'agissant d'une somme bien plus importante que celle indiquée sur la proposition de vente du véhicule en cause.
Au surplus, le juge des référés qui est le juge de l'évidence et de l'incontestable n'a pas le pouvoir juridictionnel pour se prononcer, par une analyse précise des diverses pièces produites, sur l'augmentation de valeur des véhicules de prestige au fils des années.
En définitive, la valeur non sérieusement contestable est celle fixée par la seule pièce technique produite relative au véhicule en cause à hauteur de 80 000 euros HT, la société Super Cars [Localité 3] récupérant la TVA. Cette somme devra être diminuée de la franchise de 1 575 euros.
En conséquence, au titre de la garantie vol avec effraction, l'obligation non sérieusement contestable de Groupama est de payer à son assurée la provision de 78 425 euros.
Pour la garantie au titre des frais de réparation
La seconde Ferrari a fait l'objet de dégradations. Dans sa plainte, Monsieur [I] avait uniquement décrit un pare brise cassé. Il avait également émis une réserve sur les peintures. Le rapport d'expertise du 6 mai 2021 a fait mention du pare brise et de travaux de peinture pour un montant de 4 366,27 euros HT, la TVA étant récupérée (pièce 11 de Groupama). Le devis unique produit par la SARL Super Cars [Localité 3] d'un montant très supérieur de 8 728, 67 euros (pièce 18) pour les dommages hors moteur n'est pas de nature à remettre en cause l'estimation technique par expert. Il ne peut pas non plus être tenu compte du devis établi plus de deux ans après les faits d'un montant de 11 251,21 euros pour la partie électrique, ces éléments ne figurant pas dans les dégâts déclarés dans la plainte ni au moment de l'expertise.
Doit être déduite la franchise de 1 150 euros pour les véhicules endommagés.
En conséquence, le montant non sérieusement contestable de la provision à allouer pour la garantie dommages à véhicule est de 3 216,27 euros.
La Cour réforme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a accordé une provision à hauteur de 8 728,67 euros et statuant à nouveau fixe le montant de la provision à allouer comme non sérieusement contestable à la somme de 3 216,27 euros.
Pour la garantie au titre des frais de remorquage
La somme de 1 800 euros est due de manière non sérieusement contestable à la suite de la découverte de la remorque volée. La remorque a été déclarée et est couverte par l'assurance même si elle appartient au dirigeant puisque l'assurance couvre les véhicules terrestres à moteur confiés à l'assurée en raison de ses fonctions. La remorque sert de manière incontestable à l'activité de la société. Selon l'article L 211-1 du Code des assurances, une remorque même non attelée est considérée comme un véhicule terrestre à moteur.
La Cour confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a fait droit à la demande de provision à hauteur de 1 800 euros.
Sur la garantie perte d'exploitation
La société Super Cars [Localité 3] a allégué qu'elle louait les deux véhicules Ferrari. Elle a soutenu que le retard dans l'indemnisation lui avait causé un préjudice car elle n'avait pas pu investir pour acheter un nouveau véhicule Ferrari ni réparer le second. Or, l'assurée n'a produit que six factures en 2019 entre mars et mai 2019 et 0 en 2020. Les véhicules ont été volés pour l'un et dégradé pour le second en août 2020. Il n'existe dès lors aucune preuve qu'au moment du sinistre ces véhicules continuaient d'être loués régulièrement, notamment pour le second semestre 2019 et le début de l'année 2020 avant le confinement. D'ailleurs, devant les services de gendarmerie, Monsieur [I] avait précisé que le véhicule volé était en vente et que la mise en location des véhicules coûtait cher.
Dans ces conditions, l'obligation à garantie de Groupama est sérieusement contestable et doit faire l'objet d'un débat devant le juge du fond.
La Cour infirme l'ordonnance déférée qui a fait droit à la demande de provision à hauteur de 30 000 euros et statuant à nouveau dit n'y avoir lieu à référé sur ce chef de demande de provision.
En définitive, la Cour dit que l'obligation non sérieusement contestable de Groupama envers la société Super Cars [Localité 3] est de payer la provision totale, en deniers ou quittances, d'un montant de 83 441,27 euros. La Cour prend acte que Groupama a déjà versé des sommes au titre de l'exécution provision qui seront déduites du solde éventuellement encore dû.
La Cour confirme que la somme porte intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 18 octobre 2021 avec capitalisation des intérêts par année entière.
Sur les demandes accessoires
Les parties succombant en certaines de leurs demandes essentielles, la Cour dit qu'elles doivent supporter leurs propres frais et dépens d'appel.
En revanche, la Cour confirme la condamnation de Groupama aux dépens de première instance, la demande de provision étant justifiée en son principe. En équité, la Cour confirme la condamnation de Groupama aux frais irrépétibles prononcée en première instance.
Ainsi, la Cour déboute tant la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne (Groupama) que la société SARL Super Cars [Localité 3] de leurs demandes accessoires.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme l'ordonnance déférée sur la condamnation de la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne (Groupama) à payer à la société SARL Super Cars [Localité 3] la somme provisionnelle de 1 800 euros au titre de la garantie des frais de remorquage, ainsi que sa condamnation sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance,
La réforme pour le surplus.
Statuant à nouveau,
Condamne la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne (Groupama) à payer à la société SARL Super Cars [Localité 3] la somme provisionnelle de 78 425 euros au titre de la garantie vol par effraction du véhicule Ferrari modèle 458 CP 363 QR,
Condamne la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne (Groupama) à payer à la société SARL Super Cars [Localité 3] la somme provisionnelle de 3 216,27 euros au titre de la garantie des frais de réparation du véhicule Ferrari immatriculé AR 540 SA,
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation provisionnelle formulée par la société SARL Super Cars [Localité 3] à l'encontre de la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne (Groupama) au titre de la garantie perte d'exploitation,
Dit que la condamnation à paiement des provisions d'un montant total de 83 441,27 euros de la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne (Groupama) est en deniers ou quittances,
Confirme que le montant total des provisions est assorti des intérêts légaux à compter de l'assignation du 18 octobre 2021 et que les intérêts sont capitalisés par années entières.
Y ajoutant,
Laisse à chaque partie le montant de ses frais irrépétibles d'appel et des dépens d'appel,
Déboute tant la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Rhône Alpes Auvergne (Groupama) que la société SARL Super Cars [Localité 3] de leurs demandes accessoires.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT